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Obstétrique

Publié le 07 fév 2022Lecture 8 min

Modalités d’accouchement et vécus de femmes souffrant de vaginisme

Alison PASSIEUX, Représentante des usagers et coprésidente de l’AFAR (membre du CIANE)
Modalités d’accouchement et vécus de femmes souffrant de vaginisme

Le vaginisme est associé selon les études à un pronostic obstétrical très défavorable et peut être un motif de césarienne programmée. afin d’évaluer les besoins et anticipations identifiés chez les femmes concernées par le vaginisme et envisageant une grossesse, et de connaître les modalités d’accouchement et le vécu en post-partum des femmes ayant déjà accouché avec un vaginisme identifié, un questionnaire a été diffusé auprès des adhérentes de l'association Les Clés de Vénus.

La proposition d'une communication sur la césarienne sur demande maternelle est arrivée peu de temps après la consultation des résultats d’une étude publiée en 2019 concernant le pronostic obstétrical des femmes atteintes de vaginisme primaire incluant 19 femmes(1). Les résultas de l'étude faisaient état d'une proportion élevée d'accouchements dystociques et d’une morbidité périnéale conséquente pour les patientes. Un accouchement s’était soldé par forceps sous anesthésie générale pour « patiente agitée ». Le comparatif entre groupe témoin et groupe test ne permettait pas de mettre en avant les bénéfices d’un accompagnement par un sexologue durant la grossesse. L'étude nous est apparue incomplète dans la mesure où elle n’évaluait pas les suites pour les patientes en post-partum (soins, kinésithérapie, bien-être maternel, etc.). L’étude ne permettait pas de connaître l’avis des principales intéressées concernant leur accouchement, le respect de leurs besoins ou les conséquences de ce vécu. On pouvait ainsi se poser la question de la place qu’occupait la demande de césarienne pour les femmes souffrant de vaginisme, ou des besoins qu’elles identifiaient elles-mêmes afin de mener à bien un accouchement par voie basse. Afin de connaître l’avis de femmes souffrant de vaginisme sur l’accouchement, deux questionnaires d’une dizaine d’items ont été élaborés, l’un pour les femmes nullipares, l’autre pour les femmes ayant accouché. Ils ont été diffusés en ligne par l’association Les Clés de Vénus, association spécialisée dans l’information du grand public et le soutien de patientes concernées par le vaginisme et les dyspareunies. Les réponses se sont échelonnées sur plus de deux mois (4 mars-15 mai 2020). Au total, 15 nullipares et 12 primipares ou multipares ont été interrogées, soit un effectif de 27 personnes. Femmes nullipares souffrant de vaginisme, une anticipation prononcée de la douleur Le questionnaire proposait différents types d’accompagnement pour bien appréhender l’accouchement, dont un suivi par un sexologue pendant la grossesse, approche qui était proposée dans l’étude sur le pronostic obstétrical. La réponse qui semble la plus rassurante concerne le désir d’une relation privilégiée et de confiance, notamment pour le jour de l’accouchement (6 femmes sont en faveur d’un suivi global pendant la grossesse, l’accouchement et le post-partum ; 4 souhaitaient connaître préalablement les soignants présents le jour de l’accouchement), suivie par des cours de préparation à l’accouchement personnalisés (2/15) et un suivi par un sexologue (2/15). Une femme s’est prononcée en faveur du cumul de ces approches. Deux questions ouvertes visaient à connaître les appréhensions des patientes concernant l’accouchement lui-même et le post-partum. • Pour l’accouchement La douleur (9/15) est le premier motif de crainte; suivie par les examens intrusifs durant le travail : «Les soignants qui rentrent leur main en entier, la difficulté à maîtriser ce que je peux ressentir avec la douleur, notamment les TV » ; viennent ensuite la relation avec les soignants (4/15) et la peur de déchirures importantes (4/15). Une femme n’exprimait aucune appréhension particulière, et une autre femme exprimait une crainte extrême concernant l’accouchement : « Peur de mal faire, que le bébé meurt ou moi-même. » • Concernant le post-partum La douleur occupe aussi une part importante dans les réponses (10/15), suivie par les conséquences physiques et psychologiques de l’accouchement : «Être abîmée après l’accouchement/D’avoir un corps méconnaissable/Avoir encore mal au quotidien après l’accouchement/Retour en force d’un vaginisme presque soigné, des dyspareunies/Les fuites-incontinences/Traumatisme physique et psychique/Conséquences psychologiques et physiques. » Trois femmes n’expriment pas de peurs spécifiques. • Concernant les modalités d’accouchement La très grande majorité des femmes souhaitait bénéficier d’une péridurale (13/15), et un tiers désirait une péridurale très dosée pour ne rien sentir. Un autre tiers voulait avoir une péridurale équilibrée permettant de ne pas avoir mal, mais de ressentir des sensations. Deux femmes souhaitaient une péridurale faiblement dosée ; 2 autres femmes ne souhaitaient pas de péridurale et n’exprimaient pas d’appréhension vis-à-vis de la voie basse (douleur ou autre) et étaient plutôt dans l’anticipation des douleurs en post-partum ; 11 femmes envisagent d’accoucher par voie basse, 4 femmes par césarienne programmée, soit 26 %. La demande de césarienne semble faible chez les femmes nullipares interrogées présentant un trouble sexuel important lié à la pénétration. Leur choix majoritaire est de s’orienter vers un accouchement par voie basse, qu’elles associent à de la douleur et à de nombreux examens physiques, sources d’appréhensions comme nous avons pu le constater. Une femme a émis le souhait d’avoir des témoignages de femmes souffrant de vaginisme et ayant accouché afin d’être rassurée, et a souligné l’importance d’être suivie durant la grossesse par des professionnels formés à ce trouble. Impact du premier accouchement Sur 12 réponses, 9 femmes ont eu un accouchement par voie basse (6 voies basses spontanées avec déchirures ou épisiotomies, 2 ventouses, 1 forceps), les 3 autres par césariennes en urgence. Aucune femme n’a accouché par césarienne programmée. Une femme a eu un périnée intact pour un accouchement prématuré. Toutes ont bénéficié d’une anesthésie péridurale. Mais les résultats concernant son efficacité sont mitigés : 5 femmes ont eu des difficultés (bloc-moteur, insensibilité totale ou efficacité partielle). La majorité des femmes étaient satisfaites du soutien dont elles avaient bénéficié lors de leur accouchement (10/12). Le questionnaire se focalisait ensuite sur les conséquences physiques et psychologiques de ces accouchements. Les réponses étaient riches et détaillées (tableau) ; 2 femmes témoignaient de suites positives ; 1 femme exprimait des douleurs transitoires. Toutes les autres femmes (9/12), soit 75 %, témoignaient de conséquences plus ou moins longues globalement mal vécues. Dans les conséquences psychologiques, on note un témoignage positif : « Une sensation de victoire, d’avoir dépassé une phobie. Une grande émotion qui m’a longtemps permis de regagner confiance ». Pour le reste des répondantes, les conséquences se partagent entre : sentiment d’échec vis-à-vis du vaginisme : « J’espérais accoucher par voie basse pour guérir de mon vaginisme. Mais j’ai dû subir une césarienne en urgence [...] J’ai vécu cette césarienne comme un échec, car j’ai beaucoup travaillé en amont avec une sage-femme pour faciliter les examens gynécologiques. J’ai fait une dépression du post-partum ». « Déception et deuil de mon accouchement physiologique. J’étais prête à supporter les douleurs d’une naissance physiologique, pas les nombreux TV sur col postérieur pendant les contractions, colère»; douleurs ou régression de la pathologie : « Je n’ose pas réessayer les rapports/Frein dans mon combat contre le vaginisme, car trop brutal/Désastreux ! Pendant les 10 ans qui ont suivi »  signes de dépression ou traumatiques : « J’ai mis plus de 2 ans à me remettre de cet accouchement. Aujourd’hui encore il reste des traces de cet accouchement même si j’arrive à en parler un peu plus librement ». « Beaucoup de peurs, car cordon autour du cou et une sage-femme me disant de pousser et une gynécologue disant l’inverse. Cauchemars à la suite de l’accouchement» renoncement à une autre grossesse : « [suites] difficiles, et à cause de ça, je ne pense pas avoir de deuxième enfant. » La seule femme qui devait bénéficier d’une césarienne programmée avec son gynécologue a exprimé son angoisse lors de sa mise en travail spontané, inenvisagée : « Pour moi, il était absolument inenvisageable d’accoucher par voie basse. J’ai eu la chance de trouver un obstétricien compréhensif dès le début, qui a accepté de programmer une césarienne, n’a jamais tenté de me dissuader et a évité les examens intrusifs inutiles, car tout se passait bien. [...] Je regrette un peu un manque d’information quant aux contractions de travail [...] Sur le moment, je n’ai pas compris que c’était ça, je pensais souffrir d’une crise de colopathie très douloureuse comme cela m’était déjà arrivé dans le passé. J’ai donc tardé à aller à la maternité, ce qui m’a causé pas mal d’angoisse quand l’obstétricien de garde a commencé à dire qu’il ne pourrait peut-être pas faire une césarienne si le bébé était trop bas... Je pense avoir eu de la chance, car une amie au courant de mon vaginisme était de garde aux urgences maternité ce jour-là et c’est elle qui a convaincu le médecin de pratiquer la césarienne. » La satisfaction des femmes était très mitigée concernant le déroulement de leur accouchement (4 femmes satisfaites), l’insatisfaction étant associée aux complications médicales et plus rarement aux mauvaises interactions avec le personnel soignant, pour un accouchement prématuré, et un autre accouchement avec une expression abdominale et des lésions périnéales conséquentes. Deux femmes ont évoqué le manque de formation concernant le suivi d’une femme souffrant de vaginisme : « En revanche, la sage-femme [...] a lourdement insisté, à deux reprises, pour faire des examens et même un frottis. J’ai refusé, avec l’envie de lui demander ce qu’elle ne comprenait pas dans le mot “vaginisme”. Du coup, j’ai fini par ne plus aller la voir et faire le reste du suivi à l’hôpital. » « Le vaginisme est très peu connu. J’ai dû consulter en urgence à 3 mois de grossesse ; le gynécologue urgentiste ainsi que sa consœur ont été d’une brutalité avec moi inouïe. J’étais très angoissée, car je ressentais des contractions et étant donné mon vaginisme il me fallait beaucoup de temps pour vérifier le col, les médecins m’ont fait part de remarques déplacées et très vexantes. J’en suis traumatisée jusqu’à maintenant. On note un témoignage faisant état de progrès personnels sur une longue période : « Après ces 10 années, j’ai appris grâce à des exercices de relaxation à ouvrir consciemment “la porte” afin de ne plus ressentir de douleur à la pénétration et ne plus retenir l’urine (jusqu’à 24 h régulièrement) et j’ai pu regarder en face la cicatrice. Ça change la vie et ça a tout changé pour mon dernier bébé (même avec déchirure aux fourches) dont j’ai piloté seule la venue au monde. Je n’ai, aujourd’hui, plus aucune difficulté. » 

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