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Frontières

Publié le 18 mar 2019Lecture 7 min

Triage des urgences gynécologiques et obstétricales - Expérience de la maternité de Saint­Denis

J. DAHAN SAAL, L. CHENOZ, A.-S. BOUCHERIE, S. BOUNAN, Maternité de Saint Denis – Hôpital Delafontaine, Saint-Denis

La disparition des petites maternités au profit de structures de plus en plus importantes conduit à un nombre croissant de passages aux urgences gynéco­-obstétricales (GO). Face à l’augmentaion du nombre de passages aux urgences dans notre établissement, ce système « traditionnel » ne permettait plus de garantir la sécurité des soins. D’où la nécessité de réorganiser le triage des urgences.

Pour réguler ce flux de patientes aux urgences, il est nécessaire d’évaluer rapidement le degré de gravité dès leur arrivée. Ce tri est souvent fait de manière subjective par le personnel accueillant les patientes et entraîne un appel de l’équipe médicale plus ou moins rapidement en fonction du degré d’urgence estimé. Ce type d’accueil entraîne une variabilité inter-individuelle de l’évaluation et une communication approximative de l’urgence de la situation entre le personnel d’accueil et le personnel médical. Le personnel médical, en dehors des cas très urgents, est alors contraint de prendre en charge les patientes dans leur ordre d’arrivée. En cas d’afflux important de patientes et donc d’allongement des temps d’attente, des retards à la prise en charge médicale peuvent être observés. Plusieurs cas de retard à la prise en charge nous ont conduits à la mise en place d’une échelle de tri systématisé par une infirmière de tri et d’orientation à l’accueil des urgences gynécologiques et obstétricales.  Revue de la littérature existante sur le tri aux urgences Triage aux urgences générales Le tri des malades existe au niveau des urgences générales depuis 1970. L’expérience de ces services est maintenant avancée et de nombreuses grilles de triage ont été publiées. Le triage en structures d’urgence a été formalisé par des recommandaions de la Société française de médecine d’urgence en 2013. Il est réalisé par un personnel formé et qualifié, « l’infirmier(e) d’accueil et d’orientation» (IAO)(1). Les services ayant effectué un process d’implantaion du tri aux urgences ont décrit quatre étapes pour une mise en place pérenne : mise en place d’un IAO et d’une grille de tri, formation des équipes infirmières et appropriation de la grille, évaluation de l’impact sur les pratiques avec suivi d’indicateurs comme la reproducibilité inter-observateurs et intra-observateur, les délais de prise en charge par l’IAO et les délais de prise en charge médicale ou le pourcentage de patients triés, dialogue avec les équipes et adaptation de la grille. Triage aux urgences gynécoogiques et obstétricales Comme en témoignent les publications récentes sur le sujet, le triage aux urgences de GO semble devenir un réel besoin, ressenti par le personnel soignant. Ruhl et al. ont publié une grille de tri et de prise en charge immédiate par le personnel d’accueil des urgences obstétricales, le MFTI (Maternal Fœtal Trial Index)(2). Cette grille a été reprise dans un communiqué de l’ACOG en 2016, sous forme de recommandations sur l’importance du triage aux urgences obstétricales(3). Une autre échelle de tri selon cinq catégories en obstétrique (EATO) a aussi été conçue et validée par des équipes canadiennes au moyen d’un ensemble exhaustif de déterminants obstétricaux. Elle permet une évaluation standardisée de la gravité des patientes à leur arrivée aux urgences au sein d’un même établissement et d’un établissement à l’autre(4). Ces grilles publiées dans la littérature internationale nous ont servi de base de travail pour élaborer et envisager notre propre grille de tri. Mise en place d'un triage aux urgences de GO – l'expérience du centre hospitalier de Saint-Denis Stratégie d’implantation du tri aux urgences gynéco-obstétricales Avec 70 passages par jour en moyenne, notre service d’urgences de GO peut être assimilé à un service d’urgences centrales en termes de capacité d’accueil. Nous avons été confrontés à plusieurs cas de morbi-mortalité avec prise en charge médicale retardée par l’absence de perception du degré d’urgence à l’arrivée dans le service. Ainsi, plusieurs patientes ont attendu en salle d’attente de manière inappropriée pendant que d’autres, sans critère de gravité, étaient prises en charge parce qu’arrivées plus tôt à l’accueil. Ainsi, la mise en place d’un tri des patientes à l’accueil par un agent compétent nous est apparue comme essentielle au bon fonctionnement du service. Durant 3 mois, nous avons procédé en groupe de travail régulier multidisciplinaire (aide-soignantes, infirmier(e)s, médecins gynécologues et anesthésistes, sages-femmes), à l’élaboration d’une grille propre au service et à ses spécificités (en termes de gravité, de délai de prise en charge et de réévaluation) (annexes 1 et 2). En termes de ressources humaines, un poste d’infirmier(e) d’accueil et d’orientation avec une fiche de poste spécifique a été créé. Cette création de poste a demandé une réorganisation du personnel non médical des urgences (avec notamment une réévaluation des fiches de postes des aides-soignantes et de l’infirmier(e) de soins présents aux urgences). Nous avons effectué, auprès des infirmier(e)s des urgences, une formation spécifique au tri. Pour l’aide à la mise en place sur le terrain, un praticien hospitalier a été mobilisé à temps plein sur les urgences durant la première semaine, le relai étant assuré par le cadre de proximité. Évaluation des pratiques professionnelles Cinq mois après la mise en place du tri, les indicateurs sélectionnés montrent que les temps moyens de prise en charge ont été améliorés (tableau 1). En fonction du tri initial, nous avons évalué dans quelle mesure les délais de prise en charge définis par la grille ont été respectés (tableau 2). Évaluation de la satisfaction du personnel Un questionnaire de satisfaction a été remis à l’ensemble du personnel (infirmier(e)s, AS, médecins, sages-femmes) pour une évaluation subjective de l’organisation des soins aux urgences ; 50 questionnaires ont été collectés. Les résultats sont en faveur d’une meilleure perception de l’organisation des urgences. Corrélation inter-observateurs, à propos de 79 patientes Les patientes ont été évaluées de manière prospective par l’IAO puis par un médecin. Afin d’évaluer la correspondance inter-observateurs, nous avons calculé le cœfficient Kappa de Cohen. Cette méthode mesure le degré de concordance entre deux évaluateurs et retrouvait un k = 0,4156, ce qui correspond à un degré de concordance moyenne. Nombre de patientes réévaluées par l’IAO pendant l’attente avant la PEC médicale La réévaluation consiste à faire par l’IAO un nouveau tri au cours de son attente, avant la prise en charge par un médecin ou une sage-femme. Cette réévaluation (appelée « quick look » dans certaines études), permet de s’assurer que l’état de la patiente ne s’aggrave pas en salle d’attente et qu’elle peut continuer à patienter sans prise de risque. Sur 86 patientes, on ne retrouve une traçabilité de la réévaluation que pour 2 d’entre elles. Il est possible que les réévaluations aient parfois été faites sans être tracées dans les dossiers. Une autre explication de l’absence de réévaluation serait la difficulté psychologique pour les IAO de retourner voir les patientes qui, parfois, peuvent être agressives après une longue durée d’attente. Axes d’amélioration Un peu plus d’un an après sa mise en place, la grille de tri a été réévaluée, certains critères précisés ou ajustés (création d’une case spécifique pour l’EVA…). Nous avons mis en place un protocole de délégation de prescription, notamment pour les antalgiques. Puis, dans le but d’améliorer la traçabilité de la réévaluation et faciliter les futures évaluations des pratiques, la feuille de recueil a été repensée. Elle fait apparaître sur une même feuille les horaires, les symptômes décrits, le tri par l’IAO, les traitements administrés et les réévaluations en salle d’attente. Par ailleurs, dans le but de diminuer la variabilité inter-observateurs, une formation continue du personnel est prévue tous les 6 à 12 mois. Enfin, des travaux structurels sont prévus aux urgences dans le courant de l’année prochaine, afin de créer une zone spécifique d’évaluation, assurant la confidentialité et un angle de vue sur les patientes en attente.  Conclusion  L’utilisation d’une échelle de tri par un IAO dédié à l’accueil des urgences gynécologiques et obstétricales paraît indispensable pour les services à grande capacité d’accueil. L’implantation dans un service nécessite l’adhésion et la participation active de l’ensemble des équipes. Il s’agit d’un processus dynamique qui doit sans cesse être réévalué par un suivi d’indicateurs et une formation continue du personnel médical et paramédical.   

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