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Contraception

Publié le 28 avr 2022Lecture 6 min

Acné et pilule

Sophie CATTEAU-JONARD*, Estelle BROUX**, *Université de Lille, CHU de Lille, service de gynécologie médicale, orthogénie, sexologie, **Service d’assistance médicale à la procréation, centre hospitalier de Calais

La Société française de dermatologie (SFD) a publié des recommandations, confirmées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, concernant la prise en charge de l’acné chez une patiente ayant besoin d’une contraception. Il est souhaitable de privilégier, lorsque c’est possible, l’utilisation d’une contraception estroprogestative qui diminue la production et l’effet des androgènes. Certaines de ces pilules, parmi celles de 3e génération, disposent d’ailleurs de la double indication : acné et contraception.

Acné et androgènes L’acné toucherait 9,4 % de la population avec 85 % des adolescents atteints, 64 % des 20-30 ans et même 43 % des 30-40 ans. Il s’agit donc d’une pathologie fréquente, qui existe bien au-delà de la période de l’adolescence. On distingue des lésions non inflammatoires (points noirs ou comédons ouverts, et points blancs ou comédons fermés ou microkystes) et des lésions inflammatoires qui correspondent à l’inflammation des points blancs à cause d’une bactérie (Propionibacterium acnes). Ces lésions deviennent alors des papules (non purulentes), des pustules (purulentes) ou encore des nodules (kystes de plus grande taille, généralement douloureux et ancrés profondément dans la peau). L’acné est présente dans les zones riches en follicules pilosébacés sensibles aux androgènes. Les androgènes entraînent alors une hypertrophie de la glande sébacée et le fonctionnement de ces follicules s’altère : la sécrétion de sébum (dont la fonction est de protéger la peau) devient excessive et la synthèse de la kératine dysfonctionne. Acné et contraception estroprogestative En cas d’acné, une contraception antigonadotrope est idéale puisque, en freinant la LH hypophysaire, elle diminue la synthèse d’androgènes ovariens et aide à corriger les symptômes d’hyper-androgénie. De plus, l’éthinylestradiol présent dans les contraceptions estroprogestatives augmente la synthèse hépatique de la sex hormone binding-globulin (SHBG) et diminue ainsi la fraction libre, donc active, des androgènes qui se trouvent « piégés » par la SHBG. Ainsi, chez l’adolescente et chez la femme présentant une acné, et en l’absence des contre-indications usuelles, le contraceptif de première intention reste la pilule estroprogestative(1) inhibant le fonctionnement ovarien et diminuant l’effet des androgènes(2). Cependant, il n’est pas démontré d’effet bénéfique à long terme d’une suppression gonadotrope prolongée. En 2015, la SFD a publié des recommandations concernant la prise en charge de l’acné chez une patiente ayant besoin d’une contraception(3). Celles-ci ont été confirmées par les recommandations du CNGOF de 2018(4). Ainsi, en première intention, il faudra prescrire : une pilule estro-progestative avec du lévonorgestrel (progestatif de 2e génération) et une faible dose d’estrogènes (20 ou 30 μg). En deuxième intention, il est recommandé d’utiliser une pilule estroprogestative contenant du norgestimate (Triafemi®), progestatif de 3e génération mais assimilé à ceux de 2e génération sur le plan du risque thrombo-embolique et ayant l’AMM en contraception chez la femme ayant une acné légère à modérée. D’ailleurs, depuis décembre 2013, l’ANSM laisse la possibilité de prescrire en première intention ces pilules au norgestimate. Enfin, en dernière intention, si l’acné persiste malgré un traitement dermatologique bien conduit, on pourra envisager la prescription d’une pilule estroprogestative contenant un progestatif de 3e génération non androgénique comme le gestodène, le désogestrel (Desobel®) ou le norgestimate, ou un progestatif anti-androgénique comme l’acétate de chlormadinone (Belara®), le diénogest (Misolfa®, ayant la double AMM contraception et traitement de l’acné modérée, Qlaira®) ou la drospirénone (Jasmine®, Jasminelle®)(5). Cependant, la réelle supériorité de ces progestatifs non ou antiandrogéniques par rapport aux autres progestatifs sur l’hyperandrogénie clinique reste à démontrer. En 2018, l’étude de Barrionuevo et coll.(6) a montré une efficacité des pilules estroprogestatives dans l’hirsutisme chez la femme. Cependant, il n’a pas été retrouvé de différences d’efficacité entre les estroprogestatifs contenant de l’acétate de cyprotérone, du lévonorgestrel, du désogestrel ou de la drospirénone. De même, l’étude d’Amiri et coll. en 2019(7) a montré une efficacité similaire des pilules estroprogestatives contenant des progestatifs peu androgéniques ou antiandrogéniques comparativement au lévonorgestrel sur les symptômes cliniques de l’hyperandrogénie après 3 à 6 mois de traitements. Seule la pilule contenant de la drospirénone semble faire mieux que celle au lévonorgestrel sur l’acné après 6 mois de traitement. Cependant, il y avait des différences significatives concernant les taux d’androgènes. En effet, les patientes utilisatrices de contraceptions estroprogestatives avec des progestatifs peu ou antiandrogéniques présentaient une élévation de la SHBG et une diminution du taux d’androgènes libres par rapport à celles avec du lévonorgestrel(7). Les contraceptions estroprogestatives contenant un progestatif non ou antiandrogénique entraînent une réduction de l’hyperandrogénie biologique de 40 à 60 %(8). Même si Triafemi® et Misolfa® possèdent la double AMM (contraception, acné légère et modérée), les études comparatives des autres contraceptions estroprogestatives manquent concernant leur efficacité sur l’acné. En effet, même si l’étude de Redmond et coll. en 1997(9) avait prouvé l’efficacité de la pilule Triafemi® versus placebo, la métaanalyse d’Arowojulu et coll. de 2012(10) a montré qu’il y avait peu de différences en termes d’efficacité entre les pilules, notamment en raison du caractère très hétérogène des études disponibles. En effet, certaines associations estroprogestatives contiennent une dose d’éthinylestradiol plus importante et d’autres, des progestatifs avec des propriétés antiandrogéniques. Enfin, il est à noter que Diane 35® et ses génériques n’ont pas l’AMM en contraception mais seulement en traitement de l’acné. Enfin, il convient de parler du prix de ces contraceptifs. Seuls ceux 2e génération sont remboursés. Certains existent cependant en version générique, ce qui diminue les coûts. Signalons en particulier le générique de Fémi® (dont le progestatif est le norgestimate, donc pouvant être prescrit en première intention). Il s’agit de Naravela® dont le prix modique (attention aux variations entre pharmacies...) est compris entre 2 et 3 euros par mois. Les mutuelles proposent de plus en plus de « forfaits contraception » permettant ainsi aux patientes d’être remboursées au moins en partie. Enfin, la contraception devrait bientôt être entièrement remboursée par la Sécurité sociale jusqu’aux 25 ans de la patiente. Et la contraception progestative ? En cas de contre-indication à l’éthinylestradiol, les contraceptions microprogestatives sont plutôt déconseillées pour le traitement de l’acné, car elles risquent d’aggraver les symptômes. Slinda® est une nouvelle pilule progestative seule à base de drospirénone (4 mg). Malgré l’action anti-androgénique de la drospirénone, il n’est pas du tout certain que l’effet sur l’acné soit notable. En effet, la diminution des taux de LH est faible et semble similaire à celle de la contraception au désogestrel. De plus, l’absence d’éthinylestradiol ne permet pas l’élévation de la SHBG. Les macroprogestatifs à type de prégnanes (ou norprégnanes) peuvent éventuellement être prescrits. Utilisés à dose suffisante 20 jours par mois, ils sont antigonadotropes et contraceptifs bien que n’ayant pas l’AMM en contraception. L’acétate de chlormadinone présente quelques effets antiandrogéniques dans des études in vitro uniquement(5). Certaines de ces molécules sont impliquées dans la survenue de méningiomes, et leur prescription nécessite maintenant un certain nombre de précautions. Autres contraceptions Le dispositif intra-utérin n’est pas contre-indiqué. Celui au cuivre n’aura aucun effet sur l’acné. Le DIU au lévonorgestrel entraîne parfois une exacerbation de l’acné. Les résultats sur l’acné des contraceptions avec estrogènes naturels doivent encore être évalués. De fait, l’effet des estrogènes naturels sur la SHBG est très faible, ce qui supprime ce mécanisme d’action contre l’hyperandrogénie. Parmi les antiandrogènes, l’acétate de cyprotérone (Androcur®) n’a plus sa place dans l’arsenal thérapeutique de l’acné puisque son indication (hirsutisme majeur d’origine non tumorale lorsqu’il retentit gravement sur la vie psychoaffective et sociale) doit être maintenant bien respectée. La spironolactone peut éventuellement être proposée, mais elle n’a aucune action contraceptive et a même des effets tératogènes...

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