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Urologie

Publié le 05 oct 2010Lecture 11 min

Le traitement de l’incontinence urinaire féminine

F. HAAB, Service d’urologie, hôpital Tenon, Paris
L’incontinence urinaire est un véritable problème de santé publique puisqu’elle affecte 10 % des femmes actives et 40 % des femmes de plus de 60 ans, soit au total près de 1,5 million de femmes en France. Elle est définie par toute fuite involontaire d’urine par l’urètre, dont se plaint la patiente et dont l’origine est souvent multifactorielle. 
On distingue classiquement 3 formes cliniques d’incontinence urinaire : – l’incontinence urinaire d’effort est caractérisée par une fuite involontaire d’urine, non précédée du besoin d’uriner, qui survient à l’occasion d’un effort physique, lors de la toux et d’éternuements ; – l’incontinence urinaire par urgenturie est caractérisée par la perte involontaire d’urine accompagnée ou immédiatement précédée d’un besoin urgent et irrépressible d’uriner aboutissant à une miction ne pouvant être différée. Cette incontinence peut rentrer dans le cadre d’un syndrome d’hyperactivité vésicale qui associe urgence mictionnelle, pollakiurie, nycturie, avec ou sans incontinence urinaire par urgence mictionnelle. Elle peut être le résultat de la sensibilisation des afférents des nerfs terminaux dans la vessie ou en dehors des muscles de la vessie, des modifications du muscle lisse vésical secondaires à une dénervation ou à une atteinte des voies inhibitrices du système nerveux central comme cela peut être retrouvé dans de nombreuses pathologies neurologiques telles que la sclérose en plaques, les accidents vasculaires cérébraux, la maladie de Parkinson, les tumeurs cérébrales, les atteintes de la moelle épinière ; – l’incontinence urinaire mixte combine les deux types de symptômes, et souvent l’un des types de symptômes est plus gênant que l’autre pour la patiente. L’incontinence urinaire par regorgement est une perte involontaire d’urine associée à une distension vésicale ou rétention vésicale chronique. Elle est due à un détrusor peu ou non contractile ou à une obstruction du col vésical ou de l’urètre qui laisse une vessie pleine en permanence. Ce type d’incontinence est rare chez la femme ; cependant, une obstruction sous-cervicale peut apparaître à la suite d’un traitement chirurgical de l’incontinence d’effort, lors d’un prolapsus sévère d’un organe pelvien (cystocèle, prolapsus utérin). Le bilan préthérapeutique est essentiellement clinique, basé sur les données de l’interrogatoire, de l’examen physique, du calendrier mictionnel et, si nécessaire, de l’examen urodynamique.   Traitement de l’incontinence urinaire d’effort (IUE) Les règles hygiénodiététiques Elles comprennent notamment la régulation des boissons et la réduction d’une surcharge pondérale. L’arrêt du tabagisme doit être suggéré.   Le traitement médical De nombreux médicaments ont été testés dans cette indication avec des résultats variables. Il n’y a pas, à l’heure actuelle, de traitement médical spécifique commercialisé en France dans cette indication. Chez la femme ménopausée, un traitement hormonal substitutif peut être instauré et complété éventuellement par l’application vulvaire de crèmes hormonales.   La rééducation fonctionnelle La rééducation périnéale pratiquée par un kinésithérapeute ou une sage-femme reste le traitement de première intention de l’incontinence d’effort. Plusieurs techniques peuvent être utilisées. ● La kinésithérapie Elle débute par la prise de conscience de l’état de relâchement des muscles périnéaux et la perception intravaginale de la contraction des releveurs de l’anus. Son principe est de renforcer la musculature périnéale. Elle nécessite d’apprendre à la femme à réaliser une contraction périnéale en position couchée, puis assise, et enfin, debout, à éliminer les contractions antagonistes abdominales (inversion de commande) ou des adducteurs. ● L’électrostimulation fonctionnelle Elle utilise des sondes endovaginales. Elle a 3 effets sur le bas appareil urinaire : – un renforcement de la musculature périnéale ; – une relaxation vésicale par utilisation du réflexe périnéovésical ; – un effet antalgique. ● Les traitements comportementaux Ils visent à modifier un comportement mictionnel ou des habitudes de boissons anormales. Ils reposent en premier lieu sur la tenue d’un calendrier mictionnel. Les résultats de la rééducation sont difficiles à apprécier car les publications rapportent des séries globales incluant plusieurs types d’incontinence et plusieurs types de techniques de rééducation. On peut admettre que la rééducation améliore une patiente sur deux. Le résultat est durable pour une patiente sur trois.   Traitements chirurgicaux ● Intervention de bandelettes sous-urétrales Les interventions de fronde sousurétrale ont été élaborées pour traiter les patientes atteintes d’incontinence urinaire à l’effort. Elles ont récemment été désignées comme étant le traitement chirurgical premier de l’incontinence urinaire à l’effort. L’intervention consiste à créer, par voie vaginale, une fronde, à partir de tissu synthétique sous l’urètre moyen et à rattacher cette fronde à différentes structures de la paroi abdominale ou de l’espace rétropubien. La première technique a été décrite par Ulmsten sous le nom de TVT (Tension free Vaginal Tape) et consiste à « fixer » les bras de la bandelette dans l’espace rétropubien. Cette technique offre de bons résultats (70 à 85 % de guérison), mais expose aux risques de plaies vésicales repérées en peropératoire, de plaies vasculaires et digestives. Plus récemment, une nouvelle technique a été élaborée sous le nom de TOT (transobturateur) et qui consiste alors à « fixer » les bras de la bandelette au niveau des orifices obturateurs. Les résultats sont comparables à ceux de la TVT, mais cette technique a l’avantage de prévenir des risques de la traversée du pelvis et de blessures vésicales et vasculaires. ● Injections endo-urétrales Ces injections représentent une alternative thérapeutique au traitement de l’IUE de la femme. Cette technique, réalisée par voie endo-urétrale sous anesthésie locale, en ambulatoire, a l’avantage d’être un procédé peu invasif. Plusieurs agents ont déjà été injectés, dont le Téflon, le collagène, le macroplastique, l’acide hyaluronique ou, plus récemment, les gels de polyacrylamide. Des études sont en cours afin d’apprécier l’efficacité de ces traitements et leur place exacte dans l’arsenal thérapeutique. ● Sphincter urinaire artificiel (SAU) Le SAU est le traitement chirurgical le plus abouti de l’insuffisance sphinctérienne sévère de la femme. Il reproduit le fonctionnement normal du sphincter en ouvrant et fermant l’urètre par autocontrôle du patient. Il est idéalement destiné aux femmes ayant une IUE sévère non corrigée par des manoeuvres de soutènement urétral, sans hypermobilité cervico-urétrale et avec une insuffisance sphinctérienne majeure. Il est aussi souvent proposé en cas d’échec des autres traitements chirurgicaux de l’IUE. Si la mise en place peut être relativement complexe, le plus souvent effectuée dans des centres de référence, le fonctionnement est aisé. L’occlusion urétrale est assurée de façon automatique et permanente par la manchette occlusive. Lorsque la patiente souhaite uriner, elle doit appliquer quelques pressions sur la poire de la pompe, assurant le transfert du liquide contenu dans la manchette vers le ballon régulateur de pression. La manchette reste ouverte durant quelques minutes pour permettre la miction, puis se pressurise à nouveau, le liquide retournant automatiquement vers la manchette pour restaurer l’occlusion urétrale. Les résultats sont satisfaisants puisque 85 à 100 % des patientes sont continentes après la pose d’un SAU. ● Ballons compressifs périurétraux Cette technique mini-invasive consiste à disposer deux microballonnets gonflables de part et d’autre de l’urètre, à la base du col vésical, par une voie périnéale, sous contrôle radioscopique. La pression exercée par ses ballonnets est réglable par l’intermédiaire de deux valves de gonflage situées dans la région périnéale en souscutané. En termes d’efficacité, le recul n’est pas encore suffisant pour apprécier les résultats à long terme chez la femme. Cette technique semble cependant plutôt réservée aux cas d’insuffisances sphinctériennes sévères.   Incontinence par hyperactivité vésicale Traitements médicamenteux Ils font appel aux médicaments antimuscariniques ou anticholinergiques. Ces médicaments bloquent de façon plus ou moins sélective les récepteurs muscariniques du muscle vésical et diminuent donc la possibilité pour la vessie de se contracter. Les plus utilisés sont l’oxybutinine (Ditropan®, Driptane®), la toltérodine (Détrusitol®), le chlorure de trospium (Céris®) et, plus récemment, la solifénacine (Vésicare®), dorénavant prise en charge par l’Assurance maladie. Les effets secondaires et les contre-indications sont les mêmes pour tous les médicaments. Les contre-indications absolues sont le glaucome à angle fermé et la myasthénie. Les effets secondaires sont la constipation, la sécheresse buccale, les troubles de l’accommodation, etc. En revanche, l’oxybutinine peut être responsable de troubles de la conscience, par passage de la barrière hémato-encéphalique. Ils agissent en diminuant la pression intravésicale, en augmentant la capacité vésicale et le volume vésical avant l’apparition de la contraction vésicale. Le traitement médicamenteux peut être associé à une rééducation qui repose alors sur l’association d’une prise en charge comportementale, de biofeed back ou encore d’électrostimulation à basse fréquence.   Neurostimulation sacrée Lorsque les traitements médicaux ne fonctionnent plus ou sont trop mal tolérés, une des alternatives aujourd’hui la plus en vogue est la neuromodulation qui consiste à stimuler électriquement S3. Elle se déroule en deux étapes. Un test temporaire est réalisé qui consiste à mettre en place une électrode dans le trou sacré S3 et à effectuer une électrostimulation sacrée par un boîtier externe sur une période de quelques jours. Le test est considéré comme positif lorsque les symptômes sont améliorés d’au moins 50 %. Une implantation est alors proposée aux patientes dont le test est positif. Les paramètres de la neuromodulation (amplitude, fréquence, etc.) peuvent être modifiés à l’aide d’une télécommande externe reliée à un ordinateur qui mémorise les caractéristiques de chaque patiente. La neuromodulation apporte des résultats cliniques exceptionnels chez 20 à 30 % des patientes souffrant d’hyperactivité vésicale.   Traitements locaux ● Toxine botulinique Neurotoxine responsable du botulisme, la toxine botulique a été utilisée dans l’hyperactivité détrusorienne d’origine neurologique depuis 1999. Elle agit dans le muscle strié en bloquant la transmission dans la synapse neuromusculaire qui se fait normalement par la libération d’acétylcholine. Injectée dans un muscle, elle entraîne une paralysie localisée qui disparaît progressivement. La technique consiste à injecter une dose de 100 à 300 unités de toxine (Botox®) à l’ensemble du muscle vésical, à l’exception du trigone, sous contrôle visuel cystoscopique. Cette technique, qui ne dispose pas encore d’une AMM officielle, est surtout validée scientifiquement chez les patientes porteuses de vessies neurologiques.   Traitements chirurgicaux Quand les traitements médicamenteux et locaux sont inefficaces, la seule alternative est l’agrandissement de vessie à l’aide d’anses grêles (entérocystoplastie). Cette technique consiste à réaliser une cystectomie sus-trigonale (le trigone est laissé en place) et à « prélever » 50 à 60 cm d’iléon qui seront détubulés et suturés sur le trigone. Dans les suites opératoires, le recours à des autosondages est habituel, compte tenu du volume vésical et du résidu postmictionnel.    En pratique  La physiologie mictionnelle est un phénomène complexe rendant la prise en charge de ses troubles difficile.  La première étape du traitement consiste à analyser précisément le type d’incontinence en cause (interrogatoire, examen clinique, examens complémentaires), afin de différencier l’incontinence urinaire d’effort de l’incontinence par urgence mictionnelle.  Chez la femme ayant une IUE par hypermobilité urétrale, la kinésithérapie et les techniques chirurgicales de soutènement sousurétral permettent de guérir 90 % des patientes.  Le traitement de référence de l’insuffisance sphinctérienne sévère est le sphincter artificiel. Cependant, d’autres traitements validés ou en cours de validation peuvent être proposés avant le sphincter artificiel, comme les injections endo-urétrales ou les microballonnets péri-urétraux.  Enfin, l’incontinence par urgence mictionnelle est le plus souvent traitée par des médicaments anticholinergiques. Les patientes réfractaires à ces traitements seront successivement traitées par neuromodulation sacrée, puis par des injections intradétrusoriennes de toxine botulinique ; en dernier recours, une entérocystoplastie d’agrandissement pourra être proposée.

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