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Sexologie

Publié le 06 fév 2013Lecture 4 min

À quoi servent les fantasmes ?

P. BRENOT, Psychiatre, Directeur des enseignements de Sexologie et Sexualité Humaine à l’université Paris Descartes
S’il est une question qui n’est pas médicale, c’est bien celle des fantasmes. Quel médecin la pose habituellement à ses patient(e)s ? Or, c’est un élément essentiel de l’entretien du désir et de la dynamique sexuelle. Les fantasmes témoignent de la vitalité de notre imaginaire, ils constituent un réservoir du désir pour le sexe et, plus largement, pour l’énergie vitale, la  libido. La pudeur et la réserve nous font les maintenir au  secret de nous-mêmes, et c’est bien naturel. Tout au plus peuvent-ils être évoqués ou partagés avec le conjoint, mais cela ne doit rien avoir de systématique. Les magazines féminins ont trop souvent la velléité de vouloir les étaler en public et de demander à chacun de les partager, voire de les réaliser. Pourquoi pas, mais rien d’obligatoire. Les fantasmes sont un réservoir personnel d’énergie qui n’est pas forcément destiné à être réalisé. Dans ma grande enquête sur les couples*, les hommes sont plus nombreux à déclarer avoir des fantasmes (83 % contre 74 % des femmes). En revanche, leurs fantasmes sont beaucoup  moins utilisés pour initier l’excitation. C’est dire qu’ils sont plus utiles aux femmes. Cette asymétrie est encore certainement la marque d’une inhibition féminine à vivre, penser et accepter un imaginaire fantasmatique pourtant nécessaire à la vie intime.   L’amour à plusieurs Les fantasmes de nombre sont de très loin majoritaires, tant chez les hommes que chez les femmes, certainement pour l’excitation que suscite cette évocation. On peut rappeler que la première fonction des grandes fêtes orgiaques de l’Antiquité était d’exciter les partenaires pour solliciter les accouplements fécondants et qu’en milieu naturel, les grands rassemblements  nuptiaux, par exemple chez les oiseaux, n’ont pas d’autres fonction. La multiplicité des coïts est en tous points excitante, tant par le caractère communicatif des comportements, que par les  stimulations visuelles, olfactives, et peut-être même hormonales, qu’ils dégagent. Il est vraisemblable que les boîtes échangistes  sont stimulantes pour les  mêmes raisons, comme autrefois  les « bordels ». Les fantasmes féminins sont cependant plus réservés, car le sexe imaginé est d’abord avec une femme (lesbianisme), certainement  moins coupable qu’avec un homme, puis avec d’autres partenaires dont le  conjoint, toujours pour moins de culpabilité : « Faire l'amour à  plusieurs, scènes de partouze...  mais avec mon mari ! L'amour dans un endroit insolite et que  quelqu'un nous surprenne. Quatre ou cinq hommes me caressant  tout le corps avec leur  bouche et leurs mains, mais pas de pénétration. Que mon mari me prenne sauvagement à m'en  faire mal. Qu'il m'attache et  fasse comme il a envie. Qu’il me fasse l'amour sur son lieu de  travail… ». C’est ensuite le désir de lieux étranges, inhabituels : « Faire l'amour dans des lieux  publics, dans la nature, dans un champ de coquelicots, dans le métro, le bus, sous un porche dans la rue, sauvagement sur la  table de la salle à manger, seuls sur une île déserte… ». Et, de façon plus romantique : « dans une chambre remplie de pétales de fleurs odorantes, dans une montgolfière, dans un train couchette, en été les fenêtres ouvertes, rideaux tirés ou des  persiennes qui laissent passer les rayons du soleil… ».   Soumission-domination  Ce qui domine ensuite ce sont les fantasmes de soumission, de domination, mais en général sans désir de réalisation véritable si ce n’est sur un mode soft, ce que précise bien le dernier témoignage : « j’aimerais être dominée, fortement, violemment, subir un rapport forcé, voire un viol, être  prise par surprise, être attachée  pendant l'amour... être  avec un bad boy qui me fait  découvrir des plaisirs et me soumet à sa volonté, mais soumission  « soft » (yeux bandés, éventuellement attachée avec la possibilité de me délier, mais  pas plus), avoir des rapports  non consentis, vigoureux, bondage, multipénétration, soumission à plusieurs hommes, presque des viols où je ne peux me défendre, me sentir « prise » de toutes parts, des  fantasmes que je ne souhaite pas réaliser dans la réalité, mais qui m'excitent beaucoup  pendant l'amour… ». La fonction du fantasme est exactement celle qui vient  d’être évoquée, être un réservoir de désir, pour permettre l’entretien et l’amplification de l’excitation, ce que savent parfaitement faire les femmes épanouies avec elles-mêmes, ce que n’osent pas, ou ne  savent pas, faire celles qui sont en difficulté sexuelle, celles qui présentent notamment un trouble du désir. C’est ce qui ne leur a jamais été appris, car nous n’avons jamais été habitués à parler des fantasmes.   

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