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Gynécologie générale

Publié le 11 mar 2019Lecture 9 min

Maladie thromboembolique veineuse chez le sujet jeune - À propos d’un cas

Ismail ELALAMY*, Lydia MARIE-SCEMAMA**,* service hématologie biologique, Hôpital Tenon, Paris, ** Boulogne-Billancourt

La maladie thromboembolique veineuse est une pathologie multifactorielle, résultant de la combinaison de nombreux facteurs de risques acquis, environnementaux et génétiques. Nous rapportons le cas d’une jeune patiente prise en charge pour une thrombose veineuse profonde en précisant l’importance de la conjonction des facteurs acquis et environnementaux associés à une thrombophilie génétique.

L’interrogatoire d’un paient diagnostiqué avec une maladie thromboembolique veineuse constitue une étape fondamentale, avec son examen clinique. Cet interrogatoire doit être approfondi et méticuleux puisqu’il permettra, notamment, d’identifier tous les facteurs pouvant faciliter la survenue de cet évènement thrombotique. De plus, une recherche minutieuse de ces facteurs de risque permettra également de déterminer la contraception hormonale la plus adaptée à chaque patiente. Observation Il s’agit d’une jeune femme de 29 ans, présentant une thrombose veineuse survenue à son arrivée à Paris après un vol long courrier au retour des Seychelles en novembre 2013. Il lui avait d’abord été prescrit de l’acétate de cyprotérone pour traiter une acné importante et des cycles irréguliers ; puis en raison d’effets secondaires liés à ce produit (mastodynies), il avait été décidé de changer pour le médicament drospirénone/éthinylestradiol. À son arrivée à Paris, en raison de douleurs importantes au mollet droit, elle s’est présentée aux urgences de l’hôpital de sa circonscription où un Doppler a été pratiqué. Celui-ci a révélé une thrombose veineuse jumelle interne péronière et poplitée droite, sans extension fémorale. Il lui a donc été prescrit un traitement par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) pendant 10 jours. Le problème de sa pilule n’a jamais été évoqué en consultation. Il n’y avait aucun antécédent médical personnel ou familial particulier. Huit jours plus tard, elle a consulté un phlébologue en ville pour un contrôle. Celui-ci a constaté la persistance de cette thrombose et a prescrit un traitement anticoagulant par voie orale (Rivaroxaban®). Lorsque la patiente a soulevé cette fois la question de sa pilule, il a été répondu : « de toute façon, vous ne risquez rien, vous êtes sous anticoagulant ». Il faut noter qu’aucun bilan de coagulation n’a été prescrit, ni à l’hôpital, ni en ville. Lors d’une consultation en janvier 2014, après l’arrêt de son traitement anticoagulant, elle est venue demander conseil pour sa contraception car elle prenait toujours la même pilule estroprogestative. Elle a informé sa gynécologue de la survenue de cette phlébite du membre inférieur droit au retour de son voyage de noces 2 mois plus tôt. Au détour de la consultation, la pilule estroprogestative a été stoppée. Il a été prescrit une pilule microprogestative. Une consultation en service spécialisé a été demandée. Les résultats sont parlants. Cette jeune femme est porteuse d’une mutation Leiden du facteur V à l’état hétérozygote, isolée et identifiée par 2 tests : – résistance à la protéine C activée ; – test génotypique de biologie moléculaire. Il n’y avait pas d’anticoagulant circulant de type lupus ni d’élévation des taux d’anticorps antiphospholipides anticardiolipines ou anti-β2 GP1. Discussion La maladie thromboembolique veineuse (MTEV) se traduit par 2 entités principales que sont la thrombose veineuse pro fon de (TVP) (165 000 TVP/an en France) et l’embolie pulmonaire (EP, associée ou isolée dans 50 % des cas)(1). Elle a d’autres con séquences cliniques potentiellement graves comme l’hypertension artérielle pulmonaire chronique post-embolique (5 %), le syndrome post-thromboique (20 à 50 % des cas) avec des séquelles trophiques (10 %) et bien entendu le décès (15 % des EP). La MTEV est une pathologie multifactorielle, résultant de l’interaction de nombreux facteurs de risque génétiques, acquis et environnementaux. Ces facteurs de risque, isolés ou associés, constituent la prédisposition de chaque individu face aux évènements thrombotiques(2). L’interrogatoire du patient, une étape essentielle L’interrogatoire d’un patient arrivant aux urgences pour MTEV doit être approfondi et méticuleux puisqu’il constitue une étape fondamentale avec l’examen clinique. Il a pour principaux objectifs la recherche des antécédents thrombotiques spontanés ou provoqués, personnels ou familiaux, une prise de médicament et/ou une éventuelle pathologie associée potentiellement hémorragique(3), pouvant conditionner la durée de traitement anticoagulant. Lors de cet interrogatoire, il sera notamment indispensable d’identifier tous les facteurs pouvant faciliter la survenue de cet évènement thrombotique. Si la patiente vient d’effectuer un voyage en avion long-courrier (temps de vol > 5 h), il est utile de préciser son attitude pendant le vol : s’est-elle mobilisée, s’est-elle correctement hydratée, a-t-elle consommé de l’alcool, des hypnotiques sédatifs ? Ces facteurs peuvent doubler son risque de survenue de thrombose. Les causes de cette augmentation du risque sont multiples : l’hypoxie hypobarique dans la cabine de l’avion, la stase et la déshydratation. En effet, la pressurisation et le conditionnement de l’air à l’intérieur de la plupart des avions commerciaux est similaire à ce que l’on peut retrouver à une altitude de 1 800-2 400 mètres, ce qui favorise la déshydratation et l’hyperviscosité avec l’activation du système de coagulation. La stase prolongée accentue également ce profil pro-coagulant. La déshydratation pendant le vol accroît le risque d’hypercoagulabilité en induisant une hémoconcentration et une hyperviscosité. C’est pourquoi la prophylaxie antithrombotique classique doit comprendre des recommandations générales pour tous les voyageurs : – éviter la position assise prolongée et marcher dans les allées toutes les 2-3 heures en faisant des mouvements de flexion et d’extension des membres ; – boire régulièrement des quantités raisonnables d ’eau (2 verres toutes les heures) et éviter la consommation abondante et isolée d’alcool ; – porter en prévention des mi bas ou des bas de compression veineuse élastiques, pour faciliter le retour veineux et limiter l’inconfort de l’insuffisance veineuse fonctionnelle(3). Un autre point important à aborder auprès d’une patiente en activité génitale est son moyen de contraception, les événements thromboemboliques veineux étant rapportés chez certaines patientes consommatrices de contraception combinée estroprogestative. Le risque de MTEV est multiplié par environ 4 chez les utilisatrices de la contraception orale estroprogestative comparé aux non-utilisatrices(4). Il apparaît important d’écarter de cette prescription les femmes à risque vasculaire (obésité, tabagisme, migraines avec aura, etc.). De plus, l’association d’un voyage longue distance avec l’utilisation d’une contraception orale estroprogestative est synergique et elle augmente très significativement le risque de MTEV. Une méta-analyse estime même que cette association majore ce risque de près de 40 fois(5). La prise en charge Après la confirmation du diagnostic de la TVP, le schéma thérapeutique du traitement anticoagulant combine généralement les héparines de bas poids moléculaires ou le fondaparinux avec un traitement anivitamine K (AVK)(1). Le traitement d’une MTEV provoquée est généralement court (3 mois), tandis que le traitement d’une MTEV idiopathique doit être prolongé (au moins 6 mois de traitement)(1) et il peut être de durée indéfinie en cas d’EP sévère idiopathique par exemple. Le port de chaussettes ou de bas de compression veineuse élastique délivrant 30 à 40 mmHg à la cheville est également recommandé dès que possible pour une durée minimale de 2 ans. De plus, l’alitement n’est pas recommandé et le patient doit au contraire se mobiliser dès que cela est possible(6). Cela stimulera la fibrinolyse physiologique pour faciliter la reperméabilisation du thrombus. Le bilan de coagulation : le bilan thromboembolique Il doit être réalisé à distance de la phase aiguë de la thrombose et en évitant toute interférence avec le traitement anticoagulant. Bien que le risque de MTEV soit augmenté par la combinaison chez un même individu de plusieurs facteurs de risque cliniques, la présence d’un voire de plusieurs facteurs de risque biologiques doit être recherchée en cas de survenue d’un épisode thrombotique insolite ou en cas de récidive personnelle ou d’antécédent familial. C’est pourquoi en cas d’évènement thromboembolique, il est recommandé d’effectuer une recherche de facteurs biologiques de risque(7) : – lors d’un premier épisode de TVP proximale ou d’EP non provoqué survenu avant l’âge de 60 ans ; – lors d’un premier épisode de MTEV chez les femmes en âge de procréer, que l’évènement soit provoqué ou non ; – en cas de récidive de TVP proximale ou EP provoquée ou non, avec un premier épisode survenu avant ou après 60 ans ; – en cas de récidive de TVP distale non provoquée dont le premier épisode est survenu avant 60 ans. Se pose souvent la question de l’intérêt du dépistage d’une thrombophilie biologique avant la prescription d’une contraception hormonale estroprogestative afin d’optimiser la balance bénéfice-risque. Cette question est d’autant plus cruciale que l’utilisation de la contraception hormonale est fréquente chez les femmes en bonne santé et souvent pour une longue durée. Des recommandations pour une juste prescription des examens d’hémostase existent. La recherche d’une anomalie de coagulation est recommandée dans les situations suivantes(8) : – chez une jeune femme ayant un antécédent personnel de thrombose veineuse documentée, avec ou sans facteur favorisant trouvé ; – en cas de thrombose veineuse superficielle récidivante sur veine saine ; – en cas d’antécédent familial de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire documentée avant l’âge de 50 ans ; – en cas de thrombophilie connue déjà détectée chez un membre de la famille du premier degré, voire du second degré de la patiente pour laquelle une contraception est envisagée ; – en cas de thrombose survenue dans un contexte hormonal chez un membre de la famille du premier degré de la patiente pour laquelle une contraception est envisagée. Le risque relatif à la mutation V Leiden La mutation ponctuelle G1691A du gène du facteur V (Facteur V de Leiden) induit un polymorphisme génétique qui est la plus commune des thrombophilies dites familiales ou héréditaires, représentant 40 à 50 % des cas. Il existe une hétérogénéité géographique de sa répartition : il est surtout présent dans le nord de l’Europe et aux États-Unis, avec une fréquence moyenne de 5 à 8 % dans la population générale. Sa fréquence diminue progressivement du nord au sud de l’Europe, avec une fréquence de l’ordre de 2 % chez les Hispaniques(9). Cette mutation est retrouvée chez près de 3,8 % des Français, mais la fréquence varie de 1,3 % dans les régions du Sud à 7,1 % dans les régions du Nord de l’hexagone. Enfin, cette mutation est extrêmement rare dans les populations asiatique, africaine subsaharienne et australienne(10). La présence de cette mutation à l’état hétérozygote confère un risque modéré de développer un premier épisode de MTEV (OR de 4 à 6)(11). C’est donc souvent la conjonction de facteurs acquis environnementaux associés à une thrombophilie génétique qui contribue à un déséquilibre de la balance hémostatique et provoque la thrombose. Le profilage avec une recherche élargie des facteurs de risque est donc fondamental dans la détermination du choix du type de contraception. Une évaluation avisée avec un interrogatoire exhaustif permettra de proposer une contraception adaptée : il s’agit de voir juste (toutes les variétés de facteurs de risque) pour prescrire juste (sécuriser le parcours de soin par une évaluation régulière du rapport bénéfice/risque). Conclusion L’interrogatoire d’un paient arrivant aux urgences pour MTEV constitue une étape essentielle. Cet interrogatoire doit être approfondi car il permet la recherche des antécédents thrombotiques, l’éventuelle prise de médicament et/ou une pathologie hémorragique associée pouvant conditionner la durée du traitement anticoagulant. Il permet également d’identifier l’ensemble des facteurs de risque ayant pu faciliter la survenue de cet évènement thrombotique. De plus, déterminer la contraception hormonale la plus adaptée à chaque patiente passe également par un interrogatoire exhaustif permettant la recherche de facteurs de risque thromboemboliques potentiels.

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