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Ménopause

Publié le 16 mar 2022Lecture 10 min

Prise en charge de l’hypoandrogénie en périménopause

Serge GINTER, Centre de fertilité et de ménopause du Luxembourg, Luxembourg

Prévenir certains risques du vieillissement et soulager les signes de la ménopause chez la femme par un traitement substitutif à base d’estrogènes associés aux progestatifs est courant. Or, les hormones androgènes, dont les plus connues sont la testostérone, la dihydrotestostérone et la DHEA (déhydro-épi-androstérone) sont également produites par la femme, et ce en quantité plus importante que les estrogènes ! Dès la trentaine, les taux de testostérone chez la femme, comme chez l’homme, diminuent progressivement et de façon linéaire. Cette déficience androgénique progressive et insidieuse a un impact sur le bien-être, la libido, la masse musculaire et le tissu osseux, ainsi que la silhouette. La plupart des « hyperandrogénies de la ménopause » sont des hyperandrogénies relatives ou fonctionnelles dues à la carence estrogénique et deviennent après instauration d’un traitement estrogénique des hypoandrogénies vraies. Le moment est venu de s’intéresser de plus près à la substitution bio-identique de ces hormones chez la femme vieillissante.

Certes, les hommes produisent 6 à 7 fois plus de testostérone que les femmes, mais le taux de testostérone chez la femme se calcule en ng/ml. Il y a donc davantage de testostérone dans le sang circulant d’une femme que d’estrogènes, calculés en pg/ml. C’est dire l’importance quantitative des hormones, dites mâles chez la femme, qui contribuent notamment à préserver le tissu musculaire et osseux, avec un impact sur le désir sexuel. Or, dès la trentaine, le taux de testostérone chez la femme diminue progressivement et de façon linéaire, jusqu’à atteindre environ 50 % à la ménopause, comparé au taux d’une femme de 20 ans. Cette baisse peut induire une diminution du bienêtre ou des troubles de l’humeur, une dysfonction sexuelle avec baisse de la libido et du plaisir, ou une fatigue persistante et inexpliquée. Pour le diagnostic, la clinique doit s’accompagner de taux biologiques d’androgènes situés dans le tiers inférieur ou en dessous des taux normaux. Les femmes qui bénéficient d’un traitement substitutif testostéronique bio-identique déclarent, comme les hommes, retrouver une libido boostée, une sexualité active, ainsi qu’une véritable joie de vivre ! Par ailleurs, nous constatons en pratique quotidienne que les femmes qui présentent spontanément des taux d’androgènes plus élevés semblent présenter moins de désagréments liés à la ménopause et mieux vivre le vieillissement. La triade classique de l’hypoandrogénie de la femme : baisse de la libido, redistribution centrale de la graisse, augmentation du volume des seins. Etiologies des hypoandrogénies chez la femme La cause la plus fréquente est une baisse physiologique des androgènes liée au vieillissement. Les androgènes sont synthétisés par les glandes surrénales (DHEA et androstènedione) et par les ovaires (androstènedione et testostérone). Deux tiers des androgènes proviennent de la conversion périphérique d’androstènedione et de la DHEA en testostérone ; un tiers des androgènes proviennent des ovaires. La testostérone se transforme en dihydrotestostérone (DHT), qui est la forme active de la testostérone. La DHEA est à la fois un précurseur qui agit par transformation au niveau tissulaire en estrogènes et en testostérone, mais aussi directement au niveau de certaines cellules cibles. Environ 2 % de la testostérone circule sous forme libre (forme active), 66 % étant liés de façon stable à la steroid binding globulin (SHBG) et 33 % de façon moins stable à l’albumine. La SHBG augmente dans certaines conditions comme sous l’effet des estrogènes, tout en diminuant la forme libre. Elle diminue donc après la ménopause en l’absence de substitution, par la baisse des estrogènes avec maintien de taux assez constants de testostérone libre durant la phase de transition, et une inversion du climat estrogénique préménopausique en climat androgénique relatif, en l’absence de substitution hormonale de la ménopause. Il existe, certes, des différences importantes d’une femme à l’autre ; les femmes ayant des ovaires polykystiques peuvent conserver de bons taux d’androgènes. Il n’existe pas de baisse marquée pendant la phase de transition comme pour les estrogènes. L’adrénopause se caractérise par une baisse des taux de DHEA produits surtout par la glande surrénale, qui, à 80 ans, ne représentent plus que 20 % des taux observés chez une femme (ou un homme) à l’âge de 20 ans. En pratique L’erreur à ne pas commettre serait de traiter l’hyperandrogénie relative de la ménopause en donnant des anti-androgènes, ce qui ne ferait qu’aggraver la situation clinique. Il faut, au contraire, d’abord rétablir l’équilibre hormonal, en donnant un traitement substitutif estrogénique et progestéronique aux hormones bio-identiques, puis traiter l’hypoandrogénie absolue par des androgènes. Les autres causes sont : – l’hypo-androgénisme chirurgicale par ovariectomie (la plus invalidante) ; – certaines maladies s’accompagnant d’une baisse des androgènes (anorexie mentale, anomalies chromosomiales numériques, maladies chroniques comme le cancer) ; – la baisse des androgènes lors de traitement estrogénique oral (augmentation des SHBG avec diminution de la fraction libre). Voir tableau. Hypoandrogénie et dysfonction sexuelle La diminution de la libido est un des signes cardinaux de l’hypoandrogénie chez l’homme et la femme. Les diagnostics différentiels peuvent être la fatigue chronique, le stress ou les problèmes relationnels (souvent prépondérants), sans oublier certains traitements médicamenteux (psychotropes, castration médicamenteuse lors de traitements anticancéreux et fréquemment les antidépresseurs). La dysfonction sexuelle (hypoactive sexual disorder) ne se résume pas à la seule baisse de la libido : difficultés à atteindre l’orgasme ; dyspareunie ; diminution du désir, d’intérêt et de fantasmes sexuels ; diminution de la capacité à répondre à la stimulation et à ressentir du plaisir ; éventuelle souffrance lors des activités sexuelles. L’administration d’estrogènes seuls a peu d’effet sur la libido, mais un effet bénéfique sur la sécheresse vaginale, la dyspareunie et les bouffées de chaleur. Les estrogènes, en améliorant la lubrification des muqueuses et l’élasticité du vagin, peuvent préparer le terrain. Mais ce sont les androgènes qui conditionnent le désir, l’excitation et l’orgasme. D’autres hormones, telles que la prolactine (baisse de la libido en cas de prolactinome), les hormones thyroïdiennes, l’ocytocine et les neurotransmetteurs, peuvent retentir sur la sexualité. Ce sont surtout les ovariectomies en préménopause qui vont induire de façon plus marquée une hypotestostéronémie profonde avec souvent des dysfonctions sexuelles. Quels androgènes proposer ? Il faut d’abord distinguer l’hypoandrogénie essentiellement surrénalienne, avec une DHEA basse, de l’hypoandrogénie ovarienne, qui se caractérise surtout par une testostérone basse. Suivant les patientes, toutes les constellations sont possibles : testostérone basse avec DHEA élevée, ou l’inverse, ou baisse générale des androgènes. La testostérone ne dispose pas d’une AMM chez la femme dans la plupart des pays européens. En revanche, la DHEA est facilement disponible sur la plupart des marchés et pourrait jouer un rôle dans le vieillissement. Est-ce un androgène antivieillissement miraculeux ? Souvent sujette à controverse, la DHEA n’en finit pas d’alimenter les débats et les études scientifiques, incitant souvent les consommateurs à la plus grande prudence. Son efficacité est contestée par les éternels sceptiques — ceux qui s’appuient sur des études dont les conclusions tardent à venir ou ne sont pas « statistiquement significatives » ! Quant à l’Agence mondiale antidopage, elle considère l’usage de la DHEA par les sportifs, comme un produit dopant ; donc son efficacité ne semble pas être niée. Il est temps de faire le point sur cette hormone de « jouvence ». Notre connaissance approfondie de la DHEA, nous la devons au Pr Étienne-Émile Baulieu et à son étude DHEAge. Dans les années 1990, il observa que le taux de cette hormone, principalement sécrétée par les glandes surrénales et en petite quantité par le cerveau, chute avec l’âge et cette chute semble liée causalement comme cofacteur du vieillissement. Pour notre part, nous sommes favorables à une supplémentation en DHEA principalement lorsque les taux sanguins sont bas et en présence de signes cliniques tels qu’une diminution de la libido, de la force musculaire, de la joie de vivre, en cas de stress, de troubles de la mémoire, ou encore de ménopause mal équilibrée par le traitement hormonal classique. On s’interroge d’ailleurs sur la polémique autour de cette molécule naturelle ! Il existe en effet en médecine anti-âge un principe de base, celui de la substitution par des stéroïdes chez des patients qui affichent un taux hormonal bas, principalement quand ils présentent les signes cliniques que nous venons d’énumérer. En dehors des cancers hormonodépendants, il n’y a pas de contre-indication ni d’effets secondaires de la DHEA. Nous pensons que la DHEA reste le traitement androgénique de première intention chez la femme hypoandrogénique. Suivant la constitution enzymatique de cette femme, une partie de la DHEA administrée va être transformée en testostérone, ce qui suffit souvent pour traiter des hypoandrogénies légères. Les posologies de la DHEA se situent entre 10 et 50 mg par jour suivant les valeurs biologiques de base, sachant que 25 mg semble être une posologie standard pour un début de traitement. Si la DHEA ne devait pas suffire à traiter notamment la baisse de la testostérone, par exemple en cas de non-transformation de la DHEA en testostérone, il faudrait alors substituer ce manque d’androgènes par un traitement testostéronique (sur ordonnance et en absence d’AMM), en adaptant à la femme la posologie de ces produits destinés à l’homme. On peut débuter le traitement par voie transcutanée avec 10 mg de testostérone en gel (à 1 %) par jour. Les concentrations des différents gels sur le marché sont à bien vérifier. L’utilisation de testostérone bio identique, combinée avec des taux utiles d’estradiol, ne pose en général pas de problèmes de virilisation chez la femme hypoandrogénique. Il faudra éviter d’appliquer de la testostérone sur le visage (en lui préférant notamment les cuisses, ce qui a pour effet de diminuer également la cellulite !), et se tenir à une posologie réduite, pour écarter tous les dangers (pilosité disgracieuse). Mais, avant toute chose, on privilégiera le traitement substitutif testostéronique bio-identique, et non les androgènes synthétiques, qui risquent d’être plus anabolisants et virilisants. Il existe d’autres formes de testostérone orales ou injectables, moins utilisées chez la femme. Rôle de la vitamine D La vitamine D n’est pas à strictement parler une vitamine, car l’organisme peut la synthétiser, mais plutôt une substance « steroid-like ». La vitamine D et les androgènes se fixent en parie sur les mêmes récepteurs nucléaires, sous forme de dimères. L’action de la vitamine D dans les traitements stéroïdiens est à la fois synergique et protectrice. La vitamine D, à elle seule, et en dehors de tous ses effets osseux et extraosseux, semble aussi diminuer le nombre de chutes chez les personnes âgées. Les valeurs optimales à cibler pour la vitamine D se situent au-dessus de 40 ng/ml. Effets bénéfiques possibles de l’androgénothérapie de la femme Amélioration de la joie de vivre et du bien-être ; amélioration de la fonction sexuelle ; amélioration des capacités cognitives ; action antidépressive de la DHEA (comme neurostéroïde sur les récepteurs du GABA) ; action synergique et bénéfique avec les estrogènes sur l’os ; amélioration de la silhouette corporelle en diminuant le taux de graisse et en augmentant le taux de issu maigre ; amélioration de la trophicité de la peau par la DHEA. Possibles effets secondaires de l’androgénothérapie chez la femme Effets cutanés – L’hirsutisme, l’acné, l’alopécie androgénique, et rarement une raucité de la voix et une clitoromégalie ne sont pas observés en général si le traitement est contrebalancé par une substitution estrogénique utile. – Réactions allergiques locales aux gels ou patchs testostéroniques. Effets métaboliques et antithrombotiques – Études contradictoires sur l’hyperinsulinémie, les androgènes dans le cadre d’un mode de vie sain, ne vont pas avoir un effet négatif. – Les androgènes, contrairement aux estrogènes oraux, n’agissent pas sur les facteurs thrombogènes. Effets sur le cancer du sein Certaines études montrent que les androgènes ont un effet protecteur sur le risque de cancer du sein, à la condition de diminuer l’effet aromatase, par exemple par des anti-aromatases naturels, comme la progestérone, le zinc ou la vitamine D, ou synthétiques suivant la pathologie. Il n’y a actuellement pas de données sur les éventuels effets de la DHEA sur les cancers hormonodépendants ; cependant, comme elle peut se transformer en testostérone ou en estrogènes, il existe un risque théorique. Effets sur l’endomètre utérin Les androgènes ont aussi une action antiproliférative sur l’endomètre utérin. Conclusion La qualité de vie de la femme, au cours du vieillissement, est aussi conditionnée par les androgènes, et c’est au médecin de chercher et de prendre en charge une hypo-androgénie symptomatique, et ce, dès la préménopause si nécessaire. Chaque diminution symptomatique des taux d’hormones stéroïdiennes peut être substituée de façon préférentielle, par des hormones bio-identiques. Un traitement bien conçu, qui cible les valeurs biologiques optimales, va améliorer la qualité de vie de ces femmes tout en diminuant certains risques vasculaires, métaboliques, cérébraux ou osseux, et ce, sans augmenter le risque oncologique.

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