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Publié le 06 jan 2011Lecture 7 min

Fibrome et grossesse : quelles interactions ?

F. FUCHS - CHU Bicêtre
Les fibromes sont la première cause de pathologie gynécologique interagissant avec la grossesse. Leur fréquence augmente avec le vieillissement maternel et nous allons tous être de plus en plus confrontés à leur présence au cours du suivi de nos patientes. 
Épidémiologie Les fibromes sont présents dans 1 à 7 % des grossesses. Ils sont plus souvent détectés par l’échographie que par l’examen clinique. Les facteurs de risque de survenue des fibromes sont un âge maternel avancé, une origine ethnique africaine (risque relatif [RR] = 2,9), la survenue précoce des ménarches (RR = 1,24), un antécédent au 1er degré de fibrome (RR = 2,5), une obésité (RR = 1,2), un diabète (RR = 1,5) et une hypertension artérielle (RR = 2).   Effet de la grossesse sur les fibromes Les fibromes sont des tumeurs bénignes du muscle lisse utérin (myomètre) qui présentent, dans 40 % des cas, des anomalies chromosomiques (chromosome 7, 12 ou 14 le plus souvent), ce qui explique leur développement. Le tissu myomateux présente une très forte concentration en récepteurs estrogéniques expliquant les modifications de ce tissu pendant la grossesse. Ainsi, on observe une hypertrophie et un ramollissement des myomes par hyperplasie des fibres musculaires lisses (oedème) pouvant conduire, à l’extrême, à la nécrobiose. La modification des fibromes pendant la grossesse, certes fréquente, est globalement variable et imprévisible : 70 % des fibromes restent stables ; 30 % augmentent de taille et le plus souvent avant 10 SA ; 5 % vont évoluer vers une nécrobiose aseptique, dont le traitement de référence reste les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en tenant compte des précautions d’emploi en cours de grossesse. Parmi les autres évolutions possibles, on observe des torsions, des nécrobioses septiques, des énucléations et des involutions du post-partum.   Effet des fibromes sur l’infertilité Les taux de grossesses en procréation spontanée chez des femmes infertiles présentant un myome non traité (11 %) et des femmes infertiles indemnes de myome (25 %) sont significativement différents (p = 0,008). Les résultats en procréation médicalement assistée sont un peu plus complexes et ont été récemment bien explicités par la revue systématique et la métaanalyse de Pritts(1). • Globalement, toutes positions des fibromes confondues, leur présence est responsable d’une réduction du taux de grossesses cliniques (TGC) (p = 0,03), du taux d’implantations (TI) (p = 0,002) et du taux de grossesses évolutives (TGE) (p < 0,001), et d’une augmentation du taux de fausses couches spontanées (FCS) (p < 0,001). • La présence d’un fibrome sous-muqueux a un effet identique à celui de tous les fibromes (toutes positions confondues) : réduction du TGC (p = 0,006), du TI (p = 0,003), du TGE (p < 0,001) et augmentation des FCS (p = 0,02). La myomectomie des fibromes sous-muqueux est efficace. Ainsi, comparativement à des patientes n’ayant pas eu de myomectomie, elle permet d’augmenter le TGC (p = 0,03), mais ne diminue pas les FCS (RR = 0,8 ; 0,3-1,6). Comparativement à des patientes infertiles mais sans fibromes, elle normalise les TGC, TGE et FCS (NS). • La présence de fibromes interstitiels et sous-séreux donne des résultats identiques à la présence seule de fibromes interstitiels : une réduction du TI (p < 0,001), du TGE (p < 0,01) et une augmentation des FCS (p < 0,02). Cela traduit bien l’influence de ce type de fibromes interstitiels. La myomectomie de ce type de fibromes n’est toutefois pas totalement efficace. Si elle l’était, comparativement à un groupe de patientes sans myomectomie, on devrait avoir davantage de grossesses (ce n’est pas le cas ; RR = 3,8 [0,5-30,1]) et moins de FCS (ce n’est pas le cas non plus ; RR = 0,7 [0,3- 1,9]). Il faut cependant prendre garde aux conclusions hâtives, car il existe peu d’études sur ce sujet, prises en compte dans la métaanalyse.   Effet des fibromes sur la grossesse Plusieurs études ont évalué ce sujet, mais toutes présentent des défauts méthodologiques qui rendent leurs résultats discutables, principalement en raison de biais de sélections liés au non-ajustement des résultats sur certaines variables confondantes comme l’âge maternel, et à la plus grande tendance à diagnostiquer des fibromes sur des grossesses compliquées. Les résultats de ces études ont été récemment repris dans une revue systématique de Klatsky (2) qui retrouve : – davantage de césariennes, d’anomalies de présentation et de dystocie dynamique (RR = 3) en cas d’utérus myomateux, mais le diagnostic de fibrome était souvent porté en per-césarienne, réalisé pour échec du travail ; – davantage de retard de croissance intra-utérin (RR = 1,4) en cas d’utérus myomateux, mais en l’absence d’ajustement sur l’âge gestationnel ou l’âge maternel. De plus, il n’existe pas de preuve que la myomectomie diminuerait ce nombre de RCIU ; – davantage d’accouchements prématurés (RR = 1,8) en cas d’utérus myomateux, mais de nombreuses patientes étaient déclenchées/maturées en raison de douleurs abdominales ; – davantage de placenta prævia (RR = 2,3) en cas d’utérus myomateux, mais sans ajustement sur l’âge maternel ou l’existence ou non d’un utérus cicatriciel ; – moins de rupture prématurée des membranes (RR = 0,6) en cas d’utérus myomateux. D’autres études se sont attachées à évaluer l’impact des fibromes en fonction de leur taille, de leur nombre ou de leur localisation : – 10 % des fibromes mesurent plus de 10 cm, et leur grand volume ne semble augmenter que le nombre de présentations du siège. De même, la présence d’un fibrome mesurant plus de 5 cm augmente le risque de placenta prævia, de césarienne avant travail, de présentation du siège et d’hémorragie sévère de la délivrance ; – à l’inverse, la présence de 1, 2, 3 ou plus de 4 fibromes ne paraît pas modifier la survenue de complications. Concernant la localisation, les données sont insuffisantes pour aboutir à une conclusion. Enfin, seulement quelques cas anecdotiques ont rapporté la survenue de traumatismes foetaux liés à la présence des myomes. Aucune con-clusion formelle ne peut être tirée de ces cas cliniques isolés.   Effet de la myomectomie sur la grossesse Les myomectomies sont responsables de la survenue d’anomalies de l’insertion placentaires (prævia, accreta, percreta) et rarement de rupture utérine (taux identique en cas de myomectomie par coelioscopie ou par laparotomie). Ainsi, on ne proposera pas de myomectomie en cours de grossesse, sauf en cas de torsion ou de compression. La possibilité de réaliser une myomectomie d’un myome prævia, avant une césarienne pourra être envisagée, car cette myomectomie ne modifie pas la morbi-mortalité maternelle.   Grossesse après embolisation de fibrome L’embolisation de fibrome utérin est devenue une technique courante dont l’efficacité a été bien démontrée. La question de l’embolisation chez des patientes présentant un désir de grossesse reste polémique et plusieurs études ont évalué le devenir de ces patientes en termes de fertilité (3). Parmi les grossesses obtenues, on retrouve un taux de FCS important (40-60 %) et, parmi les grossesses évolutives, un taux de complications relativement élevé : 25 % d’accouchement prématuré, 60 % de retard de croissance intra-utérin, 10 % d’hémorragie de la délivrance, 30-50 % de césariennes. Ainsi, il semble raisonnable de ne pas proposer cette technique chez les patientes désireuses de grossesse.   Mode d’accouchement en cas de myomectomie En l’absence d’études bien menées sur le sujet, les bonnes pratiques retiendront l’indication d’une césarienne en cas de fibrome prævia ou de présentation dystocique liée au myome. La polymyomectomie par voie haute doit être considérée comme un utérus cicatriciel, même en l’absence d’ouverture de la cavité. On privilégiera un accouchement par voie basse en cas de fibrome non prævia et de présentation céphalique. La surveillance devra alors être identique à celle d’une grossesse normale, en particulier du point de vue du risque d’hémorragie de la délivrance (4).   Conclusion Il est important de bien déterminer par échographie la localisation et la taille des fibromes, ainsi que d’évaluer leur évolution au cours de la grossesse. Il existe globalement peu de risque lié à la présence d’un fibrome chez une patiente enceinte ; cependant, il ne faudra pas méconnaître les indications de césariennes programmées, de même que le traitement d’une patiente présentant un myome et désirant obtenir une grossesse.

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