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Tribune

Publié le 08 oct 2021Lecture 7 min

Demande maternelle de césarienne - Le point de vue des usagers

Association Césarine
Le point de vue des usagers

Le projet d’une naissance par césarienne sur demande maternelle peut s’avérer clivant, tant au sein de la communauté scientifique que dans la vision promue par la société de la femme et de la naissance. L’associaion Césarine accompagne les femmes confrontées à la naissance par césarienne et s’est donné pour mission de porter leur voix, en plus de ses missions d’information et d’écoute.

Y a-t-il une typologie et des pistes de compréhension dans la demande des femmes qui évoquent une césarienne ? Quelles sont les caractérisiques de ces souhaits et comment apporter attention et bienveillance à ces demandes ?

Nous éclaircirons tout d’abord cette demande telle qu’elle est perçue par Césarine, pour ensuite approfondir certaines pistes de réflexion sur la notion de décision.

Quelle est la demande de la femme ? Tout d'abord, il  convient de noter que la démarche de demander une césarienne pour la naissance de son enfant, même au sein d’une association spécialisée sur le sujet, demeure une démarche excessivement minoritaire qui ne saurait justifier le taux trop important de césariennes par rapport aux recommandations sur le territoire français. De plus, pour avoir recueilli le témoignage de femmes ayant fait le choix d’une naissance par césarienne, nous choisissons d’uiliser le terme "césarienne sur demande maternelle" en portant une attention particulière au vocabulaire employé. Par exemple, le terme souvent utilisé de "césarienne de convenance" apparaît comme jugeant pour la femme et ne reflète pas les difficultés qu’elle rencontre, laissant même transparaître une image dénaturée et futile des processus décisionnels des femmes concernées. Nous avons noté deux typologies de demandes de césarienne au sein de l’association. Tout d’abord, des demandes de césariennes énoncées face à une peur de l’accouchement par voie basse. Une fois ces peurs posées, il apparaît primordial d’informer pleinement les femmes sur ce qu’est une naissance par césarienne et sur ses conséquences, en tâchant de leur fournir une information la plus neutre et la moins orientée possible, ainsi que de leur proposer un cheminement autour de ces peurs. Les femmes peuvent alors envisager d’autres scénarios pour la naissance que la césarienne comme recours unique. Par exemple, le fait de découvrir, une fois enceintes, certaines pratiques standard dans les maternités a été relevé comme pouvant être source d’inquiétude chez certaines femmes. Ainsi, le dialogue entre la femme et ses soignants permet au fur et à mesure à la femme de se projeter dans la naissance de son enfant, et, lorsque les conditions de naissance ne lui conviennent pas, il apparaît constructif de l’inviter à formuler celles qui lui permettraient de vivre une naissance satisfaisante, et non plus subie. La seconde typologie de demande de césarienne rencontrée concerne des femmes davantage informées sur la naissance par césarienne, qui souhaitent parfois une césarienne avant même d’être enceintes, qui ont accordé une longue réflexion au sujet en amont et connaissent déjà les avantages d’une voie basse. Bien souvent, ces femmes se tournent vers l’association dans une situation d’angoisse et de désespoir, faute de trouver écoute et respect de la part de l’équipe soignante qui les suit, alors que le besoin de ces femmes se trouve minimisé, reporté (" on en parlera plus tard "), ou dévalorisé. Lorsqu’elles font appel à l’association, ces femmes sont souvent dans un état d’angoisse et de stress, en recherche d’écoute et surtout d’une équipe qui saura les accompagner dans leur projet. Cette déterminaion illustre l’importance du sujet aux yeux des femmes et l’angoisse ressentie. Le sens de cette demande a toujours lieu dans un contexte, plus ou moins verbalisé par la femme à ses soignants, de traumatismes antérieurs. Dans ces traumatismes, la part des femmes ayant vécu des abus sexuels est élevée. S’imaginer donner naissance avec plusieurs équipes qui se relaient, parfois dans l’immobilité liée à la péridurale, l’éventualité de recours à des instruments, représente autant de points non exhausifs rappelant trop aux femmes ces traumatismes. Nous rencontrons également des femmes portant des traumatismes familiaux liés à la naissance, parfois allant jusqu’à la perte d’un proche. Pour ces demandes, dont il semble primordial de noter la persévérance malgré les difficultés rencontrées par ces femmes pour faire entendre leur demande, l’angoisse ressentie tout au long de la grossesse à l’idée de devoir vivre un accouchement par voie basse, la culpabilité ressentie en sachant les conséquences sur elles et leur enfant, il devient alors évident pour l’association que ces raisons représentent une indication médicale réelle et incontestable de césarienne. Cette raison n’est pas physique et n’est pas à l’initiative du corps médical, mais elle demeure pour autant entendable, valable, justifiable. Dans cette optique, Césarine suggère qu’au sein de chaque maternité et/ou des instances obstétricales et des groupes de travail, un protocole soit établi afin d’accompagner au mieux ce besoin des femmes, dans le parcours qui leur est propre, pour vivre une grossesse, une naissance et des débuts avec leur enfant de la manière la plus positive et satisfaisante possible. Du côté des soignants, nous interrogeons les sociétés savantes afin de leur demander de revoir leur terme d’indication médicale, afin que la demande de la femme, une fois que celle-ci est informée et persiste dans sa décision, soit une indication médicale à part entière pleinement reconnue. Il ne s'agit pas ici de défendre un point de vue allant vers davantage de césariennes, car ces demandes représentent moins de 1 % des femmes qui se tournent vers notre association, mais bien de leur permettre de vivre leur grossesse sereinement sans la menace de devoir revivre des situations douloureuses. Nous attirons également l’attention des soignants sur le fait que les femmes ne partagent pas forcément ces vécus traumatiques avec les équipes qui les suivent : le suivi de grossesse actuel permet-il, dans le temps qui lui est accordé et avec des interlocuteurs parfois variés, de se sentir suffisamment en confiance pour livrer ce vécu ? Accorder le temps et les moyens nécessaires à l’écoute de la demande de la femme ; Envisager des propositions et accompagnements spécifiques. Césarienne subie, césarienne réussie ? Il semble indispensable que l’association Césarine évoque également les demandes des femmes allant vers une césarienne alors que ces dernières ont été influencées. Lors d’une macrosomie, d’une présentation en siège, de grossesse gémellaire, d’une précédente naissance par césarienne, d’un dépassement de terme ou d’autres configurations n’empêchant pas formellement une voie basse, les usagères peuvent entendre qu’elles sont autorisées à tenter une voie basse avec des restrictions drastiques, une attitude des soignants dirigiste, voire alarmiste. Quelle femme souhaiterait une voie basse en étant informée d’avance du côté extrêmement dangereux, de l’obligation d’une péridurale, d’une épisiotomie systématique, de la présence de nombreuses personnes pour scruter l’entrejambe, d’un climat anxiogène, tout en lui rappelant qu’elle est décisionnaire ? Ainsi présenté, il est compréhensible que la femme s’oriente vers une césarienne, mais cela ne relève pas véritablement de son propre processus décisionnel. Nous alertons sur cette déformation de la réalité, car elle demeure bien le fruit d’une pression exercée sur la femme pour obtenir d’elle sa compliance à une décision de césarienne, qui émane en premier lieu de l’équipe médicale. De plus, nous tenons à insister sur le rôle primordial d’accompagnement que détient l’équipe médicale vis-à-vis de la femme, et souhaitons inviter les soignants à se poser la question suivante : une césarienne réussie est-elle forcément une césarienne subie ? Les témoignages de femmes en souffrance suite à une césarienne sont nombreux au sein de l’association, et moins il y a eu de dialogue avec l’équipe, moins les femmes ont été informées, moins elles ont été incluses dans les prises de décision, plus le vécu psychologique est douloureux. L’association Césarine invite les femmes à se sentir actives dans leur grossesse et dans la naissance de leur enfant, le fait d’avoir réfléchi à ce qui serait le mieux pour soi et pour son enfant s’inscrit dans cette dynamique. Une césarienne bien préparée, dans le respect, le dialogue et l’information permet aux femmes de commencer leur vie de parent avec un souvenir positif de leur parcours. Ainsi, lorsque les femmes se sont senties tout à fait informées et écoutées, nous constatons 74 % de vécu psychologique positif (contre 39 % pour toutes les césariennes) et 85 % de vécu physique positif (contre 58 % pour toutes les césariennes) d’après le questionnaire mis en place par l’association comptabilisant près de 19 000 réponses. Informer les femmes en abordant tous les sujets qui leur sont importants ; Favoriser la confiance des patientes en leur capacité à prendre de bonnes décisions pour elles-mêmes et leurs enfants. Conclusion Au-delà des standards voulant que toutes les femmes se projetent dans une naissance par voie basse et que la nécessité d’une césarienne soit prononcée par un soignant, l’association Césarine croit en l’importance du dialogue entre les équipes soignantes et les femmes, même lorsque leurs projets paraissent étonnants de prime abord. Nous invitons chaque protagoniste à entendre le point de vue de l’autre, afin que les ponts de communication aboutissent à une expérience positive dans la rencontre entre la mère et son enfant.  

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