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Environnement

Publié le 25 fév 2020Lecture 9 min

Les OGM : un risque pour l’environnement ? Lutter contre les idées reçues

Catherine REGNAULT-ROGER, Pau

Les OGM (organismes génétiquement modifiés) sont au cœur d’un vif débat sociétal dans notre pays et dans l’Union européenne. Avec un recul de plus de vingt ans, il est aujourd’hui possible de dresser un bilan des avantages et des risques que représentent les plantes génétiquement modifiées (PGM). Parler de risques, c’est nécessairement évoquer la réglementation, qui a pour fonction première de les prendre en considération, dans un souci de protection de la santé humaine, animale et environnementale. Quels risques environnementaux engendrent les PGM ? La réglementation européenne est-elle adaptée ? Que pouvons-nous répondre à ces questions ?

Conséquence de la loi française n° 2014-567 du 2 juin 2014 et de la modification de la réglementation européenne sur les OGM en 2015, aucune PGM n’est plus cultivée dans notre pays. Cette interdiction est motivée par des considérations plus sociétales que de sécurité sanitaire et environnementale. Oren avril 2016, les trois académies américaines de science, technologie et médecine ont publié un rapport intitulé Genetically Engineered Crops: Experiences and Prospects, analysant plus de1 000 publications scientifiques portant sur les plantes cultivées,produites par génie génétique. Ce travail considérable (plus de 600 pages), constitue une mise au point magistrale sur les connaissances qui ont pu être accumulées au cours des vingt dernières années sur les PGM,démontrant que leur mise en culture dans le respect des bonnes pratiques agricoles ne présente pas davantage de toxicité et d’éco-toxicité que celle des plantes conventionnelles et mieux,qu’elles peuvent améliorer la sécurité sanitaire et environnementale.Loin des idées reçues et des fantasmes idéologiques vecteurs de campagnes de peur orchestrées, voici quelques éléments sur le sujet. Les OGM en France : un rejet sociétal orchestré Si aujourd’hui, l’utilisation d’OGM à des fins thérapeutiques est largement acceptée dans l’opinion publique des pays européens, il n’en est pas de même pour les environnement). La perception des biotechnologies a pourtant suscité beaucoup d’enthousiasme et d’intérêt dans les années 1980 et 1990, avec la création de nouveaux centres de recherche publics ou privés (ex :l’Institut Jean-Pierre Bourgin de l’INRA à Versailles et le BIOCEM du groupe Limagrain à Clermont-Ferrand). La recherche était dynamique et prometteuse. Elle a aujourd’hui largement déserté l’Hexagone. Depuis les années 2000, en effet,une inquiétude de plus en plus marquée envers les OGM s’est installée en France. Le tournant pour l’opinion publique fut sans doute la publication en novembre1996, en Une du journal Libération,d’un article sur le « soja fou », ce soja importé des États-Unis, où était cultivé du soja tolérant au glyphosate, le soja transgénique Round-up Ready. On rappellera qu’à cette époque, les essais nucléaires de Mururoa venaient d’être abandonnés et que des ONG activistes comme GreenPeace, se demandaient quelle serait leur future cible :les OGM arrivaient à point nommé !Ce fut alors un faisceau d’oppositions qui convergea à la fin des années 1990 et que relate Bernard Le Buanec dans un ouvrage intitulé Les OGM. Pourquoi la France n’en cultive plus, dans lequel il recense plusieurs causes, sur fond d’idéologie et de manœuvres politique set commerciales (encadré 1).   Évaluer les risques et réglementer Cependant, dès les premiers travaux sur la modification du génome par transgénèse, les chercheurs se sont posé la question des risques encourus lors de l’International Congress on Recombinant DNA Molecules d’Asilomar en Californie en 1975. À la suite de ce congrès, des mesures furent mises en place en 1986 pour réglementer les biotechnologies.Ce fut aux États-Unis, le Coordinated Framework for Regulation of Biotechnology et la même année en France, la Commission de génie biomoléculaire (CGB), chargés d’analyser des risques potentiels pour la santé et l’environnement liés à l’expérimentation d’OGM en milieu ouvert.Trois ans plus tard était instaurée la réglementation européenne, qui se décline à ce jour en quatre directives et deux règlements : les directives 89/219/CEE et90/220/CEE, relatives à l’utilisation d’OGM en milieu confiné ou en milieu ouvert, puis 10 ans après la directive 2001/18/CE, relative à la dissémination volontaire d‘OGM dans l’environnement. Cette directive toujours en vigueur a été modifiée en 2015 par la directive (UE)2015/412, relative à l’acceptabilité sociétale ; les règlements 1829/2003 et1830/2003 sur l’étiquetage et la traçabilité.C’est ce corpus de textes qui fixe le cadre de l’utilisation des OGMen Europe, une réglementation des plus sévères au monde, qui bride le développement et l’utilisation des PGM dans la plupart des pays européens. Aujourd’hui, un seul élément transgénique est cultivé dans l’UE : le maïs MON 810, résistant à deux lépidoptères ravageurs majeurs des champs de maïs en Europe, la pyrale (Ostrinia nubilalis) et la sésamie (Sesamia non agrioïdes). Les OGM : une classification réglementaire plus que scientifique En 1990, la directive 90/220/CEE, définit le premier cadre réglementaire pour les OGM. Ils sont issus de certaines techniques de modification du génome, qui seront soumises à une réglementation. La transgénèse mise au point dans les années 1970-1980est visée, mais la mutagenèse,une technique plus ancienne couramment utilisée depuis les années 1930, en est exclue, car il existe un recul de plus d’un demi-siècle sur son utilisation.La directive vise à assurer une mise au point sans risque de produits industriels comportant des OGM et à instaurer des procédures et des critères harmonisés pour l’évaluation au cas par cas des risques potentiels liés à la dissémination volontaire d’OGM dans l’environnement.Elle précise également ce que doit comporter la notification :un dossier d’information technique comportant une évaluation complète des risques pour l’environnement, les mesures de sécurité et d’intervention d’urgence, des instructions précises et les conditions d’utilisation,ainsi qu’un projet d’étiquetage et d’emballage des produits.Onze ans plus tard, une nouvelle directive est publiée : la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001accompagnée, un an plus tard, des notes explicatives 2002/811/CE et complétée par les deux règlements précités. Cette directive renforce les dispositions de la directive 90/220, en se fondant sur le principe de précaution. Elle indique que pour être autorisés dans l’UE, les OGM ne doivent avoir aucun effet négatif sur la santé humaine et animale ou l’environnement. Le dossier technique spécifique déposé pour l’homologation est très fourni et nécessite de nombreuses expérimentations préalables, des scenarii de risques environnementaux et un suivi post-commercialisation onéreux (encadré 2). Homologation et surveillance post-commercialisation coûtent plus de 100 millions d’euros par dossier. Seules quelques sociétés multinationales possèdent la surface financière nécessaire.   Le maïs MON 810 améliore la sécurité sanitaire et environnementale de la culture Ce suivi réglementaire rigoureux permet d’affirmer qu’aucun incident n’a été rapporté à ce jour pour la culture du maïs Bt(1)MON 810, seul OGM cultivé en Europe (depuis plus de 15 ans en Espagne). Ce maïs a intégré un gène codant pour une protéine délétère (elle perfore la paroi intestinale) de la pyrale et de la sésamie, deux insectes ravageurs majeurs qui développent plusieurs générations par an dans les pays chauds du sud de l’Europe, et qui sont difficiles à contrôler quand les maïs sont hauts. Le maïs Bt protège non seulement contre ces insectes,mais aussi contre les maladies fongiques associées, comme la fusariose (figure). La société Monsanto, responsable de la commercialisation de cet élément transgénique, communique annuellement un rapport de surveillance sur cette culture en Europe depuis 2005. Année après année, le Haut conseil des biotechnologies, chargé en France de l’examen du dossier pour son volet environnemental, conclut que les données de ces rapports « ne font apparaître aucun problème majeur lié à la culture du MON 810 en Europe »,soulignant que la méthodologie du traitement statistique des données pourrait être améliorée. En outre, de nombreux travaux de recherche et des analyses réalisées sur les récoltes démontrent que ce maïs Bt diminue les teneurs en résidus pesticides et en mycotoxines(les fumonisines, zéaralénone et trichothécènes sont redoutables pour la santé humaine et animale), ainsi que la pression parasitaire sur les parcelles après quelques années. Le maïs Bt MON 810 améliore ainsi la sécurité sanitaire et environnementale de la culture.   Plantes génétiquement modifiées et risque environnemental Est-ce à dire, à partir de cet exemple, que les PGM ne présentent pas de risques pour l’environnement ? Jean-Claude Pernollet, membre de l’Académie d’agriculture de France et coordonnateur d’un groupe de travail sur le sujet, dresse dans un chapitre du livre Idées reçues et agriculture. Parole à la science un bilan des risques et avantages environnementaux des PGM. Il note que les plantes modifiées pour résister aux insectes comme le maïs Bt, induisent la réduction de l’usage des insecticides et protègent la biodiversité environnante. En effet, la toxine est produite à l’intérieur de la plante et n’est active que sur ses ravageurs et non sur l’ensemble des insectes de la parcelle. Cela permet de mieux préserver la biodiversité sauvage et les insectes auxiliaires. De même, la transgénèse permet la création de nouvelles variétés, évaluées pour une inscription au Catalogue officiel des espèces et variétés des plantes cultivées (autour de 9 000 variétés pour 190 espèces). Ainsi, l’élément MON 810 est intégré dans plus de 210 variétés en Espagne, contribuant à la création de nouvelles variétés et augmentant la biodiversité agricole. À l’actif de la technologie également, l’amélioration variétale qui a créé des espèces transgéniques résistant à des fléaux menaçant de disparition les espèces conventionnelles comme la Sharka du prunier et le virus Papaya ringspot (PRSV) du papayer d’Hawaï. La dissémination non intentionnelle des transgènes entre espèces différentes est cependant une réalité. On doit néanmoins distinguer le cas des espèces qui ne peuvent pas s’hybrider entre elles des espèces inter-fertiles, qui peuvent s’hybrider. Dans le premier cas, selon Pernollet, « l’insertion d’un transgène viable et sa sélection demandent beaucoup de temps, de sorte qu’elle n’est pas observable à une échelle de temps humaine », tandis que dans le deuxième cas des mesures de coexistence des variétés devront être prises, pour autant qu’on veuille éviter ces hybridations. Des phénomènes de résistance inéluctables, selon les schémas darwiniens de coévolution, dès lorsqu’un contrôle biotique des bioagresseurs est opéré, sont susceptibles d’apparaître. On les prévient en mettant en place des zones refuges, dans les parcelles qui cultivent des PGM, de manière à opérer un brassage génétique diminuant la fréquence des allèles de résistance. Le respect des bonnes pratiques phytopharmaceutiques préconisées pour les cultures conventionnelles est aussi de rigueur. Pour une réglementation proportionnée aux risques Un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a conclu que les risques environnementaux liés aux OGM sont faibles et contournables. En fait, les risques environnementaux liés aux PGM sont à considérer au cas par cas : selon l’espèce, la transformation génétique et le contexte environnemental. On doit alors se demander, à la lumière de ces considérations et forts du recul de plus de 20 ans d’observations, si la réglementation européenne sur les OGM est aujourd’hui bien proportionnée aux risques encourus et s’il ne faudrait pas l’alléger, pour le plus grand bénéfice de l’agriculture française et européenne.  

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