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Colposcopie

Publié le 20 mai 2019Lecture 9 min

Les lésions de bas grade

J. MARCHETTA, CHU ANGERS

La pathologie cervicale dite « de bas grade » peut donner lieu à une observation directe, notamment dans la recherche des condylomes acuminés, mais aussi à une exploration colposcopique affinée lorsqu’il s’agit de lésions microscopiques. Nous approfondirons en particulier la question des mécanismes physiopathologiques qui président aux aspects et images « virales » sur le col.

Les pathologies cervicales de bas grade regroupent les lésions condylomateuses et les CIN I qui sont, somme toute, des anomalies de même puissance puisqu’il s’agit de lésions dites « productives », à l’opposé des lésions « transformantes » de haut grade. Ces anomalies de bas grade ne doivent pas être considérées comme des lésions précancéreuses directes. Cette pathologie est volontiers l’apanage des femmes jeunes, fréquemment nulli- ou paucipares. Le laser étant classiquement l’option de choix pour le traitement, et s’agissant d’une méthode destructrice sans complément d’analyse histologique, le diagnostic colposcopique (donc le site de la biopsie) se doit d’être infaillible. L’éventuelle « bouée de secours » que pourrait représenter la conisation diagnostique n’a pas sa place ici. Faire une colposcopie pour des anomalies de bas grade est donc souvent un moment « pathétique » pour le colposcopiste, qui ne doit pas manquer l’éventuelle zone de gravité car il y a jusqu’à 18 % de « haut grade dans le bas grade ». La colposcopie chez la femme ménopausée est également une situation malaisée, la localisation lésionnelle étant fréquemment endocervicale. En revanche, dans ce cas de figure, des moyens plus invasifs sont plus facilement acceptables pour explorer le col. Afin d’être relativement exhaustifs dans la présentation des aspects colposcopiques de la pathologie de bas grade, nous suivrons un ordre « morphologique » allant de la plus grosse lésion, à savoir le condylome, jusqu’aux aspects microscopiques (qui sont les « véritables » aspects colposcopiques). Les aspects macroscopiques Ils correspondent aux condylomes. Que les papilles qui constituent l’unité papillaire soient volumineuses ou réduites (micro-papilles), elles répondent toujours à 3 critères : – aspect surélevé digitiforme, – acidophilie, – iode inhomogène Ces 3 éléments sont constamment retrouvés sur les lésions virales de bas grade et le trio est indispensable pour poser plus sûrement le diagnostic. Si l’un d’eux vient à manquer, alors il ne s’agit pas d’une zone lésionnelle viro-induite. Analysons chaque constituant de ce trio (figure 1). Figure 1. Histologie d’une papille condylomateuse.   Pourquoi le condylome « papille » ? Ce processus de papille (qui a été à l’origine du nom du virus) est lié à la poussée en doigt de gant et de bas en haut du chorion inflammatoire, qui imprime ainsi un relief en surface d’épithélium. Pourquoi le condylome est-il acidophile ? Au niveau de la papille et surtout à son sommet, existe une assez forte densité cellulaire épithéliale et, comme toute zone présentant une richesse protéique, l’application d’acide acétique déclenche un blanchiment franc (figure 2). Figure 2. Acidophilie franche d’un condylome péri-orificiel. Cette réaction et son aspect en relief le distinguent d’un ectropion.   Pourquoi le condylome est-il iode inhomogène ? Contrastant avec son sommet richement cellulaire donc très coloré à l’iode, la base de la papille est volontiers riche en koïlocytes. Le cytoplasme de ces cellules ayant été vidé par le virus, sa clarté est caractéristique et les cellules restent claires sous lugol. Le contraste entre le sommet brun acajou et la base iode négative claire provoque l’aspect inhomogène tout à fait caractéristique (figure 3). Figure 3. Aspect iode inhomogène typique de ce condylome. Les papilles peuvent être volumineuses Elles réalisent des digitations qui comportent un axe vasculaire parfois visible le long de la papille ou à sa pointe. Ces papilles peuvent se grouper sous forme de bouquet condylomateux constituant la verrue. – L’acide acétique blanchit les papilles et les rétracte légèrement, les séparant les unes des autres (le blanchiment fait disparaître la visibilité de l’axe conjonctivo-vasculaire). – Lorsque l’amas condylomateux est en situation péri-orificielle sur le col, le diagnostic différentiel avec un ectropion se pose parfois. L’aspect surélevé du condylome acidophile et surtout iode inhomogène permet de faire la différence. – Un aspect relativement fréquent est celui en plaques blanches leucoplasiques (figure 4). Figure 4. Condylome observé sans préparation, d’aspect leucoplasique. Se pose alors la question du diagnostic différentiel avec une leucoplasie « vraie », c’est-à-dire une leucokératose non virale (figure 5), mais celle-ci ne présente pas d’aspect papillaire, elle se décolle volontiers sous une spatule qui la repousse, et elle est bien sûr strictement iodo-négative. Figure 5. Leucoplasie non virale (leucokératose) non papillaire, iode-négatif franc, détachable par une spatule. Les formes micro-papillaires – Les éléments papillomateux sont alors plus discrets. Les papilles sont volontiers courtes et arrondies. Il peut s’agir de micro-papilles diffuses, ou groupées et formant des zones micropapillaires à bords nets, c’est-à-dire que la surface papillaire s’arrête brusquement comme à l’emporte-pièce (figure 6). – Encore plus petites, ces lésions peuvent réaliser un fin granité plus ou moins diffus sur le col et débordant volontiers dans les culs-de-sac. Figure 6. Zone micropapillaire à limite nette. Les aspects microscopiques Zones pathologiques Parmi les 3 critères qui caractérisaient les formes macroscopiques (papilles, acidophilie, iodo-négativité inhomogène), il n’en reste ici que 2 puisque le relief en papilles n’existe plus dans les formes microscopiques (longtemps appelées « condylomes plans »). La réaction acidophile réalise des zones blanches relativement épaisses, plutôt brillantes comparativement à l’acidophilie qualifiée de mate des lésions de haut grade, à contours nets. Elles ont parfois un petit relief, mais peuvent être totalement planes. Ces zones blanches peuvent se présenter sous forme de plaque unique de forme variable sans logique particulière, ou se multiplier à la surface du col en de nombreuses taches blanches posées comme des « taches de bougie ». Au lugol, les zones condylomateuses acidophiles deviennent iode inhomogène. Celles-ci prennent la topographie des TAG I (transformation atypique de grade I de la terminologie SFCPCV). Rappelons que ce type de métaplasie (TAG I), correspond à une zone de réparation de l’ectropion qui n’est pas arrivée à maturer et qui apparaît donc en colposcopie sous forme acidophile (en raison de l’empilement cellulaire abondant) et surtout iode-négatif franc et net (en raison de l’absence de charge cellulaire en glycogène). Sa morphologie est triangulaire à base externe et à pointe centrale car, lors de la réparation de l’ectropion, les bandes de métaplasie matures progressent plus vite de façon centripète que les zones immatures qui se trouvent ainsi comme « étranglées ». Sur le plan évolutif, les TAG I entament une recherche de maturation et les cellules vont progressivement se charger en glycogène. Ce processus se fait de façon souvent irrégulière sur la zone immature et donne à ces TAG I un aspect iode inhomogène au lugol (figure 9) car celui-ci ne colore que les cellules matures. Si l’HPV investit ces zones, il infectera essentiellement les cellules immatures dont il vide le cytoplasme et les cellules s’appellent alors des koïlocytes. L’alternance des plages koïlocytaires iodo-négatives et de plages cellulaires denses matures provoque la persistance de l’aspect iode inhomogène. Rien ne permet de distinguer une TAG I qui mature et une TAG I infectée par le virus HPV. Tout au plus, l’inflammation virale du chorion provoque des remontées conjonctivo-vasculaires donnant des images de ponctuation et même de mosaïque sur les surfaces iode-positif, accentuant l’aspect inhomogène de la zone (figure 10). Il convient d’être clair sur la valeur diagnostique prédictive des zones de TAG I : – une TAG I de disposition centripète, lorsqu’elle est acidophile et iode-négatif homogène : il s’agit d’une métaplasie immature dans 90 % des cas (figure 7) ; – une TAG I qui se révèle acidophile mais iode-inhomogène au lugol correspond, dans 60 % des cas, à une lésion de bas grade, c’est-à-dire condylome ou CIN I (figure 8). Figure 7. Diagnostic prédictif d’un aspect acidophile régulier iode-négatif régulier : métaplasie.   Figure 8. Diagnostic prédictif d’un aspect acidophile iode-inhomogène : condylome ou CIN I fréquents. Il faut abandonner les fausses expressions de « zone virale », voire « col viral » comme on l’entend parfois dire ! Une TAG I inhomogène au lugol n’est pas obligatoirement une zone lésionnelle infectée par HPV. Dans 40 % des cas, il s’agit d’une métaplasie immature en voie de maturation (figure 9). Figure 9. Image typique de réparation d’une zone de TAG I (flaques iode-positif). Il peut s’agir, bien sûr, d’une TAG I infectée par HPV dans 60 % des cas, la parie colorée dans la TAG I étant volontiers plus tourmentée qu’une simple maturation, en comportant par exemple et le plus souvent, un aspect ponctué (figure 10) alors que la simple maturation est plus en flaques (figure 9). C’est la biopsie sur cette zone, motivée par un frottis anormal ou un test HPV positif, qui seule pourra préciser les choses. Figure 10. Même aspect, mais le caractère ponctué de la surface iode-positif évoque une virose. Rappelons que la colposcopie décrit des images et oriente les biopsies, elle ne fait pas de diagnostic lésionnel. Parler de « zone » ou de « col viral », ce serait donner à la colposcopie des vertus qu’elle n’a pas ! La colpite virale Elle accompagne les zones lésionnelles et s’étend parfois largement sur le col. Elle est induite par l’intense réaction inflammatoire du chorion provoquant des remontées vasculaires dans l’épithélium malpighien. Cette colpite (qui d’ailleurs porte mal son nom car colpos ne signifie pas col mais vagin en grec ; cervicite serait plus juste mais est empreint d’une connotation plutôt bactérienne) s’observe essentiellement au lugol, car c’est à travers l’épithélium, coloré en marron par l’iode, que l’aspect rouge des remontées vasculaires apparaît le mieux. Figure 11. Colpite ponctuée typique au lugol.   • Si cette remontée vasculaire est verticale, elle réalise un aspect ponctué (figure 11), finement piqueté : c’est la colpite d’origine virale la plus caractéristique. • Si cette infiltration vasculaire dans l’épithélium est horizontale, elle dessine alors des aspects aléatoires que nous pouvons décrire par de multiples adjectifs : – aspect réticulé : fin réseau en mailles de filet plus ou moins larges. Parfois, les mailles apparaissent bien organisées et dessinent la fameuse mosaïque inversée (figure 12) : carré foncé en raison de la coloration positive au lugol cerné par le trait rouge vasculaire plus clair, ce qui est effectivement l e contraire dans la mosaïque dysplasique dans laquelle le centre du pavé est blanc car acidophile et la bordure rouge du pavé semble plus claire ; – aspect radié lorsque le réticulum vasculaire rouge forme un réseau orienté vers l’orifice externe du col ; – aspect en boucle formant des images dites circinées, annelées ou ansinées (en anse de canne), c’est-à-dire dessinant des cercles arrondis à la surface du col (figure 13). Ceux-ci peuvent être de diamètre assez large, mais ils sont plus souvent de faible diamètre, souvent nombreux et accumulés dans une zone du col ; – aspect tigré, etc. Bien évidemment, plusieurs aspects peuvent être diversement associés sur un même col. Figure 12. Aspect de mosaïque inversée (pavés marrons à bordure claire).   Figure 13. Colpite circinée : nombreuses images en cercle (associée à une colpite ponctuée diffuse). Rappelons encore une fois qu’il ne convient pas de parler de « colpite virale » pour les raisons que nous avons exposées ci-dessus. La colposcopie reconnaît une colpite, le diagnostic de « virale » repose sur d’autres arguments (cytologiques, histologiques, virologiques, etc.). Conclusion Contrairement à la reconnaissance des zones pathologiques de haut grade, qui repose sur des signes colposcopiques volontiers francs et marqués, l’identification des zones de bas grade est souvent plus incertaine et les sites précis à biopsier sont moins évidents et plus délicats à localiser. Quant à la colpite liée à l’infection par HPV, elle aide à l’évocation du diagnostic mais ne le fait pas. Pourtant, l’indication de la colposcopie pour des pathologies de bas grade est bien plus fréquente que pour celles de haut grade et nécessite une rigueur et une assurance très stricte, sans aléas, car elle est la pierre angulaire des décisions thérapeutiques. Elle s’adresse souvent à des femmes jeunes encore susceptibles de débuter des grossesses, ce qui ne donne pas droit à une attitude « invasive » en cas d’incertitude. Les indications thérapeutiques s’orientant volontiers vers des traitements destructeurs, aucune vérification histologique ne sera donc effectuée et une erreur sur le site de la biopsie sous colposcopie pourrait avoir des conséquences graves si elle négligeait un haut grade. Ces notions doivent donc être une motivation pour adhérer à la Charte de qualité en colposcopie, afin de maintenir une pertinence diagnostique grâce aux formations continues incitées par la Charte.

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