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Sexologie

Publié le 05 juin 2020Lecture 7 min

Ménopause et sexualité, un lien physiologique et social

E. MOREAU(1), A. ROMBY(2) 1. Psychologue sexologue 2. Médecin sexologue

Symbole du vieillissement féminin occidental, la ménopause représente un marqueur physiologique et psychologique qui amène de nombreuses femmes à se représenter cet évènement comme un tournant à valeur négative dans leur vie sexuelle. Dans les cabinets de sexologie, dans lesquels les femmes de plus de 50 ans se présentent le plus souvent pour une diminution du désir sexuel, la ménopause est ainsi très souvent désignée pour partie responsable de ce qui est alors vécu comme une souffrance. Si les liens physiologiques entre ménopause et sexualité existent, il est cependant important de distinguer le fait biologique du fait social, afin de pouvoir accompagner aumieux les patientes.

La ménopause comme perturbateur physiologique sur la sexualité L’ensemble des manifestations physiologiques en lien avec l’arrêt de la production d’œstrogène et de progestérone ont un impact direct ou indirectsurla fonction sexuelle. On peut identifier les symptômes vasomoteurs, la sécheresse vaginale pouvant entraîner des dyspareunies, des troubles du sommeil, des troubles de l’humeur, etc. De nombreuses études se sont intéressées à l’impact de la ménopause sur la sexualité confirmant le lien entre la survenue de ces symptômes et la diminution progressive de l’activité sexuelle, en lien avec la baisse du désir et l’apparition de dyspareunies. L’une d’elles constate par exemple que la fonction globale sexuelle varie considérablement en fonction du stade de la ménopause, le score total au FSFI (Female Sexual Function Index) obtenu au début de la post-ménopause étant plusfaible en ce qui concerne la libido, l’excitation, l’orgasme et la douleur, par comparaison avec celui qui a été obtenu au début de la transition ménopausique. Les difficultés de santé générale et l’utilisation de certains médicaments ou substances psychoactives (comme les opioïdes et l’alcool) exercent des effets additionnels délétères sur la sexualité. Parmi les troubles médicaux associés en particulier à la baisse du désir, on retrouve la dépression, les problèmes endocriniens (comme les affections thyroïdiennes), l’anxiété et l’incontinence urinaire. Les symptômes sexuels les plus fréquemment relevés au moment de la ménopause sont la diminution de la libido et les dyspareunies : 52 % des femmes signalent une plus faible libido mais seule 10 à 15 % d’entre elles considèrent cette baisse comme un problème ; 50 % des femmes signalent un inconfort vaginal dans les 3 ans suivant la ménopause. L’explication physiologique étant que l’obtention d’une excitation suffisante prendrait plus de temps et l’intensité de l’orgasme semblerait s’émousser, mais ces éléments ne sont pas illustrés par des données quantitatives. Quelques éléments biologiques peuvent cependant intervenir dans le fonctionnement sexuel : la testostérone, naturellement produite chez les femmes par les glandes surrénales et les ovaires, joue un rôle dans la réponse sexuelle. Son taux et sa diminution semblent liées à une diminution de la libido et un ralentissement de la réponse sexuelle physiologique ;  l’arrêt de la synthèse d’estrogènes semble avoir un impact sur la fonction sexuelle par l’intermédiaire de l’insomnie, l’irritabilité ou encore la diminution de la trophicité vaginale en lien avec leur diminution, plus que par effet direct sur la libido, l’excitation sexuelle ou la réponse orgasmique. Un certain nombre d’études récentes montrent ainsi l’intérêt de la supplémentation en estrogène, local et/ou général sur la fonction sexuelle. Ayant un impact significatifsur la dyspareunie, elle est associée à une amélioration de l’intérêt sexuel, de la fréquence de l’orgasme et du plaisir orgasmique. Une supplémentation en testostérone en plus d’un THS semble elle aussi montrer son intérêt sur la variation du désirsexuel. « La ménopause » comme « mitan de vie » social et culturel Le terme ménopause apparaît au 19e siècle du fait d’un médecin français (Charles Pierre Louis de Gardanne) qui publie en 1821 un ouvrage intitulé De la ménopause ou de l’âge critique des femmes. Dans certaines cultures, les femmes n’ayant plus leurs règles ont longtemps été considérées comme dangereuses pour elles-mêmes et/ou pourles autres. On peut ainsi retrouver cesidées dans différents ouvrages : « Les vieilles femmes qui ont encore leurs règles et, certaines dans lesquelles elles sont retenues, si elles regardent des enfants couchés dans un berceau, elles leur communiquent du venin par leur regard » dans Les secrets des femmes, datant du XIIIe siècle ; ou encore « Habitué à trouver une voie facile par la menstruation, le sang s’adresse à tous les organes lorsque son écoulement est supprimé ; il les congestionne, etil s’ensuit un état de pléthore » (Gardanne, 1816). Au XXe siècle la ménopause devient médicalement pathologique par l’identification de l’arrêt de la production des estrogènes. Il faudra cependant attendre les années 1980 pour que des études épidémiologiques sérieuses décrivent les manifestations physiologiques réellement observées à ce temps de vie, ainsi que celles attribuables aux modifications de l’imprégnation hormonale, le plus souvent présentées comme pathologiques ou dysfonctionnelles. La ménopause est ainsi toujours associée à une perte de valeur. Simone de Beauvoir écrivait, dans une perspective critique, « Il lui reste à vivre, privée de tout avenir, environ la moitié de sa vie d’adulte. On ne lui a permis d’avoir prise sur le monde que par la médiation de l’homme : que deviendra-t-elle quand elle n’aura plus de prise surlui ?» (Le deuxième sexe, 1949) ; tandis que le gynécologue américain Robert Wilson fait un portrait de la femme ménopausée, entièrement définie par son taux d’estrogènes, comme une calamité pour elle-même et pour son entourage : « Raides, fragiles, courbées,ridées et apathiques elles traversent en trébuchant leurs dernières années (...) Femmes désexuées, ellespassentdanslarue sans qu’on lesremarque etremarquentpeude choses elles-mêmes.» (Féminin forever, 1966, livre de promotion du traitement hormonal substitutif). Les variations culturelles de la ménopause Une étude menée en France en 1995 sur les représentations des femmes autour de la ménopause montre bien ce continuum de représentation : Le pôle négatif rassemble 39 % des femmes interrogées, qui se caractérisent à des degrés divers par un regret vis-àvis des règles et de la fécondité, une perte de capital santé, une perte de capital esthétique et une perte de capital symbolique. Le pôle positif concerne 17 % des femmes, qui sont très satisfaites de l’arrêt des règles et de la fécondité, pour qui il n’y a pas de perte de capital santé ou de capital esthétique et qui font l’expérience d’un gain de capital symbolique. Entre les deux se situe un pôle neutre, qui regroupe le plus de femmes, 44 % pour qui, à la ménopause, rien ne change ou presque. Ces résultats montrent la limite de l’adhésion des femmes au discours dominant ainsi qu’au discours de certain•e•s gynécologues etpsychanalystes, pour qui la ménopause représente un « remaniement psychique douloureux, de l’ordre de la perte ou du deuil, à prendre en compte,même s’il n’atteint pas le seuil de la pathologie » (D. Delanoë). Il paraît important d’après cette étude, de distinguer la réaction individuelle à l’arrêt de la fonction reproductive et la réaction à la situation sociale faite aux femmes, « phénomène de nature et domination symbolique, représentation dominante support de la domination masculine ». Les études culturelles et environnementales autour de la ménopause tendent à montrer qu’il existe un lien entre les attitudes culturelles à l’égard de la ménopause et l’intensité des symptômes indiqués par les femmes : plus l’image de la femme ménopausée est socialement valorisée, moins les femmes font état de symptômes physiques ou psychologiques. Selon ces recherches, ce sont les Nord-Américaines et les Européennes qui sembleraient avoir le plus de symptômes, qui vivraient le plus péniblement cette transition et qui auraient le plus de difficultés à percevoir la ménopause comme un phénomène naturel, au même titre que le début de la puberté. On pourrait donc résumer cette expérience par cette citation : « Le phénomène [la ménopause] devient alors une maladie, qu’il faut traiter. Face à ce discours alarmiste, les expériences des femmes apparaissent plurielles et les liens sociaux se révèlent aussi importants que le vécu corporel » (La fabrique de la ménopause, C. Charlap). Conclusion La sexualité des femmes à ce moment particulier de la vie peut évoluer. Elle peut être impactée par des manifestations somatiques en lien avec la diminution de la production hormonale et à ce titre peut bénéficier de traitements. Elle peut être marquée par des réorganisations de la vie des femmes au mitan de vie, changement dans la vie conjugale, départ des enfants, clôture d’un temps de vie en lien avec la maternité, investissement professionnel, injonction sociale de jeunesse imposée aux femmes, etc. L’accompagnement de la demande de soin doit toutefois distinguer ce qui fait souffrance subjective de ce qui correspond à une évolution naturelle et bien acceptée de leur vie sexuelle et affective, et ce indépendamment des représentations culturelles de ce que devrait être « une femme fonctionnelle ».

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