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Gynécologie de l'enfant et de l'adolescente

Publié le 07 juin 2015Lecture 6 min

Grossesse chez l’adolescente : réalités et conséquences

J. CARRÉ, C. PIENKOWSKI, Toulouse

L’objectif de cet article est d’identifier les facteurs favorisant ces grossesses chez l’adolescente, de définir leurs caractéristiques et d’orienter leur prise en charge.

En France, 24 ‰ adolescentes âgées de 10 à 18 ans sont enceintes. Avec la Suède, notre pays a l’un des plus faibles taux, comparé notamment aux États-Unis qui ont la prévalence la plus forte des pays industrialisés (figure). Les trois quart de ces grossesses aboutissent à une IVG et seulement un quart sont menées à terme (données du Haut conseil de la population et de la famille, HCPF). Bien que le nombre de grossesse chez les adolescentes ait été divisé par 4 depuis 40 ans(1), le pourcentage de naissances issues de mère adolescentes représente 1 % des naissances totales du pays, et est stable depuis 10 ans. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’âge moyen des premiers rapports sexuels en France est de 17 ans, contre 18,2 ans en 1990 (données INED). Seules 10 % des adolescentes ont un rapport sexuel avant 15 ans(2), et 27 % n’utilisent toujours pas de contraception, ou l’utilisent mal (données HCPF). De plus, la fertilité des adolescentes est élevée, pouvant conduire à la survenue rapide d’une grossesse.   Évolution des taux de naissance (pour mille) parmi les 16-19 ans.   Il existe trois grands types de grossesses chez les adolescentes, qu’il est important de distinguer pour la prise en charge et le devenir de la mère, ainsi que celui de son enfant : – les grossesses culturelles, attendues dans des sociétés où l’enfantement est valorisant (africaines, gitanes) ; – les grossesses comblant une carence affective de l’enfance, chez des adolescentes ayant vécu dans des conditions difficiles, pour lesquelles l’enfantement donne accès à l’état d’adulte et compense une sensation d’abandon ; – les grossesses comme agression contre son corps.   Facteurs favorisant la grossesse chez l’adolescente Plusieurs facteurs sont fréquemment retrouvés chez les adolescentes enceintes, en France et à travers le monde(2-12). Il s’agit du faible niveau d’éducation, a fortiori de la déscolarisation, du mauvais statut socioéconomique, auxquels on peut rattacher le défaut d’utilisation de contraception et l’absence d’éducation sexuelle. Certaines ethnies sont également plus touchées (africaines, hispaniques). Enfin, il s’agit le plus souvent de filles célibataires (58 % dans une étude rétrospective menée à Saint-Denis(2)).   Caractéristiques de la grossesse chez l’adolescente Il s’agit de grossesses ayant une morbidité obstétricale propre, principalement par absence de suivi. En effet, celui-ci est irrégulier voire inexistant, avec une première consultation tardive(2) et un faible nombre de consultations pendant la grossesse(4). Ces grossesses sont plus à risque d’hypertension artérielle gravidique, de pré-éclampsie, de retard de croissance intra-utérin et de prématurité. La consommation de tabac, d’alcool et de drogue est plus élevée chez les adolescentes enceintes, souvent dans des situations socio économiques difficiles(2,9,12-14), avec un risque de retentissement sur la croissance fœtale et de troubles du comportement chez l’enfant. Ces adolescentes sont plus fréquemment porteuses d’une infection génitale (Chlamydiae, gonocoque(4, 15)). La prise de poids pendant la grossesse est globalement inférieure, à l’origine de plus fréquentes carences nutritionnelles et anémie(4,5,14,16). Ces grossesses sont également plus à risque d’hypertension artérielle gravidique, de prééclampsie, de retard de croissance intra-utérin et de prématurité (tableau) (4, 12-16). Certains auteurs rapportent aussi un risque majoré de mort fœtale in utero(5,14).     Concernant l’accouchement, l’évolution du travail n’est pas différente chez les adolescentes enceintes par rapport aux adultes enceintes(4,5). En revanche, il semble exister un risque plus important d’épisiotomie et d’extraction instrumentale(5,16), mais le taux de césariennes est inférieur(5,8,16,17). Le poids de l’enfant à la naissance paraît plus faible(4,5,14,15). Il ne semble en revanche pas exister de risque majoré de malformation (3,2 % pour les mères adolescentes vs 3 pour les 25-29 ans ; rapport du registre de l’Ile-de-France, Jeannine Goujard). Enfin, 5 à 10 % des grossesses chez l’adolescente aboutissent à un abandon de l’enfant.   Orientation de la prise en charge   Que dit la loi ?  Situation de la mineure avant l’accouchement L’obligation de suivre une scolarité demeure. La grossesse ne constitue pas un motif d’exclusion. Si la mineure a interrompu sa scolarité pendant la grossesse, elle a le droit de la reprendre après car la maternité ne justifie pas un refus d’inscription(18).  Pendant l’accouchement La mineure peut accoucher sous X. Elle seule peut en décider (art. 326 du code civil).  Après l’accouchement La mineure exerce elle-même l’autorité parentale sur son enfant (art. 371-1 du code civil). Elle peut consentir seule à l’adoption de son enfant par un tiers (art. 348-1 et-2 du code civil). Elle peut décider seule de confier son enfant aux services de l’Aide sociale à l’enfance (art. L.224-4 du code de l’action sociale et des familles). Elle a seule qualité pour exercer l’action en recherche de paternité (art. 328 du code civil). Si l’enfant est en danger, les dispositions légales relatives à la protection de l’enfance en danger s’appliquent à l’enfant et sa mère (art. L226-1 et s. du code de l’action sociale et des familles). Le secret médical est levé en ce qui concerne les personnes concourant à la mise en œuvre de la protection de l’enfance (art. 226-4 du code pénal).   Prise en charge par l’équipe médicale L’abord psychologique des adolescentes enceintes est primordial. Il doit être calme et non répressif, afin d’instaurer une relation de confiance. Il faut apprécier le contexte familial et social de ces adolescentes souvent en situation difficile, et les soutenir dans leurs démarches, leurs choix et leurs inquiétudes, les entourer et les rassurer sans les juger. Le suivi de la grossesse de l’adolescente est souvent difficile, source de malaise. Il doit être identique aux grossesses des adultes : une consultation mensuelle et trois échographies obstétricales. Il faut autant que possible essayer d’obtenir le soutien de l’entourage de la patiente, mais aussi du corps médical et des services de PMI. Il convient également, pendant et après la grossesse, de dépister et prendre en charge les conduites addictives et la mauvaise hygiène de vie, tout comme les complications obstétricales propres de ces grossesses. Une étude réalisée au Chili en 2011 a montré que l’accompagnement des adolescentes après l’accouchement permet d’améliorer l’état psychologique des jeunes mères, favorise leur sociabilisation et la reprise de leurs études(19).

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