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Endométriose

Publié le 29 juin 2024Lecture 5 min

Endométriose : mécanismes de la douleur et prise en charge

Michèle DEKER, d’après un symposium, avec la participation du Dr Stéphane Ploteau (CHU de Nantes) et du Dr Amélie Levesque (CHU de Nantes)

La douleur est le symptôme cardinal de l’endométriose. Elle peut être aiguë ou chronique. Parfois, aucune anomalie n’est retrouvée au bilan paraclinique ou bien les anomalies retrouvées sont discordantes avec la plainte alléguée. Retour sur les mécanismes de la douleur et les perspectives de traitement.

Mécanismes de la douleur   La douleur débute en périphérie pour remonter via des relais médullaires qui modulent le passage de l’information nociceptive jusqu’au cortex. Ainsi, moins de 10 % des messages nociceptifs parviennent au cortex. Les filtres médullaires ont une importance primordiale mais peuvent être défaillants. S’ils fonctionnent bien, l’individu ressent une douleur proportionnelle à l’intensité du stimulus déclencheur. Le contrôle de la douleur fait appel à plusieurs mécanismes : – le gate control : la stimulation des afférences sensitives de la zone douloureuse bloque le passage de la douleur au niveau de la moelle, en activant un interneurone qui libère des endorphines (antagonistes de la substance P); – les contractions réflexes musculaires visent à immobiliser la zone douloureuse ; ce mécanisme ne joue plus son rôle lorsque les muscles sont figés ; – les voies inhibitrices descendantes activées par le cerveau libèrent des molécules (sérotonine, noradrénaline) visant à faire sécréter des endorphines par la moelle. La douleur chronique est, par définition, disproportionnée par rapport à la stimulation qui la génère en raison de la disparition des filtres, donc pathologique.   Douleur dysfonctionnelle   La douleur associée à l’endométriose est volontiers dysfonctionnelle, et ce, d’autant plus que le diagnostic est tardif. On identifie dans l’endométriose deux types de douleur : – la douleur par excès de nociception, aiguë, liée à la lésion et proportionnelle à son intensité ; elle est liée à l’irritation péritonéale et médiée par le système nerveux végétatif, d’où la survenue possible de manifestations vagales ; – la douleur par sensibilisation, qui apparaît avec le temps, est liée à l’épuisement des contrôles inhibiteurs descendants; un stimulus même modéré induit alors des douleurs diffuses beaucoup plus intenses et qui dépassent l’organe. L’absence de prise en charge initiale de la douleur explique sa pérennisation, les discordances anatomo-cliniques et les échecs de prise en charge chirurgicale. Il importe donc de rechercher, dans l’endométriose, un contexte de sensibilisation pelvienne caractérisé par des douleurs pelvi-périnéales chroniques, diffuses, depuis plus de 3 mois, parfois des années, réalisant des tableaux cliniques complexes, voire déroutants, rebelles aux propositions thérapeutiques (traitement progestatif ou à la GnRH) et disproportionnés (discordance anatomo-clinique). Cette sensibilisation permet d’expliquer la plupart des comorbidités associées à l’endométriose, qui toucheraient plus de la moitié des patientes : – au niveau pelvien : intestin irritable,syndromes douloureux de la vessie, douleurs vulvaires ; – en dehors du pelvis : fibromyalgie, migraine, douleurs articulaires. Cette sensibilisation est liée à la convergence médullaire des afférences d’organes. Un syndrome douloureux vésical est souvent associé à l’endométriose. Il se caractérise par une sensation de pression ou par un inconfort perçu en relation avec la vessie, accompagné d’envies pressantes et fortes d’uriner, de pollakiurie, sans anomalie vésicale. Il en est de même des symptômes du syndrome de l’intestin irritable, près de 3 fois plus fréquent chez les femmes endométriosiques. La sensibilisation est associée à un risque majoré d’échec du traitement de l’endométriose. Malgré leur fréquence, les douleurs projetées d’origine thoraco-lombaire sont peu connues. Il faut aller chercher les points gâchettes musculaires au niveau des fesses, de la paroi abdominale ou au toucher pelvien, une tension musculaire au niveau des muscles élévateurs de l’anus, des obturateurs internes, des muscles piriformes et des psoas – caractéristiques de douleurs myofasciales. Le syndrome rachis-pelvis-fesse-périnée traduit un conflit thoraco-lombaire qui induit des douleurs projetées au niveau de la fesse et du pelvis, responsable de réactions musculaires au niveau du piriforme et de l’obturateur interne, avec des irradiations neuropathiques. Il s’ensuit un cercle vicieux auto-entretenu, qui nécessite une prise en charge globale de la patiente. Dans l’endométriose, on distingue ainsi la douleur symptomatique liée à l’inflammation des lésions et la douleur maladie par sensibilisation. Un score de sensibilisation sur 10 points a été créé qui prend en compte, selon les sphères urinaires basse, digestive basse, cutanéo-muqueuse et musculaire, l’abaissement de seuils, la diffusion temporelle, la variabilité des symptômes et les syndromes associés (Score de Convergence PP – CPPS[1]).   Quel traitement pour les patientes ?   Des travaux ont montré l’intérêt, en termes d’évolution de la douleur, d’opérer les patientes ayant une lésion organique et une sensibilisation chronique, mais le traitement de la lésion organique ne suffit pas. Il faut faire appel à des traitements médicamenteux qui agissent en renforçant les molécules inhibitrices de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (duloxétine, venlafaxine, amitriptyline). Une activité physique adaptée est recommandée, de même que la kinésithérapie ou une médecine manuelle ostéopathique. Un pourcentage important de patientes avec endométriose soufre aussi de syndrome de stress post-traumatique qui mérite une prise en charge. L’électrostimulation transcutanée (TENS) active le gate control et permet la libération des endorphines. Les afférences nociceptives sont bloquées dès une fréquence de 15 Hz, et l’antalgie est d’autant plus importante que les fréquences sont élevées. La fréquence la plus employée dans la douleur est de 80 Hz. On peut aussi stimuler le nerf vague avec le TENS pour agir sur les composantes viscérales de la douleur (intestin, vessie, utérus). Dans le cadre des douleurs endométriosiques, les électrodes sont posées sur la zone douloureuse au niveau de l’hypogastre. D’autres sites sont intéressants : au niveau des lombaires basses et à la charnière thoraco-lombaire, lieu où les rameaux communicants vont permettre aux afférences végétatives de réintégrer la moelle. La neurostimulation transcutanée a d’abord fait la preuve de son efficacité sur les dysménorrhées primaires(2), puis sur les douleurs et dyspareunies en complément d’un traitement hormonal chez les patientes ayant une endométriose profonde(3). Une étude en cross-over a montré qu’un cycle de TENS appliqué en hypogastrique et/ou au niveau des lombaires basses a un effet antalgique (réduction de la proportion des douleurs intenses au profit des douleurs moyennes/modérées), et s’accompagne d’une épargne de la consommation d’antalgiques.   En conclusion   Les lésions d’endométriose ne sont pas l’unique cause du ressenti douloureux des patientes. Il importe de ne pas méconnaître les douleurs par sensibilisation, donc d’aller au-delà de l’approche d’organe traditionnelle et de rechercher les phénomènes de sensibilisation pelvienne. Cela permet de proposer une prise en charge globale, pluridisciplinaire en cas de sensibilisation associée. D’après un symposium organisé par la Fondation URGO, avec la participation du Dr Stéphane Ploteau (CHU de Nantes) et du Dr Amélie Levesque (CHU de Nantes).

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