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Obstétrique

Publié le 06 oct 2021Lecture 6 min

Hypertension artérielle chez la femme enceinte - Épidémiologie et prise en charge

Jacques BLACHER*, Charlotte NELiS*, Sandrine KRETZ*, Valérie OLiE**, *Paris et **Saint-Maurice

L’hypertension artérielle de la grossesse recouvre des entités physiopathologiques différentes : l’hypertension artérielle chronique qui préexiste à la grossesse ou qui apparaît jusqu’à la 20e semaine d’aménorrhée ; l’hypertension artérielle gestationnelle qui apparaît, de novo, après la 20e semaine d’aménorrhée ; la prééclampsie définie par une hypertension artérielle associée à une protéinurie pathologique (≥ 300 mg/jour) découverte après la 20e semaine d’aménorrhée. On parle de prééclampsie sévère si elle est associée à une HTA sévère, une atteinte rénale, un HELLP syndrome, une éclampsie, un hématome rétroplacentaire ou un retentissement fœtal.
Notons que si l’accouchement résout dans la plupart des cas le problème ; l’hypertension artérielle gestationnelle et la prééclampsie peuvent également survenir dans le post-partum, c’est-à-dire dans les 6 semaines qui suivent l’accouchement.

Mécanismes Les mécanismes physiopathologiques aboutissant à la survenue d’une hypertension artérielle gestationnelle ou à une prééclampsie sont assez obscurs. Les nombreuses hypothèses physio-pathologiques émises dans la littérature médicale ont valu à la prééclampsie le surnom de maladie des théories. Comme souvent en médecine, la multiplicité de ces hypothèses cache une compréhension imparfaite du phénomène. L’hypothèse la plus en vogue actuellement s’intéresse aux conséquences de l’ischémie placentaire, probablement à la base de tous les désordres hypertensifs de la grossesse(1). Cette hypoperfusion placentaire générerait le relargage de substances anti-angiogéniques et inflammatoires à l’origine d’une dysfonction endothéliale, d’une altération de l’hémodynamique artérielle avec une réduction de la compliance artérielle. Ces mécanismes pourraient expliquer certaines complications que l’on observe pendant la grossesse, mais également des complications précoces ou tardives tout au long de la vie des femmes. Ainsi, quelques mois, années et même décennies plus tard, les femmes exposées à ces désordres hypertensifs pendant leur grossesse présentent un risque plus élevé de présenter une hypertension artérielle permanente, des complications cardio-vasculaires et rénales(2). Plusieurs auteurs recommandent même, lors des évaluations du risque cardiovasculaire global des femmes, de demander systématiquement si ce type de désordre est survenu pendant leurs grossesses le cas échéant(3). Aspects épidémiologiques Les désordres hypertensifs de la grossesse représentent une situation fréquente puisqu’ils compliquent, en fonction des séries de la littérature, entre 5 et 10 % de toutes les grossesses : la redoutée prééclampsie se situe entre 1 et 7 % des grossesses en fonction des populations de femmes sélectionnées et des pays étudiés(4,5). En France, la prévalence de la prééclampsie est de 2 % des grossesses(6). Plusieurs facteurs concourent à l’augmentation du risque de ces désordres hypertensifs de la grossesse, notamment l’âge de la première grossesse qui recule dans les pays développés, et l’augmentation de la prévalence de l’obésité en population. Les grossesses survenant chez de très jeunes femmes ou encore les situations de précarité sont, pour différentes raisons, également associées à une augmentation de ces risques. Dans les pays pauvres comme dans les pays riches, ces désordres hypertensifs représentent une cause majeure de morbidité et de mortalité à la fois maternelle et fœtale. Moyens thérapeutiques Différents moyens thérapeutiques peuvent être mis en œuvre lors de situations de désordres hypertensifs de la grossesse pour éviter la survenue de complications chez la mère et le fœtus. En fonction des antécédents de la mère lors de grossesse précédente, de la gravité du désordre et de la période de la grossesse où il survient, ces moyens thérapeutiques peuvent passer par :    une prévention de la prééclampsie ;     un traitement pharmacologique antihypertenseur ;     une interruption de grossesse, ou un accouchement en fonction du terme de la grossesse. Indications des traitements Concernant le traitement de prévention, l’aspirine à faible posologie (75 mg/jour) a montré son efficacité sur la prévention de la survenue d’une prééclampsie(7). Ce traitement doit être débuté avant la 20e semaine d’aménorrhée et être poursuivi jusqu’à au moins 35 semaines d’aménorrhée. En France, la seule indication est la récurrence de la prééclampsie. Dans d’autres pays, les indications ont été récemment élargies avec notamment une indication chez les femmes hypertendues, chez les femmes obèses, chez les femmes ayant des antécédents familiaux de prééclampsie, chez les femmes diabétiques, chez les femmes porteuses d’une maladie inflammatoire chronique… En cas de prééclampsie sévère, la prise en charge dépend du terme de la grossesse et de la viabilité fœtale : avant 24 semaines d’aménorrhée, l’interruption de grossesse est discutée; entre la 24e et la 34e semaine d’aménorrhée, une attitude d’expectative est le plus souvent discutée; à partir de la 34e semaine d’aménorrhée, l’accouchement est généralement déclenché. En cas d'hypertension artérielle chronique préexistante à la grossesse, il peut être nécessaire d’adapter le traitement antihypertenseur, notamment si la femme est traitée par des classes thérapeutiques contre-indiquées pendant la grossesse en privilégiant un traitement à base des quatre molécules compatibles avec la grossesse : l’alpha-méthyldopa, le labétalol, la nicardipine ou la nifédipine. En cas d’hypertension artérielle gestationnelle sévère ou associée à niveau de risque cardiovasculaire élevé, c’est aussi l’une de ces quatre molécules qui est introduite. Rappelons que ce traitement a démontré son efficacité pour réduire le risque de complication cardiovasculaire ou cérébrovasculaire chez la femme enceinte ; il n’a, en revanche, pas montré de bénéfice dans la prévention d’une prééclampsie ou dans la prévention de risques foetaux et notamment d’hypotrophie fœtale. L’accouchement résout le plus souvent ces problématiques de désordres hypertensifs de la grossesse, mais il faut rester vigilant puisque certains désordres peuvent continuer à évoluer pendant le post-partum, pouvant même apparaître pendant le post-partum (jusqu’à 6 semaines après l’accouchement). Quelles définitions d'une pression artérielle normale et quels objectifs pendant la grossesse ? Même si habituellement, la pression artérielle baisse pendant le 1er trimestre de la grossesse, c’est la définition habituelle d’une pression artérielle supérieure à 140/90 mmHg qui définit l’hypertension artérielle que l’on soit enceinte ou non. Il y a eu de nombreux essais thérapeutiques tentant d’évaluer le meilleur objectif tensionnel à obtenir chez une femme enceinte traitée. Actuellement, les recommandations préconisent d’obtenir dans tous les cas une pression artérielle systolique en dessous de 160 mmHg avec un objectif diastolique entre 85 et 100 mmHg. Il semblerait que des objectifs plus ambitieux ne présentent pas d’effets bénéfiques avec une potentialité plus importante. Et après l'accouchement ? De très nombreuses études dans la littérature médicale internationale font état d’une augmentation substantielle du risque de pathologies cardio-vasculaires et rénales chez les femmes ayant présenté un désordre hypertensif de la grossesse. Ces risques, notamment de survenue d’une hypertension artérielle permanente, sont bien connus chez les femmes ayant présenté une prééclampsie, mais semblent comparables chez les femmes qui ont présenté une hypertension artérielle gestationnelle. Indépendamment de la pression artérielle, il semble exister aussi une augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral, d’infarctus du myocarde, d’insuffisance rénale et probablement aussi de mortalité chez ces femmes. Elles devraient donc être suivies de façon toute particulière sans limitation de temps. Dans ses recommandations récentes(8), la Société française d’HTA propose d’organiser chez ces femmes une consultation d’information et d’annonce à distance de l’accouchement, ainsi qu’une consultation préconceptionnelle avant une grossesse suivante.    

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