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Endocrinologie

Publié le 10 mar 2017Lecture 8 min

Les aménorrhées neuro-endocrines - Comment comprendre l'aménorrhée hypothalamique fonctionnelle ?

C. COURTILLOT, CHU de La Pitié-Salpêtrière – Charles Foix, Paris

L’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle est une cause très fréquente d’aménorrhée secondaire. Elle peut être liée à un état de stress intense, mais la cause la plus fréquente est l’hyperprolacinémie, que celle-ci soit physiologique, pathologique ou iatrogène. D’autres causes hormonales, plus rares, ne doivent pas être méconnues, comme l’hypercorticisme, l’hyperandrogénie ou l’hypersécrétion d’hormone de croissance. Il existe aussi un certain nombre de causes iatrogènes que l’interrogatoire devra s’efforcer à rechercher. Enfin, certaines mutations entraînent un défaut de sécrétion ou de fonction de GnRH, ou peuvent tout du moins conférer un certain degré de susceptibilité au développement d’une aménorrhée hypothalamique fonctionnelle.

L'aménorrhée hypothalamique fonctionnelle représente une des causes les plus fréquentes d’aménorrhée secondaire, soit environ 20 à 35 % des cas. Elle représente en revanche uniquement 3 % des causes d’aménorrhée primaire. Elle débute par une perturbation du relargage pulsatile de la GnRH, qui a pour conséquences une diminution de la sécrétion de FSH et de LH et une diminution de la pulsatilité de LH. Au niveau ovarien, cela se traduit par l’apparition d’une hypo-estrogénie et d’une anovulation. Il est évidemment indispensable, dans tous les cas, même quand le contexte est évocateur, d’éliminer une pathologie organique par la réalisation d’une IRM hypophysaire. Stress L’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle peut survenir dans un contexte de stress pour l’organisme, comme la dénutrition, l’exercice physique excessif, les maladies chroniques, ou un stress émotionnel intense. Elle peut être considérée comme un phénomène physiologique adaptatif de l’organisme, pour allouer ses réserves énergétiques à sa survie, plutôt que d’utiliser l’énergie à la reproduction. Hyperprolactinémie L’hyperprolactinémie est la première cause d’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle. Elle entraîne une suppression de GnRH, une diminution de la fréquence des pulses de LH et une diminution de la réponse de LH aux estrogènes. Le traitement par GnRH pulsatile (pompe à GnRH) est efficace pour restaurer une maturation folliculaire. Depuis peu, les mécanismes précis par lesquels la prolactine inhibe l’axe gonadotrope ont été mieux élucidés (figure 1). Cette inhibition passe par la Kisspeptine (ou Kiss-1). En effet, les neurones à Kisspeptine possèdent le récepteur à la prolactine à leur surface, ce qui n’est pas le cas des neurones à GnRH connus. La fixation de la prolactine à son récepteur sur les neurones à Kisspeptine entraîne une diminution de la sécrétion de GnRH par les neurones à GnRH. L’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien peut être réactivé par l’administration de Kisspeptine-1 à des femmes en hyperprolactinémie et résistantes ou intolérantes aux agonistes dopaminergiques. Enfin, pendant la lactation, état physiologique d’hyperprolactinémie, il existe une perte sélective de la stimulation des neurones à GnRH par Kiss-1 et une diminution de Kiss-1. Les causes d’hyperprolactinémie sont multiples. Elles peuvent être physiologiques, comme la grossesse ou l’allaitement, ou pathologiques, comme dans le prolactinome, l’interruption de tige pituitaire, l’hypothyroïdie ou l’insuffisance rénale chronique, voire médicamenteuses. Figure 1. Mécanismes de l'infertilité anovulatoire induite par l'hyperprolactinémie. Les neurones à Kisspeptine possèdent le récepteur à la prolactine à leur surface, ce qui n’est pas le cas des neurones à GnRH. La fixation de la prolactine à son récepteur sur les neurones à Kisspeptine entraîne une diminution de la sécrétion de GnRH par les neurones à GnRH. Il en résulte une diminution de FSH et de LH et une aménorrhée + anovulation. Il est possible qu’il existe d’autres facteurs non neuronaux encore inconnus, voire d’autres types de neurones à GnRH, porteurs du récepteur à la prolactine. Autres causes hormonales Les autres causes hormonales d’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle sont représentées par l’hypercorticisme, qui entraîne une suppression de GnRH, par l’hyperandrogénie, d’où une réduction de la fréquence des pulses de LH par la testostérone, mais aussi par l’acromégalie. Dans ce dernier cas, il peut y avoir une cause organique à l’insuffisance gonadotrope, lorsque les cellules gonadotropes hypophysaires sont comprimées par le macroadénome. Mais il peut aussi y avoir une origine fonctionnelle, d’une part vial’hyperprolactinémie souvent associée, d’autre part via une diminution de la SHBG qui entraîne une augmentation des androgènes biodisponibles et donc une réduction de la fréquence des pulses de LH. Causes iatrogènes Les causes iatrogènes d’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle ne sont pas rares. Il peut s’agir d’une inhibition directe de GnRH. Les opiacés peuvent en effet inhiber directement le relargage de GnRH. Mais ils peuvent aussi parfois induire une hyperprolactinémie. Les glucocorticoïdes également inhibent la GnRH. Un certain nombre de médicaments peuvent avoir pour conséquence une hyperprolactinémie. C’est le cas de certains psychotropes qui interfèrent avec l’effet inhibiteur de la dopamine. Certains neuroleptiques bloquent les récepteurs à la dopamine, et certains inhibiteurs de la recapture de la sérotonine peuvent entraîner une inhibition sérotoninergique des neurones à dopamine. D’autres classes médicamenteuses peuvent être responsables d’hyperprolactinémie. C’est le cas de certains médicaments jouant sur la motilité gastro-intestinale, comme le métoclopramide ou la dompéridone, qui sont des molécules antidopaminergiques. Certains antihypertenseurs, tels la méthyldopa et le vérapamil, entraînent une diminution de la synthèse de dopamine. Causes génétiques Les causes génétiques d’hypogonadisme hypogonadotrope doivent être mentionnées, car elles peuvent entraîner également une insuffisance gonadotrope d’origine hypothalamique. C’est le cas de mutations de gènes qui entraînent un défaut de sécrétion ou de fonction de GnRH. Certains de ces gènes sont responsables d’un tableau d’hypogonadisme hypogonadotrope congénital avec anosmie, comme : FGFR1, FGF-8, SEMA-3A, CHD7, PROK2, PORKR2 ; d’autres d’un tableau d’hypogonadisme hypogonadotrope congénital avec normosmie, comme : KISS1, KISS1R, leptine, leptine R, PC1, GnRHR, GnRH. Il est important de noter que certaines mutations, même si elles ne sont pas responsables d’un hypogonadisme hypogonadotrope congénital, peuvent conférer une susceptibilité au développement d’une aménorrhée hypothalamique fonctionnelle. Il existe ainsi une interaction entre gènes et environnement. On notera également que les mutations du gène CYP21, responsables d’un bloc en 21 hydroxylase, peuvent entraîner une aménorrhée d’origine fonctionnelle. Il peut, dans ce cas, exister une élévation de la progestérone et des androgènes, qui vont réduire l’amplitude et le nombre des pulses de LH. Médiateurs hormonaux de l’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (figure 2) Durant les périodes de stress physique, nutritionnel ou de stress émotionnel intense, l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien inhibe l’axe hypothalamo-hypophysoovarien à plusieurs niveaux. Il existe tout d’abord une action du stress au niveau hypothalamique ayant pour conséquence une augmentation du CRH et une inhibition de GnRH. Il existe également une action du stress au niveau hypophysaire, sur la sécrétion d’ACTH, bien démontrée chez la souris. On note aussi une action du stress au niveau surrénalien, qui se traduit par une élévation du cortisol. L’hypercortisolisme, quelle qu’en soit l’origine, stress ou Cushing, va agir à trois niveaux : d’une part au niveau hypothalamique, en inhibant le GnRH ; d’autre part au niveau hypophysaire, en diminuant la réponse de LH au GnRH ; mais aussi au niveau utérin, en diminuant les effets de l’estradiol sur l’utérus. Il existe ainsi un cross-talk entre les axes hypothalamo-hypophyso-surrénalien et hypothalamo-hypophyso-ovarien, responsable d’une aménorrhée, qui est une réponse fonctionnelle adaptative au stress. La leptine est une hormone sécrétée par les adipocytes. Lors d’épisodes de dénutrition, la sécrétion adipocytaire de leptine diminue. Ceci a pour conséquence une diminution de la synthèse de Kisspeptine et donc une diminution de GnRH. Il a été montré que l’administration de leptine à des femmes ayant une aménorrhée hypothalamique fonctionnelle augmente la fréquence des pulses de LH et la réapparition de règles et d’ovulations. Le FGF21 est une hormone sécrétée par le foie. Elle augmente en réponse au jeûne. Il a été montré chez la souris que l’augmentation de FGF21 agit au niveau hypothalamique en diminuant la sécrétion de Kiss-1 et de fait de GnRH. La prolactine supprime la sécrétion de GnRH via Kiss-1. Elle augmente aussi probablement la synthèse de CRH. Enfin, il est possible qu’elle ait un rôle direct sur l’ovaire. Dans l’hypothyroïdie profonde, l’augmentation de TRH entraîne une augmentation de la prolactine. Enfin, l’augmentation de la progestérone ou des androgènes, comme par exemple dans l’hyperplasie congénitale des surrénales, diminue la sécrétion pulsatile de GnRH. Figure 2. Médiateurs hormonaux de l'aménorrhée hypothalamique fonctionnelle. Algorithme diagnostique devant une aménorrhée (figure 3) Devant une patiente consultant pour une aménorrhée, il est indispensable de mener un interrogatoire et un examen clinique précis. Ceux-ci relèveront toutes les prises médicamenteuses, y compris en automédication, ainsi que le mode alimentaire, la pratique d’activité physique et l’histoire du poids. Un bilan hormonal minimum sera réalisé chez toutes les patientes. En effet, tous les troubles du cycle doivent impérativement être explorés. D’autres examens complémentaires seront demandés en fonction du contexte. Il faudra toujours, devant la découverte d’un hypogonadisme hypogonadotrope, éliminer une pathologie organique par la réalisation d’une IRM hypophysaire. Les études génétiques ne sont pas faites en première intention. Figure 3. Algorithme diagnostique devant une aménorrhée. Conclusion L’aménorrhée hypothalamique fonctionnelle est une cause très fréquente d’aménorrhée secondaire. Elle constitue parfois un phénomène physiologique adaptatif face à un stress intense. Sa physiopathologie est liée à une perturbation du relargage pulsatile de la GnRH, ayant pour conséquences une diminution de la sécrétion de FSH et de LH et une diminution de la pulsatilité de LH et l’apparition d’une hypo-estrogénie et d’une anovulation. Il est indispensable, dans tous les cas d’éliminer une pathologie organique par la réalisation d’une IRM hypophysaire. La cause la plus fréquente est l’hyper prolactinémie, mais il existe d’autres causes hormonales, comme l’hypercorticisme, l’hyperandrogénie ou l’hypersécrétion d’hormone de croissance. Un certain nombre de facteurs iatrogènes peuvent être responsables, parfois par le biais de l’hyperprolactinémie, mais aussi vial’inhibition directe de GnRH. Enfin, les mutations de certains gènes entraînent un défaut de sécrétion ou de fonction de GnRH, ou peuvent conférer un certain degré de susceptibilité au développement d’une aménorrhée hypothalamique fonctionnelle.

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