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Infertilité

Publié le 10 nov 2020Lecture 9 min

La chirurgie bariatrique améliore-t-elle vraiment la fertilité́ des femmes obèses ?

N. SERMONDADE, S. DIDON, R. LEVY, C. DUPONT

L’impact négatif de l’obésité sur la fertilité féminine est indiscutable, aussi bien en fertilité naturelle qu’après fécondation in vitro. La perte de poids obtenue par mesures hygiéno-diététiques est bénéfique pour la fertilité naturelle, ainsi que pour améliorer les risques materno-fœtaux. En revanche, peu de données solides concernant les effets de la chirurgie bariatrique sur la fertilité de la femme jeune sont disponibles. Si elle semble améliorer la fonction ovulatoire et permettre de retrouver une fertilité spontanée chez certaines jeunes femmes, certaines études ont souligné un risque de diminution du taux d’Amh 6 mois et/ou 1 an après chirurgie, suggérant une baisse de la réserve ovarienne. En revanche, les résultats de FIV ne paraissent pas être significativement modifiés par la chirurgie bariatrique. Des études prospectives de cohorte de plus grande ampleur devront être mises en place afin de répondre clairement à la question de l’impact de la chirurgie bariatrique sur la résreve ovarienne et les résultats de FIV, afin d’optimiser la prise en charge des patientes obèses infertiles.

L’obésité est une pathologie chronique se définissant par une accumulation anormale ou excessive de masse grasse dans l’organisme, qui peut avoir des conséquences néfastes sur la santé et la qualité de vie. Elle s’évalue généralement de manière indirecte à partir de l’Indice de masse corporelle (IMC). La prévalence de l’obésité ne cesse d’augmenter dans le monde depuis de nombreuses années, atteignant un niveau épidémique dans les pays développés. Augmentant avec l’âge, elle touche aussi bien les hommes que les femmes, toutes les catégories socio-économiques et tous les âges de la vie. En 2018, près d’un tiers de la population mondiale était considéré en surpoids ou obèse. Le lien entre la corpulence et la morbi-mortalité au sein des populations a été établi dans diverses études depuis plus d’un siècle. De nombreuses pathologies s’associent au surpoids et/ou l’obésité, notamment les maladies cardio-vasculaires, métaboliques, respiratoires et ostéo-articulaires. Obésité et fertilité De nombreuses études ont rapporté les effets délétères de l’obésité sur la fonction reproductive de la femme en entraînant notamment des troubles de la fertilité. Une femme obèse a ainsi trois fois plus de risque de présenter une hypofertilité qu’une femme de corpulence normale. L’obésité s’associe en effet à des modifications hormonales à l’origine d’une dysovulation, avec ou sans syndrome des ovaires polykystiques (SOPK). Une diminution de la fertilité chez les femmes obèses qui ovulent normalement étant également observée, d’autres hypothèses telles que l’altération de la qualité ovocytaire, du développement embryonnaire et de l’implantation sont avancées. L’assistance médicale à la procréation (AMP) – en particulier les techniques de fécondation in vitro (FIV) — ne permet pas de contourner tous les effets délétères de l’obésité sur la fertilité. Par rapport à une femme de corpulence normale, les tentatives de FIV chez la femme obèse sont associées à un risque accru d’annulation du cycle pour réponse inadaptée, une augmentation de la durée de simulation ovarienne et des doses de gonadotrophines nécessaires, une diminution du nombre d’ovocytes recueillis lors de la ponction et une diminution du nombre d’embryons utiles. Surtout, plusieurs études mettent en évidence une diminution significative des taux de grossesse et de naissances vivantes après FIV, confirmée par une métaanalyse récente sur plus de 600 000 cycles. Par ailleurs, l’obésité est associée à un haut risque de complications obstétricales et néonatales telles que le diabète gestationnel, l’hypertension, la prééclampsie et les naissances prématurées. Pour l’ensemble de ces raisons, la plupart des sociétés savantes recommandent de ne pas prendre en charge en FIV des patientes présentant une obésité sévère, l’IMC seuil retenu étant généralement de 35. L’obésité entraîne une diminution des chances de grossesse et de naissances vivantes naturellement et après fécondation in vitro. Elle s’associe également à une augmentation de toutes les complications obstétricales et néonatales. Perte de poids par mesures hygiéno-diététiques et fertilité L’obésité́ étant un facteur de risque modifiable, différentes mesures peuvent être mises en œuvre afin de permettre une perte de poids au long cours dans l’objectif d’améliorer les diverses pathologies associées. La modification du style de vie est la première recommandation pour prendre en charge l’obésité, associant l’adhésion à des habitudes alimentaires saines et une activité physique adaptée et régulière. La perte de poids et son maintien permettent de réduire les différentes comorbidités (diminution de la pression artérielle, amélioration des capacités respiratoires, amélioration du profil lipido-glucidique avec réduction de l’apparition du diabète de type 2, réduction du handicap lié aux pathologies ostéoariculaires) conduisant globalement à une diminution de la morbi-mortalité. Concernant la fertilité, la perte de poids permet d’améliorer la fertilité naturelle en corrigeant les troubles du cycle et en augmentant le taux d’ovulation, en particulier chez les femmes présentant un SOPK, et ce dès une diminution de 5 à 7 % du poids corporel. En FIV, les données sont plus parcellaires et retrouvent des conclusions controversées. En effet, deux essais cliniques randomisés récents n’ont pas montré d’amélioration des chances de grossesse et de naissance vivante après FIV, précédée par 6 mois de mesures hygiéno-diététiques avec perte de poids, comparativement à une FIV d’emblée. Néanmoins, la majorité des études s’accordent sur une diminution très significative des risques materno-fœtaux en cas de perte de poids, justifiant à elle seule les efforts hygiéno-diététiques. La perte de poids par mesures hygiéno-diététiques améliore la fonction ovulatoire et donc la fertilité naturelle, ainsi que les risques obstétricaux et néonataux. Elle reste néanmoins difficile à obtenir. Chirurgie bariatrique et fertilité La perte de poids par mesures hygiéno-diététiques n’est pas toujours possible, pas toujours suffisante, est souvent temporaire et ne permet généralement pas de traiter à long terme les symptômes. Actuellement, le recours à la chirurgie bariatrique est l’intervention la plus efficace pour obtenir une perte de poids et traiter une obésité́ morbide. En corrigeant les effets délétères de l’obésité́, améliore-t-elle la fertilité́ ? Effets sur la fertilité naturelle La perte de poids après chirurgie bariatrique s’accompagne d’une amélioration significative des signes cliniques de SOPK dans 50 à 90 % des cas, permettant une reprise de l’ovulation grâce à une optimisation du profil métabolique. Bien que peu d’études soient disponibles, il semble que la chirurgie bariatrique augmente ainsi la fertilité naturelle. Néanmoins, il faut souligner qu’une grossesse est contre-indiquée dans l’année qui suit la chirurgie bariatrique, l’HAS recommandant une contraception jusqu’à stabilisation du poids (de 12 à 18 mois après la chirurgie). Une amélioration des pathologies sur les plans gynéco-obstétricaux et néonataux est observée, avec une diminution du risque du diabète gestationnel par un facteur 2 ou 3, une diminution de la macrosomie fœtale ainsi qu’une amélioration des complications vasculaires (prééclampsie, éclampsie, HTA chronique et gravidique). Résultats en FIV Les données publiées sont plus rares, moins solides et moins claires quant à l’effet de la chirurgie bariatrique sur les chances de succès en FIV. Seulement huit publications sont disponibles, dont deux études « avant/après » et deux études avec des groupes contrôles. Elles retrouvent globalement des issues biologiques, en particulier nombre d’ovocytes recueillis et/ou qualité embryonnaire, comparables, soit au cycle précédant la chirurgie chez une même patiente(1), soit à des patientes non opérées(2,3). Les résultats des études évaluant le taux de grossesse en AMP après la chirurgie bariatrique sont également hétérogènes. Aucune différence significative n’a été retrouvée dans les deux études comparant un groupe de femmes ayant bénéficié d’une chirurgie bariatrique à un groupe contrôle sans chirurgie bariatrique(2,3). Effets sur la réserve ovarienne Quelques études se sont intéressées à l’évolution du taux d’AMH après une chirurgie bariatrique chez les femmes obèses. La majorité d’entre elles concluent à une décroissance significative du taux d’AMH 6 mois et/ou 12 mois après chirurgie. Cette diminution concernerait à la fois le sous-groupe de femmes présentant un SOPK et le sous-groupe sans SOPK. Néanmoins, seules deux études présentaient un groupe contrôle(4,5) et les effectifs étaient globalement peu importants (de 39 à 75 femmes incluses). Aucune étude ne propose un suivi au-delà de 12 mois. La chirurgie bariatrique permet vraisemblablement d’améliorer la fertilité naturelle des femmes opérées en optimisant leur fonction ovulatoire. En revanche, des données suggèrent une baisse de la réserve ovarienne, qui reste à confirmer par des études sur de plus grands effectifs et de méthodologie plus robuste. Discussion Les données concernant les bénéfices de la chirurgie bariatrique sur la fertilité sont relativement bien documentées dans la littérature, montrant notamment une reprise de l’ovulation, une régularisation des cycles menstruels, permettant parfois une conception naturelle. En revanche, peu de données sont disponibles concernant l’effet de la chirurgie bariatrique sur la réserve ovarienne et sur les résultats d’AMP. La majorité des articles retrouvent une diminution du taux d’AMH sérique. Celle-ci pourrait être consécutive à la malabsorption de nutriments nécessaires au bon fonctionnement du système reproductif féminin et/ou affectant la régulation de l’expression du gène de l’AMH. La perte de poids massive et rapide pourrait aussi induire un relargage de substances toxiques et de perturbateurs endocriniens liposolubles, néfastes pour le fonctionnement ovarien. Il faut souligner que ces études présentent toutefois des limites, ne permettant pas d’apporter une conclusion formelle. En effet, les effectifs sont très faibles, le design est critiquable avec seulement deux études qui proposent un groupe contrôle, et le suivi des patientes après chirurgie est imparfait, avec un nombre non négligeable de perdus de vue. Concernant les résultats des techniques d’AMP réalisées après chirurgie bariatrique, les données disponibles ne retrouvent globalement pas de modifications significatives des issues en termes de nombre d’ovocytes, de qualité embryonnaire et de taux de grossesses et/ou de naissances. Il est possible que l’effet délétère de la chirurgie sur la fonction ovarienne décrit plus haut soit compensé par les bénéfices liés à la perte de poids, aboutissant à une absence de modification des issues de FIV. Néanmoins, les études concernées présentent de très nombreuses limites, avec des effectifs parfois très réduits et seulement deux publications incluant un groupe contrôle. Conclusion La littérature retrouve globalement une diminution du taux sérique d’AMH, suggérant une altération de la réserve ovarienne à 6 et 12 mois après chirurgie bariatrique, mais pas d’impact sur les résultats en AMP. Néanmoins, les études publiées reposent sur de faibles effectifs avec des designs critiquables. Des études prospectives seront nécessaires afin de conclure formellement sur l’impact de la chirurgie bariatrique, tant sur la réserve ovarienne que sur les résultats en AMP, ainsi que sur la pertinence d’une éventuelle préservation de la fertilité avant chirurgie chez la femme en âge de procréer. L’intérêt d’une chirurgie bariatrique pour une femme infertile et obèse doit être discuté au cas par cas. Il doit tenir compte des bénéfices attendus par la suppression des effets délétères de l’obésité, mais aussi du risque de baisse de la réserve ovarienne par décalage du projet de grossesse et par possible effet direct de la chirurgie

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