Publié le 15 mai 2023Lecture 7 min
Examen échographique des anomalies de l’appareil urinaire fœtal (2e partie)
Jean-Philippe BAULT, Plateforme Lumière Necker, Centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, CHI Poissy Saint-Germain, Cabinet d’échographies gynéco-obstétricales, Les Mureaux

Dans le numéro d’octobre de Gynécologie & Obstétrique Pratique (n° 348), nous avions évoqué l’appareil urinaire normal du fœtus. Dans ce second volet, nous nous intéressons aux aspects échographiques des anomalies de l’appareil urinaire découvertes aux 2e et 3e trimestres de la grossesse. La plupart de ces anomalies sont regroupées sous l’acronyme CAKUT (Congenital Anomalies of the Kydney and Urinary Tract).
Ces pathologies sont une cause majeure d’insuffisance rénale de l’enfant(1). La fréquence est estimée à 1/500 naissances vivantes, et celles-ci représentent 20 à 30 % des anomalies congénitales dépistées en anténatal(2). La génétique est complexe avec des mutations dans plus de 50 gènes pour les formes isolées ou syndromiques, amenant à la réalisation d’un « Cakutome »(3) ou d’un exome.
Anomalies rénales
Agénésie rénale bilatérale
Le tableau réalisé est celui d’un syndrome de Potter : absence de liquide amniotique (LA), déformation de la forme du crâne (dolichocéphalie), vessie et reins non visualisés. L’absence de pédicules vasculaires rénaux et la verticalisation des glandes surrénales confirment l’agénésie rénale bilatérale (figure 1).
Figure 1. Agénésie rénale bilatérale. A : surrénales verticalisées ; B : absence de pédicules rénaux.
Agénésie rénale unilatérale
L’une des loges rénales apparaît vide, la glande surrénale homolatérale est verticalisée, le pédicule vasculaire est absent. Il est impératif dans cette situation de rechercher la présence d'un rein pelvien (figure 2).
Figure 2. Agénésie rénale unilatérale. A : absence de pédicule rénal ; B : loge rénale vide ; C : rein pelvien.
Rein en « fer à cheval »
Les deux reins apparaissent reliés par un « pont » parenchymateux situé en avant du rachis ; l’orientation des pyélons dessinant un angle aigu à pointe antérieure est un excellent signe d’orientation vers le diagnostic (figure 3).
Figure 3. Rein en « fer à cheval ». A : pont parenchymateux ; B : orientation des pyélons.
Duplicité rénale
Deux entités rénales sont situées dans la même loge rénale, il est capital de vérifier que les cavités pyéliques sont totalement séparées. L’une des structures – le plus souvent la structure supé-rieure – est la plupart du temps dysplasique (figure 3bis). II est important de rechercher un abouchement surnuméraire dans la vessie réalisant un urétérocèle (figure 4).
Figure 3 bis. Duplicité rénale. A : deux entités d’aspect normal ; B : deux entités. Flèches jaunes : entité dysplasique.
Figure 4. Urétérocèle.
Hypoplasie rénale
Elle correspond à une petite taille d’un ou des deux reins avec des biométries souvent inférieures au 3e percentile, et traduit la réduction du capital néphronique. Unilatérale, avec une différenciation correcte du parenchyme rénal et un liquide amniotique normal, elle est plutôt de bon pronostic. Bilatéral, le pronostic est lié à la fonction rénale résiduelle.
Hypertrophie rénale
Elle peut se rencontrer dans des syndromes de macrosomie fœtale comme le syndrome de Wiedemann-Becwith (figure 5).
Figure 5. Syndrome de Wiedemann-Beckwith. A : macroglossie; B et C : omphalocèle ; D : néphromégalie.
Anomalies vésicales
Il est impératif lors d’un examen de dépistage de vérifier la présence de la vessie. Le Doppler apporte une aide capitale en mettant en évidence les deux artères ombilicales encadrant la vessie.
L’absence de visualisation constante de la vessie doit amener à évoquer une exstrophie vésicale (malformation gravissime en particulier chez un fœtus de sexe masculin). Ce diagnostic sera confirmé devant une association de signes : reins présents, LA normal, impossibilité de déterminer précisément le sexe fœtal, parallélisme des artères ombilicales, insertion basse du cordon, écartement anormal des ailles iliaques et de la symphyse pubienne (figure 6).
Figure 6. Anomalies vésicales. A : extrophie vésicale : plaque vésicale (3D). B : artères ombilicalesparallèles, absence de vessie ; C et E : cordon inséré « bas » ; D : plaque vésicale en coupe frontale ; F : ailes iliaques écartées.
Parfois la vessie apparaît de taille très supérieure à la normale lors de plusieurs examens successifs (séparés d’au moins 40 minutes) sans véritable vidange, réalisant alors une mégavessie tardive(4). Un bilan détaillé, tant génétique qu’échographique, est indispensable. La présence d’une mégavessie non résolutive au-delà de 23 SA sera souvent associée à la nécessité d’une chirurgie postnatale (figure 7).
Figure 7. Mégavessie. En haut : coupe frontale. En bas : coupe sagittale.
Les kystes de l’ouraque sont consécutifs à l’absence d’obli-ération du canal de l’ouraque (figure 8), leur évolution peut se faire vers la rupture spontanée ou nécessiter un geste chirurgical en postnatal.
Figure 8. Kyste de l’ouraque.
Images liquidiennes rénales
Kyste solitaire du rein
Ces kystes sont le plus souvent polaires. Le caractère isolé ne pourra être affirmé qu’après une étude minutieuse de la structure des deux reins et des structures de voisinage.
• Syndrome de jonction. Il correspond à une sténose située entre la cavité pyélique et le haut uretère. Il se présente sous la forme d’une dilatation de la cavité pyélique. Lorsque la sténose est « serrée » les cavités calicielles sont elles aussi dilatées réalisant une véritable hydronéphrose (figure 9).
Figure 9. Syndrome de jonction.
• Urinome. L’aspect réalisé est celui d’une collection liquidienne périrénale faisant suite à une rupture de la capsule et survenant le plus fréquemment sur un rein dysplasique (figure 10).
Figure 10. Urinome sur rein dysplasique.
• Dysplasie kystique. Le parenchyme rénal est remplacé par de multiples images liquidiennes non confluentes dont la taille est variable (figure 11).
Figure 11. Dysplasie multikystique.
Autres images liquidiennes urinaires
Images liquidiennes situées entre le rein et vessie
Image anéchogène fusiforme correspondant à un méga-uretère (figure 12), les étiologies sont multiples : sténose de la jonction urétéro-vésicale réalisant une urétéro-hydronéphrose, méga-uretère primitif, reflux vésico-urétéral (figure 13).
Une dilatation tardive chez un fœtus de sexe masculin est le plus souvent la conséquence de valves de l’urètre postérieur d’apparition plus ou moins tardive.
Figure 12. Méga-uretère. De gauche à droite : mode « minimum », 2D, mode « inversion ».
Figure 13. Méga-uretère : étiologies.
Images liquidiennes intravésicales
L’aspect est celui d’une formation anéchogène à paroi fine, de forme plutôt arrondie correspondant à un abouchement ectopique d’un uretère normal ou à l’abouchement d’un uretère surnuméraire dans le cadre d’une duplication rénale.
Reins hyperéchogènes
L’aspect hyperéchogène des reins est lié à la présence des interfaces de multiples microkystes. Les étiologies sont multiples :
– mutations HNF1 bêta ;
– polykystoses ;
– syndromes avec macrosomie ;
– ciliopathies ;
– anomalies chromosomiques (T13 ou T18), métaboliques (maladies peroxyzomales), exposition aux inhibiteurs de l’enzyme de conversion(5).
• Mutations HNF1 bêta (TCF2). Elles représentent une cause fréquente de reins hyperéchogènes mais présentant en général une augmentation de taille modérée (<+/- 3DS) (figure 14). Il faut savoir rechercher une hypoplasie pancréatique. Ces mutations peuvent être responsables d’autres anomalies réno-urinaires et en particulier de formes bilatérales gravissimes à type de dysplasie multikystique(6).
Figure 14. Reins dans le cadre d’une mutation HNF1 bêta.
• Polykystoses :
– polykystose autosomique récessive (APKR, polykystose infantile) : la fréquence de cette affection est de 1/20000 ; les reins sont le plus souvent très volumineux (jusqu’à +15DS) (figure 15). Les formes majeures (50 à 75 %) sont responsables d’une anurie réalisant un oligoanamnios. Le pronostic est très sévère avec décès in utero ou à la naissance. Le taux de récurrence est de 25 %. Il existe des formes modérées. Le liquide amniotique est normal, l’insuffisance rénale s’installe progressivement : 39 % des enfants présentant une HTA à 1 an, 30 % nécessitent une dialyse/greffe avant 15 ans ;
– polykystose autosomique dominante (APKD) : sa fréquence est de 1/1000. Dans la plupart des cas, l’échographie est assez peu contributive, ne montrant des reins que peu augmentés de volume, un liquide amniotique d’abondance normale (figure 16). Une histoire familiale est à rechercher avec attention.
Figure 15. Reins dans le cadre d’une polykystose récessive (APKR).
Figure 16. Reins dans le cadre d’une polykystose dominante (APKD).
• Syndromes avec macrosomie.
Retenons le syndrome de Becwith-Wiedemann associant aux gros reins échogènes : macrosomie, viscéromégalie,omphalocèle, macroglossie (figure 5).
• Ciliopathies : syndrome de Joubert avec outre les gros reins les signes cérébraux caractéristiques (signe de la « dent molaire » par allongement des pédicules cérébelleux supérieurs), syndrome de Bardet-Biedl avec hexadactylie.
• Autres anomalies : chromosomiques, métaboliques, exposition à l’enzyme de conversion (figure 17).
Figure 17. Gros reins hyperéchogènes dans le cadre d’une exposition à l’enzyme de conversion.
Les anomalies réno-urinaires représentent une part importante des anomalies fœtales dépistables en anténatal. La complexité tant de leur diagnostic que de leur pronostic impose un travail collégial au sein d’un CPDP.
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