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Cancérologie

Publié le 14 avr 2013Lecture 9 min

Cancer du sein : séquelles de la chimiothérapie adjuvante à long terme

D. COEFFIC, Clinique Hartmann, Neuilly-sur-Seine
Il serait tentant de prétendre que la chimiothérapie adjuvante du cancer du sein n’entraîne aucune séquelle sur le long terme. Ce préambule en forme de boutade traduit un problème complexe : il est difficile, à ce jour, d’isoler les symptômes imputables exclusivement à la chimiothérapie. Le traitement adjuvant comporte le plus souvent, en plus de la chirurgie et des conséquences psychologiques de l’annonce, la radiothérapie et l’hormonothérapie. Chacune de ces étapes est pourvoyeuse de symptômes sur le long terme. Il est donc difficile de démêler l’écheveau des responsabilités. Par ailleurs, la littérature scientifique est particulièrement pauvre sur ce sujet, et ce n’est certainement pas un hasard.
Cet article suivra donc une trame descriptive et survolera l’ensemble des symptômes sur le long terme, potentiellement imputables, à la chimiothérapie, sans trop se focaliser sur « l’épreuve de la preuve », basée sur les publications. On entendra par toxicité sur le long terme, et par convention, les toxicités qui surviennent à distance de la chimiothérapie adjuvante.   Principaux médicaments et protocole de chimiothérapie en 2012 Les produits les plus utilisés en 2012 restent les anthracyclines (doxorubicine ou épirubicine), responsables de toxicité cardiaque sur le long terme et dans une moindre mesure de leucémogenèse. Les alkylants, représentés par le cyclophosphamide sont encore utilisés et également responsables de leucémogenèse. Les taxanes, d’emploi plus récent (docétaxel, paclitaxel), se voient imputés une neurotoxicité périphérique, d’effets cutanés et d’effets métaboliques (déconditionnement musculaire). Le 5FU souvent incorporé dans les protocoles ne provoque pratiquement pas d’effets secondaires à court ou moyen terme. Le trastuzumab, seule thérapie ciblée autorisée pour le moment (anti-Her-2), est parfois responsable de toxicité cardiaque et de douleurs articulaires. Tous ces cytotoxiques sont utilisés au sein de protocoles d’association, soit de façon concomitante, soit en séquentiel. Le type de protocole ne modifie pas les toxicités attendues avec chaque drogue, il n’y a pas de vraie synergie, à une exception près, la cardiotoxicité en rapport avec l’association anthracyclines et trastuzumab. Les conséquences pour le choix du protocole en termes de tolérance sont en rapport avec la durée du protocole, qui aboutit à des effets cumulatifs. Elle peut varier de 12 à 24 semaines, selon les critères pronostiques de la tumeur et les habitudes du centre de soins. Le traitement par trastuzumab, administré chez les patientes Her-2 positives (10 à 20 % des tumeurs du sein) est maintenu pendant un an, entraînant des effets de « démobilisation » ou de « désocialisation » à prendre en compte dans les séquelles à long terme.   Chimiothérapie et sphère gynécologique La chimiothérapie est pourvoyeuse d’aménorrhée dans 90 % des cas, quel que soit l’âge de la patiente. C’est un effet recherché sur le plan thérapeutique, pour les tumeurs avec récepteurs hormonaux positifs. Cette aménorrhée est le plus souvent résolutive avant 35 ans ; au-delà, le risque d’irréversibilité augmente avec l’âge. L’aménorrhée est accompagnée du cortège symptomatique physiologique et psychologique habituel ; dans ce contexte, elle est une contreindication absolue à un traitement substitutif. Il ne s’agit pas d’une situation contraceptive ; de fait, il est souhaitable de proposer des moyens de contraceptions adéquats le temps du traitement. Le désir de grossesse ultérieur est un autre sujet d’interrogation. Généralement, on autorise une grossesse au-delà de 5 ans de recul. Ceci est logique dans les cancers hormonosensibles car l’hormonothérapie durera 5 ans, mais il n’y a pas de preuve scientifique pour les autres types de tumeur, si ce n’est la peur d’une récidive précoce dont la grossesse pourrait être un facteur de risque (pas de preuve formelle). À propos du désir de grossesse et de la préservation ovarienne, un certain nombre d’essais ont été réalisés avec les agonistes de la LHRH en concomitance de la chimiothérapie. Aucun n’a permis de montrer que les agonistes accélèrent la date du retour des règles ou diminuent le risque de ménopause. La chimiothérapie est parfois responsable de phénomène de sécheresse vaginale persistante et de dyspareunie, mais le plus souvent, ces symptômes s’intègrent dans le contexte d’une aménorrhée prolongée, ou alors d’un cortège symptomatique d’origine psychologique.   Chimiothérapie et leucémogenèse La chimiothérapie peut être responsable de cancérogenèse à long terme, exclusivement des maladies du sang, contrairement à la radiothérapie. Il s’agit d’un risque de leucémie aiguë ou de maladie myélodysplasique chronique. Les agents alkylants sont les plus impliqués. Le pic de survenue est de 3 et 7 ans. Avec les protocoles modernes, le risque relatif est modéré, de l’ordre de 1,2 à 1,3. Il augmente avec l’âge. En revanche, la radiothérapie n’a pas d’influence. Le pronostic reste réservé en raison de l’âge de survenue, qui représente une contre-indication relative à des traitements agressifs.   Chimiothérapie et qualité de vie Il est difficile d’évaluer la qualité de vie en rapport avec la chimiothérapie ; cela dépend du moment d’évaluation ainsi que du type de questionnaire. L’étude de F. Joly (JCO 2000) avait questionné des patientes à 1 an de la fin du traitement, comparativement à un groupe de patientes ayant eu un cancer du sein sans chimiothérapie. Il n’y avait pas de différence significative pour le questionnaire QLQC30 entre les deux groupes. Mais de nombreuses patientes attribuent subjectivement un certain nombre de symptômes à la chimiothérapie dans des études non comparatives, comme la fatigue, les insomnies ou les troubles sexuels. Ces symptômes entrent parfois dans le cadre d’un syndrome dépressif, n’ont plus de relation directe avec la chimiothérapie et nécessitent un suivi spécifique. Les troubles cognitifs sont plus faciles à évaluer. Les études de cohorte comparative de Brezden (JCO 2000) à 5 ans, avec un régime à base d’anthracyclines, et plus récemment de Koppelmans (JCO 2012), à 20 ans avec un régime CMF, montrent une baisse des performances cognitives affectant la rapidité d’idéation, la mémoire verbale ou la vitesse d’exécution psychomotrice. On retrouve également plus de syndrome dépressif dans la population traitée, entraînant finalement un biais dans l’interprétation des résultats.   Chimiothérapie et fonction cardiaque La chimiothérapie modifie la fonction cardiaque par plusieurs voies. Les anthracyclines altèrent les fibres cardiaques de façon irréversible, alors que le trastuzumab est responsable d’une sidération transitoire du muscle cardiaque. Le déconditionnement physique global dû à l’arrêt de l’activité physique le temps du traitement est un facteur de risque à ne pas négliger. On peut agir en prévention, en préconisant une reprise de l’activité physique prudente et progressive. La privation hormonale entraînée par les traitements est en elle-même un autre facteur. Le risque relatif de survenue d’une insuffisance ventriculaire gauche après un traitement par anthracyclines est de 1 % à 5 ans.   Quelques conseils et préconisations sur le long terme La surveillance d’une femme ayant présenté un cancer du sein est surtout clinique, même si elle s’accompagne de quelques examens paracliniques. • Certains signes doivent alerter. Une dyspnée de survenue progressive à l’effort doit faire l’objet d’un avis cardiologique, alors qu’une anomalie de la formule sanguine (taux inappropriés, inversion de formule, anémie non carentielle persistante, présence d’éléments sanguins anormaux) doit être soumise à l’avis d’un onco-hématologue. • Les signes neurologiques périphériques, dysesthésies et paresthésies persistantes, sont assez fréquents et imputables aux taxanes. Ils peuvent faire l’objet d’un avis neurologique et d’un électromyogramme, lorsque la symptomatologie apparaît à distance de la chimiothérapie, pour ne pas méconnaître une autre étiologie. Le pronostic de ces neuropathies est réservé, la récupération est lente et le plus souvent partielle. Il faut contrôler les cofacteurs, tel que le diabète, ou la prise d’alcool. • On voit souvent apparaître un cortège symptomatique, clinique et psychologique, associant manifestations fongiques (mucite, infection vaginale à répétition), myalgies et fatigue. On constate aussi des troubles de la vie sexuelle (dont l’hormonothérapie est coresponsable), et des difficultés dans la reprise de l’activité professionnelle. Il s’agit souvent d’une réaction dépressive réactionnelle, parfois en rapport avec une « non-résolution » psychologique des évènements liés au cancer du sein. Il faut alors faire appel à un suivi de type psychothérapie dans ces différentes formes. • On doit préconiser une alimentation équilibrée, selon les règles nutritionnelles habituelles, et combattre le surpoids, facteur de risque de récidive, par le biais de l’hyperinsulinisme. Une activité physique régulière sera conseillée, soit individuelle, soit dans le cadre d’un groupe, d’une association ou d’un « coaching » sportif. • Enfin, l’aspect esthétique, sur le long terme aussi, ne doit pas être négligé. Les lésions des ongles, imputables aux taxanes, pourront faire l’objet d’un avis dermatologique, ainsi que certains cas d’alopécie prolongée. La plupart des centres comportent au sein de leur équipe une « onco-esthéticienne » qui est capable de dispenser ses conseils dans la période de « l’après-cancer ». La réappropriation de l’image corporelle ne se limite pas à la période des traitements.   • La surveillance sur le long terme est essentiellement clinique. Toute symptomatologie inhabituelle doit faire l'objet d'un bilan attentif. • L'activité physique et l'équilibre alimentaire seront préconisés. • Il ne faut pas négliger l'aspect psychologique, émotionnel et esthétique pendant la surveillance.

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