publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Infertilité

Publié le 16 mar 2022Lecture 7 min

Impact de la chirurgie bariatrique sur la fertilité chez l’homme

Charlotte DUPONT, Nathalie SERMONDADE, Rachel LÉVY, Sorbonne université, Saint-Antoine Research Center, INSERM équipe lipodystrophies génétiques et acquises ; service de biologie de la reproduction-CECOS, AP-HP, hôpital Tenon, Paris

Concernant la fertilité, il est admis que la chirurgie bariatrique permet d’améliorer le statut hormonal des hommes obèses et qu’elle exerce un impact positif sur les fonctions érectiles. Cependant, son impact sur les paramètres spermatiques reste controversé. Si quelques études ont montré un risque d’altération des paramètres spermatiques après chirurgie bariatrique, les plus récentes ne rapportent pas d’effets de l’intervention sur la production spermatique.

Impact de l’obésité sur les fonctions de reproduction masculine Grâce à quelques études de cohortes, il est maintenant admis que le surpoids ou l’obésité a un impact négatif sur la fertilité des hommes. Un délai nécessaire à concevoir plus long a d’ailleurs été observé chez les hommes obèses. De nombreuses études ont mis en évidence une altération des paramètres spermatiques en cas de surpoids et d’obésité, en particulier une diminution de la concentration et de la numération spermatique, de la mobilité spermatique et de l’intégrité de l’ADN spermatique(1). Les mécanismes impliqués dans ce phénomène sont complexes et multifactoriels. Néanmoins, le surpoids etl’obésité sont associés à une diminution de la production d’androgènes et à une augmentation de l’activité aromatase, liée à l’excès de tissu adipeux, qui entraîne une augmentation de la conversion de la testostérone en estradiol. L’insulinorésistance, souvent rencontrée en cas d’obésité, estresponsable d’une baisse des taux de SHBG. Les conséquencessont une diminution des taux plasmatiques de testostérone et une augmentation de l’estradiolémie. Le rétrocontrôle au niveau de l’axe hypothalamohypophyso-gonadique est donc perturbé, entraînant un hypogonadisme. Les fonctions des cellules de Sertoli sont par conséquent réduites etla production spermatique altérée. Les adipokines (leptine, ghréline, adiponectine et résistine), qui sont impliquées dans le métabolisme énergétique, sont perturbées en cas de surpoids ou d’obésité. Elles ont une action sur lesfonctions de reproduction masculine et peuvent altérerl’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique à tous les niveaux. L’obésité est également associée à un état inflammatoire chronique et à une augmentation du stress oxydant, qui ont un effet délétère sur les fonctions de reproduction. Enfin, l’augmentation de l’adiposité scrotale entraîne une augmentation de la température au niveau destesticules, ce qui empêche une spermatogenèse normale(1).  Prise en charge de l’obésité et conséquences sur les fonctions de reproduction masculine Mesures hygiénodiététiques En cas d’IMC élevé, les mesures hygiénodiététiques entraînant une perte de poids permettent une amélioration du bilan hormonal, notamment une normalisation de l’hypogonadisme hypogonadotrope, avec une amélioration des taux de testostérone et de SHBG. Quelques études ont montré chez des hommes obèses ou en surpoids une amélioration des paramètres spermatiques conventionnels et une amélioration de l’intégrité de l’ADN spermatique après mesures hygiénodiététiques et perte de poids(1). Chirurgie bariatrique En cas d’obésité morbide (IMC > 40 kg/m2) ou sévère (IMC > 35 kg/m2) avec comorbidités, la chirurgie bariatrique peut être envisagée après échec des mesures moins invasives. C’est l’intervention la plus efficace pour réduire le poids corporel et diminuer les maladies associées à l’obésité. Les techniques chirurgicales peuvent être restrictives (anneau gastrique ajustable) ou gastrectomie longitudinale « sleeve gastrectomy » (SG) ou restrictives et malabsorptives (court-circuit gastrique : le bypass gastrique Roux-en-Y [RYGB]). Impact sur le bilan hormonal Il a été montré à de nombreuses reprises que la perte de poids liée à la chirurgie bariatrique a des effets bénéfiquessur le bilan hormonal masculin. Une métaanalyse récente ayant inclus 28 études et 1 022 hommes a d’ailleurs confirmé cesrésultats(2) : augmentation significative des taux de testostérone libre et totale, de LH, de FSH et de SHBG, et diminution de l’estradiolémie et de la prolactinémie. Les mécanismes impliqués dans l’amélioration du bilan hormonal grâce à la perte de poids après chirurgie bariatrique sont multifactoriels (figure). La diminution de la graisse viscérale et de la graisse sous-cutanée diminue la conversion de testostérone en estradiol parl’aromatase. La diminution des taux d’estradiol et l’augmentation des taux de testostérone diminuent le rétrocontrôle négatif au niveau de l’axe hypothalamo-hypophysaire. L’augmentation des taux de LH permet une augmentation de la sécrétion de la testostérone par les cellules de Leydig. Enfin, la réduction drastique du tissu adipeux diminue la production des adipokines et des cytokines pro-inflammatoires. La diminution de l’insulinorésistance liée à la perte de poids aurait égale ment un impact bénéfique sur le bilan hormonal. Figure. Effets de la chirurgie bariatrique sur les fonctions de reproduction masculine. Impact sur la fonction sexuelle Un mode de vie sain permet de restaurer ou préserver les fonctions érectiles chez l’homme, en particulier chez les hommes obèses qui présentent des désordres métaboliques et des anomalies neurovasculaires. La dysfonction érectile est étroitement liée au diabète, aux désordres lipidiques, à l’hypertension et au syndrome métabolique. Deux métaanalysesrécentes ont mis en évidence une amélioration significative des fonctions érectiles après chirurgie bariatrique. L’amélioration du bilan hormonal (augmentation des taux plasmatiques de FSH et de testostérone totale et libre) explique probablement en grande partie cette amélioration, bien que les mécanismes impliqués soient probablement plus complexes. Ainsi, l’amélioration de l’intégrité artérielle engendrée par la perte de poids consécutive à la chirurgie bariatrique peut expliquer l’amélioration des fonctions érectiles, sans négliger les bénéfices psychologiques et sur l’activité sexuelle de la perte de poids (figure). Impact sur les paramètres spermatiques (tableau) L’impact de la chirurgie bariatrique sur les paramètres spermatiques est encore sujet à controverse. Malgré le nombre croissant d’interventionsréalisées chaque année dans le monde, peu d’études ont été publiées et les effectifs de patients inclus sont faibles. De 2005 à 2015, quelques séries de cas ont été publiées (tableau). Dans 4 séries de cas, rapportant les données de 17 patients, une altération des paramètres spermatiques a été observée dansles suites de l’intervention. Une azoospermie avec biopsie testiculaire négative a été retrouvée chez les 6 patients ayant bénéficié d’un RYBG et une altération majeure chez 2 autres patients opérés par la même technique. Aucune réversibilité n’a été observée dans ces 2 séries. Dans les deux autres séries présentant des patients ayant majoritairement bénéficié d’un RYGB (8 RYGB, 1 SG), l’altération des paramètres spermatique était importante dans les suites proches de l’intervention, mais une réversibilité a été observée entre 12 et 14 mois. Dans l’étude de Reis et coll. concernant 10 patients après RYGB, aucune modification des paramètres spermatiques n’a été observée 4 et 24 mois après l’intervention. Deux études prospectives plus récentes ont inclus respectivement 46 patients ayant bénéficié d’une SG et 23 patients ayant bénéficié d’un RYGB. Dans la première, une amélioration des paramètres spermatiques a été observée chez les patients présentant une oligozoospermie ou une azoospermie. Aucune modification statistiquement significative n’a été observée chez les patients ayant des paramètres spermatiques initiaux normaux. Dans une étude récente, une amélioration de certains paramètres spermatiques et une diminution de la fragmentation de l’ADN spermatique ont été observées 6 mois après le RYGB comparativement à un groupe témoin non opéré chez qui il n’a pas été observé d’amélioration. Une étude trèsrécente, incluant 20 hommes ayant bénéficié d’une SG (n = 4) ou d’un RYGN (n = 16), n’a pas montré d’impact de la chirurgie bariatrique sur les paramètres spermatiques. Ces données ne permettent pas de conclure quant à l’impact de la chirurgie bariatrique sur les paramètres spermatiques. Une métaanalyse récente n’ayant inclus que trois études conclut à l’absence d’impact de la chirurgie bariatrique sur les paramètres spermatiques(2). L’hétérogénéité des procédures chirurgicales, des patientsinclus et des designs des études explique en grande partie la controverse sur ce sujet. L’altération plus ou moinstransitoire des paramètres spermatiques observée chez certains hommes peuts’expliquer par la libération de polluants organiques lipophiles pendant la perte de poids brutale et massive et la dénutrition associée aux carences en micronutriments consécutives à l’intervention. Conclusion La chirurgie bariatrique est une intervention lourde qui soumet le corps à rude épreuve. Elle semble néanmoins avoir un effet positif sur le bilan hormonal et les fonctions érectiles. Son impact sur les paramètres spermatiques demeure controversé. D’autres études sont nécessaires pour identifier les hommes qui auraient un risque accru d’altération des paramètres spermatiques après chirurgie bariatrique afin de leur proposer une autoconservation de spermatozoïdes avant l’intervention. .

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème