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Sénologie

Publié le 04 juin 2009Lecture 10 min

Vivre mieux après un cancer du sein. Bénéfices de l’activité physique

T. BOUILLET, CHU Avicenne Bobigny
Le cancer du sein, comme toute maladie chronique, modifie progressivement l’état de santé des patientes. L’activité physique s’intègre dans les soins de support en améliorant les possibilités fonctionnelles de l’organisme, en maintenant les fonctions principales, les possibilités musculaires, l’état cardio-vasculaire, l’état osseux et l’état neurologique. Elle améliore le moral et la qualité de vie des patientes et participe au maintien de l’autonomie dans la vie courante. L’activité physique semble aussi modifier la survie en diminuant le taux de rechutes, du moins dans les cancers du sein et du côlon. Cette activité physique ne s’accompagne pas de complications si elle est réalisée de façon médicalement dirigée par des intervenants formés à cette pathologie. Les mécanismes d’action de l’exercice physique sur la maladie cancéreuse commencent à être compris.
L’amélioration de la qualité de vie et la réinsertion des patients sont des objectifs fondamentaux en cancérologie. Le recours à un exercice physique régulier vise à améliorer cette qualité de vie en cours ou au décours des soins. L’activité physique adaptée a également un impact sur la survie après traitement.   Qu’est-ce que l’activité physique ? L’activité physique correspond à un mouvement du corps lié à une contraction musculaire volontaire accroissant la consommation d’énergie de l’organisme. Son intensité est mesurée en MET-Heure (H) selon son type, sa fréquence, son intensité et sa durée de réalisation par semaine. Un MET-H correspond à la dépense d’énergie observée en restant assis sans bouger, soit une consommation de 3,5 ml O2/kg poids corporel/min. La marche normale correspond à une dépense d’énergie de 3 MET-H. Les activités à faible dé-pense énergétique (marche, montée d’escalier…) correspondent à une dépense < 6 MET-H, les activités physiques à haute dépense énergétique (footing, tennis, natation, etc.) sont supérieures à 6 MET-H. Dans l’ensemble des essais, la population de référence correspond à une dépense de moins de 3 MET-H/ semaine. Les exercices proposés sont adaptés à la condition médicale des patientes et définissent une activité physique adaptée (APA).   APA et qualité de vie Au décours des soins, que ce soit par chirurgie, radiothérapie ou chimiothérapie, les patientes décrivent une sensation de fatigue, d’épuisement persistant, interférant avec la vie quotidienne et ne cédant pas au repos. Sa fréquence est très importante, présente chez 60 à 95 % des patientes pendant plusieurs années. La fatigue importante est associée à la dépression, l’anxiété et une altération de la qualité de vie. Des essais prospectifs ont évalué l’impact de l’activité physique réalisée sur une durée de 3 à 10 mois, pendant ou après les traitements. Les exercices sont de type aérobie ou contre résistance, pour une fréquence cardiaque de 50 à 90 % de la fréquence maximale corrigée (220 - l’âge). Ces essais comportent un bras exercice et un bras témoin sans exercice physique. Ces essais prospectifs, en pathologie mammaire, en pré- et postménopause, retrouvent quasiment tous une amélioration des capacités cardio-respiratoires, physiques, des tests de qualité de vie et de fatigue, l’absence d’effet secondaire et incident, et une adhésion importante aux exercices proposés. Le groupe Cochrane a publié en avril 2008 une revue qui établit l’efficacité de l’exercice physique et recommande son utilisation aussi bien pendant qu’après le traitement.   Impact de l’APA sur la survie après traitement d’un cancer mammaire L’impact de l’activité physique a été exploré prospectivement dans quatre cohortes de femmes ayant un cancer du sein localisé et non évolutif, au moyen de questionnaires réalisés dans les 2 ans suivant le diagnostic de cancer de sein. Le maintien d’une activité physique > 8 à 9 MET-H diminue de près de 50 % le risque de décès par cancer (tableau). Les bénéfices en termes de survie à 5 ans et à 10 ans sont alors de 4 % et 6 %. La réduction du taux de rechutes augmente avec le niveau d’exercice jusque vers 20 MET-H. Ces études prospectives comportent des biais méthodologiques évidents, en raison de l’absence de randomisation notamment. Toutefois, le gain de survie observé en cas d’activité physique persiste en analyse multivariée intégrant les facteurs pronostiques classiques tels que l’âge, le stade tumoral TNM, la présence de récepteurs hormonaux, le lieu de résidence, l’alcoolisme ou le tabagisme, l’IMC et le statut hormonal de la patiente. Il apparaît donc, sur ces quatre séries importantes, qu’après les soins anticancéreux, un exercice physique régulier puisse améliorer la survie des patientes. Des données comparables ont été mises en évidence dans les cancers coliques (figure 1).   Activité physique adaptée et cancer du sein, quelles difficultés ?  Figure 1. Impact de l’activité physique sur les risques de rechute des cancers du sein. Dans les différents essais prospectifs d’exercice physique en oncologie mammaire, 30 à 40 % des patientes éligibles ont accepté de participer aux programmes. En revanche, en cas d’adhésion au projet, plus de 80 % des patientes ont terminé le programme. Un certain nombre de barrières à l’adhésion ont été identifiées : – la principale a trait à la maladie et aux soins (fatigue, nausées et vomissements, douleurs, rendez-vous) ; – la deuxième est liée à la vie personnelle (vacances, difficultés de transport, garde d’enfants) ; – la troisième est en rapport avec une absence de motivation, de temps, d’intérêt, d’information sur la possibilité d’une activité physique adaptée. La perception de ces différentes barrières par le médecin facilitera l’adhésion de la patiente aux programmes d’activité physique adaptée.   Effets biologiques de l’APA L’activité physique modifie plusieurs paramètres biochimiques impliqués dans le métabolisme des cellules cancéreuses mammaires.   Sur les estrogènes En préménopause, il n’existe que peu de variations du taux d’estrogènes induites par l’activité physique, sauf très intense. Après la ménopause, l’activité physique entraîne une baisse des estrogènes libres, d’une part, via une diminution de l’activité aromatase liée à la mobilisation de la masse graisseuse et, d’autre part, en augmentant la synthèse de la SHBG, d’où une réduction du taux d’estrogènes libres. Cette action expliquerait l’impact plus important de l’activité physique en postménopause et sa faible action en cas de surcharge pondérale importante. L’activité physique modifie également le métabolisme des estrogènes en diminuant la transformation en 16-aOH-estrone à action forte estrogénique et en accroissant la formation de 2-OH-estrone à faible rôle estrogénique.   Sur l’insuline et l’IGF-1 L’insuline et l’IGF-1 sont des facteurs de prolifération cellulaire et des inhibiteurs de l’apoptose, en particulier pour les cellules RH+. Les récepteurs de l’insuline (IR-A) seraient plus particulièrement responsables de l’effet mitogène de l’insuline et de l’IGF-1. Ces récepteurs, présents à la surface de 90 % des cellules tumorales mammaires, agissent par la voie de la MAPK et BI3K-Akt. L’insuline et l’IGF-1 accroissent la production de VEGF par les cellules tumorales, augmentant la néoangiogenése tumorale. Enfin, l’insuline diminue la sé-crétion de la SHBG et accroît l’activité aromatase dans les tissus graisseux, augmentant les estrogènes libres en postménopause. Ces effets expliquent l’augmentation du taux de cancers chez les diabétiques de type 2 et dans le syndrome métabolique, ainsi que le mauvais pronostic d’un taux élevé d’insuline dans les cancers du sein. L’activité physique réduit les sécrétions d’insuline et d’IGF-1 et abaisse l’insulinorésistance. Sur les sécrétions issues des tissus graisseux  Figure 2. Mode d’action de l’activité physique adaptée (APA). L’activité physique modifie les sécrétions par les adipocytes des adipokines, que sont la leptine et l’adiponectine. La leptine est un facteur mitogène pour les cellules tumorales mammaires, l’adiponectine est pro-apoptotique. L’activité physique accroît la sécrétion d’adiponectine et réduit celle de la leptine. L’activité physique modifie les sécrétions d’estrogènes, d’insuline et des hormones adipocytaires. Le régime alimentaire agit par les mêmes mécanismes. Il semblerait donc que l’exercice physique et la prise en charge diététique soient deux facettes complémentaires d’une même prise en charge thérapeutique (figure 2).   Risques de complications Les différents essais prospectifs portant sur l’activité physique n’ont pas rapporté de complications significatives. Dans plusieurs essais prospectifs, l’activité physique a diminué le risque de lymphoedème et favorisé le fonctionnement de l’articulation scapulo-humérale au décours de chirurgie pour cancer du sein.   Précautions – critères d’exclusion L’APA doit être adaptée à la situation clinique et ne peut être proposée à toutes les patientes. Sa mise en place doit tenir compte de l’état général, de l’âge, des antécédents de pratique physique et des comorbidités. L’existence d’une fraction d’éjection < 40 %, d’une insuffisance coronarienne, d’une hypertension artérielle non contrôlée, d’une insuffisance respiratoire sévère, de métastases osseuses, en particulier rachidiennes ou fémorales, d’une dénutrition et d’une ostéoporose sévère sont des contreindications à un programme d’activité physique adaptée en oncologie mammaire.   Que faire, que conseiller ? Les principes de base sont la progressivité des efforts, des séances encadrées par une période d’échauffement puis de retour au calme, la contre-indication de tout tabagisme avant ou après l’exercice physique, l’absence de douche immédiatement au décours de l’exercice et surtout une hydratation régulière avant, pendant et après la séance. Ces séances d’exercice physique doivent être encadrées par des intervenants formés, éducateurs médico-sportifs ou kinésithérapeutes, ayant reçu une formation complémentaire. Ces intervenants assureront un bilan initial et un suivi des progrès des capacités physiques en cours de soins. Il s’agit d’exercices réguliers, réalisés 2 à 3 fois par semaine dès le début du traitement. Cet exercice physique est fait à une fréquence cardiaque déterminée en fonction d’un pourcentage de la fréquence maximale théorique corrigée, qui en oncologie correspond à 220 - l’âge du patient. L’APA est définie en fonction du type d’exercice, de la fréquence, de sa durée et de sa répétition dans la semaine.   Conclusion L’activité physique s’intègre dans le traitement de la maladie cancéreuse, en améliorant la qualité de vie, l’état psychologique, les capacités physiques, le maintien de l’indépendance des patientes et les chances de guérison dans les cancers du sein. Elle limite les risques de surcharge pondérale et d’ostéoporose. Ces bénéfices sont obtenus sans effet secondaire ni risque, à condition de ne pas proposer à toutes les patientes l’APA et de respecter les critères de sélection, de mise en place et de suivi. Ces mesures d’APA doivent s’articuler avec une prise en charge hygiéno-diététique qui s’adresse aux mêmes problématiques et mécanismes biologiques. L’intérêt de l’exercice physique dans le domaine de la cancérologie s’appuie sur les données de l’« evidence-based medicine ». Aujourd’hui, l’exercice physique adapté doit faire partie des soins de support proposés au même titre que la prise en charge psychologique, sociale ou nutritionnelle.

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