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Gynécologie générale

Publié le 29 juin 2021Lecture 11 min

Quelles perspectives pour la vaccination HPV ?

M. DEKER, Paris
Quelles perspectives pour la vaccination HPV ?

La première démonstration de l’efficacité du vaccin HPV a été présentée en octobre 2005 et le vaccin est remboursé depuis 11 ans. Un nouveau vaccin HPV nonavalent est aujourd’hui disponible, qui étend la protection contre les principaux virus HPV oncogènes (6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52, 58) au-delà des précédents vaccins. La majorité des lésions et des cancers ano-génitaux chez les femmes sont en effet causés par ces 9 types viraux. Les virus HPV sont également responsables de condylomes chez la femme comme chez l’homme. L’épidémiologie des pathologies liées à HPV s’est enrichie avec la reconnaissance de sa responsabilité dans les cancers du pénis, des cancers de l’anus chez la femme et l’homme, ainsi que d’un nombre croissant de cancers de la sphère oropharyngée. Ces données justifieraient amplement l’élargissement de la vaccination aux garçons, qui a démontré son efficacité dans les pays où la couverture vaccinale concerne à la fois les filles et les garçons. En élargissant la couverture vaccinale à l’ensemble des filles et des garçons nous aurions une opportunité historique de prévenir de nombreux cancers liés aux HPV.

Les virus HPV sont à la fois très répandus et très contagieux. La majorité des personnes sont contaminées lors des rapports sexuels par simple contact, la période d’exposition maximale se situant entre 17 et 25 ans. Près de 90 % des sujets contaminés éliminent le virus par simple clairance. En l’absence de clairance virale, le virus va pouvoir se développer et entrainer des transformations cellulaires qui aboutissent à une dysplasie. Prévention des pathologies HPV chez les femmes Près de 100 000 cas de condylomes sont observés chaque année en France. Ces lésions très contagieuses, qui touchent principalement les sujets jeunes avec un pic d’incidence vers 20-25 ans, ont un impact majeur sur la vie affective et sexuelle ; les traitements sont souvent longs et les récidives fréquentes. La survenue de lésions dysplasiques du col utérin, en l’absence de clairance virale des HPV, est favorisée par le tabac, la malnutrition et le déficit immunitaire. Ces lésions peuvent évoluer vers un cancer. Environ 60 % des CIN1, 40 % des CIN2 et 30 % des CIN3 régressent spontanément. Chaque année en France, 25 000 conisations sont pratiquées, ce qui n’est pas sans conséquence chez les femmes jeunes ; un quart d’entre elles sont enceintes et en courent des risques de rupture prématurée des membranes et d’accouchement prématuré. La totalité des cancers du col utérin sont liés à l’un des 13 types de virus HPV oncogènes. Toutefois, ces derniers sont également responsables de 15 % des cancers de la vulve, 70 % des cancers du vagin, 87 % des cancers de l’anus, 29 % des cancers du pénis et plus du quart des cancers de la sphère oropharyngée. En France, les virus HPV seraient responsables de plus de 4 500 cas de cancers chaque année chez les femmes et de plus de 6 000 dans les deux sexes. Cette situation épidémiologique pose la question de la prévention. Le seul cancer accessible à une prévention secondaire est le cancer du col utérin, dont le nombre est équivalent à celui des cancers d’autres localisations, par le biais du dépistage par frottis. Pour les autres localisations des cancers HPV induits et pour les cancers touchant les hommes, nous ne disposons d’aucune méthode de dépistage. D’où l’intérêt de la prévention primaire par la vaccination. On rappellera que le vaccin HPV, constitué de pseudo-particules, ne contient pas de matériel viral, ce qui implique l’absence de réplication. Son innocuité est largement documentée (270 millions de doses administrées dans le monde) de même que son efficacité en prévention des cancers liés aux HPV. Dans un pays comme l’Australie où le programme vaccinal a bénéficié d’une large couverture, les infections à HPV 6/11/16/18 ont quasiment disparu chez les femmes âgées de 18 à 24 ans, 9 ans après l’introduction du programme vaccinal (Machalek DA et coll. J Infect Dis 2018 ; 217 : 1590- 600). Aux États-Unis, qui ont introduit la vaccination sans distinction de sexe, la circulation des virus HPV a aussi largement diminué. En Suède et au Danemark, une réduction de plus de 70 % des lésions précancéreuses a été observée parmi la population des femmes vaccinées. La première démonstration directe du bénéfice de la vaccination en prévention des cancers liés à HPV a été apportée par une étude finlandaise. Alors que le vaccin Gardasil 4 conférait une protection contre environ 70 % des cancers gynécologiques, le nouveau vaccin Gardasil 9 permet de gagner près de 20 % supplémentaires en prévention des cancers du col utérin, 15 % pour les cancers de la vulve, 20 % pour les cancers du vagin, 10 % pour les cancers de l’anus et 30 % pour les lésions précancéreuses. La prévention des lésions ORL dues aux HPV passe par la vaccination Nous savons depuis longtemps que les HPV 6 et 11 ont la capacité d’infecter les épithéliums du larynx, provoquant une papillomatose laryngée, pathologie bénigne mais très mor - bide. Le spectre des lésions dues aux HPV oncogènes s’est élargi avec la reconnaissance de leur responsabilité (en particulier d’HPV 16) dans un nombre croissant de cancers de l’oropharynx, plus précisément localisés aux amygdales linguales et palatines, dont le revêtement muqueux se distingue de celui du reste de la sphère ORL. Chaque année, on dénombre environ 100 000 cas de cancers de l’oropharynx dans le monde. Jusque récemment, ces pathologies étaient considérées comme un groupe relativement homogène, favorisé par l’alcool et le tabac, et de mauvais pronostic. Une proportion croissante de ces cancers est aujourd’hui attribuée à HPV 16. Leur prévalence augmente alors que celle des cancers dus au tabac a diminué de moitié depuis une vingtaine d’années. En France, on estime que 30 à 40 % des cancers de l’oropharynx, localisés aux amygdales ou à la base de la langue, sont induits par le HPV. Les cancers de l’oropharynx HPV-induits se développent sous la forme de petites tumeurs primitives très peu symptomatiques, souvent associées à un volumineux ganglion cervical. Elles touchent principalement des sujets en bon état général, ayant peu fumé, de bon niveau socio-économique, et sont clairement en lien avec la sexualité. Ces tumeurs se développent au fond des cryptes amygdaliennes, contrairement aux autres qui se développent en surface des amygdales. Leur pronostic est meilleur que celui des cancers liés à l’alcoolo-tabagisme, avec moitié moins de risque de mortalité. Le traitement demeure néanmoins très toxique. La vaccination HPV offre un espoir pour infléchir la courbe d’incidence des cancers ORL HPV-induits qui concernent les hommes à 80 %. Le dépistage par frottis des lésions de la cavité buccale est en effet hors de portée, dans la mesure où ces lésions débutent au fond des cryptes amygdaliennes. Il n’existe pas non plus de marqueur biologique des pathologies ORL. Toutefois, les tests ADN peuvent être utilisés comme marqueur tumoral du risque de rechute après traitement. Du condylome au cancer du canal anal La prévalence des infections à HPV au niveau de l’anus est plus élevée chez les hommes homosexuels comparativement aux hétérosexuels (50 % vs 12 %) et plus élevée en cas d’infection VIH (93 % et 46 %, respectivement). Cette prévalence est encore plus élevée chez les femmes (40 % si VIH- et 79 % si VIH+) et deux plus fois plus élevée au niveau de l’anus que du col utérin. Une étude réalisée par une équipe de Besançon chez des patients consultant pour une coloscopie a montré que 34 % des patients étaient porteurs de virus HPV au niveau anal. Ces quelques données apportent la preuve que la physiopathologie des cancers HPV-induits diffère selon les localisations. L’incidence des condylomes génitaux chez les hommes âgés de 20 à 30 ans est estimée à 528/100 000 (23 000 nouveaux cas/an en France en 2009). Dans la population des patients VIH+, les hommes homosexuels sont deux fois plus souvent porteurs de condylome anal que les hétérosexuels (36 % vs 15 % dans une étude réalisée à l’hôpital Bichat) ; dans cette même étude, 11 % des femmes avaient un condylome anal, qui constituait l’unique localisation d’une lésion HPV-induite ; dans la moitié des cas, les condylomes étaient associés à une dysplasie anale. Le risque de cancer en présence d’une dysplasie anale AIN3 a été évalué à 1/377 ; après traitement, le risque de récidive d’AIN3 est réduit de 25 %. Même si le cancer du canal anal est considéré comme une maladie rare, qui représente 1,5 % des cancers digestifs, son incidence a triplé, passant à 3/100 000. Il touche principalement les femmes vers la soixantaine et les hommes VIH+ vers la quarantaine. Un virus HPV, surtout HPV 16 et 18, est retrouvé dans plus de 95 % des cas de cancer anal, conjointement à l’expression de P16. Le traitement de ces cancers fait appel à la radio-chimiothérapie, hormis les tumeurs de petite taille qui peuvent bénéficier d’une exérèse et à l’extrême, des formes très avancées qui nécessitent une amputation. Ces traitements sont efficaces mais laissent de lourdes séquelles fonctionnelles (incontinence anale par regorgement, fissures, stomie, etc.). Selon une évaluation des populations à cibler pour le dépistage de ce cancer en fonction du risque relatif, il faudrait envisager un dépistage de masse auprès de 130 000 patients VIH+, 30 000 femmes porteuses de CIN2+, 3 000 femmes ayant un cancer du col utérin et plus de 100 000 sujets transplantés. Ce dépistage est impossible à mettre en œuvre étant donné la taille de la cible, ce qui souligne l’intérêt d’agir en amont en prévention primaire par la vaccination. Des études ont été lancées en France afin de déterminer le risque de cancer anal en présence d’une dysplasie anale sévère (AIN3), les modalités optimales de dépistage et de prise en charge (étude GREP/SNFCP/CREGG cohorte.ain3@apahp.fr ou laurent.abramowitz@aphop.fr). Faut-il étendre la vaccination HPV aux garçons ? La réponse est positive sans ambiguïté lorsqu’on considère le poids de l’infection HPV chez les sujets masculins, l’effet de groupe de cette vaccination et les résultats déjà obtenus dans certains pays. En 2019, 28 pays sur 109 ont introduit la vaccination chez les garçons en plus des filles. On a calculé qu’il faut vacciner 130 filles pour prévenir un cancer du col utérin, 17 pour prévenir 1 CIN2/3 et 33 pour prévenir 1 condylome génital. Les nombres de garçons à vacciner pour éviter 1 condylome génital, 1 cancer ORL, 1 cancer de l’anus ou 1 cancer du pénis s’établissent à 20, 300, 1 000 et 4 000, respectivement. Ces chiffres se comparent très favorablement à ceux d’autres vaccins, par exemple le vaccin méningococcique C (20-50 000 sujets vaccinés pour éviter un décès, 3-10 000 pour éviter une infection invasive et une méningite). L’importance de l’effet de groupe du vaccin HPV est bien illustrée par l’exemple australien où la vaccination des filles s’est traduite par une réduction des condylomes génitaux chez les femmes et chez les hommes hétérosexuels dans les tranches d’âge < 21 ans et 21-30 ans. Un autre exemple illustre le défaut de la stratégie vaccinale qui a consisté à débuter le programme vaccinal uniquement chez les filles. En effet, au Québec l’introduction du vaccin chez les garçons en 2015, faisant suite à la vaccination des filles débutée en 2008, a permis de rattraper la couverture vaccinale qui avait chuté ; à présent près de 80 % des filles et des garçons sont vaccinés. La réticence à l’égard du vaccin HPV en France est principalement liée à la mise en exergue d’effets indésirables potentiels, notamment les maladies auto-immunes dont la probabilité a été démentie par le suivi des cohortes vaccinées. En fait le seul obstacle éventuellement opposable à la vaccination est d’ordre médico-économique immédiat. D’où l’évaluation de nouveaux protocoles vaccinaux. Il a été monté qu’en vaccinant vers l’âge de 8 à 11 ans, les taux de séropositivité sont très élevés 3 à 8 ans après une seule dose vaccinale. Une expérimentation réalisée au Canada a comparé deux schémas de vaccination : Gardasil 9 x 2 doses versus Cervarix + Gardasil 9 ou Gardasil 9 + Cervarix à 6 mois d’intervalle. Elle a conclu à une excellente immunogénicité vis-à-vis des HPV 16/18 quel que soit le schéma vaccinal, ce qui a conduit les autorités québécoises à proposer pour des raisons de coût un schéma vaccinal mixte : Gardasil 9 puis Cervarix 6 mois plus tard. Depuis l’obligation vaccinale imposée en France, l’ambiance semble plus favorable à la vaccination, la couverture vaccinale est proche de 97 % pour les vaccins concernés, celle du méningocoque C a doublé et il semble que les mères aient davantage confiance dans la vaccination, y compris pour les vaccins non obligatoires. Le vaccin HPV pourrait bénéficier de cette embellie. Qu’attendre de la vaccination post-conisation ? Le traitement des lésions de haut grade est très efficace, permettant un taux de succès de 95 à 97 %. Le taux de récidive à moyen et long terme reste néanmoins de 3 à 5 %. Les femmes ayant eu une conisation ont un risque 5 fois plus élevé de lésion de haut grade et de cancer invasif comparativement à la population générale, d’où l’intérêt du suivi cytologique et du test HPV après l’intervention. Le test HPV permet de rassurer la patiente s’il est négatif, mais sans qu’elle soit protégée d’une nouvelle exposition virale ; s’il est positif, il permet d’orienter vers une récidive, voire une lésion vaginale méconnue. Le test HPV ne doit pas être réalisé avant 6-9 mois post-conisation. L’impact de la vaccination a été évalué à partir des études FUTURE 1/2 qui ont montré une réduction du risque de lésions CIN de haut grade de 65 % chez les sujets vaccinés comparativement aux non-vaccinés, la protection s’accentuant avec le temps. D’autres études confirment la protection à l’égard des récidives après conisation conférée par le vaccin (Garland SM et coll. Int J Cancer 2016 ; 139 : 2812-26 ; Ghelardi A et coll. Gynecol Oncol 2018). En pratique, on peut distinguer schématiquement quatre situations en post-conisation : – le suivi ne montre pas de nouvelle lésion, le test HPV est négatif à 9 mois. Cette patiente est protégée pendant au moins 5 ans contre une lésion de haut grade. Cependant, elle peut encore contracter l’un des autres virus actifs et développer tardivement une autre lésion de haut grade. La vaccination d’une femme, même traitée avec succès, apportera une protection contre des récidives tardives ; – il existe une persistance lésionnelle et le test HPV est positif à 6-9 mois ; si un test HPV a été réalisé initialement, le même génotype signe une forte probabilité de lésion récidivante. La vaccination peut conférer une protection tardive contre des lésions de haut grade dues à un autre virus, mais elle n’est pas curative vis-à-vis des lésions récidivantes ; – il existe une récidive précoce de lésion de haut grade avec la persistance du même type de virus. La vaccination peut protéger contre les autres types viraux ; – une récidive tardive chez une patiente conisée et HPV négative après l’intervention signifie qu’elle a contracté un autre virus. La vaccination aurait pu apporter une protection complémentaire à l’égard d’autres HPV. En revanche, il n’est pas prouvé qu’elle puisse prévenir une réinfection par le virus responsable de la lésion initiale. Dans tous les cas de figure, la vaccination post-conisation serait bénéfique à moyen ou long terme. Elle serait alors proposée aux 25 000 femmes ayant une conisation chaque année et peut déjà l’être sur une base individuelle.

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