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Imagerie

Publié le 10 juin 2022Lecture 3 min

Une masse angoissante pour la patiente et tous ses médecins

Cécile FARGES, Stéphanie COHEN-ZARADE, radiologues, Paris

Une patiente de 33 ans consulte son gynécologue en urgence pour l’apparition récente d’une masse de plus de 7 cm très douloureuse du sein gauche. elle n’a pas d’antécédent mammaire personnel ou familial, est mère de 3 enfants qu'elle a récemment allaités de manière prolongée.

A la palpation, la masse est dure, fixée, inquiétante. Il n’y a pas de signe inflammatoire cutané. Le gynécologue l’adresse en urgence pour imagerie. Compte tenu de l’âge, une échographie est d’abord réalisée. En regard de la masse nettement palpable, l’aspect échographique est surprenant (figure 1). Figure 1. Échographie, issu glandulaire inflammatoire sans masse. On ne trouve pas de masse tissulaire mais plutôt un tissu glandulaire hyper-échogène hétérogène mal limité. La zone est très richement vascularisée et très dure en élastographie (figure 2). Figure 2. Élastographie, lésion très dure, 168 kPa, en faveur de la malignité. Il y a aussi juste derrière le mamelon des ectasies remplies de liquide épais, sans vascularisation pariétale ou interne. On note des adénomégalies axillaires homolatérales conservant un hile graisseux et une forme régulière, d’allure hyperplasique inflammatoire. Une mammographie complémentaire est réalisée qui confirme l’impression échographique : pas de masse nettement identifiable mais une surdensité glandulaire, contenant de la graisse, mal limitée, sans distorsion ni microcalcification. Le bilan sénologique est classé ACR 4. Au total, il y a discordance entre une masse cliniquement volumineuse, inquiétante et douloureuse, et une imagerie qui visualise plutôt un tissu glandulaire inflammatoire, chez une patiente très jeune. On va donc réaliser une micro-biopsie sous échographie en urgence puis une IRM complémentaire. Après la biopsie, la patiente décrit une augmentation des douleurs et de l’inflammation locale. L’IRM est inquiétante : masse de 10 cm, mal limitée, entourée d’inflammation mammaire et d’œdème cutané et aréolaire (figure 3). Figure 3. IRM, séquence T2 sans graisse, inflammation majeure du sein gauche, en blanc. Persistance de graisse au sein de la masse, comme en mammographie. Le rehaussement est annulaire, précoce, intense, avec wash-out, suspect. Coefficient ADC discrètement abaissé, peu significatif. On retrouve également les adénomégalies homolatérales d’allure hyperplastique. L’IRM est classée ACR 5 (figure 4 a et b). Figures 4a et 4b. IRM, séquence T1 sans graisse après injection de gadolinium, axial (4a ) et sagital (4b). Masse fortement rehaussée hétérogène mal limitée. Ectasies rétro-aréolaires à parois épaisses. La biopsie retrouve une mastite granulomateuse, sans aucune infiltration tumorale. Une autre biopsie chirurgicale est réalisée par la suite ; les cultures bactériennes sont négatives. La mastite granulomateuse est une affection mammaire très rare, bénigne mais très douloureuse, récidivante, invalidante, avec une forte morbidité compte tenu des délabrements mammaires importants engendrés. En effet, les lésions évoluent vers une atteinte inflammatoire cutanée, des collections aseptiques, une fistulisation, des déformations, des cicatrices. Il s’agit d’un processus immunologique particulièrement inflammatoire. Parmi ces mastites granulomateuses, certaines sont infectieuses, à mycobactéries ou corynébactéries. Les autres sont auto-immunes : il faudra rechercher une maladie de Crohn, des vascularites (polyangéite microscopique, Churg et Strauss, maladie à IgG4), une sarcoïdose, une connectivite (lupus, PR, Sjögren). Après avoir éliminé ces étiologies, la mastite granulomateuse est dite idiopathique. Elle concerne des femmes jeunes autour de 35 ans, volontiers originaires du bassin méditerranéen, avec des allaitements prolongés récents. Le traitement doit être anti-inflammatoire et antalgique, et surtout conservateur. Les gestes chirurgicaux en dehors de la biopsie diagnostique initiale risquent d’aggraver la maladie. Les antibiotiques n’ont pas d’efficacité. La mastite peut régresser spontanément après une évolution de 5 mois en moyenne. Les corticoïdes et une immuno-suppression par méthotrexate permettraient une amélioration des formes graves ou persistantes. Conclusion La mastite granulomateuse fait partie du groupe mal connu des mastopathies auto-immunes. L’imagerie est inquiétante, en faveur d’une origine tumorale. Une fois le diagnostic confirmé, il semble important d’éviter tout geste chirurgical malgré la présence de collections. Une pathologie auto-immune sous-jacente doit être recherchée. Le traitement doit rester anti-inflammatoire, voire immunosuppresseur.

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