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Sénologie

Publié le 16 sep 2012Lecture 7 min

Contraception orale et risque de cancer du sein : que dire à nos patientes ?

P. THIS, Institut Curie, Paris
Une de vos patientes, âgée de 32 ans, sous contraception orale combinée estroprogestative depuis 15 ans, vous explique qu’un cancer du sein vient d’être diagnostiqué chez sa mère. Elle vous interroge sur les effets de la contraception orale sur son risque de cancer du sein. Que lui répondez-vous ?
Alors que la mortalité par cancer du sein commence à diminuer, notamment depuis 2000, l’incidence de ce cancer est en augmentation depuis 25 ans. Aujourd’hui, pour une femme née en 1950, le risque cumulé de développer un cancer du sein avant l’âge de 75 ans est de 12,1 %. Certains facteurs de risque sont bien connus (tableau 1). À côté des facteurs de risque familiaux et génétiques et des facteurs histologiques, on individualise des facteurs de risque hormonaux dits « endogènes » tels qu’une puberté précoce, une première grossesse menée à terme (PGMT) tardive ou une ménopause tardive. Les risques relatifs sont alors de faible amplitude, en général < 2. Dans ce contexte, il est évidemment très important d’évaluer l’impact de la contraception orale combinée estroprogestative (COC) sur le risque de cancer du sein.   Que retenir des données de la littérature ? De nombreuses études ont évalué l’impact de la COC sur le risque de cancer du sein. Les études randomisées contre placebo n’étant pas réalisables, il s’agit soit d’études castémoins, soit d’étude de cohorte ou de métaanalyses. Pour être pertinents, leurs résultats doivent être ajustés sur les autres facteurs de risque de cancer du sein. Les études les plus importantes sont répertoriées dans le tableau 2. Le risque relatif pour les utilisatrices en cours est légèrement augmenté de façon significative dans la métaanalyse du CGHFBC (RR à 1,24). Le risque diminue après l’arrêt et rejoint celui des non-utilisatrices après 10 ans. Le risque est également légèrement augmenté dans l’étude de la cohorte norvégienne et dans la métaanalyse de la Mayo Clinic. En revanche, les risques ne sont augmentés ni dans l’étude castémoins Womens’ Care, ni dans la cohorte d’Oxford, ni dans celle du RCGP. Enfin, certaines études retrouvent une augmentation du risque chez les femmes ayant pris une COC avant une PGMT : par exemple 1,52 (1,26-1,82) pour une durée de prise de plus de 4 ans dans la métaanalyse de la Mayo Clinic.   Qu’en est-il des contraceptions récentes ? L’étude du Womens’ Care ne retrouvait pas de différence selon le type de progestatifs, y compris de 3e génération. Plus récemment, dans la Nurses’ Health Study II, on retrouve une augmentation significative du risque pour les utilisatrices en cours RR 1,33 (1,03-1,73). Pour une durée de prise de plus de 8 ans, le RR est à 1,42 (1,05- 1,94). Il n’est pas augmenté pour les utilisatrices antérieures.   Cette étude a retrouvé une franche augmentation du risque pour les préparations triphasiques contenant du lévonorgestrel : 3,05 (2-4,66). Le risque n’est pas augmenté pour les préparations non triphasiques à base de lévonorgestrel et les COC contenant du désogestrel, du norgestimate, et de la chlormadinone.   Quelles données sur les progestatifs seuls ? Nous disposons de peu d’études. Dans la cohorte norvégienne, le risque était augmenté de manière significative pour les microprogestatifs : 1,6 (1,0-2,4), comme pour les pilules combinées : 1,5 (1,0-2,0). Pour les progestatifs macrodosés tels qu’on les prescrit en France (en théorie, lorsqu’il existe, en plus du besoin contraceptif, une raison médicale telle qu’une périménopause ou des ménorragies), l’étude E3N retrouve une légère augmentation du risque pour les durées d’utilisation de plus de 4,5 ans 1,44 (1,03-2,0).   Le DIU au lévonorgestrel (SIU-LNG) L’étude de Backman, portant sur plus 17 000 utilisatrices, n’a pas retrouvé plus de cancers du sein chez celles-ci que dans une population non utilisatrice de même tranche d’âge. Une étude récente rétrospective castémoin (Dinger) n’a pas retrouvé de différence de survenue d’un cancer du sein entre les femmes porteuses d’un DIU au cuivre et celles porteuses d’un SIU-LNG, y compris chez les femmes en cours d’utilisation au moment du diagnostic   Quel impact de la contraception orale chez les femmes ayant des antécédents familiaux de cancer du sein ? Les données existantes restent discordantes, en raison de l’hétérogénéité des populations et des différentes définitions du risque familial. En ce qui concerne les femmes porteuses d’une mutation d’un gène BRCA 1/2, plusieurs études ont retrouvé des résultats contradictoires, mais certaines d’entre elles présentaient des biais (études rétrospectives, ou recours à des groupes témoins de femmes sans mutation génétique identifiée). Nous citerons l’importante étude de cohorte IBCCS qui retrouve une augmentation du risque à 1,47 (1,16-1,87) chez les utilisatrices, notamment pour une durée de plus de 4 ans avant la PGMT. Plus récemment, la métaanalyse de Iodice regroupant 18 études n’a pas retrouvé d’augmentation du risque de cancer du sein chez les utilisatrices, ni d’augmentation du risque avec la durée d’utilisation ou les formules les plus récentes. La majorité des études retrouve donc soit un risque non augmenté, soit un léger sur-risque de cancer du sein qui disparaît progressivement après l’arrêt. En toute rigueur, ces études n’étant pas randomisées, on ne peut pas éliminer complètement un biais de détection, les patientes sous contraception orale étant mieux surveillées que les femmes non traitées. Notons, par ailleurs, que les risques, lorsqu’ils sont augmentés, sont de faible amplitude, en général < 1,5. Il existe cependant une « plausibilité biologique » liée à l’effet « promoteur » des estrogènes en carcinogenèse mammaire. Le rôle des progestatifs est en revanche plus controversé. La PGMT induit une différenciation du tissu mammaire qui protégerait celui-ci de l’influence des substances potentiellement carcinogènes. Ce dernier point expliquerait peutêtre pourquoi une prise prolongée de COC avant la PGMT semble être le facteur de risque le plus notable.   Quels autres effets oncologiques ? La prise de COC est associée à une réduction du risque de cancer de l’ovaire (y compris chez les femmes génétiquement prédisposées) et du risque de cancer de l’endomètre avec, pour ces deux cancers, un effet protecteur augmentant avec la durée d’utilisation. Si l’on s’intéresse à l’effet global de la COC, les grandes études de cohorte prospectives n’ont pas retrouvé d’augmentation de l’incidence ou de la mortalité par cancer (tout confondu) chez les utilisatrices.  Dans l’étude du Royal College of General Practitioners, les utilisatrices ont même une légère réduction du risque global de cancer. Toutefois, les analyses par sous-groupe montrent que la balance s’inverse avec la durée d’utilisation et que, pour les durées prolongées de prise, le risque augmente : pour plus de 8 ans d’utilisation, le risque est évalué à 1,22 (1,07-1,39). Conclusion La prise de COC pourrait être associée à une très légère augmentation du risque de cancer du sein pour les durées de prise prolongées avant la première grossesse menée à terme, avec un effet disparaissant 5 à 10 ans après l’arrêt. Soulignons par ailleurs que, dans la balance bénéfices/risques, il faut bien sûr prendre en compte, outre l’efficacité contraceptive de la COC, ses autres bénéfices tels que la régularisation des cycles, le traitement de l’acné, de la dysménorrhée, etc. Toutefois, au-delà de 10 ans d’utilisation, notamment chez les femmes à risque familial de cancer du sein, il importe de prendre en compte ce léger surrisque, d’en discuter avec nos patientes et d’évoquer avec elles d’autres méthodes non hormonales. En cas d’antécédents familiaux, les risques augmentent avec le nombre d’apparentées atteintes et la précocité des cancers du sein. En cas de mutation génétique BRCA 1/2, les risques relatifs varient selon la tranche d’âge des femmes et sont très élevés, leur conférant des risques absolus cumulés de cancer du sein de l’ordre de 45 % à 65 % à l’âge de 70 ans. En cas de carcinome lobulaire in situ, les sur-risques concernent les 15 années suivant l’intervention.

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