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Contraception

Publié le 04 sep 2016Lecture 13 min

Contraception chez la femme diabétique

V. KERLAN, Service d’endocrinologie, Hôpital de la Cavale Blanche, Brest

Compte tenu de l’augmentation de la prévalence du diabète, de plus en plus de femmes en âge de procréer ont un diabète, soit de type 1, soit de type 2. Une contraception efficace est essentielle chez les diabétiques, du fait des risques liés à une grossesse non programmée. Une grossesse survenant sur un diabète non équilibré expose en effet le fœtus et la mère à des complications potentiellement sévères. Quoique convaincus par la nécessité de cette contraception, les médecins craignent parfois la prescription d’une contraception hormonale, par peur soit de déséquilibrer le diabète, soit d’aggraver ou de provoquer des complications du diabète, soit d’exposer les femmes aux complications vasculaires de la pilule. Les recommandations internationales ont été modifiées, permettant aux praticiens de choisir, avec les patientes, la contraception la plus adaptée. Le choix dépend aussi du but de la contraception, à court terme avec un objectif de grossesse planifiée ou à long terme.

Risques de la grossesse chez la femme diabétique   Les risques de la grossesse chez les femmes diabétiques sont bien connus. Pour le fœtus, il est exposé aux anomalies congénitales, au décès in utero, à la macrosomie, à l’hypoglycémie néonatale. Pour la mère, outre les risques de fausses couches, elle est prédisposée à l’hypertension ou à la prééclampsie ou à l’aggravation d’une rétinopathie ou d’une néphropathie préexistante. Il existe une nette augmentation du risque de fausses couches spontanées quand l’HbA1c préconceptionnelle s’élève avec, dans l’étude de Nielsen, un risque relatif de 3,9 quand l’HbA1c< 6,5 % ; dans la même étude, pour une HbA1c > 9,4 %, le RR est de 18. Par ailleurs, le risque de malformations augmente avec le taux d’HbA1c. Il est bien établi que la prise en charge des glycémies en préconceptionnel et pendant la grossesse des femmes diabétiques diminue les risques induits par la grossesse. Cela implique donc une programmation des grossesses qui ne peut se faire qu’avec une contraception efficace.   Utilisation d’une contraception chez les diabétiques   Une étude de l’Alfediam avait montré que les diabétiques de type 1 avaient des connaissances très insuffisantes en contraception. D’autres études confirment que la contraception est abordée deux fois moins souvent lors d’une consultation médicale chez la diabétique que chez la non-diabétique, et surtout chez les femmes de moins de 25 ans. Les diabétiques ont moins souvent une contraception, même si elles ne sont pas dans un projet de grossesse. Et pour celles qui ont une contraception celle-ci est moins souvent hormonale, surtout chez la diabétique de type 2.   Les méthodes de contraception   Les différentes contraceptions hormonales disponibles actuellement sont les estroprogestatifs (EP) composés d’éthinylestradiol et d’un progestatif (de 2e ou 3e génération ou autre progestatif), administrés le plus souvent par voie orale mais aussi par voie vaginale (anneau) ou transdermique (patch), et les progestatifs prescrits sous forme orale (microprogestatifs ou macroprogestatifs qui, eux, n’ont pas l’AMM en contraception) ou injectable ou implant ou dans le DIU (dispositif intra-utérin). Il y a aussi de nouvelles pilules estroprogestatives associant un progestatif et de l’estradiol ou du valérate d’estradiol, apparues plus récemment. Les contraceptions non hormonales sont aussi largement utilisées. En dehors du DIU au cuivre, qui peut être prescrit chez une nullipare, l’efficacité de ces méthodes est moins bonne et donc moins intéressante chez la diabétique pour laquelle on recherche une méthode efficace.   Problèmes posés par la contraception hormonale chez la femme diabétique   Différentes questions sont posées par la contraception hormonale chez la femme diabétique : y a-t-il un effet hyperglycémiant de la contraception hormonale ? Y a-t-il un risque d’aggravation des complications liées au diabète ? Enfin, la contraception hormonale est-elle un facteur de risque cardiovasculaire surajouté ?   La contraception hormonale a-­t-­elle un impact sur le contrôle glycémique ?   Les estroprogestatifs Dans la population non diabétique, la prise d’estroprogestatifs n’augmente pas le risque de diabète, même en cas d’antécédent de diabète gestationnel ; les estroprogestatifs ne modifient pas la glycémie et diminuent très modestement l’insulinosensibilité. Chez les diabétiques, les données de la Cochrane Database récemment publiées montrent que les estroprogestatifs n’ont aucune influence sur la glycémie : il n’y a pas d’augmentation des besoins en insuline, de modification de l’HbA1c ou de la glycémie à jeun après 12 mois de contraception estroprogestative. Seuls des estroprogestatifs  à forte dose ont un peu altéré le métabolisme glucidique.   Les progestatifs Dans la population générale, si les microprogestatifs et le DIU au lévonorgestrel n’ont montré aucun impact sur les glycémies, le DMPA, progestatif injectable, augmente le risque de diabète de façon très significative, du moins dans des populations à risque. Quant à l’implant, il a été mis en évidence une discrète détérioration de l’insulinosensibilité, sans impact sur la glycémie. Chez des diabétiques de type 1, il n’a pas été mis en évidence de modification de la glycémie avec les progestatifs oraux. Le SIU au lévonorgestrel a été étudié chez des diabétiques, uniquement de type 1, ne montrant aucun effet sur les glycémies.   La contraception a­-t­-elle une influence sur les complications microvasculaires du diabète ?   La question de l’impact potentiellement néfaste des contraceptifs hormonaux sur la survenue ou l’aggravation des complications microvasculaires du diabète est importante. Aucune augmentation de la prévalence ou de la sévérité des complications microvasculaires, rétinopathie et néphropathie, n’a été rapportée chez des diabétiques de type 1 sous EP. Une étude prospective a suivi l’évolution des complications microvasculaires de 86 diabétiques de type 1, plutôt en moyenne mal équilibrées (HbA1c 12 %, avec une moyenne d’ancienneté de diabète de 14 ans) et n’a retrouvé aucune modification après un an d’estroprogestatif. Dans une étude chez des diabétiques de type 1 suivies soit 6 ans, soit 10 ans, il n’y a eu ni progression ni apparition de rétinopathie, ni apparition d’œdème maculaire. Une seule étude avait montré l’aggravation de la protéinurie, mais sur un petit groupe de patientes diabétiques de type 1, ayant déjà une néphropathie avancée. Ces études sont en faveur de l’absence de risque de majoration ou déclenchement de complications microvasculaires lors de la contraception hormonale. Néanmoins, il n’est pas recommandé d’utiliser un estroprogestatif, quelle que soit la voie d’administration, chez les diabétiques avec des complications microvasculaires sévères. Les recommandations (OMS, ADA, HAS, SFE(1-4)) contre indiquent les contraceptifs EP en cas de rétinopathie sévère (ischémique ou proliférative) et d’œdème maculaire, ou de néphropathie avec protéinurie persistante. Ces contre-indications reposent sur le risque d’effet délétère des EP sur les microvaisseaux et sur l’absence d’étude prospective de qualité. Il n’y a pas d’étude spécifique avec les progestatifs, qui ne sont pas contre-indiqués en cas de complications microvasculaires.   La contraception hormonale expose-­t-­elle les femmes diabétiques à un sur­-risque vasculaire ?   Dans la population non diabétique, les EP n’augmentent pratiquement pas le risque d’IDM, chez les femmes sans risque CV. Mais en cas d’HTA, le risque relatif est augmenté (OR : 16,4 [3,08-87,7]) chez la non-fumeuse, et encore plus chez la fumeuse (OR : 71,4 [16,9-309]) pour un risque (OR : 26,6 [7,0-101]) chez la femme tabagique non hypertendue. Cela montre l’effet des FDR associés. Chez la diabétique, le risque d’IDM est plus important, surtout sous EP. L’étude de Tanis retrouve un risque relatif de 4,2 (1,6-10,9) chez les diabétiques et ce risque relatif passe à 7,4 (3,1-98,1) chez les diabétiques sous EP. Cette question est encore plus vraie chez les diabétiques de type 2 qui sont encore plus exposées au risque vasculaire, car souvent le diabète de type 2 est associé à l’obésité et l’hypertension ou la dyslipidémie. Pour les AVC, le diabète est en lui-même un facteur de risque. L’étude de Petiti retrouve une augmentation du risque chez les femmes quand elles sont sous EP (OR : 7 [3,5-16,1]), tout en sachant que ces événements sont rares. Les contraceptions progestatives n’ont pas de lien avec une augmentation du risque vasculaire, que ce soit IDM ou AVC. L’influence des EP sur la pression artérielle des diabétiques n’a pas été étudiée. Chez les nondiabétiques, moins de 5 % des femmes développent une HTA sous EP, et les chiffres de PA n’augmentent pas chez les autres femmes. Selon les recommandations, en dehors du diabète, la contraception EP est déjà tolérée uniquement en cas d’HTA bien contrôlée sous traitement chez les femmes de moins de 35 ans, sans facteur de risque ; elle n’est donc pas recommandée chez les femmes diabétiques hypertendues. Compte tenu des risques, les EP ne sont donc pas indiqués chez une diabétique hypertendue. L’hypertension artérielle gravidique, qui a disparu après l’accouchement, ne représente pas, selon les recommandations, une contre-indication aux EP, sous surveillance des chiffres tensionnels. Les progestatifs n’ont pas d’impact sur les chiffres tensionnels et peuvent être prescrits chez la femme diabétique hypertendue, quel que soit leur mode d’administration (orale, implant, DIU). Les EP sont associés à une augmentation du risque thrombo-embolique veineux. Le diabète de type 1 n’est pas reconnu comme un FDR particulier au plan veineux. En revanche, le diabète de type 2 est associé à un risque plus élevé, en rapport avec le surpoids. Quoi qu’il en soit, comme pour toutes les femmes, il convient de rechercher des antécédents thrombo-emboliques veineux dans la famille avant la prescription d’un EP.   Effets des contraceptions hormonales sur les lipides   La question de l’impact des EP sur les lipides plasmatiques se pose surtout chez la diabétique de type 2, chez qui il existe souvent une dyslipidémie. L’effet des EP sur les niveaux de lipides dépend des doses et des molécules progestatives utilisées. L’éthinylestradiol a plutôt comme effet de diminuer le LDL, d’augmenter le HDL-cholestérol et d’augmenter les triglycérides. C’est de cet effet qu’il faudra se méfier chez les diabétiques de type 2, les EP pouvant alors révéler ou aggraver une hypertriglycéridémie. On rappelle que les limites fixées par certaines recommandations(4) sont un taux maximal de LDL-cholestérol de 2,20 g/l chez les femmes sans autre facteur de risque et de 1,60 g/l pour les diabétiques et un taux maximal de 2 g/l pour les triglycérides pour toutes les femmes. Il est bien sûr recommandé de vérifier le bilan lipidique avant la prescription d’EP chez les diabétiques et sous traitement, particulièrement chez les diabétiques de type 2. Il n’y a pas de contre-indication liée aux lipides pour la prescription d’un progestatif par voie orale, implant ou DIU.   Effets des contraceptions hormonales sur le poids   C’est une préoccupation, surtout chez la femme diabétique de type 2, plus facilement en surpoids. Les EP ne sont pas responsables d’une augmentation du poids, même chez les femmes en surpoids ou obèses, en dehors de cas particuliers. Si aucune méthode de contraception hormonale n’est contre-indiquée chez la femme obèse de moins de 35 ans, en dehors de toute complication, en cas de diabète, il n’est pas recommandé de prescrire un EP chez une femme obèse. Le patch transdermique paraît moins efficace chez les femmes ayant un poids > 95 kg. Les progestatifs sous forme d’implant ou de DIU n’ont pas d’effet ou un effet minime sur le poids. Toutefois, le DMPA est associé à une prise de poids. L’efficacité contraceptive en durée de l’implant progestatif chez la femme obèse a été contestée et, même si une dernière publication remet en cause ce risque, il est recommandé actuellement de changer l’implant tous les 2 ans et demi en cas d’IMC entre 25 et 30 kg/m2 et tous les 2 ans au-delà de 30.   La patiente diabétique fumeuse   Le tabac étant un facteur de risque d’accident vasculaire, la prescription d’un EP est contre-indiquée chez une diabétique qui fume. Il n’y a aucune restriction à la prescription d’un progestatif, quel que soit son mode d’administration chez la diabétique fumeuse. La discussion peut parfois se poser chez une jeune diabétique de type 1, avec un diabète récent et sans aucune complication, qui a besoin d’une contraception efficace et bien tolérée, et qu’on n’arrive pas à convaincre d’arrêter de fumer et chez qui on pourra tolérer exceptionnellement un EP. Il n’a pas été retrouvé davantage d’infections après pose de DIU chez la diabétique. L’efficacité d’un DIU est identique chez la femme diabétique. Le diabète n’est pas du tout une contre-indication à l’utilisation d’un DIU, même chez la nullipare.   En pratique, quelle contraception dans le diabète de type 1 et de type 2 ? (figures 1 et 2)   Figure 1. Contraception hormonale en cas de diabète de type 1.   Figure 2. Contraception hormonale en cas de diabète de type 2.   Un certain nombre d’articles(5,6) et de recommandations(1-4) permettent de mieux faire le point sur cette problématique. Chez la patiente diabétique de type 1, qu’elle soit nullipare ou multipare, il faut exclure les facteurs de risque (dyslipidémies, HTA, tabac, durée de diabète > 20 ans) et les complications (néphropathie, rétinopathie proliférante ou œdémateuse ou ischémique, pathologie cardiovasculaire, neuropathie) ; s’il n’y a aucun de ces facteurs, il est possible de prescrire un EP. Dans le cas où un seul de ces facteurs se rajoute au diabète, il est recommandé de prescrire un autre type de contraception, progestative ou DIU hormonal ou non. La contraception d’urgence peut être prescrite chez toute diabétique de type 1, soit lévonorgestrel dans les 72 heures maximum suivant le rapport à risque, soit l’ulipristal jusqu’à 5 jours. Chez la patiente diabétique de type 2, il est préférable d’opter en première ligne pour une contraception sans risque vasculaire, progestative ou DIU ou méthode non hormonale. Ce n’est que en cas d’IMC < 30, sans facteur de risque cardiovasculaire et sans complication, qu’on pourra proposer un EP. La contraception d’urgence peut être prescrite chez toute diabétique de type 2, préférentiellement par l’ulipristal, pris le plus tôt possible et jusqu’à 5 jours. En cas d’antécédent de diabète gestationnel, le risque de développer un diabète n’est pas augmenté par la prise d’un estroprogestatif mais il faut tenir compte des facteurs de risque associés et privilégier les contraceptions sans impact cardiovasculaire en cas de facteur de risque.   Conclusion   • La contraception doit être abordée en consultation chez toutes les femmes diabétiques, de type 1 ou 2. La nécessité d’une programmation des grossesses est essentielle, et c’est très loin d’être le cas actuellement, déjà dans le type 1 mais plus encore dans le type 2. • L’information des femmes est fondamentale et la méthode de contraception adaptée à chacune, sur le plan médical et selon ses souhaits. Il est important aussi de suivre l’adhésion de la femme à sa contraception.  

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