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Cancérologie

Publié le 15 nov 2019Lecture 8 min

Cancer de l’endomètre à haut risque : place de la chirurgie mini-invasive

C. LOAEC, I. JAFFRE, E.VAUCEL, J.M. CLASSE

Le cancer de l’endomètre (Ce) est le cancer gynécologique le plus fréquent dans les pays occidentaux. Les Ce classés à haut risque et opérables doivent, selon les dernières recommandations de la Société européenne d’oncologie médicale (ESMO), bénéficier d’un curage pelvien et lombo-aortique de stadification ganglionnaire en plus de l’hystérectomie totale et de l’annexectomie bilatérale. Depuis 2011, la voie d’abord chirurgicale mini-invasive apparaît dans les recommandations de pratique de l’ESMO pour la prise en charge du cancer de l’endomètre.

La chirurgie mini-invasive pour le CE à haut risque se justifie aujourd’hui avec plusieurs études d’évaluation de la faisabilité et de la sécurité oncologique en comparaison avec la voie standard par laparotomie. Plusieurs abords existent, comme la voie cœlioscopique transpéritonéale, la voie cœlioscopique combinée rétro- et transpéritonéale ou encore la cœlioscopie transpéritonéale robot-assistée. Les équipes chirurgicales peuvent proposer une ou plusieurs voies d’abord afin de s’adapter aux patientes. L’obésité sévère semble être la principale limite de la chirurgie mini-invasive. Le cancer de l’endomètre à haut risque Le cancer de l’endomètre (CE) est le cancer gynécologique le plus fréquent dans les pays occidentaux avec en France 7 275 nouveaux cas par an. Quatre-vingt pour cent des CE sont diagnostiqués à un stade I de la classification FIGO relevant d’une chirurgie. Les dernières recommandations de l’ESMO en 2015 ont défini 4 groupes de CE selon leur niveau de risque d’envahissement ganglionnaire, orientant ainsi l’indication du geste de stadification ganglionnaire chirurgicale et les traitements adjuvants (tableau)(1) . Le CE à haut risque correspond aux tumeurs de stade I endométrioïde de grade III envahissant plus de 50 % du myomètre, aux tumeurs de stades II et III accessibles à une chirurgie de résection complète et aux tumeurs de type 2 histologique. Le CE à haut risque représente 20 % des cancers de l’endomètre. De pronostic plus péjoratif, il cause 40 % des décès par CE. Selon les dernières recommandations de l’ESMO, les CE à haut risque opérables doivent bénéficier d’un curage pelvien (CP) et lomboaortique (CLA) de stadification ganglionnaire, en plus de l’hystérectomie totale et de l’annexectomie bilatérale. Une omentectomie infracolique est recommandée pour les types histologiques séreux. La chirurgie mini-invasive Ces vingt dernières années, la chirurgie mini-invasive comme la laparoscopie et la chirurgie robot-assistée ont montré leur intérêt dans la chirurgie du cancer de l’endomètre. En 2009, la large étude randomisée américaine LAP2 a comparé les voies d’abord chirurgicales par laparotomie et laparoscopie dans le traitement des cancers de l’endomètre de stade I et II de la FIGO. L’étude a démontré la faisabilité de la voie laparoscopie. Les complications modérées à sévères étaient moins fréquentes dans le groupe laparoscopie. En 2012, avec une médiane de survie de 59 mois, le taux de récidives était comparable dans les deux groupes (2,3). Depuis 2011, la voie d’abord chirurgicale mini-invasive apparaît dans les recommandations de pratique de l’ESMO pour la prise en charge du cancer de l’endomètre. Techniques, faisabilité et sécurité oncologique de la stadification chirurgicale du cancer de l’endomètre à haut risque par voie mini-invasive La limite de la chirurgie mini-invasive pour la chirurgie du CE à haut risque réside surtout dans la faisabilité du CLA par chirurgie mini-invasive. Depuis une vingtaine d’années, le CLA par voie cœlioscopique a montré sa faisabilité, rendant possible la chirurgie mini-invasive dans la situation de CE à haut risque. Abord transpéritonéal avec curage lombo-aortique transpéritonéal (selon Childers, 1992) La chirurgie de stadification dans le CE à haut risque peut être réalisée par voie transpéritonéale avec, dans un premier temps, un CLA transpéritonéal. Pour ce premier temps chirurgical, la patiente est installée en décubitus dorsal double équipe avec un trocart de 10-12 mm en ombilicale et sus-pubien, et deux trocarts opérateurs de 5 mm en fosses iliaques droite et gauche (figure 1). Un Trendelenburg latéralisé vers la droite de la paiente permet de dégager l’axe aortico-cave en regard de la bifurcation aortique (figures 2 et 3). L’opérateur principal est placé entre les jambes de la patiente et la colonne vidéo à droite de l’épaule droite. L’omentectomie infracolique si indiquée est réalisée dans la même installation avec un Trendelenburg moins accentué. Le deuxième temps opératoire est le temps pelvien avec un CP ilio-obturateur sous-veineux transpéritonéal (figure 4) et une hystérectomie non conservatrice intrafasciale. Pour ce temps pelvien, l’opérateur est à gauche de l’épaule gauche de la patiente, place l’optique de la cœlioscopie en ombilicale et utilise les trois trocarts (médian et latéraux) en trocart opérateurs. Son aide est placé à droite de la patiente et la vidéo à droite du pied droit. L’utilisation d’un manipulateur utérin est une option.   En 2004, Kohler et coll. ont montré, sur une série rétrospective unicentrique de 606 patientes opérées pour cancer de l’endomètre, dont 468 avec un CLA, une du rée médiane opératoire de 120 minutes pour le CLA, de 30 minutes pour le CP, un nombre médian de ganglions prélevés de 26 (10 pour le CP et 16 pour le CLA). Les complications per- et postopératoires étaient rares. Dans cette série, le taux de plaies vasculaires était de 1,1 %, dont 0,5 % nécessitant une laparoconversion. Un déficit sensitive-moteur avait été constaté dans 2,6 % des cas. Une des limites du CLA par voie transpéritonéale peut être l’obésité avec défaut d’exposition de l’axe aortico-cave par les anses digestives, leur méso et l’épiploon. L’alternative peut être la réalisation du curage lombo-aortique par voie rétropéritonéale, suivi d’un temps pelvien transpéritonéal comme décrit précédemment. Curage lombo-aortique rétropéritonéal (selon D. Dargent et D. Querleu, 1996) Le CLA rétropéritonéal demande une installation de la patiente en décubitus dorsal avec dégagement de la fosse iliaque et du flanc droits en positionnant la patiente au bord de la table opératoire, le bras gauche en suspension au-dessus du thorax et en imprimant une bascule du bassin vers la gauche (figure 5). Le premier temps est un abord transpéritonéal ombilical avec exploration première de la cavité péritonéale, suivi d’un abord rétropéritonéal par open cœlioscopie avec une incision au-dessus et en dedans de l’épine iliaque antéro-supérieure gauche, en réalisant un trajet transmusculaire à travers les muscles oblique externe, oblique interne et transverse gauche. Une fois le plan péritonéal atteint, le décollement de l’espace retropéritonéal est réalisé au doigt sous contrôle de la vue endoscopique transpéritonéale. Un premier trocart opérateur (10 mm) est inséré sous protection de la pulpe du doigt sur la ligne médio-axillaire et sert d’insufflateur. Le trocart d’open cœlioscopie peut être alors inséré, permettant d’observer la création d’un espace rétropéritonéal en regard du muscle psoas. Un second trocart opérateur (5 mm) est inséré sous contrôle de la vue sur la ligne médio-axillaire en positon sous-costale (figure 6). Ainsi, l’axe aortico-cave est abordé le long du muscle psoas. L’uretère gauche et le pédicule gonadique sont refoulés vers le haut dans leur feuillet péritonéal (figure 7). Une tente péritonéale est ainsi progressivement créée, autorisant l’accès à l’axe aortico-cave de la bifurcation iliaque à la veine rénale gauche. Les lames ganglionnaires peuvent ainsi être prélevées (figure 8). L’obésité importante (IMC ≥ 35- 40) peut également mettre en défaut la voie rétropéritonéale. Dans ce cas, la cœlioscopie transpéritonéale robot-assistée peut être une voie d’abord de choix. La cœlioscopie transpéritonéale robot-assistée Dans cette voie d’abord en cœlioscopie robot-assistée, le premier temps opératoire demande un premier docking du robot à la tête de la patiente et permet l’abord de l’axe aortico-cave. Ce premier docking nécessite la mise en place d’un trocart optique en sus-pubien et en sus-ombilical et trois trocarts latéraux. Un Trendelenburg est imprimé avant le docking du robot et les bras du robot sont placés avec l’optique en sus-pubien (figures 9 et 10). Un second docking du robot est nécessaire pour le temps pelvien sans changement de position de la patiente. Le robot est alors docké latéralement à droite de la jambe droite avec l’optique en ombilical (figure 11). La procédure chirurgicale est la même qu’en cœlioscopie standard avec l’avantage de la cœlioscopie robot-assistée en termes de pression de pneumopéritoine (réduit à 10-11 mmHg), d’exposition par le troisième bras du robot, indépendante de l’aide, la vision 3D et l’ergonomie du chirurgien. En 2016 Geppert et coll. ont montré, dans une étude rétrospective unicentrique portant sur 140 patientes traitées pour CE à haut risque, un taux de chirurgie complète en cœlioscopie robot-assistée de 70 % avec un nombre médian de ganglions prélevés de 10 en CLA et 18 en CP, une durée médiane opératoire de 200 minutes et un taux de conversion en laparotomie de 5 %. Peu d’études ont comparé les trois voies d’abord mini-invasives. Selon l’étude randomisée STELLA com - parant la procédure de CLA rétropéritonéale à la voie transpéritonéale (cœlioscopie standard ou robot assistée), il ne semble pas y avoir de différence entre les voies d’abord en termes de perte sanguine, de nombre de ganglions prélevés et de taux de conversion. Cependant, il s’agissait d’une étude unicentrique de faible effectif (60 patientes)(4). Concernant l’impact sur la survie de l’abord mini-invasif, Kokas et coll. ont montré en 2016, dans une étude rétrospective multicentrique comparative portant sur 308 patientes traitées pour CE à haut risque, l’absence de différence en termes de survie selon la voie d’abord en laparotomie ou cœlioscopie(5). Conclusion Le CE à haut risque, selon la définition de l’ESMO, relève d’une stadification ganglionnaire chirurgicale. La place de la chirurgie mini-invasive pour le CE à haut risque est justifiée, avec aujourd’hui de nombreuses évaluations de la faisabilité et de la sécurité oncologique en comparaison avec la voie standard par laparotomie. La limite de la chirurgie mini-invasive réside essentiellement dans l’obésité des patientes.

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