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Accouchement

Publié le 26 juin 2020Lecture 8 min

Peut-on préserver le périnée intact lors de l’accouchement ?

Denis GALLOT, CHU Estaing, Clermont-Ferrand

L’accouchement représente un traumaisme pour le périnée, qui risque de présenter une lésion anatomique ou une dysfonction ultérieure. La prévalence du périnée intact est très variable selon les études, pouvant aller de 15 à 70 %. Dans ses Recommandations pour la pratique clinique de 2018, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) déclare qu’il n’est pas recommandé de proposer la réalisation d’une césarienne programmée en prévention primaire du retentissement périnéal. il est en revanche recommandé d’encourager le massage périnéal chez les femmes souhaitant le pratiquer, de limiter le recours à l’extraction instrumentale en privilégiant des efforts expulsifs retardés et de contrôler manuellement le dégagement de la présentation.

Lors d’un accouchement par les voies naturelles, le périnée fait l’objet d’une sollicitation spectaculaire décrite comme l’infundibulum vulvo-périnéal de Farabeuf. Cet étirement du périnée va concerner à la fois les structures musculo-aponévrotiques, le plan cutané, le plan muqueux et les différents rameaux nerveux de la région périnéale. Il est établi que cet étirement peut conduire à une élongation de près de 30 % de certaines de ces structures. Or, ce seuil de 30 % est habituellement retenu comme pouvant être à l’origine de lésions, notamment sur les axones. Il est donc judicieux de considérer que l’accouchement représente un traumatisme pour le périnée. Les recommandations pour la pratique clinique (RPC) édictées en décembre 2018 par le CNGOF ont ainsi défini le risque de voir survenir une lésion périnéale ou une dysfonction périnéale. La lésion périnéale se définit comme toute lésion anatomique visualisée au moment de l’accouchement spontané. Lorsque cette lésion concerne le sphincter de l’anus, il a été choisi le terme de lésion obstétricale du sphincter anal (LOSA). La dysfonction périnéale correspond à l’ensemble des symptômes périnéaux définitifs ou transitoires dont se plaindront les patientes après un accouchement. Ils sont dominés par des signes d’incontinence urinaire ou anale, des douleurs ou un prolapsus. Dans l’idéal, un périnée intact devrait donc être défini comme indemne de toute lésion visible et de toute dysfonction ultérieure. Dans la littérature, le périnée intact se définit plus volontiers comme un périnée ne justifiant pas de suture, c’est-à-dire pouvant être malgré tout porteur d’éraillures ou de déchirures du 1er degré. La prévalence du périnée intact est très variable selon les études, pouvant aller de 15 à 70 %. Il est fait état d’un périnée plus souvent intact chez les multipares (69,9 % versus 49,5 % chez la primipare dans une étude japonaise de patientes à bas risque en 2015). Il apparaît donc que le périnée est régulièrement concerné par des lésions en post-partum immédiat. Points forts La lésion périnéale se définit comme toute lésion anatomique visualisée au moment de l'accouchement. Si cette lésion concerne le sphincter de l'anus, on parle de lésion obstétricale du sphincter anal (LOSA). La dysfonction périnéale correspond aux symptômes périnéaux regroupant l'incontinence urinaire ou anale, des douleurs ou d'un prolapsus.  Place de l’épisiotomie C’est pour préserver le périnée qu’il a été longtemps recommandé de pratiquer des épisiotomies. Cette option paraît très discutable puisqu’elle conduit à espérer une protection périnéale en imposant une lésion de 2e degré. Déjà dans les recommandations du CNGOF de 2005, il était établi la nécessité de réduire le recours à l’épisiotomie. En effet, les bénéfices de cette pratique sur la préservation des fonctions périnéales ne sont pas formellement établis, tandis qu’un usage restricif de l’épisiotomie montre une réduction de la morbidité. La réducion progressive du taux d’épisiotomie ne s’est pas accompagnée d’une majoration franche du taux de LOSA, même si l’on doit garder en tête des publications récentes pouvant laisser penser qu’un taux d’épisiotomie très restrictif pourrait s’accompagner d’une majoration des LOSA. Place de la césarienne programmée Face aux risques de traumatisme périnéal se pose la question d’envisager la réalisation d’une césarienne programmée en prévention primaire des lésions et des dysfonctions périnéales. Même s’il est établi que le risque d’incontinence urinaire à 3 mois pourrait être majoré en cas d’accouchement par voie vaginale de même que le risque de prolapsus génital, les RPC concluent qu’il n’est pas recommandé de proposer la réalisation d’une césarienne programmée en prévention primaire de l’incontinence urinaire post-natale (grade B), de l’incontinence anale post-natale (grade B), du prolapsus génital (accord professionnel) ou de la préservation de la fonction sexuelle (grade C). Limiter le recours à l’accouchement instrumental Une autre option consiste à limiter le facteur de risque principal des lésions périnéales, à savoir l’accouchement instrumental. En effet, le risque de voir survenir une LOSA est particulièrement augmenté en cas d’accouchement instrumental (OR : 5,10 [IC95 % : 3,33-7,83]) et en cas de nulliparité (OR : 3,24 [2,20- 4,66]). Lorsque les efforts expulsifs sont commencés de manière retardée, les chances d’accouchement spontané sont meilleures (NP1). De ce fait, il est recommandé quand l’état maternel et fœtal le permet, de retarder le début des efforts expulsifs (grade A). La littérature montre que le risque de LOSA augmente lorsque la durée de la 2e phase du travail se prolonge, mais la seule possibilité de réduire cette durée lorsqu’on applique une politique d’efforts retardés, serait d’avoir plus rapidement recours à une naissance instrumentale. Ceci conduirait au paradoxe d’utiliser plus fréquemment le principal facteur de risque LOSA. Ainsi les RPC considèrent que les données de la littérature ne permettent pas de recommander précisément une durée maximale de la 2e phase du travail (NP3). Réaliser un accouchement instrumental à seule fin de diminuer la durée de la 2e phase du travail pourrait augmenter le risque de LOSA (NP3). Ainsi, à moins qu’il existe des signes de détresse fœtale, la poursuite du travail peut permetre à une proporion importante de femmes d’accoucher par voie basse spontanée, conduisant à une diminution des LOSA. Si une naissance instrumentale s’avère nécessaire, il est recommandé d’utiliser de préférence une ventouse pour diminuer le risque de LOSA (grade C). La pratique systématique d’une épisiotomie au cours d’un accouchement instrumental n’est pas recommandée (accord professionnel). Autres attitudes destinées à réduire le traumatisme périnéal Les RPC du CNGOF ont retenu plusieurs autres attitudes destinées à réduire le risque de lésions périnéales sévères. Au cours de la grossesse, le massage périnéal diminue le taux d’épisiotomie (NP1) ainsi que les douleurs périnéales et l’incontinence au gaz dans le post-partum (NP2), même si le massage ne semble pas diminuer le taux de LOSA (NP1) ni le taux d’incontinence urinaire dans le postpartum (NP2). Ainsi, le massage périnéal pendant la grossesse doit être encouragé chez les femmes souhaitant le pratiquer (grade B). Il peut être pratiqué par la patiente ou son partenaire, au minimum 3 fois par semaine à parir de 36 SA. L’utilisation du dispositif EpiNo® pendant la grossesse n’est pas recommandée pour prévenir les LOSA (grade B). De même, il n’est pas recommandé de pratiquer des exercices de renforcement des muscles du plancher pelvien (grade B). Pour la prévention de l’incontinence urinaire, l’absence d’effet démontré à moyen terme ne permet pas de formuler une recommandation (accord professionnel). Il est fréquent que la patiente ne puisse pas obtenir de mictions spontanées au cours de son travail, surtout lorsqu’elle bénéficie d’une analgésie péridurale. Le sondage urinaire est alors recommandé et il semble préférable de privilégier un sondage intermitent (accord professionnel). Il n’y a pas d’argument pour recommander une technique de poussée plutôt qu’une autre (glotte ouverte versus glotte fermée). Il est donc recommandé d’encourager la patiente à pousser de la manière la plus efficace pour elle (accord professionnel). Il n’existe pas de posture particulière ayant démontré son intérêt pour réduire le risque de lésion périnéale (NP2). Le massage périnéal durant le 2e stade du travail semble diminuer le risque de LOSA, de même que l’application de compresses chaudes (NP2). Compte tenu de la méthodologie et de l’hétérogénéité des études, le CNGOF n’a pas statué sur leur utilisation en pratique clinique. Le contrôle manuel de la présentation et le soutien du périnée postérieur lors de l’expulsion semblent diminuer le taux de LOSA (NP3). De ce fait, il est recommandé de contrôler manuellement le dégagement de la présentation (grade C). Cette attitude s’oppose à celle du « hands-off », qui consiste à laisser l’expulsion de la tête se faire sans aucune assistance par le soignant. La manœuvre de Couder, qui consiste à abaisser le membre antérieur lors du dégagement des épaules fœtales, semble diminuer le taux de déchirure périnéale du second degré et favoriser le périnée intact (NP3). La littérature nous montre que le savoir-faire du professionnel influence les chances d’obtenir un périnée intact, ce qui plaide pour un enseignement de ces manœuvres d’accompagnement au dégagement de la tête fœtale puis du dégagement des épaules. Il faut noter que, même si ce savoir-faire peut augmenter les chances de préserver le périnée intact, il ne permet pas une diminution franche du risque de LOSA. Points forts Il est nécessaire de réduire le recours à l'épisiotomie, car elle s'accompagne d'une morbidité, tant que ses bénéfices sur la préservation des fonctions périnéales ne sont pas formellement établis. Il n'est pas recommandé de proposer la réalisation d'une césarienne programmé en prévention primaire du retenssement périnéal. Le recours à l'accouchement instrumental doit être limité, en privilégiant des efforts expulsifs retardés et en acceptant une prolongation de la durée de l'expulsion. Il est recommandé de contrôler manuellement le dégagement de la présentation.  Conclusion L’accouchement est une source de traumatisme du périnée. Il n’apparaît pas judicieux de proposer une césarienne en prévention primaire à l’ensemble des patientes, car le plus souvent l’accouchement ne s’accompagnera pas d’une lésion périnéale sévère ni d’une dysfonction périnéale ultérieure. Les données de la littérature soutiennent un recours très restreint à la pratique de l’épisiotomie. Le massage périnéal en fin de grossesse mériterait d’être plus souvent proposé. Pour réduire le recours à l’accouchement instrumental, il est judicieux de réaliser des efforts expulsifs retardés et d’accepter une prolongation de la durée des efforts lorsque la tolérance maternelle et la tolérance fœtale sont satisfaisantes. Le dégagement doit s’accompagner d’un contrôle manuel pour favoriser l’ampliation périnéale progressive. Ni la position maternelle ni le mode de poussée (glotte ouverte ou fermée) ne semblent influencer le traumatisme périnéal.

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