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Cancérologie

Publié le 17 mar 2021Lecture 8 min

Prise en charge des tumeurs de la granulosa

H. VANACKER, C. LENCK, L. MBENGUE, N. CHOPIN, I. RAY-COQUARD, Centre Léon Bérard, Lyon
Prise en charge des tumeurs de la granulosa

     

Prise en charge des stades précoces (stades FIGO I) Staging et traitement de référence Dans la mesure où 70 % des tumeurs de la granulosa sont diagnostiqués au stade I, la chirurgie est sans conteste la pierre angulaire du traitement de ces stades précoces (Oseledchyk et coll. 2018), tableau 1, voir site www.ovaire-rare.org. La chirurgie comporte un temps de résection et un temps d’exploration consistant en : annexectomie monobloc en évitant toute rupture tumorale ; une annexectomie bilatérale avec hystérectomie est recommandée dans les stades > IC et chez la femme ménopausée, quel que soit le stade ; réaliser un staging incluant au minimum :l’exploration de la cavité pelvienne et abdominale ; une cytologie péritonéale et des biopsies péritonéales systématiques, avec prélèvement du péritoine diaphragmatique et pelvien, du cul-de-sac de Douglas et des gouttières pariétocoliques ; une omentectomie infracolique ; une exérèse de toutes lésions macroscopiquement visibles ; une exploration endométriale (au minimum un curetage, sinon une hystérectomie). Cette chirurgie doit être réalisée en laparotomie ou en cœlioscopie dans des cas sélectionnés ; en effet, de plus en plus de cas rapportent la faisabilité de la chirurgie mini-invasive, avec exploration sous cœlioscopie réalisée en première intention ou en restaging (Ray-Coquard et coll. 2018). La problématique de la préservation de la fertilité pourra être discutée au cas par cas en RCP de centre de référence chez les patientes concernées (voir site www.ovaire-rare.org), notamment dans les stades IC1-2-3 requérant théoriquement une chirurgie complète avec hystérectomie totale et annexectomie bilatérale. L’analyse de l’endomètre est indispensable dans tous les cas, étant donné l’association de ces tumeurs avec une hyperplasie endométriale (jusqu’à 55 % des cas) voire un carcinome endométrial (13 à 22 % selon certaines séries) (Evans et coll. 1980). Cette analyse systématique de l’endomètre implique une hystérectomie ou au minimum un curetage utérin ou en fonction du stade et des enjeux de préservation de la fertilité.  dans le cas des stades localisés, puisque l’atteinte ganglionnaire est exceptionnelle et que le curage n’apporte pas de bénéfice clinique (Nasioudis et coll. 2017) : une exérèse de masses ganglionnaires n’est recommandée qu’en cas de masse ganglionnaire à l’imagerie ou lors de l’exploration chirurgicale. Place d’un traitement adjuvant aux stades localisés Les tumeurs au stade IA de la granulosa ont un excellent pronostic après une intervention chirurgicale complète et ne nécessitent pas de traitement adjuvant (tableau 2). Pour les stades précoces non localisés à un ovaire, la place de la chimiothérapie adjuvante n’est pas rigoureusement démontrée du fait de la rareté de ces tumeurs et reste donc controversée. La notion de rupture tumorale a été associée à un risque de rechute plus important. Certains auteurs suggèrent un traitement adjuvant pour les patientes en stade IC ou à index mitotique élevé (Schneider et coll. 2003). Elle est à discuter au cas par cas dans les stades IC1 (rupture chirurgicale peropératoire) et doit être proposée dans les stades IC2-3 (rupture préopératoire ou atteinte cytologique) du fait du risque de résidu péritonéal. Dans ce cas, une chimiothérapie à base de platine est le traitement de référence : le schéma le plus couramment utilisé est la combinaison (bléomycine, étoposide, cisplatine) en l’absence de comorbidité respiratoire (bléomycine), rénale (cisplatine) et chez les sujets en bon état général. En raison de la toxicité du BEP, les options alternatives sans bléomycine sont proposées aux femmes de plus de 40 ans ou ayant une comorbidité pulmonaire : l’utilisation du carboplatine-paclitaxel ou de l’EP a fait la preuve de son efficacité, bien qu’il n’existe pas encore de comparaison prospective randomisée. Le nombre de cycles est généralement de 4 BEP et 6 carboplatine-paclitaxel, mais peut être réduit dans les stades IC sans résidu à 3 BEP et au moins 3 carboplatine-paclitaxel. Prise en charge des stades avancés : stades FIGO II à IV Les tumeurs de la granulosa de type adulte sont une maladie hétérogène, souvent lentement progressive, mais potentiellement émaillée de multiples progressions pouvant conduire au décès. Le niveau de preuve d’efficacité des traitements est limité par le faible nombre de patientes et la difficulté de réaliser des essais cliniques randomisés. L’organisation en réseau tend à pallier ce manque. Les recommandations émises sont résumées dans les tableaux 1 et 2. La chirurgie des lésions métastatiques doit être évaluée par des chirurgiens entraînés : outre une chirurgie de « debulking » à visée symptomatique, parfois nécessaire pour les tumeurs de très gros volume, il est nécessaire d’évaluer la possibilité d’une résection complète des masses tumorales, avant ou après conditionnement par chimiothérapie systémique. Même s’ils ont été développés pour la prise en charge des tumeurs épithéliales de l’ovaire, les scores de radicalité de la chirurgie (score de Sugarbaker : résidu R0 = CC0, CC1 micronodules < 0,25 cm, CC2 0,25 à 2,5 cm et CC3 > 2,5 cm) peuvent être utilisés pour caractériser la cytoréduction : l’objectif est alors une réduction maximale type 0C0. La prise en charge locale de métastases hépatiques est également à discuter en réunion multidisciplinaire en fonction des caractéristiques lésionnelles. Les traitements systémiques par chimiothérapie suivent les mêmes protocoles qu’en adjuvant (stades > IC), à savoir une association à base de platine, avec 4 cycles de BEP avant 40 ans, sinon 6 cycles de carboplatine-paclitaxel, et en alternative, EP ou CAP ou platine en monothérapie. Un essai clinique de phase 2 est en cours aux États-Unis pour comparer l’effet des deux protocoles (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT01042522). Les options de chimiothérapie alternative après la première ligne seront choisies au cas par cas en l’absence de données randomisées : le rechallenge avec du platine ou des taxanes est envisagé en cas de réponse et d’intervalle libre sans traitement > 1 an, voire 6 mois d’autres molécules cyclophosphamide, doxorubicine et cisplatine ; paclitaxel et carboplatine ou agent du platine seul). La place des thérapies ciblées est aujourd’hui mal définie. Un essai de phase 3 français randomisant 60 patientes en groupes paclitaxel hebdomadaire avec ou sans bévacizumab vient d’être rapporté : il n’a pas montré d’allongement de la survie médiane sans progression (de l’ordre de 14,5 mois), mais on note un doublement du taux de réponse qui peut s’avérer opportun pour favoriser une cytoréduction ultérieure. L’hormonothérapie semblait présenter un rationnel dans ces tumeurs hormonosécrétantes et développées aux dépens de cellules physiologiquement hormonosensibles. Plusieurs séries de cas rapportent des données hétérogènes en termes de réponse ou de stabilisation sous agonistes de la LHRH, antiaromatase ou anti-estrogène. Un récent essai de phase 2 randomisé (essai PARAGON rapporté à l’ASCO 2018) n’a pas montré de réponse significative. Cette stratégie semble pouvoir être proposée en cas de progression indolente, par exemple biologique pure (ascension de l’inhibine sans progression clinico-radiologique). Suivi des patientes Le suivi des tumeurs des cordons sexuels de la granulosa doit être particulièrement attentif au risque de rechute à long terme. Il faut impliquer les patientes et le médecin dans une surveillance « active » et « prolongée », possiblement à vie du fait de l’importance de détecter le plus tôt possible les rechutes possiblement très différées. En cas de tumeur localisée avec obtention de rémission complète, il consiste en un examen clinique (gynécologique), une échographie pelvienne et le dosage de l’inhibine ou, selon élévation initiale, d’AMH, de Δ4-androstènedione, de testostérone. La fréquence de suivi doit être au minimum trimestrielle la première année, puis annuelle. Les rechutes et les tumeurs de stades avancés relèvent d’une surveillance trimestrielle avec scanner thoraco-abdomino-pelvien, marqueurs tumoraux et examen clinique. Conclusion et perspectives Les tumeurs de la granulosa sont des tumeurs malignes, souvent peu agressives et localisées, mais dont la rechute ou le stade avancé peuvent être défavorables voire fatals. La balance bénéfice/risque est parfois délicate chez les patientes jeunes avec enjeu de fertilité ou en cas de patiente fragile, comorbide ; le staging et la qualité de la chirurgie initiale, souvent associés à une reprise de 2nd look, et la confirmation diagnostique par un anatomopathologiste expert sont essentiels pour bien classer et traiter ces patientes. Plusieurs pistes sont en développement pour améliorer le diagnostic, le suivi et le traitement des tumeurs de la granulosa. La poursuite de l’optimisation des réseaux de soins et l’accès aux avis d’experts sont une pierre angulaire de la prise en charge adaptée de ces tumeurs rares. En France, elle est portée par le projet TMRO (Tumeurs malignes rares de l’ovaire) ; la disponibilité du site internet www.ovaire-rare.org va continuer d’améliorer la prise en charge de ces tumeurs rares. La mutualisation des données doit permettre de mieux comprendre cette maladie, d’affiner les facteurs pronostiques et de préciser la place de chimiothérapie adjuvante (par exemple, dans les stades IC1 ?). Le développement de biomarqueurs non invasifs est une voie intéressante pour orienter le diagnostic et la chirurgie d’une masse ovarienne douteuse, et un outil de suivi qui permettra le diagnostic précoce des éventuelles rechutes et une augmentation de leur résécabilité, donc de leur curabilité. Le remboursement du dosage de l’inhibine permettra d’en faciliter la réalisation chez ces patientes. Le dosage de l’ADN circulant du facteur FOXL2 (FOXL2 ctDNA) est en développement, sa sensibilité et sa spécificité sont en cours d’évaluation, mais le dosage semble corrélé au volume tumoral. L’amélioration des traitements systémiques est nécessaire pour réduire le risque de rechute et améliorer le pronostic au stade avancé. La question de la « désescalade » des indications et modalité de la chimiothérapie est également à discuter pour certaines indications limites. Les nouvelles thérapeutiques ciblées sont à l’étude, comme un anticorps antagoniste du récepteur 2 de l’AMH (AMHR2), qui est fortement exprimé par les cellules de la granulosa. Cet agent a montré des résultats précliniques prometteurs (Estupina et coll. 2017) et est en cours d’évaluation en clinique (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02978755).

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