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Sexologie

Publié le 06 avr 2021Lecture 7 min

Les troubles de la lubrification

Emilie MOREAU, Axelle ROMBY, Paris
Les troubles de la lubrification

Le manque de lubrification lors des rapports sexuels est un motif fréquent de consultation en gynécologie et touche selon les études de 9 à 38 % de la population féminine. Cette problématique peut relever de dysfonctionnements purement somatiques, de troubles de l’excitation sexuelle et du désir, le plus souvent psychogènes, être en lien avec un défaut d’apprentissage sexuel ou de savoir-faire érotique de la patiente et/ou de son•sa partenaire, ou bien encore un symptôme révélant des violences sexuelles. Il est ainsi important d’explorer ces différents axes afin de poser un diagnostic juste et de proposer une prise en soins adaptée.

Éléments physiologiques de la lubrification La lubrification génitale est l’une des manifestations majeures de l’excitation sexuelle féminine. L’augmentation du flux sanguin provoque une vasocongestion des tissus, entraînant elle-même une transsudation du vagin. Lorsque la réponse sexuelle est adéquate à une stimulation sexuelle (physique ou psychique), ces phénomènes sont médiés par le système parasympathique, le NO (oxyde nitrique) et le VIP (vasointestinal peptide), les estrogènes étant eux-mêmes impliqués dans la production du VIP. Il est important de mentionner qu’il est souvent observé une discordance entre les réactions physiques (lubrification et vasocongestion pelvienne) relevant de l’« excitation objective » et les perceptions subjectives de l’excitation chez les femmes souffrant de dysfonctions de l’excitation nommée « excitation subjective ». Ainsi, certaines femmes ne ressentiront aucune excitation subjective alors même qu’elles présentent les signes d’une excitation objective, et inversement. Les problèmes de lubrification ne sont pas nécessairement corrélés à une souffrance sexuelle, puisque selon les séries, jusqu’à 38 % des femmes décrivent des troubles de la lubrification alors que moins de 10 % en font une plainte importante, sauf chez les femmes ménopausées. La diminution ou l’absence de réponse sexuelle objective est donc un mauvais élément prédictif d’une souffrance sexuelle. La plainte la plus importante concerne le trouble subjectif de l’excitation.   Des causes somatiques et iatrogéniques Lorsqu’une cause somatique est responsable du trouble, la patiente va le plus souvent exprimer le ressenti d’un désir, physique et psychique de la réalisation de l’acte sexuel. Vont parfois pouvoir être observés également d’autres signes physiques de l’excitation : augmentation de la fréquence cardiaque ou érection des mamelons par exemple. Parmi les causes de défaut d’excitation objective sont retrouvées les lésions médullaires, D10-L2 pour le signal psychogène et S2- S4 pour le signal réflexe (provoqué par simulation sexuelle directe), ainsi que les lésions des nerfs périphériques qui y sont reliés. Par exemple, une sclérose en plaques ou un diabète avancé pourront être responsables de problèmes de lubrification. Toute pathologie entraînant une diminution de l’afflux sanguin pourra également provoquer ces troubles. La prise de médicaments psychoactifs est également souvent responsable de troubles de la fonction sexuelle, et notamment de troubles de l’excitation. Les antipsychotiques vont par exemple augmenter le taux de prolactine sérique et avoir des effets anti-dopaminergiques, inhibant globalement le fonctionnement sexuel. Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, couramment utilisés pour traiter la dépression, entraînent également des troubles du désir et de la lubrification. Parmi les causes iatrogéniques sont également fréquemment retrouvés les effets des traitements anticancéreux, chirurgie et/ou radiothérapie, voire chimiothérapie. Enfin, il est important de noter que la prise de contraceptifs estroprogestatifs entraîne fréquemment des anomalies de la lubrification dans les premiers mois de prises. Focus sur les répercussions de la ménopause sur la fonction sexuelle La plainte d’un défaut de lubrification est le plus souvent associée à la ménopause, qui provoque la diminution de la sécrétion d’estrogène et par voie de conséquence une sécheresse vaginale. Sont à retenir, au sujet des répercussions sexuelles de la ménopause : diminution de la lubrification, avec un allongement du temps nécessaire à une excitation sexuelle permettant un acte sexuel satisfaisant ;   muqueuse vaginale et vulvaire amincie entraînant des douleurs avec irritation mécanique en lien avec les frottements ;   fonction orgasmique maintenue, bien que facilitée par la réalisation d’exercices de Kegel (entretien de la tonicité des muscles périvaginaux par des exercices de contraction/décontraction). La vie sexuelle des femmes pendant et après la ménopause est l’objet de nombreuses représentations, la plus répandue étant celle d’une diminution importante du désir : « ce n’est plus de mon âge », « après la ménopause c’est fini ». Bien que certaines femmes puissent en effet montrer un désintérêt progressif pour la sexualité à cet âge de leur vie, il peut au contraire représenter une occasion de déconstruire et de réimaginer celle-ci. Il est parfois utile d’ouvrir la parole autour d’une sexualité possible en dehors du fantasme procréatif et malgré les désagréments liés aux déficits hormonaux.   Troubles de l'excitation psychogènes et comportementaux Les troubles de l’excitation et du désir sont souvent liés dans la nosologie et l’étiologie, l’un entraînant l’autre et inversement. Une fois les causes somatiques et iatrogéniques écartées, le désir et la motivation à s’engager dans la sexualité, seule ou en relation, doit être questionnée. La plainte de défaut de lubrification peut être entendue comme une demande d’aide relative à la satisfaction sexuelle de la personne. On parlera du « potentiel » d’excitation pour évaluer la dimension psychorelationnelle du trouble. Le caractère primaire ou secondaire, la durée de la présence du trouble sont les premiers éléments à recueillir. Plusieurs dimensions de l’histoire sexuelle de la personne peuvent intervenir : le vécu négatif relatif à la relation actuelle ou à des relations antérieures, de même qu’un vécu de violences sexuelles, un vécu négatif de la puberté, etc. Des expériences traumatisantes en dehors de la sphère sexuelle peuvent également être à l’origine d’un trouble du désir entraînant un trouble de la lubrification. Enfin, le stress, l’anxiété et les symptômes dépressifs peuvent intervenir dans la capacité à s’investir dans la sexualité, altérant la perception subjective des stimulations sexuelles. Le stress et l’anxiété peuvent être circonstanciés au domaine de la sexualité : vis-à-vis du/de la partenaire, de son plaisir, lié à une grossesse non désirée, à la peur de contracter des IST, le VIH, de l’absence de survenue d’un orgasme… L’image négative de soi est également un facteur entravant l’émergence du désir par la difficulté qu’elle augure à investir et à projeter le corps dans une activité sexuelle. D’un point de vue purement comportemental, peuvent intervenir un défaut d’apprentissage sexuel et/ou de connaissance du fonctionnement physiologique de la sexualité.   Une conséquence relationnelle Un contexte relationnel défavorable est un élément favorisant les troubles de l’excitation et du désir, de même que les situations de manque d’intimité et de communication. De même, la centralité de la pénétration est à prendre en compte dans la relation, car l’absence d’un répertoire sexuel diversifié empêche de nombreuses femmes de ressentir du désir à initier un rapport sexuel ou de déclencher les phénomènes locaux d’excitation réactionnelle et leur ressenti subjectif. La stimulation adéquate du/de la partenaire selon le fonctionnement individuel propre à chacune est importante pour un état d’excitation propice à la satisfaction sexuelle. Cette stimulation peut être physique, psychique ou environnementale, et elle dépend donc de la capacité à pouvoir identifier son désir et surtout à être dans une relation dans laquelle il est possible de le verbaliser. Est à investiguer également la présence d’un trouble sexuel chez le/la partenaire ; chez les hommes on pensera principalement aux dysfonctions érectiles et à l’éjaculation pré maturée. Enfin, la question du consentement aux rapports sexuels est à poser systématiquement dans ce type de trouble, ce symptôme pouvant être une manière pour les patientes de formuler une demande d’aide « acceptable » pour elles.   Éléments de prises en soins Déterminer le caractère primaire ou secondaire, la durée du trouble ainsi que la présence du trouble globalement ou exclusivement en masturbation ou en relation sexuelle permet d’évaluer l’intensité du trouble ainsi que sa répercussion sur la qualité de vie sexuelle des patientes. Selon l’étiologie, organique/iatrogénique ou sexorelationnelle, la prise en soins ne sera pas la même. Point de vue organique Il s’agira bien sûr d’abord, si possible, de traiter la ou les causes du trouble : traitement hormonal substitutif, gel local à base d’estrogène et/ou d’acide hyaluronique en cas de ménopause par exemple. La recommandation d’utilisation d’un gel lubrifiant est à envisager. Il est préférable d’avoir pris le temps d’explorer l’ensemble des dimensions potentielles du trouble avant de le recommander, afin de ne pas passer à côté et donc masquer une problématique psychique ou relationnelle. Il est cependant important d’en parler, certaines femmes ayant des difficultés à se saisir de cette possibilité en dehors d’une recommandation médicale. Point de vue sexologique Si les dimensions organiques ou iatrogéniques sont écartées, c’est la souffrance associée au trouble de l’excitation et ses répercussions sur l’expression du désir qui motiveront une orientation en sexothérapie.   Conclusion Les troubles de la lubrification doivent être analysés, en premier lieu d’un point de vue organique par la recherche en consultation des causes nerveuses, hormonales, vasculaires et ou iatrogéniques. Une fois ces causes écartées, une évaluation fine du fonctionnement sexuel permettra de prendre en compte la demande des femmes concernées. Quelques conseils sexo-éducatifs sur la physiologique sexuelle féminine ou de la réassurance pourront permettre une résolution du trouble ; le cas échéant, une orientation en sexothérapie sera opportune.

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