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Colposcopie

Publié le 15 nov 2018Lecture 10 min

Quels changements dans la prise en charge des frottis ASC-US et ASC-H ?

Xavier CARCOPINO, Hôpital Nord, APHM, Aix-Marseille Université (AMU), Université Avignon, CNRS, IRD, IMBE UMR 7263, Marseille

Si le dépistage du cancer du col repose toujours sur la réalisation d’un frottis cervico-utérin (FCU) tous les 3 ans entre 25 et 65 ans après deux FCU normaux à un an d’intervalle, la prise en charge des FCU anormaux a été récemment revue. Le test HPV est désormais le seul test de triage des atypical squamous cells of undetermined significance (ASC-US), et la colposcopie n’est plus indiquée que chez les patientes HPV positives. La forte valeur prédictive négative du test HPV dans cette indication permet de se passer d’une colposcopie chez les femmes ASC-US/HPV-. Ces patientes peuvent désormais reprendre un suivi normal et faire leur prochain FCU dans un délai habituel de 3 ans. Ces nouvelles recommandations offrent également la possibilité d’utiliser le double immunomarquage p16iNK4A/Ki67 pour le triage des ASC-US avant 30 ans. Mais il ne s’agit que d’une option et non d’une recommandation. En revanche, concernant le frottis ASC-H, la haute probabilité de lésion intraépithéliale sous-jacente associée à la positivité quasi systématique du test HPV dans cette indication font indiquer la réalisation d’une colposcopie d’emblée pour ces patientes.

Avec 2 757 nouveaux cas en 2015 en France et 1 092 décès, le cancer du col de l’utérus reste un enjeu de santé publique réel, et ce d’autant plus qu’il touche des femmes jeunes et conserve un pronostic réservé(1). Le cancer du col présente pourtant toutes les caractéristiques justifiant de la mise en œuvre d’un dépistage. Il s’agit d’une maladie grave et fréquente pour laquelle il existe un test de dépistage efficace, facilement acceptable par les patientes et de coût modéré : le frottis cervico-utérin (FCU). À ceci s’ajoute le fait que l’histoire naturelle de la maladie se prête parfaitement au dépistage puisque celle-ci est longue, s’établissant sur plus de 10 ans, avec l’existence des lésions précancéreuses dont le traitement est simple, efficace et expose à une morbidité limitée(2). Mis en place depuis plusieurs dizaines d’années, le dépistage cytologique du cancer du col de l’utérus a fait la preuve de son efficacité en permettant une réduction massive de l’incidence du cancer du col. L’INCa a publié fin 2016 de nouvelles recommandations pour la prise en charge des frottis anormaux(3). Il est important de noter qu’en plus d’actualiser la prise en charge du frottis anormal aux données récentes de la littérature, ces recommandations ont été rédigées dans le souci de simplifier la prise en charge initiale de ces patientes et d’optimiser les indications thérapeutiques. Le but est à la fois de permettre une meilleure prise en charge des patientes, mais aussi d’éviter les gestes thérapeutiques inutiles et la morbidité associée. Il est notable que les précédentes recommandations dataient de 2002(4). Il s’agissait des recommandations élaborées par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES). Depuis, l’évolution des pratiques, la mise en route de la vaccination anti-HPV, l’introduction de nouveaux tests comme le test HPV, les tests de génotypage, la détection de l’ARNm et les tests d’immunohistochimie associés à l’enrichissement de la littérature médicale sur ce sujet imposaient une mise à jour de ces recommandations. Prise en charge du frottis ASC-US Le test HPV : le test de triage recommandé après un ASC-US Représentant un peu moins de 5 % des FCU, l’ASC-US est l’anomalie cytologique la plus fréquente et sa prise en charge est un enjeu majeur de santé publique. Sa particularité est qu’il s’agit d’un faux positif dans la très grande majorité des cas, puisque près de 85 % des patientes ayant un FCU ASC-US ont en fait un col normal(4). La probabilité de lésion intraépithéliale de haut grade en cas d’ASC-US est donc faible mais non nulle, avoisinant les 5 à 10 %(4). Dans cette situation, si la colposcopie est le plus souvent inutile et potentiellement morbide, il est pourtant indispensable de disposer d’un moyen de trier les patientes chez lesquelles une colposcopie est nécessaire. Ce moyen, c’est le test HPV. Comme le recommandaient déjà l’ANAES en 2002, les nouvelles recommandations INCa 2016 confirment l’utilisation du test HPV pour le triage des ASC-US (figure). Mais alors que les anciennes recommandations laissaient le clinicien libre de choisir entre la répétition du FCU à 6 mois, la réalisation d’une colposcopie d’emblée ou la réalisation d’une colposcopie uniquement en cas de test HPV positif, le test HPV est aujourd’hui le seul test recommandé pour la prise en charge d’une patiente ayant un FCU ASC-US et ce, quel que soit son âge(3). Dans cette indication, le test HPV est effectivement supérieur à la répétition du FCU. Il est plus sensible, avec une spécificité comparable(5-7). Mais surtout, il offre une excellente valeur prédictive négative (VPN), supérieure à 95 %, permettant d’éliminer la probabilité d’une lésion intraépithéliale et donc de se passer d’une colposcopie, inutile chez ces patientes(5-7). En pratique, cela permet d’éviter une colposcopie chez une plus grande proportion de patientes et de mieux cibler ses indications. La répétition du FCU à 6 mois après un ASC-US se traduit effectivement par la persistance d’une anomalie cytologique dans les trois-quarts des cas(8). En comparaison, le test HPV sera négatif dans un cas sur deux, permettant d’éviter une colposcopie inutile à la moitié des patientes(5,6). Ainsi, la réalisation d’un test HPV est recommandée pour le triage des ASC-US et ce, quel que soit l’âge de la patiente (figure)(3). La forte VPN du test HPV dans cette indication permet de se passer d’une colposcopie chez les femmes ASC-US/HPV-. Ces patientes peuvent donc reprendre un suivi normal et faire leur prochain FCU dans un délai habituel de 3 ans. La colposcopie ne doit être réalisée que chez les patientes ASC-US/HPV+ (figure). La prise en charge dépendra au final du résultat de la colposcopie. Il faut garder à l’esprit qu’un test HPV positif après un ASC-US ne signifie pas que la patiente a une lésion intraépithéliale cervicale. Une lésion de haut grade ne sera effectivement présente que chez moins d’un tiers de ces patientes(6). On notera enfin que cette recommandation privilégie la pratique du FCU en phase liquide, puisque le test HPV pourra être fait de manière réflexe, directement sur le prélèvement du FCU initial, alors qu’il imposera de reconvoquer la patiente pour un nouveau prélèvement si le FCU initial, a été réalisé de manière conventionnelle, directement sur lame(3).   Figure. Prise en charge du frottis ASC-US. *Possible uniquement si frottis iniial réalisé en phase liquide. **Par test réflexe si frottis iniial réalisé en phase liquide, et après nouveau prélèvement en phase liquide si le frottis initial a été réalisé sur lame.   L’importance de l’âge des patientes La prévalence de l’infection à HPV dépend directement de l’âge des patientes. Elle est la plus élevée chez les femmes les plus jeunes, et particulièrement avant 30 ans(9). Mais il s’agit pour la majorité d’infections transitoires, sans conséquences cliniques. Ce point est d’une réelle importance car il conditionne l’intérêt du test HPV dans cette indication. Car si la VPN reste identique quel que soit l’âge, la capacité du test HPV à éviter une colposcopie diminue d’autant plus que la prévalence de l’infection est importante. En pratique, si la probabilité que le test HPV soit négatif est de l’ordre de 50 % tous âges confondus, elle est de plus de 70 % après 30 ans contre moins de 50 % avant cet âge(8). À titre d’exemple, la probabilité d’avoir un test HPV positif chez une patiente de 25 ans avec un FCU ASC-US est de l’ordre de 60 %. Ceci implique que si le test HPV reste valable quel que soit l’âge et y compris chez les femmes de moins de 30 ans, il sera un peu moins intéressant dans cette tranche d’âge, car permettant d’éviter une colposcopie inutile chez une proportion finalement faible de patientes. Ainsi, une femme de moins de 30 ans ayant un ASC-US aura plus de risque d’être HPV+ et donc d’avoir une colposcopie injustifiée, sans pour autant avoir un risque plus important de lésion intraépithéliale cervicale sous-jacente(8). Le double immunomarquage p16iNK4A/Ki67 : une option pour le triage des ASC-US avant 30 ans Si le test HPV est le test recommandé pour le triage des ASC-US, et ce quel que soit l’âge de la patiente, la forte prévalence des infections à HPV chez les femmes les plus jeunes diminue la rentabilité de ce test avant 30 ans. Utilisé dans cette indication, le double immunomarquage p16INK4A/Ki67 réalisé sur cytologie en milieu liquide semble présenter des performances diagnostiques élevées avec une sensibilité et une spécificité de l’ordre des 90 et 80 %, respectivement(10,11). Comme pour le test HPV, la VPN est très élevée, de l’ordre de 99 % et la valeur prédictive positive (VPP) est comprise entre 16 % et 56 %. Mais surtout, les performances du double immunomarquage p16INK4A/Ki67 semblent rester élevées chez les femmes de moins de 30 ans, permettant d’envisager de meilleures performances que le test HPV dans cette tranche d’âge. Ainsi, avant 30 ans, le double immunomarquage p16INK4A/Ki67 aurait une sensibilité comparable à celle du test HPV, mais une bien meilleure spécificité, de l’ordre de 72,4 à 74,7 % contre 23,8 à 47,3 % pour le test HPV(10,11). À ceci s’ajoute une probabilité que le test soit négatif avant 30 ans dans 60 à 70 % des cas contre seulement 20 à 45 % des cas pour le test HPV(10,11). La forte valeur prédictive négative du double immunomarquage p16INK4A/Ki67 et la faible proportion de patientes positives pour ce test en cas d’ASC-US avant 30 ans permettent d’envisager son utilisation en remplacement du test HPV dans cette tranche d’âge(3). Une colposcopie serait alors inutile si le double immunomarquage p16INK4A/Ki67 est négatif après un ASC-US chez une femme de moins de 30 ans, alors qu’elle serait indiquée par un test positif (figure)(12). Il faut cependant bien comprendre que l’utilisation du double immunomarquage p16INK4A/Ki67 pour le triage des ASC-US avant 30 ans n’est pas recommandé et est proposé à titre optionnel(3). Ce point s’explique par le fait que ces recommandations ont été rédigées à partir de l’analyse des deux seules études ayant évalué les performances du double immunomarquage p16INK4A/Ki67 dans cette indication(10,11). Il est évident que d’autres études sont nécessaires pour pouvoir formellement valider l’intérêt de l’utilisation de ce test pour le triage des ASC-US avant 30 ans en remplacement du test HPV. Prise en charge du frottis ASC-H Le FCU HSIL La prise en charge du FCU ASC-H rejoint celle du frottis HSIL et s’explique par la haute probabilité que ces patientes aient une lésion intraépithéliale cervicale, et par le fait que la quasi-totalité d’entre elles sont HPV positives. En pratique, la probabilité d’avoir un col normal avec un FCU highgrade squamous intraepithelial lesion (HSIL) est de l’ordre de 20 %. Près de 70 % auront une lésion intraépithéliale de haut grade histologique et surtout, le risque de cancer avoisine les 10 %(13). Il est inutile et dangereux de refaire une seconde cytologie à cause du risque de méconnaître une lésion plus grave et de la laisser évoluer vers l’invasion. La réalisation d’un test HPV pour le triage des HSIL n’a aucun intérêt et il reste recommandé que ces patientes aient un examen colposcopique d’emblée(3). Celui-ci devra être attentif et la biopsie de la moindre anomalie est recommandée. Point important, en cas d’examen colposcopique satisfaisant et normal, il faut réaliser un examen soigneux du vagin pour éliminer une éventuelle vulvar intraepithelial neoplasia(VIN) qui pourrait être la cause du FCU anormal(3). Enfin, après un FCU HSIL, une colposcopie insatisfaisante (jonction non entièrement visible) doit faire indiquer la réalisation d’une conisation à visée diagnostique(3). Avec un risque de lésion intraépithéliale de haut grade histologique pouvant atteindre 40 % après un frottis ASC-H, il est bien évident qu’une colposcopie devra également être réalisée d’emblée dans cette situation(3). Conclusion Les nouvelles recommandations éditées par l’INCa fin 2016 permettent une simplification de la prise en charge initiale des patientes en optimisant les indications de colposcopie dans le but de limiter le risque de traitements inutiles et la morbidité qui en découle. Ainsi, la prise en charge des ASC-US ne repose plus que sur la pratique du test HPV et la colposcopie ne sera plus indiquée que chez les patientes HPV positives. En revanche, la réalisation d’une colposcopie d’emblée est recommandée après une cytologie ASC-H. Ces nouvelles recommandations offrent également la possibilité d’utiliser le double immunomarquage p16INK4A/Ki67 pour le triage des ASC-US avant 30 ans. Mais rappelons qu’il ne s’agit que d’une option et pas d’une recommandation ; d’autres études restent nécessaires avant de pouvoir valider l’utilisation de ce test dans ces 2 indications. Enfin, en recommandant le test HPV comme test de triage pour les ASC-US, ces nouvelles recommandations incitent à réaliser désormais les FCU de dépistage en phase liquide afin de permettre la réalisation du test HPV sans avoir à reconvoquer la patiente pour un nouveau prélèvement.  

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