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Publié le 13 nov 2023Lecture 6 min

Apport de l’échographie dans le diagnostic et le pronostic des insuffisances ovariennes prématurées - Quelles informations donner aux patientes ?

Inès ABDENNEBI, gynécologie médicale, service d’assistance médicale à la procréation, unité de gynécologie endocrinologique, AMP CHI de Créteil

L’insuffisance ovarienne prématurée ou précoce se caractérise par un dysfonctionnement primitif des ovaires se traduisant par un épuisement précoce des follicules ovariens avant l’âge de 40 ans. il s’agit d’une affection hétérogène qui affecte environ 1 % des femmes de moins de 40 ans, et 1 femme de moins de 30 ans sur 1 000.

Sur le plan clinique, l’insuffisance ovarienne prématurée ou précoce (IOP) se manifeste généralement par une aménorrhée secondaire, accompagnée de symptômes ressemblant à ceux de la ménopause physiologique. Biologiquement, l’insuffisance ovarienne précoce se manifeste par une diminution des taux d’œstrogènes associée à une augmentation des taux de gonadotrophines, la LH (hormone lutéinisante) et la FSH (hormone folliculostimulante), caractérisant ainsi un hypogonadisme hypergonadotrope. Les causes de l’IOP peuvent être variées, impliquant des mécanismes auto-immuns, toxiques, médicamenteux et génétiques. Il ne faut pas confondre IOP avec diminution de réserve ovarienne. En l’absence de normes et de seuils établis, il subsiste une difficulté de définition de la baisse de réserve ovarienne. Plusieurs « définitions » ont été proposées notamment dans le champ de la médecine de la reproduction, comme les critères de Bologne définissant les mauvaises répondeuses à une stimulation ovarienne, ou les groupes de Poséidon définissant les patientes à mauvais pronostic en AMP.   Apport de l’échographie   L’échographie pelvienne est un examen simple et largement accessible, permettant dans de nombreuses situations une première évaluation. Les insuffisances ovariennes prématurées se présentant souvent sous la forme d’une aménorrhée secondaire, l’échographie pelvienne permettra d’éliminer les principaux diagnostics différentiels que sont la grossesse ou une aménorrhée d’origine mécanique. L’échographie pelvienne permettra également une évaluation de l’imprégnation hormonale, notamment œstrogénique, par l’appré ciation de la trophicité utérine et de l’épaisseur endométriale. On étudiera également la réserve et l’activité ovarienne. Dans les IOP installées, on retrouvera ainsi des ovaires pauci ou afolliculaires, parfois cernés d’un halo hypoéchogène caractéristique de l’insuffisance ovarienne (figures 1 et 2). Figure 1. Aspect échographique dans l’IOP installée. Aspect échographique d’ovaire atrophique (15 x 6 mm), afolliculaire et présentant un halo hypoéchogène caractéristique chez une patiente jeune atteinte d’IOP. Figure 2. Aspect échographique d’utérus atrophique avec endomètre fin, témoin de la carence œstrogénique chez une patiente jeune atteinte d’IOP.   L’étude minutieuse des ovaires et le compte folliculaire permettront le diagnostic différentiel avec un hypogonadisme hypogonadotrope pouvant également se présenter cliniquement par avec une carence œstrogénique, mais en regard d’ovaires de richesse folliculaire généralement normale. Il faut cependant noter que, dans certains cas, un hypogonadisme profond et de longue durée peut entraîner une sous-estimation importante du compte des follicules antraux. L’échographie pelvienne permet donc d’orienter le diagnostic qui ne doit pas se passer d’un bilan hormonal complémentaire. Dans le cadre des réserves ovariennes basses, le compte échographique des follicules antraux permet d’évaluer la réserve ovarienne de manière complémentaire au bilan hormonal, et notamment au dosage de l’hormone anti-müllérienne. Lorsque la réserve ovarienne diminue, la fonction ovarienne est longtemps maintenue, mais des signes cliniques peuvent l’évoquer, comme le raccourcissement des cycles qui deviennent inférieurs à 28 jours. La visualisation en échographie d’un comptage des follicules antraux (CFA) bas pour l’âge, ou d’un follicule sélectionné, voire dominant, tôt dans le cycle, sont autant d’éléments évoquant une baisse de la réserve ovarienne. Il est à noter cependant que la réserve ovarienne n’est pas prédictive des chances de grossesse spontanée. La publication de Steiner et coll. sur une cohorte de 981 femmes de 30 à 44 ans montre que les biomarqueurs (AMH et FSH) indiquant une réserve ovarienne diminuée par rapport à une réserve ovarienne normale ne sont pas associés à une réduction de la fertilité(1). Il faut donc rester prudents lors de l’interprétation d’une diminution échographique du nombre de follicules antraux, et ne pas évoquer une infertilité sur ce seul critère.   Le traitement de l’insuffisance ovarienne prématurée passe notamment par la prescription d’un traitement hormonal substitutif (HS), notamment à base d’œstrogènes dont le rôle est primordial dans la protection cardiovasculaire et osseuse de ces patientes. L’échographie pelvienne est un bon moyen d’apprécier la compliance au THS par l’évaluation de la trophicité utérine (dimensions utérines) et de l’épaisseur endométriale. L’échographie permet également le diagnostic et le suivi de kystes ovariens fonctionnels, plus fréquents chez les femmes atteintes d’IOP du fait de la dysovulation. Le diagnostic d’insuffisance ovarienne, même s’il peut être fortement soupçonné par une échographie seule, devra systématiquement être complété par un dosage des gonadotrophines, et en particulier de la FSH et de l’estradiol (tableau).   Pronostic reproductif chez les femmes atteintes d’IOP   L’insuffisance ovarienne prématurée s’accompagne généralement d’une infertilité liée à l’épuisement précoce de la réserve folliculaire, et donc à une anovulation ainsi qu’à un risque très élevé de non-réponse à une stimulation ovarienne. Cependant, nous savons aujourd’hui que chez certaines femmes atteintes d’IOP des périodes de « reviviscence ovarienne » correspondant à une reprise spontanée et temporaire d’activité ovarienne peuvent survenir, de manière intermittente et imprévisible. On constate ainsi une ovulation chez 11 à 46 % des patientes IOP soumises à des dosages hormonaux hebdomadaires. Par ailleurs, on constate une conception spontanée dans 3 à 10 % des cas après le diagnostic d’IOP(2). L’équipe de la Pitié-Salpêtrière a publié en 2017 une étude portant sur l’une des plus grandes séries de femmes atteintes d’IOP (n = 357) et a ainsi déterminé que, chez ces patientes, les paramètres échographiques (surface ovarienne > 2 cm2 ou présence de follicules antraux restants) étaient significativement prédictifs d’une reprise d’activité ovarienne(2). Par ailleurs, au-delà de ses effets cardiovasculaires et osseux, le traitement hormonal substitutif est également prescrit pour ses effets sur la trophicité utérine et endométriale, notamment en vue d’un don d’ovocytes. Cependant, il est intéressant de noter que chez les femmes atteintes d’IOP concevant spontanément, les grossesses surviennent fréquemment chez les femmes sans THS(2).   Quelles informations donner aux patientes ?   Le moment de l’échographie gynécologique est souvent un moment d’intimité et de vulnérabilité pour les patientes. Les diagnostics gynécologiques, notamment les questions tou chant à la fertilité future, peuvent être extrêmement sensibles et personnels, et avoir un impact profond sur la vie de la patiente. Par conséquent, l’échographiste devra faire preuve d’une grande délicatesse au moment de l’annonce des résultats, en restant factuel et en proposant de com pléter l’examen par un bilan hormonal adéquat. L’annonce de l’IOP ne devra être faite qu’après confirmation biologique, et au cours d’une consultation dédiée en utilisant des mots soigneusement choisis. Il est préférable de ne pas parler de ménopause précoce, car une activité ovarienne persiste chez certaines patientes et parce que ce terme peut être perçu brutalement par de jeunes patientes. L’annonce du diagnostic doit s’accompagner d’explications claires et honnêtes sur le pronostic, notamment reproductif. Il doit prendre en compte le projet parental de la patiente, et permettre une orientation adaptée vers la préservation de fertilité, si cela est encore envisageable, ou vers le don d’ovocytes. Aussi, il faut souligner la nécessité de contraception pour les patientes qui ne souhaitent pas de grossesse. La proposition d’un bilan étiologique est nécessaire pour envisager un dépistage familial et une prise en charge adaptée chez les apparentées, le cas échéant.   En conclusion   L’échographie est donc un examen central dans le diagnostic des insuffisances ovariennes prématurées, mais elle ne doit pas se substituer à un bilan hormonal complet et à un diagnostic étiologique. Elle reste un examen de choix pour le conseil sur les possibilités reproductives et le suivi du traitement hormonal substitutif. La découverte d’une réserve ovarienne basse ne doit pas être confondue avec la mise en évidence d’une IOP. L’annonce doit rester délicate, lors d’un moment dédié, préférentiellement en dehors de la consultation d’échographie qui reste un examen appréhendé par les patientes.

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