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Cancérologie

Publié le 12 avr 2015Lecture 9 min

Bilan d’extension du cancer du col : quelle valeur accorder aux outils actuels ?

M. CHESNAIS, A.L. MARGULIES, M. KOSKAS, hôpital Bichat, Paris

Le pronostic du cancer du col est étroitement lié au stade FIGO et on distingue classiquement les tumeurs de stade précoce et celles de stade avancé. Bien qu’il s’agisse d’une classification exclusivement basée sur l’examen clinique (théoriquement sous anesthésie générale), l’utilité des examens d’imagerie pour mieux préciser son extension locale et plus à distance mérite d’être clarifiée.

Le cancer du col demeure un problème de santé publique, essentiellement à l’échelle mondiale (deuxième cause de mortalité par cancer chez la femme dans les pays en voie de développement). Son pronostic est étroitement lié au stade FIGO : on distingue classiquement les tumeurs de stade précoce (IB1 ou moins) traitées par chirurgie et curiethérapie plus ou moins chimio/radiothérapie en cas d’envahissement ganglionnaire. Au-delà, les tumeurs de stade IB2IVA sont considérées comme localement avancées et leur traitement est basé sur l’association radiothérapie/chimiothérapie et curiethérapie. La stadification FIGO (tableau 1) est, dans le cas du cancer du col, basée exclusivement sur l’examen clinique, classiquement réalisé sous anesthésie générale, mais des outils radiologiques sont disponibles pour mieux la préciser : le scanner, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) et la tomographie par émission de positons (TEP). L’objectif de cet article est de définir la place de chacun de ces examens dans le bilan d’extension initial des cancers du col en détaillant leurs avantages et limites.     Bilan d’extension local L’IRM est l’examen radiologique de choix pour préciser l’extension dans la région pelvienne et distinguer les tumeurs de stade précoce de celles localement avancées.   Taille tumorale Dans une étude multicentrique prospective incluant 208 patientes atteintes d’un cancer du col au stade précoce, Mitchell et coll. mettaient en évidence la supériorité de l’IRM pour l’évaluation de la taille tumorale par rapport à l’examen clinique et au scanner(1). Le coefficient de corrélation de Spearman (qui traduit ici la capacité de l’examen pour prédire la taille tumorale définitive obtenue par l’histologie) était plus élevé pour l’IRM (0,54 contre 0,45 et 0,37 pour le scanner et l’examen clinique respectivement). Si la prédiction de la taille tumorale ne constitue pas en soi un élément décisionnel pour la prise en charge des patientes atteintes d’un cancer du col, la distinction stade précoce/stade localement avancé fait intervenir le critère de taille (plus ou moins de 4 cm). Cette distinction tient aussi compte de l’atteinte paramétriale, vaginale, vésicale ou rectale.   Extension vaginale Si l’envahissement vaginal est avant tout déterminé par l’examen clinique, dans certains cas, l’IRM peut trancher. Dans les cas de petites tumeurs à développement endo- ou exocervical, l’examen macroscopique du vagin doit permettre de diagnostiquer ou d’écarter l’atteinte vaginale. À l’inverse, dans le cas de volumineuses tumeurs à développement exocervical, l’IRM peut être utile mais elle doit alors utiliser l’opacification vaginale. Dans les séries les plus anciennes n’utilisant pas cet artifice, l’IRM pouvait être prise en défaut. À l’inverse, Van Hoe et coll.(2) rapportent 2 cas de patientes (parmi les 10 incluses) chez qui la stadification préopératoire a été rattrapée par l’opacification vaginale.   Extension paramétriale Récemment, dans une méta-analyse incluant 3 254 femmes, Thomeer et coll.(3) rapportaient une sensibilité de 84 % pour l’IRM contre 40 % seulement pour l’examen clinique. Le plus important pour l’évaluation des différents examens pour la prédiction de l’envahissement paramétrial est probablement la sensibilité. En effet, un test avec une sensibilité élevée permet d’écarter l’évènement (atteinte paramétriale) avec une certaine exactitude puisque le taux de faux négatifs est faible. À l’inverse, en cas de sensibilité faible (comme rapporté par Thomeer et coll. pour la prédiction de l’envahissement paramétrial par l’examen clinique), une patiente risque d’être opérée « à tort » puisque les touchers pelviens n’auront pas mis en évidence l’extension paramétriale. À l’inverse, la spécificité de l’examen clinique pour l’atteinte paramétriale paraît, d’après la métaanalyse de Thomeer et coll., tout à fait acceptable (93 %), un peu plus élevée que celle de l’IRM (92 %). Ainsi, lorsque l’examen clinique conclut à la présence d’une atteinte paramétriale, il est légitime de penser qu’elle existe. Toutefois, ces résultats sont à interpréter avec prudence. En effet, dans la mesure où les patientes avec atteinte paramétriale suggérée par l’examen clinique ou l’IRM ne sont pas opérées dans la plupart des études, il est impossible de connaître le taux réel de faux positifs (patientes classées par excès comme ayant une tumeur localement avancée), puisque la confrontation à l’examen anatomopathologique est impossible. Par ailleurs, plutôt que de considérer séparément la valeur de l’IRM et de l’examen clinique pour prédire l’atteinte des différents organes de voisinage, il convient d’apprécier la capacité des examens à distinguer les stades précoces des tumeurs localement avancées.   Distinction entre tumeur au stade précoce et tumeur localement avancée D’un point de vue pragmatique et thérapeutique, c’est certainement la capacité à distinguer tumeur au stade précoce/tumeur localement avancée qui importe le plus. Dans la méta-analyse de Thomeer et coll., la sensibilité de l’IRM était plus élevée que celle de l’examen clinique (79 % et 53 % respectivement) pour la prédiction du stade avancé. Et comme pour l’envahissement paramétrial, la spécificité de l’examen clinique paraît correcte (97 %), plus élevée que celle de l’IRM (93 %) dans cette métaanalyse. Ainsi, lorsque l’examen clinique conclut à un stade avancé, il est légitime de penser que tel est le cas. Toutefois, ces conclusions sont, là aussi, à interpréter avec prudence. En effet, dans la mesure où les stades avancés suggérés par l’examen clinique ou l’IRM ne sont généralement pas opérés, il est impossible de connaître le taux réel de faux positifs (patientes classées par excès comme ayant une tumeur localement avancée), puisque la confrontation à l’examen anatomopathologique est impossible. Lorsque l’examen clinique conclut à un stade avancé, il est légitime de penser que tel est le cas.   Envahissement ganglionnaire La présence de métastases ganglionnaires pelviennes et/ou lombo-aoriques influe sur le pronostic et la prise en charge thérapeutique. Dans l’expérience de Lanciano et coll.(4), les patientes sans envahissement ganglionnaire avaient un taux de survie sans récidive à 5 ans (57 %) plus élevé que les patientes ayant un envahissement pelvien seul (34 %) ou pelvien et lombo-aortique (12 %). Les données de l’imagerie conventionnelle (scanner et IRM) pour déterminer l’envahissement ganglionnaire sont : la taille des ganglions, la prise de contraste en IRM et la morphologie des ganglions. Dans une revue de la littérature de Bipat et coll.(5), la sensibilité du scanner pour la détection globale d’adénopathies était faible (43 %). Une étude multicentrique menée sur 208 patientes atteintes d’un cancer du col de stade avancé a comparé le scanner et l’IRM pour la détection de l’envahissement ganglionnaire pelvien et lombo-aortique(6). La spécificité globale de l’IRM (94 %) était meilleure que celle du scanner (86 %), mais les deux avaient une sensibilité faible, respectivement 37 % et 31 %. La TEP permet d’évaluer la distribution d’une molécule marquée par un émetteur de positons. Le radiopharmaceutique utilisé en cancérologie est le fluorodéoxyglucose marqué par le fluor 18. L’usage de ce radiopharmaceutique repose sur le principe du métabolisme glucidique des cellules néoplasiques. Son utilisation en pratique clinique s’est largement développée ces dernières années. Selon les données de la littérature, il permettrait de visualiser les ganglions avec une sensibilité allant de 33 % à 91 % (tableau 2).     Même si les résultats sont particulièrement variables d’une étude à l’autre, il apparaît que la sensibilité de la TEP est meilleure que celle des autres examens d’imagerie. Concernant la spécificité du TEP pour prédire l’existence de métastases ganglionnaires, la grande majorité des études rapportent des taux élevés avec une moyenne de 94 %. Ainsi, lorsque la TEP est positive à l’étage lombo-aortique, on peut légitimement considérer qu’il existe une atteinte ganglionnaire et que la radiothérapie doit être étendue à cet étage. À l’inverse, quand il n’existe pas de fixation lombo-aortique, il est illicite d’écarter la présence d’une atteinte ganglionnaire sur ce seul argument. En 2013, dans une étude multicentrique associant notre service(17), 11 % des patientes atteintes d’un cancer du col localement avancé qui ne présentaient pas de fixation lombo-aortique avaient une atteinte histologique à cet étage. Dans cette étude, nous avions tenté de déterminer si l’absence de fixation au niveau du pelvis pourrait permettre d’écarter l’existence d’une atteinte ganglionnaire lombo-aortique comme suggéré par Uzan et coll.(18). Si le taux d’envahissement ganglionnaire dans ce cas est, dans notre expérience, faible (8 %), il ne dispense pas à notre avis d’un curage lombo-aortique. Toutefois, en cas de contrainte anesthésique ou chirurgicale particulière, ce faible taux d’envahissement ganglionnaire doit être pris en considération pour éventuellement renoncer au curage lombo-aortique.   Conclusion La pertinence de l’IRM dans le bilan initial des tumeurs du col la situe comme examen radiologique de référence. Toutefois, l’examen clinique constitue un élément incontournable de la prise en charge des patientes puisqu’immédiatement disponible. Dans la mesure où il prédit correctement les stades avancés, il doit conduire à programmer rapidement la pose d’un porte à cathéter sans attendre l’IRM par exemple. Même dans les cas où l’examen clinique ne laisse pas de place au doute pour classer la tumeur comme stade avancé, l’évaluation radiologique initiale tumorale est importante puisqu’elle permettra de surveiller la réponse tumorale à la radio/chimiothérapie. D’après les récentes recommandations de l’INCa, l’IRM doit débuter aux pédicules rénaux et aller jusqu’à la symphyse pubienne. Les métastases ganglionnaires, dont la présence conditionnera le pronostic et la prise en charge, doivent être recherchées en cas de tumeur localement avancées par la TEP. En cas de positivité à l’étage lomboaortique, la radiothérapie doit être étendue à cet étage. En cas de négativité à l’étage lomboaortique, le curage lomboaortique par voie cœlioscopique est indiqué.

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