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Actualité

Publié le 16 déc 2021Lecture 8 min

Infections urinaires post-coïtales : un fléau au quotidien

Michèle DEKER, Paris

Les infections urinaires basses de la femme représentent l’un des motifs de consultation les plus fréquents. L’appareil urinaire est ainsi le deuxième site en fréquence concerné par les infections (4 à 6 millions par an en France). Les infections urinaires touchent majoritairement les femmes et l'appareil urinaire bas. Environ 20 % des cystites récidivent.

Schématiquement, on distingue trois profils de patientes sujettes aux cystites : les infections urinaires de la femme jeune, dans la majorité des cas cystites post-coïtales, véritables primum movens de l’infection urinaire de la femme, qui récidiveront sur le même mode post-coïtal ou indépendamment du coït, d’autant que la patiente avance en âge, et qui seront de plus en plus favorisées par la sécheresse vaginale, l’atonie vésicale liée à la carence hormonale, un prolapsus vésical infraclinique responsable d’une vidange incomplète de la vessie ; celles liées à la présence d’un « facteur compliquant », terme qui regroupe tous les troubles urodynamiques générant un obstacle mictionnel qu’il soit fonctionnel (hypertonie sphinctérienne, par exemple) ou anatomique (cystocèle, sténose méatique, etc.) ; et indépendamment des infections urinaires iatrogéniques (sondage) qui les font basculer dans le nosocomial. Première cystite post-coïtale : primum movens des récidives Les infections urinaires post-coïtales surviennent dans les suites immédiates d’un rapport sexuel. Les symptômes sont classiques : brûlures urinaires, pollakiurie, douleurs suspubiennes, hématurie terminale sans caractère de gravité ; parfois, la symptomatologie est dissociée avec des douleurs pelviennes sans signes urinaires. Il n’y a ni fièvre ni douleurs lombaires. Ces troubles urinaires affectent la qualité de vie des femmes. En particulier, ils altèrent notablement la vie sexuelle en cas de récidive, d’autant qu’il persiste souvent un doute au sein des couples avec des soupçons d’infidélité. Or, il ne s’agit pas d’une infection sexuellement transmissible. Le lien, conscient ou inconscient, entre la survenue de la cystite et le rapport sexuel peut engendrer une baisse du désir, un refus des rapports, une absence de plaisir, des dyspareunies orificielles, etc. Une autre caractéristique des cysites post-coïtales est leur fréquente survenue au début de la vie sexuelle, d’où leur ancienne dénominaion de « syndrome de la nuit de noces», et lors des changements de partenaires. Cete association pourrait s’expliquer par l’intensité des rapports sexuels et par l’importance de la lubrification, l’uilisation de lubrifiants et de gels contraceptifs. Mécanismes des cystites post-coïtales Une des condiions nécessaires au développement d’une infection urinaire est l’adhésion des germes à l’épithélium urinaire. L’anatomie féminine favorise la survenue des infections : l’urètre est court et rectiligne, long d’environ 4 cm, alors qu’il mesure 16 cm et qu’il est coudé chez l’homme. La vidange urinaire favorise, certes, l’élimination des germes urinaires après les rapports sexuels. Toutefois, pendant le rapport sexuel, le méat subit une légère invagination ; il a tendance à s’ouvrir et l’urètre, à se raccourcir. À ces deux phénomènes s’ajoute celui d’effet pompe, créé par le va-et-vient de la verge, qui facilite la propulsion d’air d’origine vaginal vers la vessie favorisant l’ascension des germes. La voie principale des infections urinaires est ascendante depuis le périnée, lequel abrite de manière constante et normale des germes, le plus souvent des colibacilles uropathogènes (UPEC). Des anomalies du biotope vaginal, un excès d’hygiène, voire des anomalies immunologiques pourraient aussi être incriminées dans la survenue des cysites. Les récidives, après une première infection urinaire post-coïtale, vont se faire soit sur le mode post-coïtal, soit indépendamment des rapports sexuels. La première cysite post-coïtale est néanmoins le primum movens de l’infection urinaire, d’où l’intérêt de corriger ce « booster » pour réduire les infections urinaires itératives et améliorer leur prise en charge. D’autres facteurs favorisants sont connus tels que des antécédents maternels d’infection urinaire ou une diurèse insuffisante. Avec l’âge, des conditions urodynamiques entraînant un résidu post-micionnel favorisent le développement des germes tels que la cystocèle, l’hypertonie sphinctérienne, la sténose de l’urètre et la vaginite atrophique. Quelle prise en charge ? La cysite simple est une maladie non compliquée, sans risque d’insuffisance rénale chronique, et qui ne nécessite pas d’explorations complémentaires. En revanche, son impact fonctionnel est majeur. La bactériurie asymptomatique ou colonisation bactérienne en est une séquelle fréquente, le plus souvent sans incidence clinique, hormis en cas de grossesse et/ou de geste chirurgical ou diagnostic invasif. Il faut éviter que l’urine stagne dans la vessie, ce qui favorise la prolifération des germes, boire beaucoup pour uriner souvent et vider systématiquement la vessie après les rapports sexuels pour éviter la stagnation des urines. La surveillance des urines par des bandelettes nitrates/nitrites permet de détecter une cystite débutante et pauci-symptomatique. Les objectifs du traitement sont de soulager la femme de ce fardeau, d’éviter la répéition des épisodes sans avoir recours à la prise itérative, voire régulière, d’antibiotiques qui favorisent l’émergence de résistances. A contrario, en cas de cysite établie avec une charge bactérienne élevée, seule l’antibiothérapie est indiquée, et les autres traitements non antibiotiques seront insuffisants. En cas de traitement probabiliste, deux antibiotiques sont conseillés : fos-fomycine trométamol en dose unique et pivmecillinam qui a retrouvé sa pleine acivité. Il faut toujours penser aux effets secondaires sur l’écosystème, donc prescrire un minimum d’antibiotiques. La prophylaxie de la récidive fait appel aux solutions non antibiotiques. Les antibiotiques n’ont pas d’indication dans cette situation pour éviter les antibiorésistances et les complications liées à certains produits. L’usage de la nitrofurantoïne au long cours, à titre préventif, est impliqué dans la survenue de fibroses pulmonaires et hépatiques ; celle des fluoroquinolones augmente les résistances. Prévention des récidives : qu’espérer des produits non antibiotiques ? Les colibacilles entéropathogènes représentent de loin la principale bactérie responsable des infections urinaires communautaires. Elles possèdent à leur surface des pili/fimbriae de type P et 1, impliqués dans l’adhésion des bactéries aux parois urinaires, indispensables à l’initiation de l’infection. Elles disposent aussi de protéases et de toxines, qui leur permettent de pénétrer dans l’uroépithélium où elles trouvent les éléments indispensables à leur survie, notamment du fer, absent des urines. Les bactéries possèdent ainsi des récepteurs de sidérophores leur permettant de capter le fer. Les bactéries uropathogènes sont aussi capables d’adhérer à certains types de surfaces en s’agrégeant à des composants présents dans les urines ; des appendices, tels les curli présents à leur surface, favorisent la formation de biofilm. Les bactéries uropathogènes sont aussi capables de modifier leurs caractérisiques morphologiques pour échapper aux défenses immunitaires de la vessie. Le facteur le plus important dont disposent les bactéries pour se répandre et se muliplier dans le système urinaire de l’hôte est l’adhésion bactérienne. Certains actifs présents dans les plantes sont capables d’agir sur les facteurs de virulence des bactéries uropathogènes, en particulier l’orthosiphon, le D-mannose et la canneberge. L’orthosiphon (Orthosiphon stamineus Benth) est une plante provenant d’Asie du Sud-Est (Indonésie, Malaisie) tradiionnellement consommée sous la forme d’infusion (« thé de Java »). Ses tiges et ses feuilles contiennent de nombreux métabolites secondaires, notamment des acides phénoliques, flavonoïdes dont des flavones polyméthoxylées dont la sinenséine. Ses propriétés sont intéressantes : inhibition de l’adhésion bactérienne via la régulation négative des adhésines bactériennes présentes aux extrémités des curli (Sarshar et coll., 2017 ; Beydokhi et coll., 2019 ; Deipen- brock et coll., 2019 ; Deipenbrock, 2021), privation en fer via l’inhibiion du système d’acquisition du fer par la bactérie, effet diurétique grâce aux flavones polyméthoxylées, action anti-inflammatoire. Quelques études ont évalué l’orthosiphon associé à d’autres ingrédients, et une étude pilote a démontré les propriétés antiadhésives de la molécule utilisée seule chez 20 volontaires sains (Delpen-brock et coll., 2021). L’orthosiphon bénéficie d’une monographie de l’EMA (European Medicines Agency). Le D-mannose, épimère du glucose, est présent à l’état naturel dans les plantes et les micro-organismes et excrété par voie urinaire sous forme inchangée après administration per os. Il inhibe l’adhésion bactérienne à l’épithélium urinaire (Terlizzi et coll., 2017) en se fixant aux extrémités des pili/fimbriae de type 1. De nombreuses études cliniques ont été réalisées chez l’homme, et ont fait l’objet de deux métaanalyses récentes (Lenger et coll., 2020 ; Kyriakides et 2020). Elles montrent que ce produit est très bien toléré, efficace vs placebo en prévention des infections urinaires récidivantes, aussi efficace que les antibiotiques à visée préventive ; il diminue l’incidence des inconforts urinaires, allonge la période entre deux épisodes et améliore les symptômes et la qualité de vie. Il fait partie des méthodes de prévention des infections urinaires mentionnées par l’European Associaion of Urology (EAU). La canneberge, fruit tradiionnellement uilisé par les populations amérindiennes, très riche en antioxydants (flavonoïdes, anthocyanines), inhibe l’adhésion bactérienne à l’épithélium urinaire (Terlizzi et coll., 2017 ; Foo et coll., 2000) : les proanthocyanidines (PAC) se fixent sur les pili de type P plus spécifiquement. Cet effet est probablement additif et synergique avec d’autres composants présents dans la canneberge, d’où l’intérêt d’utiliser le totum du fruit de canneberge. Les données cliniques sont cependant hétérogènes et contradictoires en raison du manque de consensus sur la dose recommandée. Une revue Cochrane ayant évalué 24 études sur la canneberge conclut néanmoins à une tendance à la diminution des épisodes de cystite. La canneberge est également mentionnée par l’EAU et par la SPILF (Société de pathologie infecieuse de langue française) et fait l’objet d’une monographie de l'EMA. Ces trois actifs agissent sur l’adhésion bactérienne, qui est le facteur de virulence le plus important des bactéries uropathogènes. L’orthosiphon possède en outre des effets adjuvants, diurétiques et anti-inflammatoires. D’après un webinaire du laboratoire CCD avec la participation du Dr Christian Jamin, du Pr Henry Boto et d’Isabelle Beauquin

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