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Obstétrique

Publié le 13 oct 2015Lecture 7 min

Les grossesses monochoriales monoamniotiques et leurs complications

Y. CHITRIT, hôpital Robert-Debré, Paris

Le diagnostic échographique des grossesses gémellaires monoamniotiques, événement rare (environ 1/8 000 grossesses), doit être précocement suspecté devant l’existence d’une seule vésicule vitelline et la mise en évidence d’un enchevêtrement des cordons.
La mortalité périnatale des grossesses monoamniotiques est encore élevée (environ 15 %) en relation notamment avec des anomalies structurales souvent discordantes et des accidents cordonaux.
Le taux de survie des jumeaux monoamniotiques a fortement augmenté durant ces 20 dernières années grâce à la mise en place précoce d’une surveillance renforcée du bien être foetal, voire d’une hospitalisation élective des grossesses monoamniotiques, et la décision d’une naissance volontiers programmée entre 32 et 36 SA selon les équipes.

Les grossesses monoamniotiques sont un événement rare. Si les grossesses gémellaires spontanées représentent 1,6 % des grossesses (1,2 % dizygotes et 0,4 % monozygotes), on considère que 1 % des grossesses monozygotes et 5 % des grossesses monochoriales, soit une grossesse sur 8 000, sont des grossesses monoamniotiques. Elles seraient la conséquence d’un clivage tardif du disque embryonnaire au-delà du 8e jour après la fécondation. Elles sont remarquables par un sex-ratio d’environ 0,25. À notre connaissance, aucune étude prospective n’a été publiée. Diagnostic de monoamniocité Plusieurs signes échographiques, bien que tardifs, font évoquer le diagnostic de grossesse monoamniotique : la mise en évidence d’un placenta unique, de deux foetus de même sexe, d’un liquide amniotique de volume normal entourant deux foetus dont les mouvements sont sans restrictions et enfin la non-visualisation, malgré une recherche minutieuse, d’une membrane séparant les deux foetus. Deux éléments diagnostiques d’apparition plus précoce, avant 10 semaines d’aménorrhée (SA) doivent être recherchés devant la découverte d’une grossesse gémellaire : l’enchevêtrement des cordons, fortement évoqué devant la mise en évidence en vélocimétrie de deux spectres distincts de fréquence différente et/ou d’un flux turbulent en Doppler couleur (figure 1), qui signerait le diagnostic de grossesse monochoriale ; le nombre de vésicules vitellines, sachant que la mise en évidence de deux vésicules vitellines oriente vers une grossesse biamniotique, tandis qu’une vésicule vitelline devrait faire suspecter une grossesse monoamniotique. Complications des grossesses monochoriales monoamniotiques   Les anomalies structurales Les jumeaux conjoints, exceptionnels, représentent 1 % des grossesses monoamniotiques soit 1/30 000 à 1/100 000 naissances. Selon qu’ils aient en commun une ou plusieurs structures thoraco-abdominales, pelviennes ou céphaliques, on parlera respectivement de fœtus thoracopages et omphalopages (75 %), pyopages et ischiopages (25 %) et crâniopages (1 %). Le diagnostic est fait, dans la majorité des cas, lors de l’échographie du 1er trimestre, aboutissant à une interruption de grossesse du fait du pronostic désastreux de ces grossesses. Le syndrome transfuseur-transfusé Moins fréquemment rapporté dans les grossesses monoamniotiques (entre 2 et 3 %) que dans les grossesses monochoriales biamniotiques (environ 10 % des cas), il doit être évoqué devant un hydramnios, une discordance de taille des vessies, des anomalies Doppler d’un ou des deux foetus, ou encore un anasarque. Ce diagnostic est probablement sous-estimé et sa recherche impose la réalisation d’échographies bimensuelles. La moindre fréquence de ce syndrome est expliquée par l’anatomie du placenta des grossesses monoamniotiques démontrant un nombre élevé d’anastomoses vasculaires et notamment d’anastomoses artério-artérielles quasiment constantes, présentes dans 98 % de ces placentas (significativement plus nombreuses et plus larges que dans les grossesses monochoriales biamniotiques) et la présence de cordons d’insertion centrale ou parencentrale, peu éloignée l’une de l’autre (figure 2). Les enchevêtrements et nœuds des cordons Les enchevêtrements du cordon plus ou moins associés à des nœuds seraient présents dans la quasi-totalité des grossesses monoamniotiques. Leur mise en évidence en échographie assurerait un diagnostic précoce et fiable de monoamniocité. Les enchevêtrements des cordons seraient responsables d’une majorité de pertes fœtales « inexpliquées », notamment doubles, observées dans les grossesses monoamniotiques. Les mécanismes impliqués feraient intervenir des perturbations hémodynamiques, source d’une hémorragie fœto-fœtale aiguë à travers les anastomoses de large calibre, mais aussi des perturbations mécaniques à type de compression voire d’occlusion, à l’origine d’une restriction du débit, d’asphyxie et de mort d’un des deux jumeaux. La visualisation échographique d’un enchevêtrement de cordon diminuerait la mortalité périnatale (OR : 0,30, IC à 95 % : 0,08- 1,10) et la morbidité néonatale (OR : 0,34, IC à 95 % : 0,14-0,82) et donc améliorerait l’issue de ces grossesses monoamniotiques, probablement en raison de la mise en place d’une surveillance foetale rapprochée(2). Autres complications D’autres complications non spécifiques des grossesses monoamniotiques ont été décrites, notamment le retard de croissance (11 %) discordant ou non, le travail prématuré (50 %), ainsi que des complications maternelles comme la prééclampsie. Grossesses monochoriales monoamniotiques et mortalité périnatale Le taux de grossesses monoamniotiques avec naissance de deux fœtus vivants a évolué favorablement passant de 16 % dans les années 1930 à plus de 80 % de nos jours. Ainsi, Morikawa et coll.(3) ont rapporté en 2012 un taux de mortalité périnatale pour ces grossesses de 14 %, comparable aux taux précédemment publiés(4,5). La majorité des auteurs(3-5) ont considéré comme cause de décès de ces fœtus et nouveau-nés un syndrome transfusé-transfuseur (7 à 10 % des cas), des anomalies structurales (environ 20 %) et des accidents cordonaux (25 à 35 %). Ces mêmes auteurs(3-5) rapportent que les pertes fœtales concernent un ou deux fœtus dans environ 8 à 14 % et 7 à 11 % des grossesses, respectivement. Survie périnatale et prise en charge prénatale   Accentuation de la surveillance prénatale des grossesses monoamniotiques Rodis et coll.(6) ont montré dès 1998 qu’une prise en charge prénatale précoce (terme médian de diagnostic de monoamniocité : 16,3 SA) associée à une surveillance anténatale intense débutée à 24-26 SA (RCF et/ou échographie pratiqués une fois par jour ou 2 à 3 fois par semaine) et à un accouchement par césarienne réduirait la mortalité périnatale de 71 %. Ces données sont confirmées par d’autres auteurs. Terme d’accouchement et issue périnatale ​Les études récentes, bien que rétrospectives, vont à l’encontre des résultats rapportés préalablement montrant une persistance non négligeable de la mortalité au-delà de 30-32 SA. Ainsi Morikawa et coll.(3) ont montré que le risque prospectif d’une ou deux pertes fœtales dans leur série rétrospective de 101 grossesses monoamniotiques (étude de registre) diminuait de 14 % à 5 % entre 22 et 30 SA, mais restait stable autour de 5 % jusqu’à 36 SA. Plus encore, Roqué et coll.(7) auraient calculé sur des données de la littérature portant sur 133 grossesses monoamniotiques que la mortalité périnatale augmenterait, par rapport à 30-32 SA, de 4 et 7 % entre 33-35 SA et 36-38 SA, respectivement. Hack et coll.(5) ainsi que Heyborn et coll.(4) ont confirmé la survenue de pertes fœtales lorsque la grossesse évolue après 32 SA. Hospitalisation programmée et issue périnatale Plusieurs auteurs ont montré qu’une hospitalisation élective des grossesses monoamniotiques à des termes variables diminuerait la mortalité et la morbidité périnatales. Nous rapportons notamment l’étude rétrospective multicentrique de Heyborne et coll.(5) concernant 96 grossesses monoamniotiques (tableau), dans laquelle il a été démontré que l’hospitalisation élective était associée à une diminution significative des pertes fœtales et de la morbidité néonatale composite.   Voie d’accouchement et grossesses monoamniotiques Une majorité d’auteurs, notamment anglo-saxons, recommandaient une césarienne (taux de voie naturelle < 20 %). Cependant, actuellement de nombreuses équipes, notamment françaises, autorisent un accouchement par voie naturelle, sous réserve de pratique régulière des manœuvres d’extraction possiblement utilisées dans les grossesses gémellaires et de la capacité de réalisation d’une césarienne en urgence.

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