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Infectiologie

Publié le 06 fév 2017Lecture 6 min

Vaccin HPV : blocages et hésitations, que faire ?

F. VIÉ LE SAGE*, AFPA**, Infovac*** - *Liens d’intérêts disponibles sur https://www.transparence.sante.gouv.fr, **Association française de pédiatrie ambulatoire (www.afpa.org), ***Groupe indépendant d’experts en vaccinologie (www.infovac.fr)

Les infections à papillomavirus et leur caractère oncogène sont maintenant bien connus. Malgré un dépistage proposé systématiquement en France, l’incidence du cancer du col de l’utérus reste à 6,8/100 000, entraînant 3 000 cas et 1 100 décès annuels(1). La vaccination, complémentaire du dépistage et seule prévention primaire, a fait la preuve de son efficacité, de sa bonne tolérance et de son avantage coût-bénéfice, grâce en particulier à des programmes nationaux très larges en Australie et aux États-Unis. En France, paradoxalement, cette vaccination recommandée en mars 2007 n’a pas reçu le succès attendu.

Alors que la couverture vaccinale (CV) était à 86 % des filles en Grande-Bretagne en 2013, en France elle n’a jamais dépassé 24 % en schéma complet (en 2009, pour diminuer ensuite régulièrement). Elle dépasse à peine 10 % en 2015. Notre pays a le triste privilège d’avoir été classé par l’OMS comme le pays où circulait le plus de messages négatifs sur la vaccination(2). Les attaques contre les vaccins papillomavirus sont aussi violentes et emblématiques que celles dirigées en leur temps contre le vaccin hépatite B. Curieusement, l’impact des messages négatifs est immédiatement mis en valeur dans les médias et réseaux sociaux, alors que les messages positifs passent quasiment inaperçus (figure 1). La pétition contre la vaccination HPV lancée en 2014 par le Pr Joyeux s’est répandue dans tous les médias français. Celle en faveur de cette même vaccination(3), soutenue par 18 sociétés médicales et l’Académie nationale de médecine, est passée quasiment inaperçue, y compris pour nos tutelles. Désespérant ! Que répondre ? La capacité de diffusion des messages antivaccinaux est redoutable. Il est vrai que lancer des rumeurs sur des messages simplistes est bien plus facile que de démontrer la vérité.     Les rumeurs les plus répandues   Idée 1 : « Les vaccins, ça ne sert à rien. Ils ne protègent pas, c’est l’hygiène… » – « Seuls les enfants des pays émergents ou vivant dans des écuries ont besoin d’être vaccinés » (Top santé mai 2015, Pr Joyeux). Réalité : – L’espérance de vie a été améliorée sur la planète par deux facteurs majeurs : l’accès à l’eau et la vaccination. La figure 2 montre comment cette espérance a vu deux changements de pente favorables aux périodes jennérienne et pasteurienne.     – Les exemples prouvant l’efficacité de la vaccination sont légion, de la variole et la polio aux méningites à Haemophilus influenzae et à HPV. – Dans des pays à hygiène semblable, comme la Grande-Bretagne et la France, la différence de CV pour une même maladie entraîne une différence épidémiologique évidente. Par exemple, pour les méningites à méningocoque C, alors que leur incidence n’a pas été modifiée en France (CV de 62 % à 2 ans), elles ont quasiment disparu en Grande-Bretagne (CV > 85 %). – Lorsqu’en raison de campagnes antivaccinales, la CV baisse dans un pays à hygiène constante comme la Grande-Bretagne, la maladie réapparaît. C’est l’effet Wakefield. Ce gastro-entérologue anglais a publié dans le Lancet(4) en 1998 une étude affirmant un lien de causalité entre vaccin ROR et autisme. Il s’en est suivi une baisse de la CV de 92 % à 80 % avec une résurgence de la rougeole dans les 4 années suivantes. Cette étude s’est révélée être une manipulation frauduleuse, comme l’a démontré le Sunday Times(5) en 2004 et le BMJ(6) (figure 3). Le Lancet a retiré l’article de Wakefield (événement unique dans son histoire…).     Idée 2 : « Y a un complot… » « …Une collusion entre les autorités, les médecins et l’industrie pour obliger les patients à se vacciner. ”Big pharma“ nous manipule pour faire de gros sous, depuis le sang contaminé jusqu’au Mediator® et les vaccins ! » Réalité : la vaccination est l’inverse du Mediator®. Celui-ci ne servait pas à grand-chose, était facile à fabriquer, avait de gros effets indésirables et rapportait beaucoup d’argent. Les vaccins ont une efficacité majeure, très peu d’effets indésirables, mais sont longs et difficiles à fabriquer et rapportent assez peu à l’industrie (moins de 2 % des recettes de celle-ci). Faire un vaccin, c’est en moyenne : • 12 années de développement ; • 70 % de ce temps dédié au contrôle de qualité ; • 6 à 33 mois de processus de fabrication ; • un coût de 0,5 milliard d’euros. La vraie problématique est donc que l’industrie risque de se désinvestir de la vaccination. C’est probablement déjà ce qui explique en partie la situation de pénurie mondiale actuelle.   Idée 3 : « Les vaccins provoquent une tempête immunitaire… » « Mon bébé/mon adolescente est bien trop fragile pour qu’on lui injecte autant de choses pas naturelles. » Réalité : le corps humain supporte de nombreux autres « surmenages immunitaires ». La conception, la naissance, l’allaitement, les relations interhumaines particulièrement chaleureuses en sont des exemples que nous ne voudrions pas voir disparaître. Mieux, les découvertes sur le microbiote ont montré l’importance de la flore microbienne digestive, le caractère essentiel à la vie de ce « surmenage immunitaire ». La vaccination n’est, dans ce processus, qu’une goutte d’eau ciblée pour être bien tolérée et efficace spécifiquement sur certaines maladies dangereuses. Cette pression immunitaire vaccinale a d’ailleurs beaucoup diminué tout en augmentant son efficacité. Dans les années 1960-80, nous vaccinions contre 6 à 8 maladies avec plus de 6 000 antigènes. Actuellement, grâce à l’amélioration des vaccins, nous protégeons contre 12 maladies avec 60 antigènes. Nous n’avons donc jamais été aussi efficaces et sécurisés avec une charge immunitaire infime.   Idée 4 : « Les vaccins, c’est toxique ! » « La preuve, c’est que ma voisine de 20 ans a fait une SEP, quelques mois après une prise de Gardasil®… » Réalité : le discours antivaccinal use et abuse d’une confusion entre lien temporel et lien de causalité. Le premier est du domaine de la pharmacovigilance à qui tout événement, toute alerte doivent être déclarés sans a priori avec un lien réel. Le lien de causalité est, lui, du domaine de l’épidémiologie qui compare le risque dans des populations comparables, vaccinées et non vaccinées. Amener sur un plateau télévisé un patient en chaise roulante avec une maladie neurodégénérative n’est pas une preuve de la responsabilité du vaccin. Il faut introduire, ici, la notion de maladies attendues dans une population. Claire Anne Siegrist a évalué, en Californie, une population de jeunes filles et jeunes femmes auxquelles on faisait un vaccin fictif à un temps donné. Leur suivi a permis de quantifier le nombre de maladies auto-immunes ou autres, apparues après ce vaccin fictif et qui auraient pu lui être attribué(7).   Une abondance d’études épidémiologiques   Un certain nombre de liens de causalité ont été trouvés (encadré 1). Des liens de causalité ont pu être exclus (encadrés 2 et 3) : • Vaccin HepB et SEP : 11 études internationales n’ont pas retrouvé d’augmentation du risque ; • Vaccin HPV et SEP, maladies auto-immunes. • Myofasciite à macrophages et aluminium : 4 rapports français sont arrivés aux mêmes conclusions sur l’absence d’alerte relative à l’aluminium : – OMS : http://www.who.int/vaccine_safety/committee/reports/october_1999/fr/ INVS : Aluminium, quels risques pour la santé ? 2003(10) – Rapport Académie nationale de médecine : les adjuvants vaccinaux, quelle actualité en 2012 ?(11) – HCSP : Aluminium et vaccins, 2013(12) – Rapport de l’Académie nationale de pharmacie : les adjuvants aluminiques : le point en 2016. • Il a été par ailleurs évoqué le fait qu’un vaccin puisse être un facteur déclenchant non spécifique d’une maladie préexistante. Aucune étude cas-témoins n’a mis en évidence ce phénomène, à une exception près : le syndrome de Guillain-Barré. Quelques études semblent en effet apporter un argument dans ce sens, dont la dernière étude ANSM sur la tolérance du vaccin HPV. Ces études sont cependant plutôt isolées. Quoi qu’il en soit, en nombre absolu, la fréquence de ce syndrome est tellement faible que cela ne remet pas en cause la balance R/B.     Qui sont les antivaccinaux ?   Leurs motivations et conflits d’intérêt méritent d’être explorés : liens idéologiques, religieux, philosophiques, sectaires et aussi commerciaux. Par exemple, les comités scientifiques et d’éthique d’IPSN(13), association soutenant le Professeur Joyeux, ne comprennent pas moins de 3 dirigeants de SARL à but commerciaux (2016)(14). Face à cela, nous avons la responsabilité de ne pas laisser nos patients seuls. Chaque occasion doit être saisie pour leur parler des vaccins, chaque opportunité pour leur donner des documents, leur indiquer des sites validés(15). La discussion doit rester empathique et positive. La personne en qui finalement les patients ont le plus confiance est le médecin qu’ils ont choisi. Celui-ci doit être convaincu pour convaincre. Les gynécologues et les sages-femmes ont un rôle particulièrement central autour de la famille, de la grossesse et du travail de prévention qui les entoure.

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