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Gynécologie générale

Publié le 13 mai 2020Lecture 9 min

Variations sur l’âge de la puberté et de la ménopause

D. ROTTEN, Paris
Puberté Quelle est la nature du mécanisme qui sous-tend la réactivation de la fonction gonadotrope marquant la sortie de la quiescence de l’enfance et l’initiation de la puberté ? Un étage a récemment été ajouté à la chaîne physiologique connue. Le générateur qui initie puis commande la sécrétion pulsatile de GnRH vient d’être caractérisé. Il s’agit des neurones à kisspeptine, situés au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus. Ils ont des projections qui se font vers les neurones à GnRH et vers leurs dendrites, concentrés au niveau de l’éminence médiane. L’activation du système de la kisspeptine permet à son tour celle des neurones à GnRH et aboutit à la sécrétion pulsatile de GnRH. Mais l’identification d’un étage physiologique supplémentaire n’éclaircit pas le mystère pour autant. Indiquer que l’activation du système de la kisspeptine est la résultante de l’interaction de facteurs génétiques, nutritionnels (où sont impliqués ghéline et leptine) et de facteurs en rapport avec les stress et environnementaux est une réponse quelque peu généraliste. Autre question récurrente : quand la puberté commence-t-elle ? Le débat n’est pas anecdotique. Il n’y a bien sûr pas de réponse univoque devant un phénomène progressif qui s’étale sur 4 à 5 ans. Mais le déclin séculaire de l’âge de la puberté semble se poursuivre. En conséquence, certains investigateurs proposent d’abaisser parallèlement l’âge auquel on déclenche les investigations invasives pour puberté précoce pour l’adapter à la baisse de l’âge moyen d’apparition des manifestations pubertaires. Mais on s’expose alors au risque de méconnaître les étiologies centrales, rares mais potentiellement graves. Âge de la ménarche On choisit habituellement d’adopter l’âge des premières règles comme date de survenue de la puberté. C’est un repère simple et facile à identifier. Marquant, il est bien mémorisé. Mais il présente des défauts méthodologiques. La détermination de l’âge de la ménarche est souvent basée sur le souvenir qu’en ont des femmes interrogées à l’âge adulte, par exemple dans le cadre d’enquêtes de fécondité. Cet aspect rétrospectif expose au biais de mémoire, qui s’accroît avec le nombre d’années écoulées, et au biais de souvenir, tendant à proposer un chiffre centré autour de nombres « ronds ». également le repère « ménarche » a un défaut qui en limite l’intérêt médical. C’est un évènement tardif au cours de la transition pubertaire. Le déclin séculaire de l’âge de la ménarche en Europe et dans les pays développés (et chez les filles des catégories sociales favorisées des pays en voie de développement) a été caractérisé dès les années 1975. L’âge moyen était estimé autour de 16-18 ans autour des années 1800 et de 14 ans vers 1950, avec une variation géographique assez importante. L’avance était en moyenne de 2 mois par décennie en Europe, variant entre 1,1 mois/10 ans en France et 3,2 mois/10 ans en Scandinavie (figure 1).   Figure 1. Déclin séculaire de l’âge de la ménarche dans différents pays d’Europe et aux USA. (D’après des données synthétisées par Grace Wyshak et Rose E. Frisch, 1982(5))   Cette baisse est principalement attribuée à l’amélioration de la nutrition, ou plus exactement de « la balance énergétique », qui tient compte des apports, mais aussi des dépenses. L’influence des variations de l’IMC et de la composition ethnique des populations doit également être prise en compte. W.A. Marshall et J.M. Tanner avaient évalué en 1969 l’âge moyen de la ménarche à 13,5 ans(3). Ce chiffre a longtemps été retenu comme référence. L’une des dernières recensions a calculé aux USA un âge moyen de 12,54 ans (adolescentes caucasiennes : 12,60 ; hispaniques : 12,14 ; noires : 12,24). Cette mesure est proche de l’âge moyen habituellement retenu en clinique actuellement (tableau). Certaines études montrent que la baisse se poursuit toujours, d’autres qu’on assiste à une stabilisation. Il est difficile de conclure. Les variations de résultats entre études peuvent en effet être rapportées à des différences méthodologiques et à l’intervalle d’incertitude statistique, assez large. Pour avancer, il est nécessaire d’avoir recours à un marqueur chronologique plus fiable. Âge de la thélarche La prise en compte du développement du tissu glandulaire mammaire, ou thélarche, comme marqueur de développement pubertaire offre deux avantages. Les modifications mammaires sont un événement qui survient précocement lors du démarrage de la puberté chez la fille. En clinique, c’est celui qui alerte et donc permet une attitude plus proactive. également,son appréciation repose sur un examen clinique, et il est donc recueilli dans des études prospectives, d’où plus de fiabilité lors des études épidémiologiques. Trente études rapportant sur ce paramètre et publiées entre 1977 et 2013 ont fait l’objet d’une métaanalyse réalisée par Camilla Eckart-Lind et coll.(1). Le repère physiologique retenu est l’apparition des modifications mammaires correspondant au stade S2 de Tanner. Alors que le stade S1 est caractérisé par l’absence de développement mammaire, le stade S2 est marqué par deux modifications : l’apparition d’un petit bourgeon mammaire, qui surélève le mamelon ; l’élargissement de l’aréole. Seules les études où la codification est faite par un pédiatre ont été retenues pour la métaanalyse. L’appréciation repose surl’inspection, éventuellement complétée par la palpation (18 études). Les mesures retenues ont été faitessur des fillettes n’ayant pas de pathologie connue pouvant interférer avec le développement pubertaire. Demême sont exclues les fillettes affectées de malnutrition sévère ou d’obésité extrême. Dans ce dernier cas, le tissu graisseux peut être confondu avec du tissu glandulaire. Pour les études chronologiques, la date médiane des années au long desquelles ont eu lieu les examens est retenue. Les études publiées ont été réalisées essentiellement en Europe (n = 11) ou en Asie (n = 11), mais aussi au Moyen-Orient (n = 7) ou aux USA (n = 5). Elles ont été effectuées dans un cadre scolaire (58 %), hospitalier (16 %) ou en population générale (11 %). L’âge médian d’apparition du stade S2 de Tanner varie selon les pays étudiés. Par exemple en Europe, les résultats varient entre 9,8 et 10,8 ans (figure 2).   Figure 2. Âge moyen de la survenue du stade S2 de Tanner selon les différentes zones géographiques (valeurs extrêmes, années) (D’après les données de Eckert-Lind C et al.(1)).   Au cours des trois dernières décennies, on observe une baisse de l’âge médian d’apparition du stade S2 de Tanner. Elle est de 0,24 années (2,9 mois) par décennie. Cette baisse est statistiquement significative. Les résultats sont similaires quand seules sont prises en compte les études où l’examen a également comporté la palpation du tissu mammaire. La baisse est alors de 0,26 années (3,1 mois) par décennie (figure 3).   Figure 3. évolution séculaire de l’âge de la thélarche (± déviation standard). (D’après les données de Eckert-Lind C et al.(1))   Ces observations, menées au cours des années 1977-2013, confirment que la baisse séculaire de l’âge de survenue de la puberté continue, rendant nécessaire une réactualisation des normes et des recommandations pour l’investigation des pubertés précoces. Ménopause L’âge de survenue de la ménopause est un paramètre important à considérer en santé publique. Par exemple, un âge de survenue plus tardif présente un gain de protection cardiovasculaire et osseuse d’autant plus précieux que la prudence reste demise concernant les indications d’hormonothérapie post-ménopausique. À l’inverse de ce que l’on observe pour la puberté, l’âge moyen de survenue de la ménopause naturelle semble être resté relativement stable au cours du temps. À partir de 58 études d’origine géographique mondiale, Frédéric Thomas et coll. l’estiment à 49,2 ± 1,7 ans. Dans ces études, les âges moyens extrêmes varient entre 46,5 ans et 52 ans(4). De nombreux facteurs interviennent dans l’âge de survenue de la ménopause naturelle. Les recherches actuellesse penchent sur les facteurs génétiques, dont une part sous-tend l’héritabilité de l’âge de survenue. Les facteurs environnementaux font égalementl’objet de beaucoup d’attention. Ainsi le tabac compte pour environ 5 % du risque de ménopause précoce, soit autant que les 17 variants génétiquesles plus impliqués. Des facteurs médicaux sont également en cause. Le diabète de type 2 est associé à un risque accru de ménopause précoce. À l’inverse, la date de la survenue de la ménopause est retardée dans le syndrome des ovaires polykystiques. Dansla liste des facteurs, on trouve naturellement les traitements agressifs sur l’ovaire, chimio- ou radiothérapie, chirurgie pelvienne. Multiplicité des grossesses, allaitement prolongé et utilisation de la contraception hormonale s’accompagnent d’une inhibition des ovulations. Question récurrente : ralentissent-ils la déplétion du pool ovocytaire, permettant de retarder la survenue de la ménopause naturelle ? Pour apporter un élément de réponse, Christine Langton et coll.(2) ont mis à profitles données obtenues dans la cohorte de patientes Nurses’ Health Study II. Méthodologie Plus de plus de 100 000 femmes âgées de 25 à 42 ans ont été incluses au départ, et interrogées régulièrement entre 1989 et 2015. La ménopause est définie comme une aménorrhée de 12 mois. Une ménopause survenue avant 45 ans est définie comme précoce. Une parité est comptée pour chaque grossesse de durée ≥ 6 mois. La durée totale d’allaitement ou d’allaitement exclusif est comptée en mois. Lesfacteurs de confusion démographiques suivants ont été pris en compte dans les analyses multivariées : âge, âge à la ménarche, consommation d’alcool, tabagisme, indice de poids corporel, antécédents d’infertilité associée à des troubles du cycle. L’utilisation de contraceptifs oraux n’a pas fait l’objet d’une analyse spécifique, mais a fait partie des paramètres d’ajustement lors du calcul des hazard ratios (HR) ajustés. Résultats Sur un total de 1,7 millions de personnes-années de suivi, 2 751 (2,4 %) ménopauses précoces ont été observées. Une parité élevée est associée à une diminution du risque de ménopause précoce. Comparé à celui d’une nullipare (référence), le HR de survenue d’une ménopause précoce passe à 0,92 chez une primipare et 0,84 après deux grossesses. Ilse stabilise aux environs de 0,80 après 3 grossesses et plus (figure 4).   Figure 4. Taux de survenue de ménopause < 45 ans. La figure montre le taux de survenue de ménopauses précoces dans l’ensemble de la population après ajustement pour les différents cofacteurs démographiques sous forme de hazard ratios ajustés (courbe rouge). Les valeurs observées sont légèrement plus basses après ajustement pour la durée totale d’allaitement (courbe verte).   L’allaitement s’accompagne également d’une diminution du risque de ménopause précoce, fonction de sa durée. Par exemple, en comparaison avec un allaitement de durée ≤ 1 mois (référence), un allaitement exclusif de 6 à 12 mois est assorti d’un HR de 0,72. La prolongation au-delà de cette durée ne semble pas apporter d’effet supplémentaire. Augmentation de parité et durée d’allaitement ont un effet additif comme le montre la figure 4, avec un hazard ratio atteignant 0,70 pour une parité ≥ 3 chez les femmes qui allaitent, contre 0,78 si on n’ajuste pas le calcul en fonction de ce facteur. Conclusion Parité élevée et allaitement s’accompagnent d’un taux de ménopauses précoces plus faible que celui observé dans la population témoin. Ces constatations posent une intéressante question physiologique. Quel est le mécanisme en cause ? Est-ce une diminution du taux de sortie du pool folliculaire ou un ralentissement du rythme d’atrésie folliculaire ? Ces constatations ont également un impact en termes de santé individuelle. en revanche, du point de vue santé publique, il est peu probable qu’elles conduisent à un changement de pratiques.

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