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Contraception

Publié le 24 jan 2020Lecture 11 min

Quelle contraception choisir chez une patiente cardiaque ?

Magalie LADOUCEUR, Service de cardiologie pédiatrique, hôpital Necker-Enfants malades et Unité des cardiopathies congénitales de l’adulte, cardiologie ; Hôpital européen Georges Pompidou, Paris Centre de référence des malformations cardiaques congénitales

Les progrès considérables de la chirurgie cardiaque pédiatrique et de la prise en charge médicale des femmes atteintes de cardiopathies congénitales et acquises ont permis à la plupart d’entre elles d’atteindre la puberté, ce qui signifie qu’elles peuvent être sexuellement actives et être enceintes, même avec une maladie cardiaque sévère. La mortalité maternelle dans l’Union européenne a diminué considérablement au cours de la dernière décennie comptant 6,05 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes en 2006 ; 0,5 à 1 % des grossesses surviennent chez des patientes avec une cardiopathie. Au Royaume-Uni, comme en France, les maladies cardio-vasculaires sont la principale cause de mortalité indirectement attribuable à la grossesse (13,8 %) et des causes globales (figure), et restent la principale cause de mortalité maternelle dans de nombreux pays développés(1,2). Des soins inadéquats contribuent à ce taux encore élevé de mortalité de la femme dans plus d’un tiers des cas.

Le taux annuel d’interruptions volontaires de grossesse (IVG) en Europe est de 10,3 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, dont 14,1 % sont réalisées chez les femmes âgées de moins de 20 ans, et l’incidence des grossesses non désirées atteint 49 % aux États-Unis. Ce dernier chiffre est de 54 % chez les femmes atteintes de cardiopathies congénitales (CC) dont 38 % ont une classification de risque, selon l’Organisation mondiale de la santé, III ou IV(3). Ce résultat suggère que les patientes sous-utilisent des méthodes hautement efficaces de contraception. Pour toutes ces raisons, la contraception est devenue une question importante dans cette population. Les défis La difficulté du choix de la contraception chez les femmes atteintes d’une cardiopathie est de peser l’efficacité du contraceptif versus son innocuité. Une contraception efficace est cruciale pour aider la patiente à planifier une éventuelle grossesse et minimiser les risques de complications liées à la grossesse. Notamment, les femmes atteintes d’une maladie cardiaque peuvent utiliser des médicaments tératogènes (ex : les IEC, les AVK) ; par conséquent, une contraception efficace est essentielle. Les risques et conséquences de la grossesse, planifiée comme non planifiée, peuvent être estimés sur la base de la classification modifiée de l’OMS du risque cardiovasculaire maternel. L’efficacité de la méthode contraceptive est basée sur son mécanisme d’action intrinsèque, mais dépend aussi fortement de son utilisation correcte. Les méthodes les plus fiables sont celles qui sont les plus simples à utiliser, comme c’est le cas pour l’implant et le dispositif intra-utérin (DIU). Pour les autres méthodes contraceptives, à l’exception de la stérilisation, la compliance du paient est cruciale pour garantir l’efficacité. C’est pourquoi la discussion sur la contraception ne devrait pas se limiter à la manière la plus sûre et la plus efficace d’éviter la grossesse, mais devrait englober d’autres questions gynécologiques telles que la régulation menstruelle, le traitement des métrorragies et l’inconfort menstruel qui affectent la vie quotidienne et le bien-être des femmes. Les chances pour une femme de continuer à utiliser la contraception sont beaucoup plus grandes si la méthode utilisée lui permet également de se sentir bien(4). Les contraceptifs estroprogestatifs (COp) Les contraceptifs combinés varient selon la méthode de délivrance et comprennent les voies orales et non orales évitant le métabolisme du premier passage dans le foie. Ils sont surtout utilisés sous forme de comprimés avec des périodes d’arrêt régulières, mais ils peuvent être administrés par un anneau vaginal, une injection ou un patch transdermique. Les COP inhibent l’ovulation, épaississent le mucus cervical, empêchent la pénétration du sperme ainsi que l’implantation en modifiant la réceptivité de l’endomètre. Ils sont classés en générations (première à quatrième), selon leur introduction sur le marché, et varient en fonction de leur dose d’estrogènes et le type de progestatif utilisé. Les COP de première génération utilisaient des progestatifs appelés « estranes », comme la noréthindrone, l’acétate de noréthindrone ou le diacétate d’éthynodiol. Cette génération de CO contient 2 à 5 fois la dose d’estrogènes et jusqu’à 10 fois la dose de progestatifs comparativement aux dernières générations. Tous les COP des générations suivantes contiennent ≤ 50 μg d’estrogènes et variaient selon le type de progestatif utilisé. Les COP les plus récemment disponibles sont 3 progestatifs non dérivés de la testostérone, l’acétate de chlormadinone, la drospirénone et le diénogest, qui forment les COP de 4e généraion. La drospirénone est un antagoniste de l’aldostérone qui a des effets anti-androgéniques et diurétiques. Les contraceptifs oraux combinés sont la méthode de contraception la plus répandue en Europe, surtout en France et en Allemagne où elle est uilisée par 53,4 % de femmes. Cependant, on sait que les estrogènes ont des effets prothrombotiques et élèvent le risque thromboembolique (TE) en augmentant la prothrombine et diminuant l’anithrombine III. Les COP augmentent significativement le risque TE (2-7 fois, 8-10/10 000 femmes-années d’exposition) quel que soit le type de progestatif utilisé, y compris les dernières générations(6). Dans une étude de cohorte historique danoise(7) de 15 ans avec 14 millions de personnes x années d’observation, le risque absolu d’AVC et d’infarctus du myocarde associé à l’utilisation de la contraception hormonale était faible. Il était augmenté d’un facteur de 0,9 à 1,7 avec des contraceptifs oraux contenant de l’éthinylestradiol à une dose de 20 μg et d’un facteur de 1,3 à 2,3 avec ceux qui comprenaient l’éthinylestradiol à une dose de 30 à 40 μg, avec des différences de risque relativement faibles selon le type de progestatif(8). Le risque de thrombose est le plus élevé au cours de la première année d’utilisation, et semble être lié à des doses plus élevées d’estrogènes, et à la présence de risque cardiovasculaire chez la patiente. Les nouvelles générations actuellement en usage n’indiquent pas de risque accru d’IDM, mais un risque accru de TE (tableau). L’estrogène affecte aussi indirectement le système cardiovasculaire par son action sur les facteurs de risque. La plupart des études sur la pression artérielle chez les femmes normo tendues ont montré une augmentation de la tension artérielle associée à l’utilisation de COP(9). Les nouveaux progestaifs comme la drospirénone, avec des effets diurétiques animinéralo-corticoïdes, réduisent eux la pression artérielle. Les COP modifient également le profil lipidique via la voie génomique, dans laquelle les altérations des récepteurs estrogènes affectent la régulation des apolipoprotéines hépatiques. Les études menées chez des femmes pré-ménopausées utilisant des COP ont montré une réponse dose-dépendante du profil lipidique avec des réductions du HDL et une augmentation du LDL et des triglycérides. Les pilules à base de progestatif seul induisent des changements minimes du profil lipidique, qui sont une réduction minime des taux de HDL, de ses sous-fractions et des apolipoprotéines AI et All(10). Ces modifications se normalisent à l’arrêt du contraceptif. Une altération de la tolérance au glucose avec des doses accrues d’éthinylestradiol a été décrite, sans qu’une déstabilisation du diabète induite par les COP ne soit établie. Contraceptifs à base de progestatifs seuls Les produits progestatifs ne confèrent pas de risque accru de thrombose veineuse ou artérielle, à l’exception du Depo-provera (DMPA: Depot medroxypro gesterone acetate), qui peut doubler le risque de thrombose veineuse. Cette contraception est administrée par injections intramusculaires ou sous-cutanées et peut induire un hématome au point d’injection chez les patients traités par anticoagulant. Le DMPA offre une protection contraceptive pendant au moins 13 semaines. Bien que son effet dure généralement plus longtemps, il est recommandé de respecter ce délai. Les pilules à base de progestérone seule, communément appelées « microdosées » (ex : Microval®), contiennent différents types de progestatifs et sont utilisées quotidiennement sans interruption. La plupart ont une efficacité limitée en tant que contraceptifs et sont traditionnellement utilisées comme supplément contraceptif à la lactation. Le désogestrel (Cerazete®), pilule contenant de la progestérone seule, est le seul à inhiber efficacement l’ovulation et ayant une fenêtre de sécurité (12 h) et une efficacité contraceptive similaires aux COP. C’est donc la seule pilule à base de progestérone seule, recommandée chez les femmes atteintes d’une maladie cardiaque (sévère). La contraception d’urgence peut constituer une aide précieuse en cas de rapports sexuels non protégés. Une dose unique de 1,5 mg de lévonorgestrel (plan B) est très efficace avec un taux d’échecs de 1,1 % si elle est prise dans les 72 h après les rapports sexuels non protégés. Son mécanisme d’action se fait principalement par retard de l’ovulation. Une dose unique de mifépristone 25 mg et d’ulipristal acétate 30 mg, deux modulateurs des récepteurs de la progestérone, semble plus efficace que le lévonorgestrel et peut être prise jusqu’à 120 heures après les rapports sexuels non protégés. En plus de l’inhibition de l’ovulation, ces agents peuvent également prévenir l’implantation et réduire la mobilité des trompes. Outre les effets secondaires mineurs comme les nausées, les vomissements et les maux de tête, ces méthodes sont généralement considérées comme sûres, même chez les patientes atteintes d’une cardiopathie. Les patientes doivent être informées que les menstruations sont souvent retardées. Il n’y a aucune preuve d’un risque accru de thrombose chez les uilisateurs de contracepion postcoïtale. Au contraire, un cas de potentialisation de la warfarine par le lévonorgestrel a été rapporté, peut-être par déplacement de la warfarine de sa principale protéine de transport, la glycoprotéine a1-acide(11). Les implants sous-cutanés contenant de l’étonogestrel (Nexplanon®) ou du lévonorgestrel conservent leur efficacité contraceptive pendant 3 à 5 ans et sont facilement insérés après simple infiltration locale dans le sillon médian entre le biceps. Ils peuvent être implantés sous anticoagulation efficace. Ils inhibent l’ovulation, modifient la muqueuse cervicale et suppriment la croissance et le développement de l’endomètre et le rendent donc impropre à la nidation. Ils peuvent être à l’origine de spottings. Les deux formes les plus courantes de contraceptifs intra-utérins réversibles sont le dispositif intra-utérin contenant du cuivre et le système intra-utérin libérant le lévonorgestrel (SIU hormonal, ex : Mirena®). Le cuivre est toxique pour les ovules et le sperme et le dispositif induit une inflammation endométriale empêchant l’implantation, et offrant ainsi une contraception sûre pour 10 ans. Pour le SIU, la libération locale progressive de la progestérone induit une atrophie de l’endomètre et la formation d’un bouchon de mucus, qui empêche la pénétration du sperme offrant une contraception sûre pendant 5 ans. Il supprime l’ovulation des deux premiers cycles, puis le cycle revient à la normale. Les implants sous-cutanés contenant de la progestérone, le SIU hormonal et le DIU au cuivre sont considérés comme des contraceptifs réversibles à longue durée d’action. En éliminant la dépendance à l’égard de l’adhésion du paient, leur efficacité est excellente, même supérieure à la stérilisation, et la fertilité revient rapidement après le retrait. Le DIU au cuivre peut entraîner des métrorragies. En revanche, le SIU lévonorgestrel, après une période de 4 mois, réduit habituellement les menstruations, et, dans la majorité des cas, entraîne une aménorrhée complète. Un DIU peut être utilisé chez les femmes nulli- et multipares et n’augmente pas le risque thrombogène. Le risque d’infection pelvienne est augmenté pendant les 3 mois suivant l’insertion du DIU et les femmes doivent être averties et signaler une fièvre ou tout autre symptôme inquiétant. Des bactériémies transitoires ont été documentées au remplacement du DIU, mais restent rares lors d’une simple insertion. Quatre essais cliniques récents n’ont pas montré d’effet supplémentaire de la prophylaxie antibiotique sur la maladie inflammatoire pelvienne après l’insertion du DIU. Cependant, une récente étude rétrospective a évalué l’effet des nouvelles recommandations sur la prévention de l’endocardite bactérienne pour la période 2004-13 (avant et après 2011). En mars 2013, 35 cas supplémentaires d’endocardite par mois ont été rapportés(12). Les recommandations récentes(13) préconisent la prophylaxie antibiotique dans le cas d’une infection établie ou si un traitement antibiotique est indiqué pour prévenir l’infection d’une plaie ou d’une septicémie associée à une procédure gastro-intesinale ou génito-urinaire. Selon nous, la prévention de l’endocardite doit être envisagée chez les femmes avec un risque élevé d’endocardite avant l’insertion du DIU. Une réaction vagale à l’insertion peut se produire et entraîner un collapsus mal toléré chez les patientes avec une circulation de Fontan (palliation des cardiopathies avec une physiologie de ventricule unique), les obstacles gauches (cardiomyopathie hypertrophique) ou avec de l’HTAP. Dans ces conditions, le dispositif doit être placé en milieu hospitalier avec un « environnement » cardiologique à proximité. La stérilisation La stérilisation chez une patiente avec une contre-indication à la grossesse, ou une fois que le couple ne veut plus d’enfant, n’est pas déraisonnable. La vasectomie est une approche hautement efficace de la contraception et ne pose pas de risque pour une femme atteinte d’une maladie cardiaque. La ligature tubaire par laparoscopie ou laparotomie peut être une option de stérilisation, dans la mesure où la patiente a compris qu’il s’agit d’une contraception irréversible. Elle doit être particulièrement discutée lors d’un accouchement par césarienne, pour être effectuée dans le même temps opératoire. Il existe des risques associés à la procédure elle-même et, bien que rares, elle a un taux d’échecs et un impact psychologique négatif sur la patiente. Le taux d’échecs tardifs et un risque de grossesse extra-utérine, en particulier chez la femme jeune, rendent ce mode de contraception moins efficace que l’implant ou le SIU. L’utilisation de l’insufflation abdominale et l’insufflation à pression positive lors de la laparoscopie réduisent le débit cardiaque, ce qui peut être mal toléré dans les cardiopathies précharge dépendantes comme dans la circulation de Fontan et l’HTAP. Il y a aussi un risque d’embole gazeux paradoxal par majoration d’un shunt droit gauche dans les cardiopathies cyanogènes. La stérilisation par implantation de stents dans les trompes de Fallope (Essure®, Ovabloc®, Adiana®) est une autre méthode de stérilisation non chirurgicale qui est efficace à 99,8 % sur 5 ans (rapport de la FDA). Ces résultats reposent sur une implantation correcte, c’est-à-dire un placement approprié et une occlusion réussie. Or, aucun essai thérapeutique n’existe à ce jour sur ce traitement, et le taux d’échecs serait de 10 % sur 10 ans en cas de mauvais placements des stents et d’occlusion incomplète des trompes(14). Une antibiothérapie prophylactique peut être envisagée en dépit des recommandations actuelles, et la douleur doit être prévenue pour éviter une réaction vagale. Finalement, la place de la stérilisation a été réduite par la disponibilité d’autres techniques contraceptives hautement fiables et réversibles, telles que les implants et le SIU-lévonogestrel.

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