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Sénologie

Publié le 28 aoû 2006Lecture 13 min

Découverte d’un kyste mammaire

A. Gorins, Paris
Le kyste mammaire fait partie de la maladie fibrokystique du sein (MFK), dite aussi dystrophie (le terme de « mastose » n’est plus guère employé). C’est une formation liquidienne entourée d’une paroi circulaire régulière. Il se situe au niveau des canaux galactophores, le liquide provenant d’une transsudation du sérum
  Morphologie Le kyste peut être complètement isolé (cliniquement et en imagerie) ou, plus souvent, faire partie d’une polykystose bilatérale (avec parfois prédominance unilatérale). De volume très variable, il peut aller de 2 à 3 mm jusqu’à plusieurs centimètres de diamètre. Son siège de prédilection est dans le quadrant supéro-externe, mais il peut siéger dans tous les secteurs du sein. Au plan anatomopathologique, il est très souvent associé à : – une fibrose conjonctivale, – une hyperplasie épithéliale et adénomateuse, – une métaplasie apocrine, associées à des degrés divers.   Circonstance de découverte Le kyste concerne le plus souvent les patientes entre 35 et 50 ans (parfois beaucoup plus jeunes), mais les kystes postménopausiques ne sont pas rares, souvent découverts lors d’échographie (et en dehors même de tout THS). Le kyste peut être complètement latent, découvert lors d’une échographie mammaire, comme le montre une enquête épidémiologique menée par le GERM*. Il peut se révéler par une mastodynie d’intensité variable. Il n’y a pas de parallélisme entre le volume d’un kyste et l’intensité de la douleur. Cette dernière est surtout l’apanage des kystes de constitution rapide. Il peut s’intégrer dans le cadre de la maladie fibrokystique et se manifester par une tuméfaction ou par un syndrome prémenstruel à polarité mammaire.     Le bilan sénologique L’examen clinique des seins L’inspection et la palpation concernent l’ensemble du sein, la plaque aérolo-mamelonnaire, les aires ganglionnaires satellites. Mammographie et échographie mammaires, bien faites et bien interprétées, sont essentielles.   L’imagerie Sans entrer dans la description exhaustive, rappelons que le kyste peut être présent dans une atmosphère de dystrophie multihétérodulaire. De plus, des calcifications (petits kystes calcifiés arrondis, microcalcifications dispersées, en nombre variable) peuvent lui être associées aboutissant à un aspect de constellation en cas d’adénose sclérosante. Cependant, on se méfiera des microcalcifications à contours irréguliers, d’aspect centripète vers le mamelon, et surtout groupées en amas. De même, la recherche d’une opacité irrégulière, stellaire, même petite, d’une rupture architecturale doit être systématique.   Faut-il ponctionner les kystes pour cytologie ? Dans une polykystose, il n’est pas question de ponctionner tous les kystes. On choisit de préférence les plus gros et les plus accessibles.   Il ne saurait être question de ponctionner un kyste de découverte fortuite (par échographie) et dont le contexte clinique et l’imagerie sont parfaitement rassurants.   Il ne saurait être question de ponctionner un kyste de découverte fortuite (par échographie) et dont le contexte clinique et l’imagerie sont parfaitement rassurants. Si la ponction est nécessaire, elle peut être effectuée au cabinet du médecin, de façon très simple, avec une seringue de 20 cc, ajustée à une aiguille de calibre moyen à biseau long. Aucune anesthésie locale n’est nécessaire. On pique de façon perpendiculaire au plan cutané, et on laisse le liquide monter dans la seringue, en pressant, au besoin, entre pouce et index, la formation, mais en évitant, dans la mesure du possible, d’exercer une forte aspiration, avec le piston de la seringue (ce geste peut favoriser les récidives). Si le kyste n’est pas perçu cliniquement et que sa ponction est néanmoins souhaitée, elle se fera dans les mêmes conditions, mais sous contrôle échographique. Certains négligent de demander une cytologie du liquide ponctionné, sous prétexte qu’elle revient pratiquement toujours négative. C’est vrai, mais il existe néanmoins des exceptions. On peut retrouver des cellules spumeuses, des macrophages, des histiocytes, parfois des polynucléaires en cas de réaction inflammatoire, mais il est inutile de demander une bactériologie même en cas de liquide épais, puriforme. Les kystes non surinfectés ne contiennent pas de germes. Il ne faut pas confondre inflammation et infection, même si certains kystes s’accompagnent de rougeur, chaleur, voire empâtement ganglionnaire.     Le bilan hormonal : souvent décevant ! S’il est demandé, ce bilan est décevant : dans notre expérience, l’équilibre estradiol/progestérone plasmatique, effectué dans une phase prémenstruelle, est normal dans 80 % des cas. L’insuffisance lutéale est inconstante et, lorsqu’elle est constatée, se voit surtout en périménopause. Il en est de même pour l’hyperestrogénie absolue ou relative par insuffisance lutéale. Les androgènes sont le plus souvent normaux. Le taux de prolactine basale se situe dans les limites de la normale et, dans la majorité des cas, l’élévation sous épreuve dynamique (TRH, sulpiride) reste aussi dans les normes. En bref, sauf cas particuliers, nous avons renoncé à effectuer les bilans plasmatiques peu convaincants. Les aspects biochimiques sont théoriquement très intéressants, mais n’ont pas de retombée thérapeutique particulière. Il existe 2 types de kystes : – à paroi hyperplasique et métaplasique avec un rapport Na/K < 3, – à paroi atrophique avec un rapport Na/K > 3. Il ne s’agit pas d’évolution d’un même kyste. Des kystes des deux types peuvent coexister dans un même sein. Les kystes à paroi hyperplasique contiennent des quantités parfois très élevées de DHEA sulfate, estrone sulfate, EGF, certaines protéines.   Le bilan psychologique est autrement fructueux On est souvent en présence de femmes nerveuses, neurotoniques, parfois spasmophiles. Les poussées douloureuses et kystiques apparaissent volontiers à l’occasion des problèmes d’entourage : problèmes familiaux, soucis avec les enfants, conflits conjugaux, maladie grave chez une parente ou chez une amie, etc. Les anecdotes ne manquent pas à cet égard, mais la filiation avec l’apparition des kystes et de mastodynies risque de passer complètement inaperçue, si l’on ne prend pas soin d’orienter l’interrogation dans ce sens. Nous considérons que la maladie fibrokystique (MFK) fait partie des affections psychosomatiques. À signaler : l’exposition intempestive au soleil peut déclencher très rapidement l’apparition de kystes douloureux. Nous considérons que la maladie fibrokystique (MFK) fait partie des affections psychosomatiques.   Discussion diagnostique Au terme de ce bilan, on peut opposer schématiquement : – un kyste isolé ou des petits kystes, en nombre minime, considérés comme une forme mineure de MFK ; – et des kystes multiples, évolutifs, parfois volumineux, s’accompagnant de mastodynies, avec densité mammaire mammographique hétérogène qu’on qualifiera de formes majeures avec, bien entendu, des formes de transition.   Kyste, échographie 3D. Visualisation de la paroi dans les 3 plans de l'espace   • Si la clinique et l’imagerie (± la cytoponction) sont normales, il faut rassurer. Le kyste en lui-même n’expose pas à un risque accru de cancer du sein. Il est rare qu’un kyste soit malin. On ne fait rien – Wait and see. Spontanément, la MFK s’éteint progressivement après la ménopause (sauf exceptions – cf. plus haut). • Si, éventuellement, en cas de lésion « douteuse », on procède à une exérèse chirurgicale, il faut alors étudier soigneusement l’hyperplasie cellulaire d’accompagnement. L’absence de prolifération ramène le risque relatif (RR) à 1.   Kyste, échographie 3D. Ponction sous contrôle des 3 plans.   Pour une prolifération hyperplasique sans atypie cellulaire, le RR est aux alentours de 1,5. S’il existe une hyperplasie avec atypie cellulaire, le RR passe à 4,5 et il est doublé s’il existe en même temps des antécédents familiaux de cancer du sein (W. Dupont et D. Page).   Méthodes thérapeutiques Ponction Les gros kystes sous tension, les kystes douloureux doivent subir une ponction évacuation (de 5 à 15 cc de liquide en moyenne, parfois moins, parfois beaucoup plus). Un kyste bien ponctionné ne se reproduit que rarement. On vérifie après son affaissement l’absence de masse sous-jacente (sauf perception de la coque kystique qui peut être ferme). On peut recommander un bandage serré de la poitrine pendant 48 heures et tout en reste là. Il est rare qu’on effectue à présent des kystographies par injection d’air pour vérifier l’intégrité de la cavité. Certains auteurs préconisent l’injection simultanée par la même seringue de substances sclérosantes qui hâteraient la disparition complète du kyste et rendraient le nombre de rechutes insignifiantes.   Sédatifs doux En raison du contexte nerveux, on prescrit volontiers des sédatifs doux (extraits de plantes) en évitant les neuroleptiques. L’adjonction de calcium, magnésium peut avoir un effet favorable, surtout en cas de spasmophilie avérée.   Angiotoniques Les angiotoniques à base de dérivés de vitamines P sont souvent intéressants, vu les troubles de circulation locale : réseau veineux superficiel parfois très accentué, réalisant parfois une véritable varicose mammaire.   Anti-inflammatoires Ils méritent d’être prescrits, notamment en cas de poussée aiguë douloureuse. Nous avons coutume d’y associer une pâte locale anti-inflammatoire (Antiphlogistine®), dont les effets ne sont pas négligeables. Les antibiotiques sont parfaitement inutiles, sauf en cas de surinfection.   Les antibiotiques sont parfaitement inutiles, sauf en cas de surinfection.   Place de l’hormonothérapie Le traitement hormonal n’est pas obligatoire, loin de là. L’efficacité des progestatifs de synthèse (PS) n’est pas proportionnelle à l’existence d’une insuffisance lutéale, inconstante (voir plus haut). Notre préférence va à la progestérone et ses dérivés, surtout norpregnanes, donnés soit : – du 16e au 25e jour, – du 10e au 25e jour (pour prévenir le pic estrogénique d’ovulation), – du 5e au 25e jour (mettant les ovaires au repos grâce au mécanisme de rétrocontrôle hypothalamo-hypophyso-gonadique), – ou de façon continue. Chacun connaît les avantages et les inconvénients des PS. La progestérone percutanée peut avoir un effet adjuvant favorable. L’efficacité en est cependant discrète. Autrefois, le Danazol® était prescrit à la dose de 100 ou 200 µg/j. Ce composé est plutôt efficace, avec un effet fréquent de rémanence à son arrêt, mais il a des effets anabolisants et androgéniques discrets qui l’on fait abandonner dans ce domaine. L’hormonothérapie n’est pas toujours efficace. On dit qu’elle « fait effet » à des degrés divers dans deux tiers des cas environ. Son action semble surtout s’épuiser avec le temps, après une période dite de « lune de miel », de quelque mois à 1 ou 2 ans. Par ailleurs, les antiestrogènes, comme le tamoxifène, ne sont pas une bonne indication de traitement des kystes mammaires. Quant aux analogues de la GnRH, ils ne sauraient être utilisés que dans des cas exceptionnels, pour une MFK rebelle aux autres traitements, très invalidante et pendant une très courte durée, ne dépassant pas 3 à 6 mois.   Prise en charge psychologique La psychothérapie est sûrement importante. Il faut savoir retrouver avec tact et patience tous les stress, conflits, difficultés, émotions qui ont pu contribuer à l’éclosion de la maladie et à ses poussées évolutives. Il s’agit le plus souvent de psychothérapie simple destinée à mieux faire comprendre à la patiente les raisons de l’apparition et de l’entretien de ses kystes, tout en sachant toutefois qu’on ne trouve parfois aucune explication psychogène. L’appel à un psychologue ou à un psychiatre est rarement nécessaire.   Chirurgie La place de la chirurgie nous semble limitée. Il peut s’agir d’une indication de « nécessité » devant des tableaux divers : – aspect douteux de l’imagerie mammaire et/ou échographie, ou de cytologie ; – kyste franchement sanglant ; – ou kyste qui se reproduit rapidement après ponction bien faite ; – ou persistance d’une masse suspecte adjacente, après évacuation du kyste. En ce cas, l’intervention doit être accompagnée d’un examen anatomopathologique soigneux pour éliminer toute lésion maligne coexistante et pour apprécier le pronostic évolutif de la MFK. La surveillance pourra déboucher : – soit sur un contrôle clinique bisannuel et des échographies mammaires annuelles ; – soit sur un examen clinique annuel et une imagerie tous les 2 ans. La chirurgie « de principe » doit rester tout à fait exceptionnelle. Il s’agit en fait de mastectomie, dite « à visée prophylactique avec reconstruction mammaire ». Il faut non seulement une dystrophie très évolutive avec des seins très denses, difficiles à contrôler par mammographie, mais aussi des facteurs de risque certains de cancer du sein : intervention antérieure ayant montré une hyperplasie atypique importante, cancers de seins familiaux en ligne directe, mise en évidence des mutations génétiques BRCA1, BRCA2 (qui nous éloigne de notre sujet initial).   La chirurgie « de principe» doit rester tout à fait exceptionnelle.   Stratégies thérapeutiques   Les 3 tableaux présentés dans cet article résument la conduite à tenir et les choix thérapeutiques en présence d’un kyste et d’une dystrophie.   Conclusion Un kyste mammaire est une éventualité habituellement « banale » résultant essentiellement de deux facteurs : – un facteur local « dystrophique », – un facteur psychogène, favorisant les poussée. En revanche, il est peu fréquent qu’une sécrétion hormonale viciée soit le substratum de cette pathologie. Mais des perturbations hormonales, locales, des facteurs de croissance in situ peuvent favoriser le processus. Il faut savoir rassurer les patientes atteintes de kystose mammaire. L’évolution de la maladie kystique est capricieuse. Le problème majeur est celui du risque de cancer du sein. À ce sujet, deux éléments doivent être pris en compte : – l’histologie, représentée par l’hyperplasie atypique ; – le terrain familial : antécédents familiaux directs de cancer du sein. Une surveillance à la fois clinique et par imagerie est nécessaire. Enfin, restent les problèmes non abordés ici : – de la contraception, autorisée en utilisant des pilules à faibles doses d’éthinylestradiol inf ou égal à 30 µg/jour ; – du THS chez la femme ménopausée. Là encore, l’autorisation peut être donnée en employant des doses faibles d’estradiol > 1 µg/jour et en suivant de près la « susceptibilité » mammaire à l’estrogénothérapie.   Points à retenir -  Chez les femmes, souvent âgées de 35 à 50 ans, porteuses d’un kyste mammaire, l’examen clinique doit être complété par une mammographie et une échographie mammaire. La cytoponction est affaire de cas particuliers. -  L’étude des bilans hormonaux plasmatiques — rapport E2/progestérone - prolactine — est assez décevante, vu l’inconstance des déséquilibres. - Les facteurs psychologiques et le stress favorisent l’éclosion et les poussées évolutives, faisant de la MFK une affection psychosomatique. -  Il faut rassurer les patientes. -  Les kystes asymptomatiques n’ont pas besoin de traitement. -  Seules les lésions « douteuses » doivent subir un contrôle histologique par exérèse ou prélèvement biopsique. -  L’hyperplasie atypique est un élément important de risque accru de cancer du sein, surtout s’il s’y associe des antécédents familiaux en ligne directe. -  Les progestatifs de synthèse peuvent être donnés sur 10 à 15 jours, mais aussi 3 semaines sur 4, ou en continu. Ils mettent le fonctionnement ovarien au repos. Dans ce cadre, les norpregnanes constituent des molécules intéressantes. -  L’hormonothérapie est efficace dans deux tiers des cas, à des degrés divers. Ses effets ne sont pas toujours durables. -  Enfin, la psychothérapie joue un grand rôle. -  Quant à la chirurgie, elle a une place limitée. Elle sera « de nécessité » en cas de kyste d’aspect douteux. La chirurgie « de principe », mastectomie prophylactique avec reconstitution, ne saurait se concevoir que chez les femmes à très haut risque. - Enfin, contraception hormonale et THS peuvent être prescrits chez les femmes porteuses de MFK, sous surveillance rigoureuse.

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