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Thérapeutique

Publié le 30 nov 2006Lecture 26 min

Traitement médical de l’endométriose

J. BELAISCH Paris

Le traitement médical de l’endométriose trouve ses meilleures indications lorsque le diagnostic de cette affection vient d’être posé ou lorsque le traitement chirurgical n’a pas procuré la guérison attendue. Il vise avant tout à soulager les troubles parfois extrêmement pénibles.
Il n’est pas seulement de nature hormonale, les antalgiques et les anti-inflammatoires en font intégralement partie.

Il est coutumier d’insister sur la nature transitoire des effets du traitement médical et de dire qu’il ne saurait éradiquer les lésions, ce qui est une réalité indéniable. Il est aussi mis à contribution en association avec les gestes chirurgicaux, soit pour en faciliter la réalisation, soit pour en accroître l’efficacité. En revanche, il n’est pas assez dit qu’il peut mettre les lésions au repos de façon très prolongée sinon définitive, si l’administration d’hormones dans un but de freinage de la sécrétion ovarienne et de suppression des menstruations est elle-même envisagée à très long terme.   Le traitement médical hormonal L’endométriose externe est une maladie de nature double car faite de lésions visibles et extirpables, mais aussi d’une atteinte tissulaire estrogénodépendante. Elle est, en outre, sous-tendue par un dysfonctionnement immunitaire. Du fait de sa chronicité, ses répercussions psychiques sont importantes, mais il n’est pas impossible que les particularités de l’état psychologique de ces femmes préexistent au développement de la maladie(1). En outre, les lésions ont la potentialité de s’aggraver chaque mois à l’occasion des saignements qui ont lieu dans l’endomètre ectopique aussi bien qu’eutopique ; de ce fait, l’induction d’une aménorrhée ne peut qu’être bénéfique(2). Mais à l’évidence cette modalité thérapeutique n’est pas utilisable chez les femmes souffrant d’infertilité. Une très vaste enquête, conduite dans 52 pays auprès de 7 025 femmes, a montré que l’endométriose est très correctement traitée par les chirurgiens hautement spécialisés (80 % de femmes satisfaites), mais que dans les autres cas, chirurgie ou hormones ne faisaient pas mieux avec 30 à 37 % de femmes satisfaites et à peu près 20 à 30 % de patientes légèrement aggravées et la même proportion de femmes dans un état pire qu’avant le traitement (L. Hummelshoj) . (http://www.endometriosis.org/press15september05.html). Il est donc clair que des progrès restent à faire soit par une meilleure utilisation des moyens thérapeutiques aujourd’hui disponibles, soit par la découverte de nouveaux outils. Comme l’a parfaitement écrit A. Damasio : cet article « obéit au modèle du voyage de découverte jamais terminé, et non pas à celui du recensement des faits admis par tout le monde ». Ce sont « ici des hypothèses et leur mise à l’épreuve et non pas un catalogue de certitudes » qui sont proposées à la suite d’une longue expérience et en réunissant le maximum de preuves pour étayer ces propositions. Les certitudes, quant à elles, ont été excellemment exposées dans le document de l’AFSSAPS consacré en 2005 au traitement médical de l’endométriose. La majorité des gynécologues considère que le principal traitement de cette affection est d’ordre chirurgical ; cependant, une évolution se manifeste en faveur d’une prise en compte des bénéfices du traitement médical associé au geste chirurgical ou lui succédant, afin d’éviter les récidives qui sont un des véritables stigmates de cette maladie. Mais que l’on ait ou pas créé un état d’aménorrhée prolongée, essentiellement dans le but d’atténuer les troubles douloureux de l’endométriose, on doit savoir qu’à l’arrêt du traitement, les lésions endométriosiques tout comme l’endomètre reprendront leur activité métabolique et leurs divisions cellulaires. La reprise des douleurs à plus ou moins longue échéance est donc probable sinon certaine(3). La stérilité, seconde conséquence de la maladie, exige d’autres solutions thérapeutiques (cf. infra). Rappelons que les récidives de l’endométriose peuvent survenir plusieurs années après la première crise. De ce fait, les études à long terme (et si possible en double aveugle après tirage au sort) sont pratiquement irréalisables. Les conseils pratiques qui suivent ne seront donc, sauf exception, jamais fondés sur des publications considérées comme dotées d’une valeur de preuve élevée. Mais les études prises en compte par les métaanalyses qui portent sur 6 mois à un an, bien que considérées comme fiables, n’ont pas davantage valeur de preuves au regard de la vie des malades endométriosiques. Enfin, la prise en compte des aspects psychiques de l’endométriose, même si elle n’apparaît pas fondamentale à la quasi totalité des gynécologues, peut rendre de grands services aux patientes. R. Maheux a écrit : « le chirurgien qui ne pensera, par exemple, qu’à éradiquer les lésions d’endométriose en oubliant tout le vécu de sa patiente n’aura souvent que peu de succès et beaucoup de récidives. La clef d’une bonne prise en charge est donc de tabler sur les deux côtés : psychologique et physique »(4). Nous avons récemment insisté sur ce point(5).   Les moyens médicamenteux Ils sont multiples et visent soit à apaiser les douleurs, soit à réduire la stimulation estrogénique et la croissance des lésions. Antalgiques et anti-inflammatoires Ces médicaments jouent un rôle fondamental ; leur administration systématique est indispensable et fait partie intégrante du traitement de l’endométriose. Les agents freinateurs de l’activité ovarienne   Les drogues puissantes – Les agonistes de la LHRH On utilise généralement les formes retard supprimant l’ovulation pendant 28 jours ou 3 mois : triptoréline (Décapeptyl LP 3® et LP 11,25® Gonapeptyl®), leuproréline (Enantone LP 3,75® et LP 11,25®). La posologie de la forme nasale (Nafareline Synarel 0,2®) en administration quotidienne exige d’être adaptée pour obtenir une hypo-estrogénie. Il est préférable de commencer le traitement en phase lutéale (en dehors de tout risque de grossesse)(8) ou après administration de progestatifs pendant une quinzaine de jours pour éviter le flare up, particulièrement néfaste en matière d’endométriose. L’aménorrhée obtenue contribue à rassurer les patientes qui craignent le retour des douleurs menstruelles. L’efficacité sur les douleurs est remarquablement rapide, ce qui n’empêche pas les possibles récidives à l’arrêt du traitement. La durée d’administration est de 3 ou 6 mois et dans certains cas de 1 an. Les effets secondaires de l’hypo-estrogénie sont bien connus, mais leur importance est très variable selon les patientes. Celui auquel on accorde le plus d’attention est la déperdition osseuse en raison de son caractère inapparent. L’AMM limite à 6 mois (un an pour la leuproréline) l’usage de ces agonistes. Dans leur utilisation, la gravité de l’endométriose et la notion de susceptibilité individuelle doivent être prises en compte. Schweppe insiste sur la nécessité de personnaliser leur administration. Dans les publications récentes, l’add-back therapy – principalement progestatifs dérivés de la nortestostérone à faible dose ou combinaison estroprogestative continue le plus souvent, est conseillée. L’absence d’effets défavorables de ces stéroïdes est en faveur de l’hypothèse de Brosens selon qui l’endométriose n’est une maladie que lorsqu’elle saigne(2). Un des sujets de débat est la date à laquelle ils doivent être commencés : immédiatement, comme le conseille Olive, pour réduire le risque d’ostéogénie, ou à partir du moment ou les troubles fonctionnels se manifestent. L’association de bisphosphonates ou de phyto-estrogènes a également été proposée. L’administration d’analogues en période de préparation à la FIV est souvent, elle aussi, très bénéfique : par l’absence de saignements intempestifs qui améliorent l’état local et par la mise en situation acyclique de l’appareil génital qui s’est avérée être particulièrement favorable aux « réimplantations » (Cochrane 2006). Cependant, la stimulation ovarienne commencée en période aménorrhéique est alors plus laborieuse ou même inefficace, principalement lorsque la réserve ovarienne est réduite, ou chez la femme âgée. – Le danazol Il a définitivement perdu sa place privilégiée du fait des effets secondaires de nature androgénique. Mais les très faibles doses, 20 ou 50 mg/jour, gardent un potentiel d’activité surtout lorsque le produit est administré par voie vaginale hors AMM.     Les médications d’action modérée – Les estroprogestatifs Leur efficacité sur les douleurs est parfois très satisfaisante. Cependant, la persistance des règles s’accompagne souvent de dysménorrhée. D’où l’idée développée depuis quelques années, d’administrer plusieurs plaquettes de pilules successivement sans l’interruption habituelle de 7 jours, afin d’éviter les manifestations périmenstruelles. En 1997, P. Sulak avait rapporté les résultats d’une étude très démonstrative, même si elle ne s’appliquait pas spécifiquement à des patientes endométriosiques, concernant 50 femmes souffrant de troubles liés aux règles : dysménorrhée, métrorragies, migraines, etc., recevant sans interruption plusieurs plaquettes de pilule. Les femmes elles-mêmes décidaient du nombre de plaquettes successives. La prise ininterrompue de pilule a été de 6, 9 ou 12 semaines. Trente-sept ont été satisfaites de ce traitement. Dans la pratique, l’aménorrhée n’est pas toujours d’obtention simple et la susceptibilité des patientes s’est révélée importante dans le choix thérapeutique(14). Une publication plus récente du même auteur confirme que la prise prolongée est aujourd’hui acceptée par une grande proportion de femmes. Parmi les 181 femmes auxquelles la méthode était proposée, 96 % l’ont acceptée. Et 60 % continuent depuis plus de 2 ans avec des intervalles entre les multiples plaquettes de 0 à 4 jours(6). Vercellini a proposé une prise ininterrompue de pilule à des femmes dont la dysménorrhée a résisté à l’intervention chirurgicale et à leur prise conventionnelle. 20 % des femmes ont refusé. 20 % ont abandonné en cours d’étude. Au bout des 2 ans, 80 % des femmes restantes ont été satisfaites ou très satisfaites, contre 18 % insatisfaites ou très insatisfaites. Les effets secondaires ont été modestes (14 % en tout) – ballonnement, prise de poids, tension mammaire, maux de tête, baisse de la libido – ne dépassant pas 2 femmes par trouble avec, en contrepartie, une disparition de 6 migraines cataméniales. Aucun des endométriomes n’a augmenté de volume. Pour éviter les hémorragies intempestives, il semble préférable, selon la méthode de Sulak, de faire de courtes interruptions, généralement de 4 jours ou moins entre plusieurs plaquettes et en tout cas dès que les saignements apparaissent. – Les progestatifs Selon Vercellini et coll. « dans l’endométriose, la faiblesse de l’intérêt scientifique pour les progestatifs durant les récentes années est inexplicable »(3). Inversement, Prentice suggère de n’accepter les informations sur ces stéroïdes dans le traitement de l’endométriose que « cautiously due to a lack of data »(18). En fait, les progestatifs ont une activité anti-inflammatoire in vitro et in vivo et ils atténuent l’activité métabolique de l’endomètre ectopique et la réponse immunitaire consécutive. À l’échelle moléculaire, les progestatif et les OP inversent l’accroissement anormal de l’expression de Bcl-2 et induisent une augmentation majeure de l’expression de Bax : ces deux effets joints conduisent à une majoration des phénomènes apoptotiques. Dans notre expérience, les progestatifs dérivés des pregnanes et norpregnanes, dépourvus d’effets métaboliques nocifs, sont parfaitement tolérés. La dose doit être suffisante pour avoir une activité antigonadotrope et antiovulatoire. Ils ont alors l’avantage d’être contraceptifs. L’aménorrhée est induite constamment quand la prise est quotidienne et a, en elle-même, un effet favorable. Cependant, l’administration 21 ou 22 jours sur 28 ou par mois suffit parfois et elle a l’avantage de ne pas créer une hypo-estrogénie majeure. Cette hypo-estrogénie peut avoir le double inconvénient de favoriser une ostéopénie si elle est prolongée et de provoquer, tant au niveau de l’endomètre eutopique que des lésions, des saignements intempestifs, principal inconvénient des progestatifs. L’administration associée d‘estrogènes peut aider à les supprimer, mais parfois au prix de nombreux tâtonnements. Acétate de nomégestrol, promégestone, acétate de chlormadinone et de cyprotérone, tous ont fait la preuve de leur efficacité. Récemment, une étude multicentrique a montré que le diénogest avait été, lui aussi, particulièrement efficace sur l’évolution de lésions d’endométriose. Il est, et à juste titre, reproché à ces molécules de n’avoir pas été soumises à des études contrôlées. En revanche, leur excellent rapport tolérance/efficacité a été constaté par la majorité des gynécologues français et elles ont permis d’interrompre des séries nombreuses d’interventions itératives. Un bilan général de l’utilisation des molécules progestatives a été fait par Vercellini et coll. dans une revue de la littérature de langue anglaise, parue entre 1966 et 1996(3). Celle-ci montre que les études ne sont pas de fiabilité parfaite. Cependant, elle établit qu’il n’y a pas de différence majeure entre les résultats du danazol, des agonistes de la GnRH et de ces traitements hormonaux moins coûteux. Les douleurs des femmes endométriosiques ont été supprimées ou améliorées chez 90 % environ des 355 femmes traitées. Cependant, à la fin de la période de suivi, 50 % des patientes ont recommencé à souffrir.   Chez les patientes dont l’endométriose a témoigné d’une tendance marquée à l’évolutivité, leur prise en charge doit être envisagée sur des années et n’être interrompue que pour des raisons majeures.   Les effets secondaires étaient principalement les irrégularités menstruelles (chez 30 % environ des patientes). Les autres ont été observés bien moins souvent. Chez les femmes recherchant une grossesse, dans les 8 études retenues, une conception est survenue après arrêt, entre 36 et 50 % des cas, c’est-à-dire pas plus souvent que lors de la simple surveillance. Les modalités d’administration étaient relativement homogènes pour les progestatifs – prise quotidienne pendant 2 à 12 mois – tandis que celles des estroprogestatifs étaient variées. Dans l’ensemble, 3 patientes sur 4 sont soulagées à condition d’une prise ininterrompue. En résumé, les progestatifs peuvent être considérés comme le traitement médical de première intention chez les femmes qui ne veulent pas d’enfant. D’autres voies d’administration ont également été testées : intramusculaire, sous-cutanée, en implants et par voie intravaginale ou intra-utérine. – La voie sous-cutanée Une forme nouvelle dépôt de MPA (le DMPA-SC 104), injectable par voie sous-cutanée, a été mise sur le marché, mais n’est pas disponible en France. Les effets sur de multiples critères d’une administration de 6 mois avec un suivi ultérieur de 12 mois, ont été comparés à ceux du leuprolide dépôt ; dans les deux cas, les résultats ont été significativement favorables (Schlaff). – Le stérilet bioactif L’insertion d’un stérilet au lévonorgestrel a eu parfois des effets régionaux pelviens des plus remarquables. Chez 11 femmes souffrant d’endométriose recto-vaginale, Fedele et coll. (2001) ont observé une franche amélioration de la dysménorrhée, des douleurs pelviennes et de la dyspareunie profonde associée à une diminution de taille des lésions.     Les thérapeutiques du futur Parce qu’elles ne sont pas disponibles ou qu’elles n’ont été l’objet d’aucune évaluation de longue durée, nous ne ferons que les citer : – les antiprogestérones (mifepristone et autres molécules) ; – les antiaromatases associées à un progestatif ; – les agents angiogénétiques. Les molécules anti-inflammatoires et les modulateurs du système immunitaire : TNF-binding protein-1, IL-12, INF-alpha 2b et pentoxifylline. La colchicine, dont on connaît les effets rapides sur la goutte et les effets protecteurs à faible dose durant de très longues années dans la fièvre périodique méditerranéenne qualifiée de maladie auto-inflammatoire, avait une activité fort intéressante sur les douleurs pelviennes chez des femmes ayant déjà subi de multiples interventions. Cette activité mérite d’être explorée.   Les indications C’est le chapitre le plus discuté et qui mérite le plus d’attention. Selon Valle et Sciarra, l’âge, le stade, les désirs reproductifs et, par dessus tout, la symptomatologie doivent faire décider du traitement en prenant en compte la tendance à la récidive de l’endométriose. Il est donc indispensable de personnaliser le traitement, d’autant plus que les desiderata de certaines patientes ne sont pas les mêmes chez d’autres et que les arrière-plans psychologiques de femmes présentant des lésions analogues peuvent être radicalement différents. D’autre part, les douleurs dont se plaignent les malades ne correspondent pas obligatoirement aux lésions connues ou mises en évidence par les explorations. Enfin, on peut affirmer qu’aucune forme n’est résistante au traitement médical, même les endométriomes ovariens si du moins on cherche à atténuer les symptômes et si l’on est suffisamment patient. Un dernier point doit être envisagé et il est loin d’être clarifié. Cependant, l’extraordinaire travail néerlandais en double-aveugle de Swank met en doute le rôle étiologique des adhérences dans la survenue des douleurs abdomino-pelviennes. Cette étude ne portait pas spécifiquement sur des lésions d’endométriose. Mais elle a démontré l’absence de bénéfices et, au contraire, l’augmentation des complications postopératoires de la levée des adhérences chez des femmes antérieurement opérées et souffrant de douleurs abdomino-pelviennes. Ces constatations incitent à redonner au traitement médical une grande place dans la cure des douleurs, en particulier postopératoires, sans négliger d’analyser aussi finement que possible les descriptions de celles-ci par les patientes. Les stérilités appartiennent généralement chez ces patientes à la catégorie des stérilités inexpliquées. En dehors des stades très avancés de l’endométriose, celles qui sont expliquées le sont par l’existence d’une lésion tubaire relativement rare et qui ne sont curables que par PMA ou par des interventions de chirurgie fine ou par les deux. C’est la seule éventualité où le traitement purement médical est dépourvu de la moindre chance d’efficacité.    Dans tous les cas, une vision à long terme sera toujours nécessaire dans les choix thérapeutiques   L’endométriose est une maladie chronique de longue durée avec un risque élevé de récidives (qui peuvent aussi d’ailleurs survenir après traitement chirurgical, Lefoeuvre, Descamps), quoique moins fréquentes qu’après un traitement médical trop bref. La patiente doit être avertie de la multiplicité des moyens thérapeutiques à mettre en œuvre, en cas de résistance au premier traitement. Dans cet ordre d’idée, la prévention des récidives postopératoires par un traitement médicamenteux fait aujourd’hui son chemin. D’autre part, ce traitement ne peut être choisi qu’après une étude aussi complète que possible de la forme d’endométriose en cause et du degré d’extension des lésions. Sur ce point, les méthodes récentes d’imagerie ont été d’un grand apport : IRM principalement, mais aussi échographies très performantes entre des mains expertes (R. Barc, B. Martin). La cœlioscopie garde également un grand intérêt, mais on tend désormais à s’interroger sur ses avantages avant de la réaliser et elle n’est plus proposée systématiquement.   Les douleurs de l’endométriose   L’endométriose péritonéale isolée observée à la cœlioscopie est l’indication type du traitement médical qui vise seulement à la régression des implants. Les formes extensives seront traitées par l’administration pendant 3 à 6 mois d’agonistes, afin d’obtenir rapidement une hypo-estrogénie. Celle-ci sera suivie de la prise au long cours des OP ou de progestatifs isolés continus selon la réponse au traitement et les constatations opératoires. Une autre question concerne les patientes traitées par destruction des lésions au cours de la cœlioscopie et qui ne désirent pas de grossesse immédiate. Doivent-elles recevoir un traitement médical complémentaire ?   Les endométriomes ovariens sont considérés comme relevant uniquement de la chirurgie. Cette position internationalement défendue n’est pas prouvée. La lésion est en fait un kyste et non une tumeur et parfois la paroi de ce kyste est parsemée d’implants sensibles aux effets de l’hypo-estrogénie quoique moins que les lésions péritonéales. Des traitements prolongés commençant par les agonistes de la LHRH puis associant progestatifs (et éventuellement faibles doses de danazol, ainsi que, si besoin, d’estrogènes pour éviter des signes de carence en raison de la très longue durée du traitement) ont pu provoquer la disparition ou la diminution très franche de volume de certains endométriomes, mais en tous cas, la disparition des symptômes d’accompagnement. La question des ponctions ou de la fenestration du kyste ne sera pas abordée en raison de sa complexité, mais si on l’envisage (suivie ou non de l’injection d’alcool de méthotrexate ou de tétracycline), il sera indispensable d’avertir la patiente du risque accru d’une infection du kyste favorisée par sa nature hématique et sa faible vascularisation. De même que l’on doit évoquer avec elle le risque de rupture spontanée du kyste si on conseille l’abstention. En revanche, il n’est pas illogique de lui faire part des travaux qui montrent que les endométriomes ne semblent pas jouer de rôle dans la plus ou moins grande fertilité des femmes endométriosiques ni dans les résultats de la FIV (Fujushita 2002, Suzuki 2005).   L’endométriose de la cloison recto-vaginale C’est théoriquement la forme chirurgicale par excellence. Mais c’est aussi celle qui exige la plus grande dextérité du chirurgien et qui est la source des complications les plus sévères, justifiant de ce fait leur cure dans des centres spécialisés (Camagna, Canis, Kenny). On peut aussi proposer, lorsque la patiente accepte un certain délai d’amélioration, de commencer par les médicaments à visée anti-estrogénique. Dans quelques cas, suivant les conseils de Masao Igarashi, une gélule de 20 mg de danazol est placée par la patiente au fond du fornix tous les soirs, en association avec un traitement hormonal général. Les douleurs ont disparu beaucoup trop rarement pour en établir la statistique, mais quelques cas n’en sont pas moins réels, avec cependant un risque de réapparition qui doit, lui aussi, être annoncé à la patiente. De tels traitements sont aussi à proposer après échec de plusieurs opérations qui feraient indiquer une hystérectomie totale, à moins que la patiente ne la souhaite.   Les formes digestives Les formes associant des lésions digestives rectales ou rectosigmoïdiennes et génitales ne sont pas rares. Les interventions qui leur sont opposées peuvent être délabrantes. Les patientes se plaignent le plus souvent de troubles majeurs, donnant le sentiment que la seule solution est de nature chirurgicale. Il arrive cependant que les douleurs cèdent brutalement sans qu’on en comprenne la raison permettant d’éviter ainsi une intervention délicate (qui aurait souvent impliqué une colostomie). Le traitement médical (polymédicamenteux y compris le danazol par voie vaginale) doit donc être tenté avant de décider de l’intervention. Cette opinion est partagée par certains chirurgiens qui connaissent la gravité de quelques complications.     Les lésions vésicales et du cul-de-sac péritonéal antérieur peuvent être conservées si la femme n’a pas un désir de grossesse immédiat. Et nous connaissons des patientes qui les ont gardées jusqu’à la ménopause. Mais en cas de désir d’enfant, la chirurgie par un couple urologue-gynécologue s’est avérée la seule solution efficace. Le traitement médical postopératoire Les résultats obtenus par les chirurgiens hautement spécialisés sont excellents, mais dans l’ensemble la chirurgie n’a obtenu que 60 % de résultats satisfaisants. Or, seuls les chirurgiens spécialisés publient leurs résultats. Le traitement médical, lorsqu’il est prolongé, peut aider à prévenir les récidives. Cependant, quelle qu’ait été la qualité du geste chirurgical, surtout lorsque celui-ci a été effectué par un chirurgien généraliste, il est justifié de s’interroger sur les possibles avantages d’une administration systématique d’un agoniste de la LH-RH pendant 3 à 6 mois, ou pour une durée indéterminée, d’un progestatif ou d’une pilule. L’injection systématique d’un analogue de la LH-RH a été évoquée par E. Darai(7), tandis que P. Vercellini et son équipe ont inséré un DIU au lévonorgestrel après intervention conservatrice laparoscopique dans une étude randomisée sans insu, et observé que 15 patientes sur 20 ont été satisfaites au bout de 1 an contre 10 femmes sur les 20 non-médicamentées, la réapparition de la dysménorrhée étant le critère. Quoiqu’il en soit, outre la qualité du traitement chirurgical réalisé, l’intensité des troubles préalablement à l’intervention, l’état de l’appareil génital (abondance des règles), la durée brève des cycles et l’état psychique de la patiente sont des données qui peuvent inciter à l’application d’un traitement hormonal postopératoire éventuellement associée à une proposition prudente de psychothérapie.   Les stérilités Le traitement médical ne doit pas avoir d’autre objectif que de préparer l’appareil génital à un geste de PMA en réduisant le volume des lésions. Nous avons cependant parfois observé la survenue inopinée d’une grossesse spontanée après arrêt de la thérapeutique anti-ovulatoire dont on sait qu’elle n’a aucune valeur statistique. Ce n’est donc qu’en l’absence de désir rapide de grossesse que le traitement médical peut être proposé. Cependant, le diagnostic clinique d’endométriose probable après 2 ans de recherches infructueuses de grossesse conduit parfois à un choix difficile : – si la douleur est modérée ou absente : le problème est celui de décider d’une cœlioscopie première avec fulguration des lésions et attente du retour de la fertilité ; – ou d’un essai de stimulation ovarienne contrôlée suivie d’IA-IU qui donnent des résultats acceptables en 4 tentatives selon FIV Nat. La nécessité de recourir à des formes plus actives que les IA-IU, c’est-à-dire les FIV, est avant tout fonction de l’âge de la femme et des désirs du couple. Mais il est indispensable d’avoir parlé de cette éventualité et de lui avoir offert le choix dès les premières consultations. Dans les cas d’endométriose sévère, l’association agonistes de la LH-RH pour supprimer l’hypervascularisation intrapéritonéale et ablation aussi complète que possible des lésions par un chirurgien de grande compétence, reste la méthode de choix, à la condition d’annoncer à la patiente avant l’opération, l’obligation après un an ou 18 mois du recours à la FIV en cas d’échec.   L’endométriose : conditions particulières de l’indication des traitements médicaux L’état psychique La caractéristique la plus importante à prendre en considération est sans nul doute sa tendance à la récidive. Celle-ci se conçoit aisément : tant que persistent les conditions du développement des lésions, elles seront susceptibles de récidiver. Parmi les facteurs étiologiques possibles, ceux liés à l’utérus, par exemple la sténose cervicale ou l’hypermenorrhée, sont généralement corrigés ; mais il est plus rare que l’état psychique soit pris en compte. Celui-ci peut intervenir à deux niveaux : il n’est pas impossible que la maladie ait pu être favorisée, voire créée par des traumatismes émotionnels prolongés, éventuellement associée à des perturbations très anciennes des relations familiales(1). Mais il est également possible que les douleurs incessantes provoquées par les lésions aient pu retentir sur l’équilibre de la patiente et aggraver sa perception des sensations douloureuses. La dimension psychique – et l’éventualité d’une dépression – ne peut être méconnue dans la conduite du traitement d’une endométriose. Et selon les conseils de R. Maheux, il est essentiel d’aider, avec un indispensable doigté, les patientes en leur montrant que leurs difficultés anciennes ne sont pas négligées, tout en accordant à leur état physique l’attention qu’elles attendent. La participation de la patiente aux choix thérapeutiques Une exigence nouvelle des patientes doit également être considérée : leur désir de comprendre les objectifs des traitements proposés. Le dialogue permanent entre médecin et malade doit avoir pour effet de faire prendre conscience à celles-ci des particularités de cette énigmatique maladie. Il est très souhaitable que le médecin fasse comprendre à sa patiente que, si elle veut en diminuer l’impact sur sa vie, elle doit en accepter certains aspects négatifs. En somme, que, au moins en partie, elle se prenne en charge elle-même.  En pratique   Les protocoles thérapeutiques utilisant la panoplie des médicaments de l’endométriose sont beaucoup plus vastes que ne le pensent certains gynécologues. Ceux-ci doivent être adaptés au cas précis à traiter et chaque patiente doit être avertie, sauf chance particulière, de la très longue durée de ces traitements.   Si l’on veut que la compliance soit de qualité il faut aussi évoquer, mais sans aucun excès, les divers inconvénients des traitements chirurgicaux. C’est pour cette raison que les femmes qui ont déjà subi de multiples interventions suivront avec régularité leur traitement. Le nombre remarquable, pour une maladie bénigne telle que l’endométriose, d’interventions itératives est la preuve a contrario de l’inconstante efficacité de la chirurgie et ceci tout particulièrement dans le cas des kystes endométriosiques.   Enfin, il faut redire que les traitements mixtes : chirurgie première suivie d’un long traitement médical se sont révélés, dans de très nombreuses situations, le meilleur choix, en particulier après le premier diagnostic, car la certitude du diagnostic est ainsi acquise et éventuellement toute suspicion de cancérisation écartée.

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