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Sénologie

Publié le 10 oct 2017Lecture 9 min

Les lésions mammaires qui s’opèrent et celles qui ne s’opèrent pas

May-Lise COURTEAU, Geoffroy CANLORBE, Catherine UZAN, Service de chirurgie et oncologie gynécologique et mammaire, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris

Les tumeurs bénignes du sein (tBS) sont une pathologie fréquente survenant à tout âge, avec un pic de fréquence entre 30 et 50 ans. Elles recouvrent des pathologies variées dont la prise en charge repose sur des niveaux de preuve (NP) faibles, mais qui existent. Nous proposons un rappel des recommandations (grades A, B, C) émises en 2015 par le CNgOF sur la prise en charge des tumeurs bénignes du sein(1), classées par niveau de preuve scienifique (NP1, 2, 3, 4).

Nous proposerons successivement les conduites à tenir devant : – une symptomatologie mammaire donnée (syndrome de masse, sein inflammatoire, écoulement mamelonnaire, lésion cutanée, et syndrome douloureux mammaire), – un type histologique donné (prolifération épithéliale, adénofibrome, tumeurs phyllodes, papillomes et tumeurs conjoncivo-épithéliales rares). Sont exclus de ces recommandations : les pathologie malignes (qui nécessitent une prise en charge chirurgicale systémaique), les pathologies de l’allaitement et celles liées à la grossesse, les pathologies mammaires chez l’enfant et chez l’homme, le sein surnuméraire et toutes les dysmorphies mammaires. Recommandations du CNgOF L’échographie mammaire associée à la mammographie sont les examens de première intention face à une masse clinique (grade B) ou une inflammation du sein (grade C), ainsi que face à un écoulement mamelonnaire unipore coloré (grade C), et une lésion érythémateuse de la plaque aréolo-mamelonnaire non évocatrice de dermatose (grade C). La biopsie percutanée est recommandée pour les masses classées BI-RADS 4-5 (grade B). Le drainage d’un abcès périaréolaire doit être suivi d’une antibiothérapie durant 7 à 10 jours. En cas de symptômes persistants ou de masse associée, une biopsie percutanée est recommandée (grade C). Une corticothérapie est à privilégier en première intention en cas de mastite granulomateuse idiopathique, car le taux de récidives est le même qu’après chirurgie. L’abstention thérapeutique est à privilégier en première intention en cas de mastite à plasmocytes (grade C). Face à un syndrome douloureux mammaire, aucune autre imagerie que celle indiquée dans le cadre du dépistage n’est recommandée (grade C). Pour l’hyperplasie canalaire atypique, l’hyperplasie lobulaire atypique, le carcinome lobulaire in situ (CLIS), la métaplasie cylindrique avec atypies, la cicatrice radiaire, la mucocèle avec atypie, l’exérèse chirurgicale est habituellement recommandée (grade C). L’abstention est possible après concertaion mulidisciplinaire (grade C). Pour ces lésions, lorsque l’excision n’est pas in sano, aucune excision complémentaire n’est recommandée sauf pour le CLIS pléomorphe ou avec nécrose (grade C). Pour la phyllode de grade 1, une résecion chirurgicale in sano est recommandée (grade C). Pour la phyllode de grade 2, des marges de 10 mm sont recommandées (grade C). Pour les lésions papillaires sans atypie, la disparition complète du signal radiologique est recommandée (grade C). Pour les lésions papillaires avec atypies, la résecion chirurgicale complète est recommandée (grade C). Syndrome de masse clinique non inflammatoire du sein Définition : anomalie objectivée à la palpation occupant un volume dans le sein Il s'agit d'une situation fréquente, correspondant à une TBS dans la majorité des cas (NP3). Cependant, aucun signe clinique ne permet formellement d’éliminer un cancer (NP2). Des examens complémentaires sont donc nécessaires pour éliminer cette hypothèse : une échographie mammaire et une mammographie sont recommandées en première intention (grade B). L’association de ces 2 examens présente une sensibilité et une valeur prédictive positive (VPP) proches de 100 % pour diagnostiquer un cancer (NP3). L’arbre de prise en charge d’un syndrome de masse clinique non inflammatoire du sein est représenté figure 1(2). Figure 1. Arbre de prise en charge d’un syndrome de masse clinique non inflammatoire du sein. Inflammation du sein (ou mastite) Définition : sein rouge et chaud, très souvent associé à des douleurs Il s’agit d’une pathologie rare (< 1 % des pathologies mammaires), en dehors de la grossesse et de l’allaitement (NP3). Trois catégories diagnostiques sont à envisager dans ce cas : – mastite infectieuse : abcès péri-aréolaire essentiellement, – mastite inflammatoire non infectieuse : primitive (mastite à plasmocytes, mastite granulomateuse idiopathique) ou secondaire (post-radiothérapie, mastite diabétique…), – cancer du sein inflammatoire. Un à 5 % des cancers du sein sont révélés par un état inflammatoire du sein (NP2). Cette hypothèse est donc à éliminer en premier lieu face à une mastite, bien qu’elle en soit l’étiologie la moins fréquente. Dans ce but, une échographie mammaire et une mammographie sont à réaliser en première intention (grade C). Toute lésion suspecte à l’imagerie doit être biopsiée (grade A). En l’absence d’image suspecte à l’imagerie, une antibiothérapie d’épreuve doit être débutée (grade B). L’arbre de prise en charge d’une inflammation du sein est représenté figure 2. Figure 2. Arbre de prise en charge d’une inflammation du sein. L’abcès péri-aréolaire représente la cause le plus fréquente de mastite infectieuse aiguë (90 % des cas d’abcès non puerpéraux). Toute masse associée à l’abcès doit être biopsiée (grade C). En cas d’abcès isolé, un drainage doit être effectué, suivi d’une antibiothérapie. Une aspiration-drainage à l’aiguille est recommandée pour les abcès < 5 cm (grade C), mais aucune recommandation n’est émise sur le mode de drainage à opter pour les abcès > 5 cm. L’arbre de prise en charge d’un abcès péri-aréolaire est représenté figure 3. Figure 3. Arbre de prise en charge d’un abcès péri-aréolaire. La mastite inflammatoire non infectieuse représente la 3e catégorie diagnostique face à une mastite. Le diagnostic est fait sur l’analyse anatomopathologique d’une biopsie de sein inflammatoire, réalisée dans un contexte particulier (lésion suspecte à l’imagerie, absence d’amélioration de la symptomatologie après antibiothérapie d’épreuve, ou encore abcès amicrobien persistant/récidivant). On distingue les mastites inflammatoires non infectieuses primitives et secondaires (à une pathologie systémique). Une atteinte primitive galactophorique correspond dans la majorité des cas à une mastite à plasmocytes, c’est-à-dire à un infiltrat inflammatoire à nette prédominance plasmocytaire, abondant et diffus, entourant des canaux extralobulaires et des lobules. L’abstention thérapeutique est recommandée en 1re intention dans ce cas (grade C). Une atteinte primitive lobulaire correspond, dans la majorité des cas, à une mastite granulomateuse idiopathique, c’est-à-dire une inflammation granulomateuse épithélioïde et gigantocellulaire du parenchyme mammaire, avec granulomes centrés sur les lobules. Dans ce cas, une corticothérapie est recommandée en 1re intention, après avoir éliminé une infection à mycobactérie ou corynébactérie (grade C). L’arbre de prise en charge d’une mastite inflammatoire non infectieuse est représenté figure 4(3). Figure 4. Arbre de prise en charge d’une mastite inflammatoire non infectieuse. Écoulement mamelonnaire uni- ou bilatéral du sein Définition : extériorisation d’un liquide d’un ou des deux mamelons, uni- ou multipore, de couleur et d’aspect variable, spontané ou provoqué Un écoulement mamelonnaire est considéré comme cliniquement bénin s’il est bilatéral, multipore, lactescent, provoqué. Dans ce cas, il peut avoir une cause médicamenteuse ou endocrinologique. Un dosage de la prolactinémie (± bilan hormonal complémentaire, dont IRM cérébrale) est recommandé en 1re intention (grade C). Un écoulement mamelonnaire est considéré comme cliniquement suspect s’il est unilatéral, unipore, non lactescent, spontané. Dans ce cas, une échographie mammaire et une mammographie sont recommandées en 1re intention (grade C). Ces examens ne s’avèrent utiles que s’ils détectent une anomalie (NP4) puisque leur sensibilité en cas d’écoulement mamelonnaire pour détecter un cancer peut être faible : 10 à 68,4 % pour la mammographie (NP4), et 20 à 100 % pour l’échographie (NP4). Un prélèvement biopsique est recommandé face à toute image suspecte (grade C), pour ne pas méconnaître une lésion maligne (associée dans 3 à 21 % des cas d’écoulement mamelonnaire coloré, NP2). En cas d’écho-mammographie non contributive, une IRM est recommandée en seconde intention (grade C) du fait de sa grande sensibilité (50 à 100 %), autant pour les lésions papillaires (étiologie > 80 % des EM coloré, NP2) que pour les lésions malignes, invasives ou non (NP4). En cas d’écoulement mamelonnaire (séro-) sanglant et en l’absence d’image radiologique : une pyramidectomie chirurgicale est recommandée (grade C), l’écoulement mamelonnaire sérosanglant étant le plus prédicif d’un cancer du sein sous-jacent, surtout chez les > 50 ans (NP2). L’arbre de prise en charge d’un écoulement mamelonnaire suspect est représenté figure 5(4). Figure 5. Arbre de prise en charge d’un écoulement mamelonnaire suspect. Lésion cutanée mammaire Lésion érythromateuse de la palque aréolo-mamelonnaire essentiellement Trois diagnostics principaux sont à évoquer dans cette situation : – dermatose de type eczéma : un traitement d’épreuve par dermocorticoïdes est recommandé dans ce cas (grade C). – maladie de Paget : lésion eczématiforme du mamelon associée à un carcinome canalaire in situ et/ou un cancer invasif dans 50 % des cas (NP4). Du fait de ce risque, une exérèse chirurgicale est recommandée. – adénomatose érosive du mamelon : l’exérèse chirurgicale est recommandée (grade C), pour ne pas méconnaître le principal diagnostic différentiel qui est la maladie de Paget, et puisqu’une lésion maligne concomitante est présente dans 12 à 14 % des cas d’adénomatose érosive du mamelon (NP4). L’arbre de prise en charge d’une lésion érythémateuse de la plaque aréolo-mamelonnaire est représenté figure 6(5). Figure 6. Arbre de prise en charge d’une lésion érythémateuse de la plaque aréolo-mamelonnaire. Syndrome douloureux mammaire Chez une femme consultant pour douleur mammaire isolée (examen clinique normal), la prévalence du cancer du sein n’est pas augmentée par rapport à des femmes asymptomatiques (NP2). Il n’est donc pas indiqué de réaliser une imagerie autre que celle indiquée dans le cadre du dépistage (grade C). En revanche, il faut bien distinguer les mastodynies des douleurs mammaires non cycliques pour adapter la prise en charge. À noter que la littérature est très limitée à propos de l’utilisation de gels à la progestérone dans le traitement des mastodynies, ce qui ne permet pas d’émettre des recommandations quant à leur utilisation, bien qu’ils soient largement utilisés en pratique courante. L’efficacité des AINS en gel est, quant à elle, prouvée dans la littérature (NP2), et ils sont donc recommandés (hors AMM) dans le traitement des mastodynies (grade B). L’arbre de prise en charge d’un syndrome douloureux mammaire est représenté figure 7(6). Figure 7. Arbre de prise en charge d’ un syndrome douloureux mammaire. Prolifération épithéliales avec ou sans atypie du sein La généralisation du programme national de dépistage et l’amélioration des techniques radiologiques ont amené à une augmentation du nombre de biopsies réalisées, et en conséquence à une augmentation du taux de détection de lésions prolifératives épithéliales du sein. On distingue les proliférations épithéliales : – avec atypie : hyperplasie canalaire atypique, métaplasie canalaire atypique, hyperplasie lobulaire atypique, carcinome lobulaire in situ ; – sans atypie : hyperplasie canalaire simple, adénose, cicatrice radiaire, mucocèle, mastopathie fibro-kystique. La prise en charge de ces lésions est conditionnée par le risque de sous-estimation d’une lésion infiltrante ou in situ (c’est-à-dire la découverte d’une lésion maligne après chirurgie complémentaire) (tableau 1)(7). Tumeurs conjonctivo-épithéliales du sein Nous présentons dans le tableau 2 les caractéristiques et la prise en charge des tumeurs conjonctivo-épithéliales du sein épidémiologiquement fréquentes, à savoir : l’adénofibrome, les tumeurs phyllodes de grades 1 et 2, et les papillomes(8). Nous représentons dans le tableau 3 les caractéristiques et la prise en charge des tumeurs conjonctivo-épithéliales du sein épidémiologiquement rares, à savoir : tumeur d’Abrikossof, adénomatose érosive du mamelon, cytostéatonécrose, fibromatose mammaire, hamartome mammaire, hémangiome mammaire, lipome mammaire, papillomatose juvénile, hyperplasie stromale pseudo-angiomateuse nodulaire du sein, tumeur syringomateuse du mamelon(9). Les 3 tableaux sont disponibles en cliquant sur l'image ci-dessous et téléchargeables.                  

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