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Accouchement

Publié le 09 avr 2023Lecture 5 min

Difficultés, vécu et pistes d’amélioration du déclenchement

Caroline GUIGNOT, Lille

L’augmentation du recours au déclenchement, favorisée par l’étude américaine ARRIVE, demande pour l’heure mesure et précaution. Le vécu de la patiente et la participation de celle-ci à la prise de décision restent importants à considérer.

Comment expliquer la hausse du recours au déclenchement décrite par l’enquête nationale périnatale 2021 (25,8 % des accouchements versus 22,0 % en 2016), alors que le déclenchement est reconnu comme un facteur augmentant la durée du travail et le risque de stress posttraumatique lorsqu’il a lieu pour indication médicale ? Il est probable que les résultats de l’étude américaine ARRIVE parus en 2018 aient joué un rôle déterminant : cet essai randomisé réunissant plus de 6 000 femmes nullipares à faible risque avait comparé la morbi-mortalité néonatale (score composite, crit.re principal) et le taux de césarienne (critère secondaire) entre celles qui avaient eu un déclenchement du travail à 39 semaines d’aménorrhée (SA) plus 5 jours et celles qui avaient eu une gestion expectative après la fin de la 38e SA. ARRIVE avait échoué à montrer un réel bénéfice pour l’enfant mais avait montré un taux de recours à la césarienne inférieur dans le groupe déclenchement (18,6 vs 22,2 %, p < 0,001), en contrepartie d’une durée de travail plus longue (20 heures vs 14 heures). Outre-Atlantique, ces résultats ont favorisé un changement des pratiques. Il semble pourtant prématuré d’en envisager une transposition immédiate dans les pratiques françaises : en effet, le profil des patientes américaines incluses dans cette étude (âge moyen 23-24 ans, près de la moitié d’origine afro-américaine ou hispanique, IMC médian 30 kg/m.) n’est pas comparable au profil moyen des femmes françaises nullipares. Par ailleurs, l’organisation des soins et les modalités d’accompagnement du travail et de l’accouchement sont différentes. Les données de l’étude French ARRIVE, actuellement conduite en France, sont très attendues pour décider de la potentielle transposition de ces résultats dans le contexte national.   Un mauvais vécu Une étude menée auprès de la cohorte prospective française MEDIP de 2015 a bien décrit le vécu du déclenchement chez près de 1 500 femmes : elles étaient 20 % chez les multipares et 30 % chez les nullipares à se déclarer insatisfaites du déroulement de leur accouchement, deux mois après celui-ci. Elles évoquaient souvent l’inconfort vaginal ou les douleurs ressenties, le sentiment d’avoir manqué d’information, de ne pas avoir été assez bien impliquées dans la prise de décision. Elles avaient aussi eu le sentiment que le travail ne s’était pas déroulé comme elles s’y attendaient, et qu’il avait été long. D’autres études internationales montrent par ailleurs la persistance de ce mauvais vécu dix ans après l’accouchement. En routine clinique, un auto-questionnaire en 15 items – EXIT – a été développé par des chercheurs australiens afin d’objectiver le degré de satisfaction des femmes vis-à-vis du déclenchement au décours de l’accouchement. En 2022, il a été traduit en français et validé. Le site Estaing du CHU de Clermont-Ferrand l’a utilisé dans le cadre d’une étude observationnelle prospective menée chez des femmes ayant eu un déclenchement avec maturation du col pour une grossesse singleton. L’équipe investigatrice a complété ses enseignements par la remise d’un carnet horodaté visant à recueillir les moments de repas, de sommeil, de déambulation, de vomissements et de douleurs en temps réel du déclenchement. Ses résultats montrent que les nullipares (versus multipares) et que les femmes ayant été induites pour rupture prématurée de membranes (versus les autres) ont un plus mauvais vécu des contractions. Celles ayant reçu de la dinoprostone vaginale (versus misoprostol per os ou ballonnet) ont également eu un moins bon vécu des contractions, sont restées plus inconfortables et ont eu des douleurs plus prolongées que les autres. Celles qui avaient eu la satisfaction la plus défavorable étaient les femmes jeunes (qui dormaient moins et déambulaient plus souvent) et celles ayant eu de la dinoprostone vaginale. Evaluer l’expérience des femmes lors du déclenchement, les informer et les inclure dans les décisions médicales depuis le début du déclenchement jusqu’à la délivrance apparaissent donc comme des éléments utiles et nécessaires pour réfléchir aux pratiques du service et améliorer la bientraitance de ces femmes.   Efficacité et maturation cervicale Il est clairement établi que l’efficacité du déclenchement dépend de la maturation cervicale initiale. Le score de Bishop reste le critère le plus performant pour évaluer si le col est ou non favorable. A noter toutefois que si la publication initiale parle de col défavorable pour un score égal ou inférieur à 6 et de score favorable au-dessus de 8, les recommandations de la Haute Autorité de santé sur le déclenchement retiennent la valeur de 7 pour définir un col défavorable. Le score de Bishop modifié le restreint aux seuls critères véritablement objectifs : dilatation, longueur, position de la tête, avec un col retenu comme favorable pour les scores supérieurs à 5. Comme celui dont il est issu, le score de Bishop modifié présente une limite : il n’inclue pas la parité, qui est pourtant décrite comme un facteur majeur et indépendant de la maturité cervicale. La littérature ne permet pas d’identifier une méthode supérieure à une autre en cas de col défavorable. La durée d’obtention d’un col mûr après un déclenchement est un élément important à définir : il faut schématiquement attendre au moins 12 heures avant de parler d’échec. Renouveler la méthode de maturation peut aider à obtenir un score favorable avant d’envisager l’ocytocine, ce qui pourrait réduire le risque de césarienne. Dans tous les cas, il est très difficile de transposer les résultats des études cliniques de la littérature dans sa propre pratique, chaque équipe ayant une approche de ces situations qui lui est propre. Aussi, les patientes doivent être impliquées dans le choix du produit utilisé avant le déclenchement.        

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