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Cancérologie

Publié le 11 avr 2016Lecture 6 min

Cancer du col de l’utérus évolué, quelle chirurgie après radiochimiothérapie concomitante ?

V. LAVOUÉ*, F. FOUCHER*, S. HENNO**, J. LÉVÊQUE* - *Service de gynécologie, CHU Anne de Bretagne, Rennes - **Service d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU Pontchaillou, Rennes

La chirurgie de clôture après radiochimiothérapie concomitante pour cancer du col évolué (IB2 – IVA) paraît inutile si la tumeur est stérilisée par la radiothérapie chimiosensibilisée, et est particulièrement décevante en cas de résidu cervical ou de diffusion extrapelvienne de la maladie (en particulier ganglionnaire lomboaortique) : les rares patientes qui seraient susceptibles d’en bénéficier (sans preuves scientifiques) seraient celles ayant un résidu macroscopique mais de petite taille (limitant le risque de métastases systémiques et autorisant une chirurgie limitée moins morbide), indemnes d’atteinte ganglionnaire et non métastatiques.

Les cancers du col de l’utérus (CCU) dits « évolués » sont les cancers classés de IB2 à IVA selon la classification de la FIGO réactualisée en 2009(1) : ils relèvent de la radiothérapie chimiosensibilisée (RCC), dont les avantages ont été confirmés par deux métaanalyses récentes(2-3) avec un bénéfice de 12 % sur la survie globale et une diminution des récidives locales (OR = 0,61) et systémiques (OR = 0,57). La question de la chirurgie dite « de clôture » après RCC se trouve donc posée : l’hystérectomie est-elle indiquée, quel type d’hystérectomie proposer, et en l’absence de curage ganglionnaire d’évaluation pré-RCC, faut-il pratiquer une lymphadénectomie ?   Les éléments de discussion   Consécutivement à la publication de la série du Gynecologic Oncology Group américain en 2003(4), la chirurgie de clôture a été quasi abandonnée outre-Atlantique : dans ce travail randomisant 256 patientes ayant un CCU de > 4 cm entre radiothérapie et radiothérapie plus chirurgie, les auteurs ont retenu l’absence de bénéfice de l’hystérectomie en termes de survie globale, en notant toutefois que l’hystérectomie diminue le risque de récidives locales, récidives dont le traitement est délicat et qui sont très éprouvantes pour les patientes. Deux facteurs pronostiques sont déterminants après RCC(5-6) : – l’existence d’un résidu cervical post-RCC macroscopique (soit > 1 cm) observé dans environ 50 % des cas après RCC(6) ; – l’existence de métastases ganglionnaires pelviennes (HR de décès = 2,03) ou lombo-aortiques (HR = 3,85 dans la série de l’Institut Gustave-Roussy). L’appréciation du résidu post-RCC est difficile : une publication italienne récente(7) comparant les performances de l’IRM et de la TEP/CT note 9 faux négatifs pour l’IRM (dont 2 de > 1 cm) et 14 pour la TEP/CT (dont 8 de > 1 cm), les deux examens ayant une sensibilité insuffisante dans la mesure du résidu, comparée à l’histologie (respectivement, sensibilité de 86 % pour l’IRM et de 63 % pour la TEP/CT). De la même manière, l’appréciation de l’état ganglionnaire doit se faire avant la RCC par l’IRM (appréciation de la taille des adénopathies) et surtout la TEP/CT, enfin en cas d’examens d’imagerie négatifs par la lymphadénectomie cœlioscopique pelvienne (très discutée) et lomboaortique (figure). Le dernier point tient aux complications, qui sont loin d’être négligeables : dans le travail de la Fédération des centres portant sur 175 patientes ayant un CCU stade IB2-IVA, 19 % des patientes avaient des complications de grade 2 (26 % de complications au total, principalement de nature urinaire). Les complications sont d’autant plus observées que persiste un résidu macroscopique important et que l’hystérectomie est élargie, en particulier au-delà de l’hystérectomie extrafasciale (Piver 1).   Figure. Lymphadénectomies pelvienne et lombo-aortique cœlioscopique par voie transpéritonéale.     L’hystérectomie de clôture après RCC   En cas de réponse complète, l’essai français GYNECO 02, interrompu prématurément faute d’inclusion, n’a pas mis en évidence de bénéfice chez les 61 patientes randomisées entre chirurgie de clôture ou non avec un suivi moyen limité toutefois de 3,8 ans(8). A contrario, en cas de résidu cervical post-RCC macroscopique, deux publications françaises(9-10) montrent des résultats pour le moins mitigés : – les récidives systémiques sont la règle, même à court terme, sauf en cas de résection complète du résidu tumoral chez des patientes sans atteinte ganglionnaire lombo-aortique (survie globale de 80 % à 5 ans(10)) ; – cette chirurgie diminue toutefois significativement les récidives locales. Au total, l’hystérectomie de clôture offre un bénéfice incertain : – elle permet de confirmer l’absence de résidu macroscopique mais au prix d’une certaine morbidité ; – en cas de résidu macroscopique, elle impose un geste élargi, source de complications, pour une maladie radiorésistante de mauvais pronostic intrinsèque.   Les lymphadénectomies après RCC   La question du curage lomboaortique ne doit pas se poser : il doit être réalisé en cas de TEP/CT négative sous cœlioscopie, car il permet une irradiation des aires lomboaortiques en cas de positivité. Pour ce qui est du curage pelvien, de nombreuses équipes françaises ne le pratiquent pas d’emblée en arguant du fait que les ganglions pelviens sont inclus dans les champs de radiothérapie. L’équipe marseillaise de l’Institut Paoli-Calmettes(11) a publié ses résultats après 113 curages pelviens effectués après RCC pour des CCU de stades IB2-IVA (avec boost latéropelvien en cas d’adénomégalie de > 1 cm [26 % des cas] et présence d’un résidu cervical dans 51 % des cas) : 18 patientes présentaient un résidu sur les 113 (soit 16 %, et 21 % chez les patientes avec résidu cervical) dont le pronostic à 5 ans, qui n’était pas influencé par la pratique ou non d’un boost, était sombre — 37 % de patientes survivantes en cas de ganglions envahis contre 72 % de survie à 5 ans chez les patientes indemnes de métastases ganglionnaires. Le curage pelvien post-RCC ne devrait donc être pratiqué que : – s’il est peu morbide, ce qui est loin d’être le cas avec, en particulier, des complications urétérales et à type de lymphœdème des membres inférieurs ; – si l’on a la certitude que les ganglions sont métastatiques ; or, statistiquement, 94 % des ganglions métastatiques de ≤ 2 cm seront stérilisés par une RCC (60 Gy avec sels de platine) et tout de même 74 % des ganglions de > 6 cm(12) le seront aussi. Dans ces conditions, moins de 5 % des CCU évolués bénéficient d’un curage « de clôture » après RCC et il est donc inconcevable qu’un essai randomisé puisse être monté…   Conclusion   L’avenir n’est sans doute pas à la chirurgie de clôture, mais plutôt à l’utilisation de nouveaux protocoles de chimiothérapie avec utilisation, en sus de la RCC, d’une chimiothérapie adjuvante, à une meilleure définition des volumes à irradier en utilisant l’IRM-3D et la radiothérapie conformationnelle à modulation d’intensité, dont seuls trois centres étaient équipés en France en février 2013.  

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