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Infertilité

Publié le 10 nov 2020Lecture 23 min

Quand et comment proposer les inséminations intra-utérines en AMP

P. OGER, F. LAMAZOU, M. BÉCHARD DE SPIRLET, S. SILÉON, V. MAGET, C. METHORST, L. DELAROCHE

L’insémination intra-utérine (IIU) est une technique d’assistance médicale à la procréation simple, peu invasive, souvent utilisée en première intention en France. Les réelles indications sont les étiologies tubaires relatives, les endométrioses légères et modérées, les oligoasthénotératospermies modérées et les causes dites idiopathiques. L’IIU a toute sa valeur à condition de tenir compte des facteurs pronostiques : un âge de la patiente plus avancé, la durée d’infertilité sous réserve de rapports fréquents sont les critères principaux qui doivent pousser vers une FIV plus rapidement dans les indications limites. La simulation est plus efficace si 2 follicules « matures » sont obtenus et si la phase lutéale est soutenue par de la progestérone. L’inséminât doit avoir lieu dans les 24-26 heures après l’ovulation avec un seuil de 5 à 10 millions de spermatozoïdes totaux avec 30 % de mobilité totale dans l’éjaculat avant migration. Après 3 tentatives effectuées dans de bonnes conditions, là encore le passage en FIV s’avère être la meilleure option après discussion d’une éventuelle cœliochirurgie.

L’insémination intra-utérine (IIU) est une technique d’Assistance médicale à la procréation (AMP), peu invasive souvent utilisée en première intention, ne nécessitant pas de structure médicale lourde. Elle permet d’optimiser la rencontre des gamètes femelles et mâles dans le tractus génital féminin, en synchronisant l’ovulation et la présence d’une quantité́ importante de spermatozoïdes mobiles. Cependant, elle ne préjuge en rien de la fécondation de l’ovocyte. En France, selon les données de l’Agence de biomédecine, 49 498 IIU intraconjugales ont été réalisées en 2016, avec un taux de grossesse évolutive par tentative de 12,7 % et un taux d’accouchement de 10,6%(1). Sa place stratégique parmi les autres techniques entre les simulations simples et la fécondation in vitro (FIV) avec et sans micro-injection (ICSI) est souvent controversée, son évaluation par des études de haut niveau de preuve n’ayant pas été réellement effectuée. Quand envisager les IIU ? Indications Plusieurs indications sont couramment retenues dans la pratique des IIU, mais doivent être débattues. L’insémination permet de shunter la barrière cervicale anormale qui pourrait être hostile et ne jouerait pas efficacement son rôle de capacitation des spermatozoïdes. La glaire cervicale peut notamment être modifiée en cas de mucoviscidose, de col « distilbène » (DES) ou chez les patientes présentant un antécédent de conisation, mais aussi suite à une infection vaginale ; en outre, elle est dépendante de la période du cycle. Le diagnostic d’infertilité́ cervicale repose sur le test post-coïtal (TPC), ou test de Hühner, lorsque celui-ci est négatif à plusieurs reprises. Or, la valeur prédictive de ce test est remise en cause par différentes conférences de consensus internationales(2,3). Une étude randomisée, qui semble être la seule et qui date de 1998(4), conclut que la pratique de ce test en routine ne permet pas d’augmenter les taux de grossesse. Plus récemment, dans une étude rétrospective, les taux de grossesses spontanées chez les patientes avec un TPC négatif étaient proches de 27 %, ce qui n’était pas significativement différent des taux observes chez les patientes avec un TPC positif, à 38 % environ(5). À l’inverse, une étude prospective a observé́ des taux de grossesses spontanées significativement plus élevées lorsque le TPC était positif(6). Toujours est-il que la technique d’IIU semble augmenter les taux de naissances comparativement à 6 mois de rapports simples chez les patientes ayant une cause cervicale isolée objectivée, mais les taux restent identiques après trois ans(7). La dernière Cochrane sur le sujet date de 2005 et conclut qu’il n’y a pas de preuve que les IIU soient un traitement efficace dans les infertilités d’origine cervicale(8)  Les IIU sont aussi proposées comme traitement de 1re intention dans les infertilités dites idiopathiques lorsqu’aucune étiologie n’est retrouvée. Pourtant, selon la publication de la Cochrane(9), les IIU n’apportent pas plus de chances en termes de naissances vivantes que les rapports sexuels programmes. Une des raisons invoquées est l’hétérogénéité des définitions du terme « idiopathique ». Une étude plus ancienne avait déjà̀ conclu à l’absence de différence des taux de naissances vivantes entre les patientes traitées par IIU et le groupe témoin sans IIU(10). En revanche, cette étude montrait l’influence positive des IIU sur le délai de conception. Plus récemment dans leur étude prospective randomisée publiée dans le Lancet en 2018, C. Farquhar et coll. ont observé que les taux de naissances vivantes étaient 3 fois plus élevés dans le groupe des patientes prises en charge en IIU par rapport au groupe témoin sans traitement (RR 3,41 ; IC95 % : 1,71-6,79 ; p = 0,0003)(11). Dans cette étude, les patientes incluses étaient bien sélectionnées avec un âge moyen proche de 34 ans, un score de fertilité́ spontanée « haut » (score de Hunault), de l’endométriose modérée ou un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ovulatoire. La sélection à des patientes de bon pronostic en IIU est donc primordiale. L’obstruction tubaire « relative » regroupe les obstructions partielles (phimosis) ou totales d’une seule trompe ; elles peuvent être liées à des antécédents de grossesse extra-utérine (GEU) ou d’infection pelvienne. Sous réserve d’un bon pronostic de réserve ovarienne, les IIU peuvent être proposées après une cœlioscopie de 1re intention en cas de pathologie distale, ou un cathétérisme sélectif si l’obstruction est proximale(12). Plusieurs études rétrospectives n’ont pas observé́ de différence significative des taux de grossesse chez les patientes ayant une obstruction tubaire unilatérale et les patientes témoins idiopathiques, que ce soit après un unique cycle d’IIU ou après trois, ce qui sous-entend que les IIU soient efficaces(13,14). Dans ces études, il existe cependant une tendance, non significative, à une diminution des taux de grossesse si l’obstruction est distale. D’autres études les contredisent : B. Berker et coll. a conclu que les taux cumulés de grossesses après 3 IIU étaient inferieurs chez les patientes présentant une obstruction tubaire unilatérale par rapport aux patientes présentant une infertilité́ idiopathique(15). Cette différence restait significative dans le sous-groupe des patientes présentant une obstruction distale, mais pas dans celui des patientes présentant une obstruction proximale, dont le diagnostic par hystérosalpingographie est peut-être moins fiable. D’après T. Cochet et coll., les chances de grossesses après IIU dans les obstructions tubaires relatives seraient moins enlevées en comparaison aux autres étiologies, la technique de FIV étant mieux adaptée(16). L’âge de la patiente ainsi que l’évaluation des trompes à la cœlioscopie sont des facteurs pronostiques qui permettent de décider d’un passage plus rapide en FIV. L’effet délétère d’un reflux d’un hydrosalpinx sur l’implantation doit aussi être pris en compte(17). Chez les patientes présentant une endométriose de stade léger à modéré́ la cœlioscopie, avec vérification de la perméabilité́ tubaire, peut précéder d’éventuelles IIU qui seront limitées à six cycles selon les recommandations de l’ESHRE de 2014(18). Les chances de grossesse en IIU semblent être supérieures lorsque l’on associe une cœlioscopie thérapeutique au préalable(19). Le consensus de l’ESHRE et les dernières RCP du CNGOF recommandent la prise en charge en FIV plus ou moins associée à de la chirurgie dans les stades 3 et 4 de l’endométriose. Les dysovulations, SOPK ou hypogonadisme hypogonadotrope ne constituent pas une indication d’IIU de 1re intention lorsqu’elles sont seules responsables de l’infertilité́. Pour les patientes atteintes du SOPK, les recommandations de l’ESHRE proposent une prise en charge en IIU seulement après plusieurs échecs de stimulations simples par citrate de clomifène (CC) ou gonadotrophines accompagnées de mesures hygiéno-diététiques, la sélection spermatique n’apportant pas de chance supplémentaire(20). Cette prise en charge en IIU est à discuter avec la stratégie du drilling ovarien, qui sera privilégiée si une cœlioscopie peut apporter des éléments diagnostiques ou thérapeutiques dans la prise en charge. Selon l’équipe de J. Brown, les IIU avec stimulation par gonadotrophines permettraient d’obtenir des taux de grossesse significativement plus élevés que les IIU avec stimulation par CC en cas de dysovulation(21). Les troubles de l’éjaculation (anéjaculations des blessés médullaires, éjaculations rétrogrades ou anéjaculations psychologiques) sont une bonne indication, sous réserve de l’obtention d’un éjaculat de qualité́ suffisante, car, même si la concentration spermatique est normale, les vitalités et mobilités peuvent être altérées du fait de la stagnation prolongée des spermatozoïdes dans les épididymes(22). Dans le cas d’infertilité́ masculine modérée (OAT, oligo-asthéno-tératospermie), il n’y a pas de preuve de leur intérêt comparativement aux rapports programmés, que ce soit avec ou sans simulation(23). Cependant l’absence de standardisation des méthodes d’analyse du sperme, associée à l’hétérogénéité des simulations et des patients inclus doivent modérer le niveau de preuve de ces études. Cette indication reste donc toujours d’actualité́. Les IIU peuvent s’intégrer dans la prise en charge des infertilités immunologiques masculines liées à la présence d’anticorps anti-spermatozoïdes présents dans le liquide séminal. Ces anticorps en quantité́ enlevée (> 50 %), que l’on peut suspecter devant la présence d’agglutinats, entraînent une baisse de la mobilité́ des spermatozoïdes et réduisent leur faculté́ à franchir la barrière du mucus cervical. Ils peuvent être éliminés en grande partie par les techniques de préparation du sperme. Mais le plus souvent, une FIV avec micro-injection (ICSI) sera proposée en 1re intention devant l’IIU. Cependant, d’après W. Ombellet et coll.(24) et la métaanalyse de A. Zini et coll.(25), les taux de grossesses sont équivalents en IIU et en FIV en cas d’infertilité́ immunologique masculine. Les IIU réduisent le risque de transmission du VIH à la partenaire ou au futur enfant lorsque le conjoint a une sérologie VIH positive. Elles sont dans ce cas pratiquées avec des paillettes de sperme préalablement validées(26). La vérification virologique sous-entend la quantification du virus dans la parie migrée. Les taux de grossesse sont généralement satisfaisants s’il n’existe pas d’étiologies associées. Enfin, elles sont proposées en cas d’azoospermie confirmée après biopsie testiculaire. Les IAD (inséminations avec donneur) permettent d’obtenir des taux de grossesses très satisfaisants, même si la quantité́ de spermatozoïdes mobiles inséminés est faible. Les indications d’IIU sont donc en réalité́ assez restreintes : elles représentent une aide médicale proche de la physiologie qui peut être utile si elle est effectuée dans de bonnes conditions de simulation et dans un timing ne faisant pas perdre de chance aux couples, qui ne sont pas toujours prêts à s’orienter d’emblée vers une FIV. Facteurs pronostiques des IIU Il existe plusieurs facteurs pronostiques des IIU. En cas d’association de plusieurs facteurs péjoratifs, la FIV doit être privilégiée au lieu de l’IIU. L’âge de la patiente Les meilleures chances en IIU sont avant 30 ans. Le taux d’aneuploïdie ovocytaire s’enlève de façon exponentielle après 35 ans et rend donc les chances de grossesses plus difficiles après 40 ans(27-30). Il s’agit donc du facteur pronostique le plus important. L’âge du patient ne semble pas avoir d’influence sur les chances de réussite(31), mais un effet négatif synergique semble avoir lieu si la conjointe a plus de 35 ans, notamment pour les hommes de plus de 40 ans. La durée d’infertilité Une infertilité́ de plus de 4 ans serait de moins bon pronostic(32). Une infertilité́ de longue date va de pair avec des couples qui sont plus âgés, et l’âge de la femme, comme discuté ci-dessus, est l’un des facteurs les plus importants(33). D’autres auteurs ne considèrent cependant pas la durée d’infertilité́ comme un facteur pronostique(29,30). La réserve ovarienne Une FSH supérieure à 10-15 UI/L ou une estradiolémie supérieure à 40 pg/ml à J3 du cycle sont de mauvais pronostic chez les patientes d’âge moyen (36,6 ± 4,1 ans)(34). L’AMH ne semble pas être un facteur prédictif(35,36), mais quelques études observent cependant de meilleurs résultats dans la population ayant une AMH supérieure, notamment si la limite est fixée en dessous ou au-dessus de 1 ng/ml(37). Il est à noter que le dosage de l’AMH n’est pas toujours comparable d’un laboratoire à un autre et que l’uniformisation récente des kits de dosage permettra à l’avenir de repenser l’impact de l’AMH sur les chances de grossesses en IIU. Il est donc possible de prendre en charge les patientes ayant une altération de la réserve ovarienne en IIU en première intention si les trompes sont perméables et le sperme compatible, mais cette stratégie devra être comparée aux chances liées à la FIV. Les antécédents de grossesse Ils apparaissent pour certains auteurs comme un facteur de bon pronostic des IIU(38,39). Selon C. Dinelli et coll., une infertilité́ secondaire serait de bon pronostic, mais seulement avant 38 ans(29). D’autres auteurs au contraire ne reconnaissent pas la fertilité́ passée comme un facteur prognostique(40). Les paramètres spermatiques La métaanalyse de W. Ombelet et coll. avance les seuils de 5 à 10 millions de spermatozoïdes dans l’éjaculat et de 30 % de mobilité́ progressive avant migration, 1 à 5 millions de spermatozoïdes mobiles et plus de 5 % de formes typiques après migration pour envisager une IIU(41). Les taux de grossesse semblent significativement inferieurs si on insémine moins de 5 millions de spermatozoïdes mobiles(32,42) et ce, quel que soit l’âge de la patiente(42). À ce jour, aucune étude n’a prouvé́ qu’il existait un seuil maximal pronostique. L’impact de l’aspect morphologique reste débattu : pour certains auteurs il n’existe pas de corrélation entre le pourcentage de formes typiques des spermatozoïdes et les chances de grossesse(43,44) ; d’autres considèrent que oui(45). En France, l’utilisation de différentes classifications morphologiques (David, Kruger) peut rendre plus complexe l’interprétation de la valeur prédictive de la morphologie sur les chances de grossesses en IIU. L’impact de la fragmentation de l’ADN spermatique sur les résultats en IIU est difficile à évaluer, ne serait-ce qu’à cause de la variabilité́ des méthodes de mesure. Les seuils péjoratifs se situeraient au-delà̀ de 30 % par la méthode SCSA(46) ou > 12 % par la méthode TUNEL(47). Ces seuils ont cependant été déterminés pour les techniques des FIV et ICSI, ce qui ne permet pas de conclure pour les IIU. L’épaisseur endométriale mesurée le jour du déclenchement semble être un paramètre important pour la survenue d’une grossesse en IIU. Un endomètre de plus de 8 mm(48), idéalement de 10 à 11 mm(29,49,50), serait de bon pronostic. Pourtant, la métaanalyse de N. Weiss ne retrouve pas d’association entre les taux de grossesses en IIU et l’épaisseur endométriale(51). Elle recommande de ne pas annuler un cycle d’IIU en cas d’épaisseur endométriale trop faible. L’influence du tabac et du poids sur les résultats après IIU est peu étudiée. Dans une étude rétrospective belge de 2017, incluant 1 401 IUI avec spermes du conjoint et 1 264 avec spermes de donneur, l’IMC élevé́ chez la femme n’apparait pas comme facteur pronostique, a contrario du tabac lorsque la consommation est supérieure à 15 cigarettes par jour(52). Une deuxième étude belge sur spermes de donneur a rapporté́ une influence négative du tabac chez la femme au-delà̀ de 15 cigarettes par jour(39). À l’inverse, P. Merviel et coll. n’ont pas retrouvé́ d’influence de l’IMC ni du tabac sur les chances de succès en IIU(30). Dans quel cas discuter la FIV en 1re intention ? Les recommandations du CNGOF proposeraient plutôt en 1re intention des inséminations avec stimulation par gonadotrophines dans les cas d’infertilité́ dits idiopathiques(12). Voici quelques données de la littérature qui peuvent orienter la décision thérapeutique. D’après A. Nandi et coll., les résultats de grossesses après 3 IIU sont équivalents à ceux d’une FIV(53). Dans la Cochrane de Pandian, le taux de grossesse vivante n’est pas statistiquement supérieur en FIV par rapport à des IIU simulées, mais est supérieur s’il est comparé́ avec les IIU, dont la patiente a déjà̀ reçu du CC pour une simulation simple, ce qui ne montre donc pas d’apport à un passage « obligé » via des inséminations(54). Dans une étude chez des patientes de plus de 40 ans, les taux de grossesse étaient supérieurs en FIV ; ils observaient que dans une analyse en sous-groupe, la différence était significative à 40 ans mais ne l’était plus à 42 ans, ce qui montre l’importance d’une prise en charge rapide dans cette population plus âgée(55). M. Goldman et coll., dans une étude randomisée de patientes âgées de 38 à 42 ans, ayant au moins 6 mois d’infertilité́ idiopathique, concluent que la FIV immédiate donne des TG supérieures à deux IIU (avec CC ou gonadotrophines)(56). Enfin, une étude randomisée chez des couples idiopathiques ou dont l’homme a une oligoasthénotératospermies modérée, simulés selon le même protocole et aux mêmes doses, constate de meilleures chances de grossesse à un moindre coût en FIV(57). Une équipe hollandaise a observé́ des taux de grossesses identiques après 3 IIU versus 1 FIV après une simulation modérée et le transfert d’un unique embryon ; en revanche la FIV avait un coût supplémentaire(58). Cette étude est critiquable, car l’intérêt de la FIV passe par une simulation plus forte que l’IIU pour permettre l’obtention de plusieurs embryons utiles à partir d’une seule ponction. L’intérêt des IIU dans la prise en charge des infertilités masculines idiopathiques et en cas d’endométriose minime a été remis en cause aussi par deux instances : le groupe d’experts de l’ESHRE a conclu que les IIU n’apportaient pas plus de chances de grossesses que l’expectative (rapports sexuels simples) chez les couples de « bon pronostic »(3). Ils préconisent aux professionnels d’orienter ces couples directement en FIV. Mais qu’est-ce qu’un bon couple de « bon pronostic » ? Le guide des bonnes pratiques britanniques de la NICE (National Institute for Health and Care Excellence) encourage les rapports sexuels réguliers non protégés pendant 2 ans avant de proposer d’emblée une FIV(2). Ces recommandations ont été critiquées par Woodwart et d’autres auteurs qui ont suggéré́, jusqu’à ce que des données plus robustes soient disponibles, que la technique d’IIU puisse encore être proposée par les centres en mesure d’offrir des taux de naissances satisfaisants en IIU pour des raisons économiques évidentes et une balance bénéfice/risque intéressante(59,60). La cœliochirurgie peut aussi être une option de 1re intention dès qu’une pathologie pelvienne est suspectée, chez une patiente ayant une réserve ovarienne correcte, car elle rectifie souvent une infertilité́ dite « inexpliquée », et permet parfois la découverte d’endométriose, que l’on peut alors traiter. Bilan diagnostique Un bilan diagnostique complet est nécessaire chez les deux membres du couple avant toute IIU. Chez la femme Il est nécessaire d’évaluer sa réserve ovarienne (AMH, FSH et estradiol) en début de cycle (entre le 2e et le 5e jour du cycle) et d’effectuer le compte des follicules antraux par échographie pelvienne. L’intérêt de l’échographie est aussi de diagnostiquer la présence d’éventuelles malformations utérines (myome, polype, synéchie, cloison, etc.) ou des modifications évocatrices d’endométriose. L’hystérosalpingographie est l’examen indispensable pour l’évaluation des trompes. Il a été observé qu’elle permet d’augmenter le taux de grossesses spontanées chez les couples infertiles(61). L’YFOSY pourrait remplacer l’hystérosalpingographie dans un avenir proche(62). L’hystéroscopie de 1re intention est débattue : sa place avant IIU est peu évaluée, mais une étude randomisée de petite taille est en sa faveur(63). On peut penser par extrapolation qu’elle permettrait d’augmenter le taux de grossesses en IIU en améliorant le diagnostic de pathologies intra-cavitaires, comme cela a été montré en FIV classique(64,65). Chez l’homme Un bilan de sperme préalable est nécessaire (spermogramme et test de migration survie [TMS]). L’intérêt d’évaluer la fragmentation et la décondensation de l’ADN des spermatozoïdes avant IIU n’est pas démontré́, sauf s’il existe des facteurs de risque (varicocèle, exposition aux toxiques, âge avancé, etc.) : en cas d’élévation, un traitement peut être mis en place avant les IIU ou une prise en charge en ICSI peut être envisagée(66). Stimulation : doses, critères de déclenchement de l’ovulation La simulation par gonadotrophines permet d’augmenter les chances de grossesses en IIU dans les infertilités inexpliquées et les endométrioses légères à modérées. En revanche, il n’y a pas de preuve de son intérêt dans les infertilités masculines modérées. Le type de gonadotrophine ne semble pas influencer les résultats. Le CC semble cependant moins efficace que les gonadotrophines(67). Pour les patientes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques, l’ajout de metformine en plus des gonadotrophines permettrait d’augmenter les taux de naissances vivantes(68). En France, l’utilisation du létrozole, inhibiteur de l’aromatase, n’est pas autorisée. L’objectif de la simulation en vue d’une IIU est un recrutement bi-folliculaire qui permet d’augmenter les chances de grossesse par rapport à un recrutement monofolliculaire(69). La simulation monofolliculaire peut cependant être proposée initialement en cas de dysovulation, de pathologie cervicale, de troubles de l’éjaculation, chez les couples sérodiscordants et en cas d’IAD. Un recrutement supérieur augmente le risque de grossesse multiple et n’apporte pas de bénéfice sur les taux de grossesses (tableau). R. Tur et coll. proposent d’annuler le cycle s’il existe plus de trois follicules de taille supérieure à 10 mm avec une estradiolémie supérieure à 850 pg/ml le jour du déclenchement chez les patientes de moins de 32 ans(70). Le déclenchement sur trois follicules reste possible après plusieurs échecs ou chez les patientes de plus de 38 ans. Selon l’arrêté́ du 30 juin 2017, le couple doit être informé dès qu’il existe un risque de grossesse multiple. La dose de gonadotrophine et le jour du démarrage de la simulation dépendent de l’objectif de recrutement folliculaire : – si l’objectif est d’obtenir un seul follicule mature, la simulation peut débuter à partir du 7e jour aux doses de 50-75 UI de FSH par jour pour accompagner le follicule qui a été naturellement sélectionné ; – si l’objectif est d’obtenir une réponse bi-folliculaire, la stimulation peut être démarrée dès le 3-4e jour du cycle aux doses de 50-75 UI de FSH par jour en utilisant la fenêtre de FSH endogène ; sinon de fortes doses de gonadotrophines (100-150 UI) peuvent être administrées à partir du 5e jour du cycle pour empêcher la fermeture de la fenêtre naturelle de FSH, puis les doses seront diminuées dès l’obtention de 2 follicules de plus de 12 mm. Si l’objectif est une réponse tri-folliculaire, de fortes doses (150 UI) dès le 3e jour du cycle sont proposées. Ces doses devront être adaptées en fonction du compte des follicules antraux, de l’AMH, de l’âge et du BMI de la patiente. Un 1er contrôle échographique (compte des follicules entre 7 et 9 mm, puis des follicules supérieurs à 10 mm, aspect de l’endomètre) et hormonal (estradiol, LH et progestérone) a généralement lieu entre le 9e et le 11e jour du cycle. Une fois qu’un follicule est recruté (à partir de 10-12 mm), un suivi échographique et hormonal toutes les 48 heures permet de décider du jour du déclenchement de l’ovulation. La montée de la LH (>10UI) concomitante à celle de la progestérone (> 1 ng/ml) reflète une ovulation prématurée. L’utilisation des antagonistes de la GnRH (anGnRH) évite ce risque de lutéinisation trop précoce(71) et permet assez fréquemment de faire maturer un 2e follicule(72). En pratique, on peut les ajouter dès qu’un follicule est supérieur à 14 mm, en tenant compte des dosages sanguins. Les anGnRH ont l’avantage d’offrir au clinicien une certaine souplesse dans la planification de son activité. Un taux de progestérone élevé́ (> 1 ng/ml) le jour du déclenchement réduit de façon significative les chances de grossesses(73). La question de l’arrêt de la stimulation devant une progestéronémie enlevée doit se poser en tenant compte des variations de dosage d’un laboratoire à l’autre. Le déclenchement de l’ovulation (rhCG ou uhCG ou aGnRH) apporte les mêmes chances de réussite que le pic naturel de LH(74). Le déclenchement doit être proposé quand un follicule de plus de 16 mm est obtenu. Toutefois, une étude récente semble rapporter de meilleurs taux de grossesses lorsque le déclenchement est effectué sur des follicules entre 19 et 20 mm(75). D’autres auteurs ont observé que la taille idéale serait de 23-28 mm après stimulation par CC ou létrozole(76). Le point commun de ces études est qu’elles montrent une corrélation entre la taille du follicule et l’épaisseur endométriale(77). Il n’y a pas de consensus sur le taux idéal d’estradiol à obtenir le jour du déclenchement. Il s’agit souvent d’un compromis entre le nombre et la taille des follicules, l’épaisseur de l’endomètre, le taux d’estradiol (qui reflète la maturité́ ovocytaire) et de progestérone (qui reflète la lutéinisation précoce). POINT FORT Le test de Hühner, qui pose le diagnostic d’infertilité́ cervicale, ne repose pas sur une preuve scientifique.   Les meilleures indications d’IIU de 1re intention sont les « vraies » causes cervicales, les pathologies tubaires unilatérales proximales, les oligoasthénotératospermies, dont le recueil permet d’obtenir au moins 5 millions de spermatozoïdes mobiles et les couples sérodiscordants.   L’âge est le meilleur facteur pronostique et une AMH basse ne préjuge en rien des chances de grossesse. Après 35 ans chez la femme, une durée d’infertilité́ longue, quelle que soit l’étiologie, doit inciter à proposer une FIV qui aura comme intérêt de ne pas « perdre » du temps, de vérifier la fécondance et d’estimer la « qualité́ » des blastocystes ; un cycle de FIV a aussi comme avantage d’obtenir en une fois de nombreux ovocytes.   L’obtention de 2 follicules espérés matures, facilitée par un blocage par antagoniste, augmente les chances de grossesse. Le couple doit être informé du risque de grossesse multiple. L’insémination est idéale entre 24 et 36 heures après l’ovulation et la phase lutéale soutenue par de la progestérone. Après 3 tentatives dans de bonnes conditions, le passage en FIV ou la cœliochirurgie est à discuter. Insémination : quand et comment ? L’usage est d’inséminer environ 32-36 heures après le déclenchement, sans qu’il y ait de preuve d’une amélioration des taux si ce délai est raccourci. L. Haller et coll. rapportent des taux de grossesses et de naissances vivantes comparables dans les groupes ayant bénéficié́ d’une IIU à J1 (24 h) versus J2 (32-36 h) du déclenchement de l’ovulation(78). A contrario, C. Blockeel et coll. ont observé des taux de grossesses significativement supérieurs à J1 par rapport à J2(79). Ces deux études suggèrent donc la possibilité de réaliser les IIU à J1 ou J2 lorsque l’organisation du service le justifie. La qualité́ de l’inséminât influe sur les taux de succès en IIU. Le délai d’abstinence pour le recueil du sperme est de 2 et 7 jours; une abstinence plus longue est délétère sur la qualité spermatique (OMS, 2010). Les doubles inséminations (2 IIU le même jour) ne semblent pas augmenter les taux de grossesses, comme l’ont montré N. Polyzos et coll.(80). À ce jour, il n’y a pas de consensus définissant la quantité minimale du sperme permettant de réaliser une IIU(81). Quatre facteurs prédictifs ont été proposés : le nombre total de spermatozoïdes mobiles dans l’éjaculât (TMSC = Total Motile Sperm Count in the native sperm sample), la mobilité totale dans l’éjaculât (TM = Total Motility in the native sperm sample), la morphologie spermatique et le nombre total de spermatozoïdes mobiles inséminés (IMC = Inseminating Motile Count ou NSMI) ou encore le nombre total de spermatozoïdes mobiles progressifs inséminés (NIMPS = Number of Inseminated Progressively Moile Spermatozoa)(82). La métaanalyse de W. Ombelet relient les seuils de 5 à 10 millions de spermatozoïdes totaux avec 30 % de mobilité́ totale dans l’éjaculât avant migration ; et de 0,8 à 5 millions de spermatozoïdes mobiles avec plus de 5 % de formes typiques (FT) après migration pour envisager une IIU(41). Plus récemment, B. Cohlen dans sa revue de 2018 réaffirme qu’il n’existe pas de seuils clairement établis des paramètres spermatiques pré- et post-préparation en dessous desquels l’IIU devrait être annulée(81). L’impact de l’aspect morphologique reste aussi débattu : pour certains auteurs, il n’existe pas de corrélation entre le pourcentage de FT et les chances de survenue d’une grossesse après IIU(84), notamment si l’on tient compte de l’âge de la patiente et du nombre total de spermatozoïdes mobiles(85). De même, P. Patel a rapporté que la morphologie spermatique (≤ ou > 4 % FT en Kruger) n’impacte pas les taux de grossesse ni les taux de naissances vivantes après IIU(86). A contrario, M. Erdem a montré une augmentation de 4,5 % des chances de naissances vivantes quand le pourcentage de FT est normal après migration(87). L’impact du délai entre la préparation et l’insémination est débattu : une étude hollandaise rétrospective portant sur 1 136 cycles conclut à des taux de grossesse évolutive identiques, même si l’insémination était effectuée 24 heures après le recueil et la préparation(88) ! Une étude prospective française, incluant 709 patientes, estime que les meilleures chances de grossesse sont obtenues si l’insémination a lieu entre 40 et 80 minutes après la préparation(89), résultat plus proche d’une ancienne étude qui concluait à l’intérêt d’inséminer moins de 60 min après(90). La différence majeure est que l’étude hollandaise conservait la préparation spermatique à température ambiante et non à 37 °C. Comment inséminer ? L’insémination intra-utérine est de loin la méthodologie la plus utilisée et a prouvé, notamment en insémination avec donneur, une efficacité́ supérieure par rapport à l’insémination intra cervicale (dépôt de spermatozoïdes dans le col utérin)(91). Pour cela, on insémine 0,2 à 0,5 ml de sperme préparé dans l’utérus grâce à un cathéter souple, le plus souvent sans aide échographique. Un repos après l’injection intra-utérine des spermatozoïdes est souvent proposé, mais ne permet pas d’augmenter significativement les chances de succès(92). Le geste du clinicien doit être délicat, car les contractions sont délétères(93). Quel soutien de la phase lutéale ? Le soutien de la phase lutéale se fait par une supplémentation en progestérone qui semble bénéfique notamment pour les IIU avec simulations par gonadotrophines(94). Il n’existe pas de recommandations sur la voie d’absorption, la posologie ou la durée ; en pratique, 200 mg de progestérone main et soir sont administrés par voie vaginale à partir du soir de l’IIU et jusqu’à confirmation de la présence d’un sac avec activité́ cardiaque vers 7 semaines d’aménorrhée (SA). Pour les patientes atteintes d’hypogonadisme hypogonadotrope, le soutien lutéal est plus long (10 SA), avec ajout de gonadotrophines chorioniques à la dose de 1 500 UI tous les trois jours, à débuter le 4e jour après le déclenchement et à renouveler trois fois. Combien de cycles d’IIU envisager ? Tous âges confondus, plus de 50 % des patientes sont enceintes après trois tentatives d’IIU et 74 % après six. En cas d’échec après 6 cycles d’IIU, les taux de grossesses des IIU suivantes sont nuls(14). La 4e tentative semble être un seuil dans les chances de réussite(32). Ainsi, il semble important de ne jamais proposer plus de 6 cycles d’IIU consécutifs. Conclusion La technique d’IIU peut être proposée aux patientes jeunes présentant une infertilité́ de courte durée, une bonne réserve ovarienne et dont le conjoint a de bons paramètres spermatiques. Il apparaît souhaitable de proposer une FIV ou une cœliochirurgie après trois tentatives d’IIU effectuées dans de bonnes conditions (avec stimulation et recrutement de 2 follicules matures). Un maximum de six cycles d’IIU doit être envisagé notamment en cas de pathologies cervicales, de troubles de l’éjaculation, d’IAD et chez les couples sérodiscordants. Lorsque les critères de bon pronostic ne sont pas présents, la FIV de première intention doit se discuter devant l’IIU.

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