publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Covid-19

Publié le 01 juil 2020Lecture 10 min

Pandémies à coronavirus : Sévérité comparée de SARS-CoV-2, SARS-CoV et MERS-CoV

Daniel ROTTEN, Paris

1. Breslin N et al. Coronavirus disease 2019 among asymptomaic and symptomaic pregnant women: two weeks of confirmed presentaions to an affiliated pair of New York City hospitals. Am J Obstet Gynecol MFM 2020 ; 2 (suppl): 100118.

2. Di Mascio D et al. Outcome of coronavirus spectrum infections (SARS, MERS, COVID-19) during pregnancy: a systemaic review and meta-analysis. Am J Obstet Gynecol MFM 2020 ; 2 (suppl): 100107.

Du fait de sa gravité et de son expansion explosive, l’épidémie à SARS-CoV-2 donne lieu à la publication d’une avalanche d’articles médicaux. La littérature obstétricale n’échappe pas au phénomène. Rapports de cas isolés, séries — souvent courtes et originaires de Chine, mais pas seulement —, et déjà articles de synthèse et premières métaanalyses fleurissent. À la date de fin avril, 441 grossesses chez des patientes atteintes de COVID-19 avaient fait l’objet d’une publication originale. Parmi elles, 95 % concernaient des patientes au 3e trimestre. Les dossiers de 125 nouveau-nés étaient analysables.

Dans une précédente parution de Gynécologie-Obstétrique Pratique (avril 2020, n° 324), Violaine Peyronnet et coll. ont fait une mise au point sur l’infection par le coronavirus SARS-Cov-2 chez les femmes enceintes. Les articles analysés ici sont focalisés sur la gravité de l’atteinte COVID-19. Noelle Breslin et coll. se sont particulièrement intéressés à l’évolution de l’atteinte maternelle au cours de la grossesse(1). De leur côté, Daniele Di Mascio et coll. ont comparé le devenir obstétrical des patientes atteintes par SARS-CoV-2, SARS-CoV et MERS-CoV. Pour cela, ils ont fait la métaanalyse de 19 études, incluant 79 patientes, dont 41 (soit 52 %) atteintes par le SARS-CoV-2(2). L’atteinte COVID-19 est-elle plus sévère chez les femmes enceintes ? Au cours des deux dernières décennies, les coronavirus SARS-CoV et MERS-CoV ont été responsables d’infections graves : SARS (Severe Acute Respiratory Syndrome), dû à SARS-CoV, entre 2002 et 2004, et MERS (Middle East Respiratory Syndrome), dû à MERS-CoV, à partir de 2012. Environ 100 femmes enceintes ont été contaminées par SARS-CoV et une dizaine par MERS-CoV.  Avec MERS-CoV et SARS-CoV, on a observé une plus grande proportion d’infections sévères par rapport à la population non gravide, avec des atteintes pulmonaires sévères, en particulier chez les femmes enceintes. Qu’en est-il des atteintes par SARS-CoV-2, en particulier pour l’appareil respiratoire ? Deux ordres de modifications physiologiques observées lors de la grossesse légitiment la question : d’une part, il existe une baisse de l’immunité cellulaire. On observe un glissement de la prédominance du système lymphocytaire Th1 (acteur important dans la défense contre les infections, en particulier virales), vers le système Th2, ainsi que l’augmentation des taux de cellules T régulatrices (TREGS). Système Th2 et TREGS favorisent la tolérance immunitaire aux dépens de la défense anti-infectieuse(3) ; deuxième phénomène, la grossesse s’accompagne de modifications de la physiologie car diorespiratoire qui rendent les femmes moins tolérantes à l’hypoxie : élévation du diaphragme, diminution du volume résiduel fonctionnel, augmentation de la consommation d’oxygène, œdème de la muqueuse des voies respiratoires. Lors des précédentes épidémies à coronavirus SARS-CoV et MERS-CoV, les atteintes maternelles ont été particulièrement graves. Lors de l’épidémie à SARS-CoV, le taux d’admission des femmes enceintes en unités de soins intensifs (USI) a été esimé à 60 %, avec une mortalité autour de 33 %, contre 20 % et 10 %, respectivement, chez les autres sujets. Des chiffres similaires ont été observés pour l’épidémie à MERS-CoV. Pour l’épidémie de SARS-CoV-2, les premières données venant de Chine paraissaient favorables. Une première synthèse portant sur 23 patientes atteintes par le SARS-CoV-2 au 3e trimestre, avait relevé que 2 patientes (8,7 %) avaient nécessité une admission en USI avec recours à une ventilation assistée(4). Une patiente restait sous ECMO, mais aucune mort n’était à déplorer à la date de publication de la série originale. Des séries récentes semblent confirmer cette impression d’absence de gravité spécifique chez la femme enceinte par rapport à la population générale. Par exemple en Chine, Yan et coll. ont analysé une série de 119 femmes en fin de 2e trimestre ou au 3e trimestre de grossesse(5). Parmi elles, 14 présentaient des comorbidités. Huit ont eu une pneumonie sévère, nécessitant une admission en USI (6,9 %), avec recours à une ventilation assistée (non invasive, n = 6 ; invasive, n = 2). Une patiente a bénéficié d’une plasmaphérèse et une d’une ECMO. À la date de publication, 76 patientes (65,5 %) étaient sorties d’hospitalisation, et aucune mort n’était à déplorer. Les auteurs estiment donc qu’il s’agit de chiffres similaires à ceux de la population générale chinoise. Noelle Breslin et coll. ont analysé une série de 49 patientes atteintes par SARS-CoV-2 en fin de 2e trimestre ou au 3e trimestre de grossesse, prises en charge à New York(1). Vingt-neuf patientes ont été testées parce qu’elles étaient symptomatiques lors de leur premier contact avec la maternité (figure 1). Les symptômes étaient considérés comme modérés pour 23 de ces patientes. Ils étaient toujours évalués comme modérés lors de leur hospitalisation en vue d’accouchement, et le sont restés chez 25 d’entre elles. Mais l’état de santé de l’une d’entre elles s’est aggravé en symptomatologie sévère. Les symptômes initiaux de 3 patientes de ce groupe étaient d’emblée sévères, et le sont restés. Un deuxième groupe est constitué des 14 patientes qui étaient asymptomatiques lors de leur premier contact avec la maternité. Quatre d’entre elles étaient toujours asymptomatiques lors de leur hospitalisation en vue d’accouchement et le sont restées tout au long de leur séjour et de leur suivi postpartum. En revanche, 10 d’entre elles présentaient des symptômes modérés lors de leur hospitalisation en vue d’accouchement. L’état de 2 d’entre elles s’est dégradé, et est devenu critique, nécessitant une réanimation ventilatoire et viscérale. Au total, sur l’ensemble de la série, 4 patientes (9,3 %) ont présenté une maladie sévère et deux (4,7 %) une forme critique. On peut noter que ces deux patientes font partie du groupe initialement asymptomatique. Aucune mort n’a été à déplorer, mais une patiente restait hospitalisée à la date de publication. En termes de gravité de l’atteinte, ces chiffres sont estimés par les auteurs similaires à ceux observés dans la population générale (environ 80 % de formes de gravité moyenne, 15 % de formes sévères et 5 % d’atteintes critiques). La métaanalyse colligée par Di Mascio et coll. renforce cette impression de moindre gravité des atteintes par SARS-CoV-2, comparativement à SARS-CoV et MERS-CoV (figure 2)(2). Figure 1. Évolution de l’atteinte COVID-19 selon la symptomatologie présente lors du 1er contact avec la maternité (d’après les données de N. Breslin et coll.). Figure 2. COVID-19, SARS et MERS et pronostic maternel (d’après les données de Di Maschio et coll.). Cependant, toutes les séries ne sont pas aussi optimistes. Hantoushzadeh et coll. ont rapporté une série iranienne de 9 femmes enceintes, en fin de 2e trimestre ou au 3e trimestre de grossesse, et hospitalisées en maternité de type III parce qu’elles présentaient une forme sévère de maladie COVID-19(6). À la date de publication de la série, 7 patientes étaient mortes, 1 restait dépendante de ventilation assistée et 1 avait guéri après une longue hospitalisation. L’enquête menée auprès de l’entourage de ces femmes (époux, enfants, personnes vivant sous le même toit, n = 33) n’a relevé aucun décès. La gravité observée dans la série iranienne ne trouve pas d’explication, d’autant que les patientes ne présentaient généralement pas de comorbidités. Grossesses aux 1er et 2e trimestres Di Mascio et coll. n’ont pas retrouvé d’article répondant à leurs critères de sélection et permettant d’analyser l’effet de SARS-CoV-2 et de MERS-CoV sur la poursuite de la grossesse. Pour le SARS, le taux d’avortements du 1er trimestre est élevé. Di Mascio et coll. ont calculé qu’il était de 8/21 (39,1 %), comme montré sur la figure 3. Nan Yu et coll. ont publié le cas de deux patientes contaminées au 1er trimestre, dont la grossesse s’est poursuivie et dont les prélèvements divers étaient négatifs de la présence du virus au 2e trimestre (liquide amniotique)(7).  Figure 3. COVID-19, SARS et MERS : pronostic au 1er trimestre et pronostic obstétrical. Les conséquences de l’atteinte par SARS-CoV-2 comparées à celles de l’ensemble des coronavirus (d’après les données de Di Maschio et coll.). La figure indique la moyenne (%) et l’intervalle de confiance à 95 % de l’incidence des différents paramètres analysés. ND : donnée non disponible. Pour le 2e trimestre, on peut noter que, pour le SARS-CoV-2, il existe deux publications documentées, l‘une d’un avortement tardif du 2e trimestre (19 SA), l’autre d’un accouchement très prématuré (22 SA), avec MFIU dans les deux cas. Les PCR sur le placenta furent positives. L’examen anatomo-pathologique a montré l’existence de lésions placentaires. En revanche, les organes fœtaux ont été testés négatifs(8,9). Conséquences obstétricales Le taux de prééclampsie des patientes infectées par le SARS-CoV-2 paraît légèrement plus élevé que celui observé sur l’ensemble des patientes infectées par des coronavirus (13,6 % et 6,2 %, respectivement), comme montré sur la figure 3. En raison de la faible taille des effectifs, aucune comparaison statistique n’est légitime. On n’observe aucun cas de RCIU dans les séries des patientes infectées par le SARS-CoV-2. On peut observer que la plupart du temps, la naissance suit de peu le début de l’infection, ce qui ne laisserait pas le temps à un éventuel effet sur la croissance fœtale de se manifester. Plusieurs publications permettent d’observer que le pronostic obstétrical est plus mauvais lorsque la mère présente une pneumonie. Le nombre de ruptures prématurées des membranes et d’accouchements prématurés est élevé pour l’ensemble des patientes infectées par des coronavirus. Le taux d’accouchements prématurés avant 37 SA est de 24,3 % pour l’ensemble des patientes infectées par des coronavirus. Il atteint 41,1 % pour le SARS-CoV-2. Pour les accouchements avant 34 SA, ces nombres sont respectivement de 21,8 % pour l’ensemble des patientes infectées par des coronavirus et de 15 % pour les patientes infectées par SARS-CoV-2. Conséquences périnatales (figure 4) Les conséquences périnatales paraissent sévères. Le taux de « souffrances fœtales » est élevé, tant pour l’ensemble des coronavirus que pour le seul SARS-CoV-2, comme celui de taux de scores d’Apgar à 5 minutes inférieurs à 7. Néanmoins, on ne relève aucun cas « d’asphyxie néonatale ». Le taux de décès périnatals (mort-nés et morts néonatales) est également élevé. Figure 4. COVID-19, SARS et MERS : pronostic périnatal et transmission verticale. Les conséquences de l’atteinte par SARS-CoV-2 comparées à celles de l’ensemble des coronavirus (d’après les données de Di Maschio et coll.). La figure indique la moyenne (%) et l’intervalle de confiance à 95 % de l’incidence des différents paramètres analysés. Transmission materno-fœtale verticale (figure 4) Aucun cas de transmission materno-fœtale verticale n’a été démontré chez les patientes contractant l’infection en fin de grossesse, et cela pour l’ensemble des coronavirus. Concernant plus particulièrement SARS-CoV-2, l’absence de transmission verticale est attestée dans pratiquement toutes les études publiées. Lorsqu’elles ont été faites, les PCR sur liquide amniotique, sang de cordon et gorge de nouveau-nés de mère infectées ont été négatives. Dans les quelques cas où une PCR s’est révélée positive chez le nouveau-né, il est argué que l’isolation entre mère et enfant lors de la naissance a vraisemblablement été inadéquate. Plusieurs publications mentionnent la présence d’IgM spécifiques de SARS-CoV-2 dans le sang de cordon de nouveau-nés de mère infectées. Les IgM ne passant pas la barrière placentaire, la présence d’IgM dans le sang de cordon pourrait donc témoigner d’une infection in utero. Mais la pertinence de cet argument est discutée. Le dosage des IgM a une spécificité insuffisante pour constituer une preuve irréfutable, d’autant que parallèlement les recherches directes de virus ont été négatives chez les nouveau-nés. De leur côté, Elisheva D Shanes et coll. ont réalisé l’analyse histologique du placenta de 15 femmes atteintes de COVID-19 et ayant accouché au 3e trimestre. Tous les nouveau-nés ont été testés négatifs au SARS-CoV-2. On observe, par rapport aux placentas témoins, un taux augmenté de lésions associées à l’hypoperfusion vasculaire maternelle du lit placentaire et de thrombi dans l’espace intervilleux. Toutefois, on ne retrouve pas d’augmentation des signes d’inflammation aiguë ou chronique, dont la présence à l’inverse évoquerait une atteinte virale(10). Au total, les quelques observations paraissant démontrer une contamination transplacentaire sont donc de qualité méthodologique considérée insuffisante ou attestent de preuves indirectes, et ne peuvent pas actuellement constituer une preuve incontestable(11). Il reste toutefois que certains nouveau-nés de mère infectée par le SARS-CoV2 ont présenté des manifestations cliniques extrêmement précoces après leur naissance, témoignant d’un intervalle quasiment nul entre une éventuelle contamination post-natale et l’apparition de signes cliniques. Ainsi, sur 33 nouveau-nés que Likong Zeng et coll. ont pris en charge, trois ont présenté des signes cliniques précoces (deux dès la naissance, un à 2 jours de vie)(12). Cette chronologie ne permet pas d’exclure une transmission anténatale, et la prudence reste de mise. Synthèse Chez les femmes enceintes, l’atteinte COVID-19 semble moins sévère que la pathologie observée lors des épidémies dues à SARS-CoV et MERS-CoV, avec un recours moins fréquemment nécessaire à la réanimation ventilatoire et un taux de décès moindre. Il reste toutefois qu’une publication rapporte une série de cas de gravité préoccupante. Le taux d’avortements lorsqu’une infection à coronavirus est contractée au premier trimestre de la grossesse parait élevé. Cependant, concernant l’atteinte par SARS-CoV-2, les quelques données disponibles paraissent rassurantes. Du point de vue obstétrical, deux points émergent. Le premier concerne le taux de prématurité. On observe pour tous les coronavirus, et SARS-CoV-2 en particulier, un taux élevé de naissances prématurées. Beaucoup sont dues à une intervention médicale, destinée à mettre fin à la grossesse dans un but de sauvetage maternel. Mais nombre d’entre elles sont liées à la pathologie virale, comme en témoigne le taux élevé de ruptures prématurées des membranes. Le deuxième point est le retentissement fœtal et néonatal. Le taux de « souffrances fœtales » est élevé, et il existe une mortalité périnatale non négligeable.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème