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Chirurgie

Publié le 13 mar 2018Lecture 10 min

La suspension latérale cœlioscopique avec prothèse : une alternative à la promontofixation cœlioscopique

Jean-Bernard DUBUISSON(1), Jean-Marie WENGER(1), Nikolaus VEIT-RUBIN(2), Jean DUBUISSON (3) - 1. Clinique La Colline, Genève ; 2. CHU Vaudois, Lausanne, Suisse ; 3. Hôpitaux universitaires de Genève

La promontofixation a été la première technique envisagée par cœlioscopie pour traiter les prolapsus génitaux. Elle est, à ce jour, la plus pratiquée. La suspension latérale est une alternative possible qui répond bien à la demande des patientes. D’autant que la suspension latérale est une technique simple, reproductible, efficace et rarement compliquée. Elle est particulièrement indiquée lorsque l’abord du promontoire est difficile soit du fait d’adhérences, d’un volumineux côlon sigmoïde, ou du fait d’une anomalie anatomique telle qu’une veine iliaque primitive gauche bas située. Elle est aussi une technique pratique pour les chirurgiens qui ont une expérience modérée de l’abord du promontoire.

Le prolapsus des organes pelviens est une pathologie fréquente qui peut même atteindre jusqu’à 50 % des femmes souffrant d’obésité. C’est aussi l’une des principales indications de l’hystérectomie chez la femme de plus de 50 ans(1). Les progrès de la chirurgie mini invasive et en particulier de la cœliochirurgie ont permis le développement de la promontofixation avec prothèse qui est actuellement le procédé le plus fréquemment pratiqué en cœlioscopie. Cependant, la dissection de la région du promontoire, où est amarrée la prothèse de promontofixation, est parfois difficile et hémorragique, spécialement chez la femme obèse, en cas d’adhérences pelviennes sévères ou en cas d’anomalie anatomique, avec par exemple la situation basse de la veine iliaque primitive gauche devant le promontoire. Il peut en résulter des complications hémorragiques, urétérales, voire nerveuses en raison de la mauvaise vision des structures anatomiques. La suspension latérale cœlioscopique avec prothèse, technique que nous avons développée depuis une vingtaine d’années, représente une alternative cœlioscopique intéressante en évitant toute dissection du promontoire. Les indications de la technique de suspension latérale Les formes anatomo-cliniques des prolapsus génitaux sont nombreuses et sont en rapport avec les dégradations variées du plancher pelvien, inhérentes à l’affaissement progressif des muscles et des fascias observé avec l’âge et aussi aux traumatismes consécutifs aux grossesses et aux accouchements. La cystocèle, consécutive aux ruptures des fascias endo-pelviens responsables de leur affaissement, peut être traitée par application d’un renforcement prothétique vésico-vaginal associé à une remise en place par suspension ou fixation(1). La suspension latérale cœlioscopique assure ce traitement. Il est recommandé d’utiliser la prothèse en T dont la languette médiane est placée en soutènement vésical, et dont les bras latéraux assurent la suspension. Nous utilisons depuis 2011 la prothèse TiLoop (Titaniumcoated Polypropylene mesh, pfm medical, Koln, Germany) (figure 1). Lorsqu’une hystéroptose accompagne la cystocèle, la même technique peut être utilisée, mais en fixant bien la prothèse à l’isthme utérin et à l’anneau péricervical. En cas de prolapsus du dôme vaginal, la suspension latérale est assurée à l’aide d’une prothèse en croix(2). Nous utilisons maintenant la prothèse EndoLAS, récemment mise sur le marché (Titanium-coated Polypropylene mesh, pfm medical)(2) (figure 2). Figure 1. Prothèse en T. 1 languette. Figure 2. Prothèse en croix. 2 languettes. La languette antérieure réalise le renforcement prothétique antérieur sous-vésical, la parie centrale de la prothèse est fixée au dôme vaginal, siège de la cicatrice d’hystérectomie totale. Enfin, la languette postérieure est appliquée sur la cloison rectovaginale, en fixant l’extrémité de la languette le plus bas possible sur le plancher pelvien. En cas de pathologie utérine associée bénigne (polypes, hyperplasie endométriale, fibromes, adénomyose) avec col sain, une hystérectomie subtotale est associée. La prothèse en croix est aussi choisie dans ce cas pour la suspension latérale. En cas de pathologie cervicale bénigne découverte, soit allongement hypertrophique du col ou dysplasie, une amputation du col est associée à une suspension latérale avec conservation utérine. En cas de décision d’hystérectomie totale, la suspension latérale est aussi possible ; toutefois, le risque d’exposition vaginale est augmenté, comme lorsqu’on réalise la technique de promontofixation. En cas de rectocèle majeure, cette technique n’est pas indiquée et, dans ce cas, la promontofixation fait partie des meilleurs choix. Les principales étapes de la technique de suspension latérale Première étape Après mise en place du cœlioscope ombilical et des trois trocarts, sus-pubien et latéraux de 5 mm, la première étape est le clivage antérieur vésico-vaginal, après ouverture du cul-de-sac vésico-utérin. La dissection est menée le plus bas possible, derrière le trigone, ce qui permettra de traiter la totalité de la cystocèle. Le clivage postérieur de la cloison recto-vaginale, mené jusqu’au muscle puborectal, est le plus souvent réalisé, pour traiter l’élytrocèle et la rectocèle existantes ou potentielles. Si le clivage postérieur n’est pas fait, il faut alors discuter une colpo-périnéorraphie postérieure. Deuxième étape Elle consiste à introduire la prothèse dans la cavité abdominale par le trocart optique. La prothèse en T avec languette sous-vésicale est appliquée sur le fascia pubo-vésical et la paroi antérieure du vagin ainsi que sur l’isthme (figure 3). Elle est fixée par quelques points séparés de fil non résorbable et par des tackers résorbables. En cas de suspension latérale conservatrice (utérus en place), il est recommandé de traiter la rectocèle ou prévenir tout risque d’élytrocèle secondaire. Il est possible d’appliquer une prothèse rectangulaire découpée à la taille de la surface disséquée de la cloison recto-vaginale. Elle est posée et fixée par des tackers ou des fils jusqu’au plancher pelvien, fixation nécessaire afin d’éviter tout glissement ou enroulement. Il est possible aussi de réaliser une suspension « vraie » des ligaments utéro-sacrés au torus uterinum et d’occlure le cul-de-sac de Douglas. Dans certains cas, l’insuffisance du plancher pelvien avec déhiscence majeure des muscles élévateurs de l’anus est traitée par voie vaginale par colpo-périnéorraphie postérieure ; le temps postérieur cœlioscopique n’est alors pas nécessaire. En cas de prolapsus du dôme vaginal ou d’hystérectomie subtotale associée, la prothèse en croix est utilisée. Les languettes antérieure et postérieure sont appliquées et fixées sur les fascias recouvrant les parois correspondantes du vagin. Figure 3. Application de la languette TiLoop sur la face antérieure du vagin et du fascia endopelvien, sous la vessie. La troisième étape est la suspension latérale proprement dite Une pince cœlioscopique à griffes type « Manhes » de 5 mm est introduite de dehors en dedans à un endroit précis de la paroi latérale : « le point cutané de la suspension » (figure 4). Cette incision cutanée de 5 mm est en général faite au-dessus de la crête iliaque, à environ 4-5 cm en arrière de l’épine iliaque antéro-supérieure. Ce point anatomique que nous avons défini ne peut varier que d’1 cm (2 cm en cas d’obésité morbide). Il doit permettre à l’utérus ou au dôme vaginal de se resituer à la parie moyenne du pelvis, sans « ouvrir » le compartiment postérieur, avec risque de rectocèle à plus ou moins long terme et de troubles urinaires iatrogènes et aussi sans « ouvrir » le compartiment antérieur avec risque de récidive de cystocèle. La pince suit un trajet bien défini, en baïonnette. Figure 4. Situation précise du "point de suspension", correspondant à l’extériorisaion finale de la prothèse et à la suspension. D’abord perpendiculaire à la paroi, en perforant l’aponévrose jusqu’au péritoine, sans le blesser. La pince suit alors un trajet sous péritonéal parallèle au péritoine jusqu’à atteindre le ligament rond homolatéral et passer en dessous pour se trouver dans la zone de la dissection vésico-vaginale, sous la vessie (figure 5). La pince saisit alors l’extrémité du bras homolatéral de la prothèse. Elle est ainsi extériorisée à la peau et maintenue jusqu’à la fin de l’opération par une pince type Kocher (figure 6). La suspension controlatérale est alors faite. Il reste à établir symétrie et tension adéquate (figure 7). La repéritonisaion termine l’opération (figure 8). Après exsufflation, les extrémités des deux bras sont alors coupées au ras de la peau sans fixation. Les bras de la prothèse ne sont donc pas fixés (tension-free) sauf dans des cas particuliers (minceur pariétale, bronchite chronique). Nous plaçons en général une mèche vaginale pour 48 heures. Figure 5. Trajet sous-péritonéal de la pince de "Manhes", qui va passer sous le ligament rond gauche pour aller saisir l’extrémité du bras gauche de la prothèse. Figure 6. Passage de dedans en dehors du bras de la prothèse dont l'extrémité est extériorisée à la peau. Figure 7. Suspension symétrique en hamac. Figure 8. Aspect final après repéritonisation. L'utérus est ainsi maintenu en position intermédiaire. Résultats Deux publications récentes rapportent les résultats de la suspension latérale cœlioscopique. La première concerne 245 patientes opérées de suspension latérale par cœlioscopie, avec conservation utérine, opérées entre 2004 et 2010(3). Il est noté un résultat anatomique favorable dans 88,2 % pour le compartiment antérieur, 86,1 % pour le compartiment moyen et 80,8 % pour le postérieur (92,3 % quand le compartiment postérieur a été traité dans le même temps). À un an, on observe un résultat subjectif favorable de 82,7 % pour le prolapsus. Le taux de réinterventions pour récidive de prolapsus est de 7,4 %. Selon la classification Clavien Dindo, la classe 3 est de 1,3 %. Le taux d’exposition est de 1,2 %. L’interview téléphonique avec un suivi minimum de 4 ans révèle un taux de 82,9 % de patientes réellement améliorées (Paient Global Impression of Improvement, PGI-I). La seconde concerne 74 patientes opérées à la même période d’un prolapsus du dôme par suspension latérale cœlioscopique(4). Le taux de récidives est de 17,5 % (13/74), avec en majorité des récidives postérieures. Huit patientes sur les 13 n’avaient pas de traitement de renforcement postérieur, ce qui conforte le besoin de faire un geste complémentaire en postérieur. À l’interview avec 4 ans de suivi minimum (45 patientes suivies), 86,7 % restent franchement améliorées (PGI-I). Discussion Les troubles de la statique pelvienne altèrent souvent la qualité de vie des patientes par les symptômes qu’ils entraînent. De plus en plus de femmes consultent maintenant dès que les premiers signes apparaissent et désirent une reconstruction pelvienne conservatrice, vaginale et utérine. La cœlioscopie, en tant que voie d’abord pour traiter un prolapsus génital, peut être envisagée chez la femme âgée, comme évidemment la voie vaginale. L’âge de 75 ans n’est pas une limite fixe. Tout dépend de l’état général et du bilan médical réalisé par le médecin anesthésiste. Toutefois, la cœlioscopie est évitée en présence d’antécédents de chirurgie abdominale lourde ou répétée, voire adhésiogène majeure, tels un by-pass gastrique ou une résection colique. Il en est de même chez les patientes à haut risque médical (cardiaque ou respiratoire). Enfin, certaines patientes étant séduites par l’anesthésie locorégionale, l’accès vaginal est alors indiqué. Dès le début des années 70, l’utilisation d’une prothèse a été associée à la technique de promontofixation par laparotomie. La laparotomie n’a été remplacée par la cœlioscopie qu’à partir des années 90 et seulement dans certaines équipes spécialisées. Dès les années 95, nous avons appliqué la technique de suspension latérale cœlioscopique avec prothèse. Nous l’avons développée initialement pour éviter la dissection du promontoire, du fait de possibles complications hémorragiques par blessure des vaisseaux sacrés moyens ou des veines iliaques. En effet, si celle-ci pose peu de problème au chirurgien expert en uro-gynécologie, cette dissection, en revanche, peut s’avérer délicate pour un chirurgien ayant une expérience modérée. La technique proprement dite de suspension latérale cœlioscopique avec prothèse présente moins de risques dans la mesure où le passage de la bandelette se fait dans la paroi latérale de l’abdomen où il n’existe pas de structure anatomique dangereuse (ni vaisseaux, ni nerfs importants). Pour les dissections vaginales, la suspension latérale comporte les mêmes complications que la promontofixation. En fait, la seule difficulté de la technique est le bon positionnement latéral de la prothèse, afin que l’utérus se retrouve en position anatomique normale et que la tension de la prothèse soit adéquate pour ne pas trop ascensionner l’utérus ou le dôme avec les conséquences urinaires que cela pourrait entraîner. Comme pour la promontofixation, la note finale « sur mesure » est capitale pour prévenir les récidives. Nous préférons ne pas fixer les bras de la prothèse dans la paroi abdominale en « tension-free » pour éviter les douleurs pariétales de traction, sauf lorsqu’on estime qu’il y a un risque de glissement du bras de la prothèse dû, soit à la minceur de la paroi abdominale, soit à la possibilité d’élévation anormale des pressions intra-abdominales comme en cas de toux chronique ou d’obésité morbide. Les résultats de la suspension latérale sont bons, avec un recul suffisant. Les complications sont limitées. Le risque de migration intravésicale ou intrarectale est théoriquement très faible puisque les forces de traction des bras ne sont pas dans la direction, ni de la vessie, ni du rectum, sauf erreur technique. Le risque d’exposiion vaginale existe. Il semble plus limité avec l’uilisaion de prothèses en polypropylène avec larges pores et grammage limité. C’est la raison pour laquelle nous uilisons une prothèse de polypropylène enrobée de titanium, pellicule destinée à limiter la réaction à corps étranger. Toutefois, aucune étude randomisée destinée à  comparer polypropylène et polypropylène enrobé de titanium n’a encore débuté. Conclusion La suspension latérale cœlioscopique avec prothèse est une alternative intéressante à la promontofixation. Ses avantages sont d’éviter toute dissection du promontoire, et d’être simple, reproductible, efficace, avec un taux de complications limité.

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