publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Imagerie

Publié le 07 aoû 2011Lecture 9 min

Élastographie en échographie mammaire

A. ATHANASIOU, A. TARDIVON, Service de radiodiagnostic, Institut Curie, Paris
L’élastographie en échographie mammaire est une nouvelle technique complémentaire permettant une meilleure caractérisation lésionnelle. En effet, cette technique apporte des renseignements sur la compressibilité des tissus (imagerie fonctionnelle) qui ne peut être évaluée en imagerie mode B (imagerie morphologique). Actuellement, l’élastographie est implémentée sur la majorité des appareils commercialisés et peut être utilisée en routine. Le but de cet article est d’analyser les principes physiques de l’élastographie, de présenter ses applications cliniques et son impact potentiel sur la prise en charge des patientes.
Pourquoi ? L’échographie mode B est une technique complémentaire à la mammographie dont les indications sont bien connues (caractérisation des masses, exploration des anomalies palpables sans traduction mammographique, examen de première intention chez les femmes jeunes ou enceintes, exploration des seins denses et des creux axillaires, surveillance chez les femmes à haut risque familial [mutations BRCA1 et 2], guidage de prélèvements percutanés). Il s’agit d’un examen très sensible mais de spécificités variables, estimées entre 45-93 %, en fonction du type de lésions, de l’appareil utilisé et de l’expérience de l’opérateur. Ainsi, un grand nombre de prélèvements percutanés à visée diagnostique sont réalisés pour des lésions bénignes, sources d’angoisse pour les patientes et d’un coût non négligeable pour le système de santé publique. L’élastographie a été développée vers la fin des années 80, puis appliquée à l’échographie mammaire dans les années 90(1). Cette technique a été élaborée dans le but d’améliorer la spécificité de l’échographie mode B en ajoutant aux critères d’échostructure et de morphologie lésionnelle une information fonctionnelle complémentaire sur la compressibilité lésionnelle.   Comment ? La palpation mammaire, lors de l’examen clinique, fournit une première appréciation clinique des lésions mammaires. Les masses palpables dures, mal limitées, voire fixées au plan cutané ou profond, correspondent à des lésions malignes, alors que les lésions molles, mobiles et bien limitées sont plus volontiers bénignes. Néanmoins, l’appréciation lésionnelle est limitée en cas de lésions de petite taille ou profondément situées dans la glande, voire impossible en cas de lésions infracliniques. L’élastographie permet d’obtenir des renseignements de compressibilité et de dureté lésionnelle, de façon qualitative ou quantitative, en s’affranchissant de la palpation clinique. Figure 1. Modes élastographiques en échographie. a. Représentation de l’élastographie statique : application d’une contrainte externe à l’aide de la sonde ultrasonore. La carte d’élasticité s’affiche en temps réel. b. Classification de Ueno (mode statique). c. Représentation de l’élastographie par ondes de cisaillement. On distingue deux techniques principales d’élastographie en échographie : • l’élastographie statique : le radiologue repère la lésion en mode B et, à l’aide de la même sonde échographique, exerce des mouvements répétés de compression/décompression à l’aplomb de la lésion (toutes les secondes). Cette contrainte externe provoque une déformation lésionnelle qui s’affiche en temps réel par une cartographie d’élasticité (codage noir et blanc ou en couleur). L’échelle de cartographie grade depuis une déformation minimale (tissu dur, peu compressible, potentiellement suspect) jusqu’à une déformation maximale (tissu souple et facilement compressible, donc probablement bénin). Cette technique procure des résultats qualitatifs ou semi-quantitatifs (figures 1a et b) ; • l’élastographie par ondes de cisaillement : le radiologue repère la lésion en mode B et bascule la sonde d’échographie en mode « cisaillement ». Ce système engendre la propagation d’ondes de basse fréquence qui provoquent un minime déplacement tissulaire sous forme de « vibrations locales ». À partir de la vitesse de déplacement, la dureté du tissu peut être évaluée. Une cartographie couleur de l’élasticité est affichée en temps réel et des valeurs quantitatives (exprimées en kPascal) peuvent être obtenues en plaçant une région d’intérêt dans la lésion (figure 1c). Quelle que soit la technique utilisée, l’acquisition du mode élastographie se fait facilement (utilisation de la même sonde), rapidement (quelques minutes) et en temps réel complétant le bilan échographique mode B.   Applications cliniques Kystes compliqués L’échographie mammaire peut affirmer le caractère liquidien d’une masse, pourvu qu’elle remplisse des critères échographiques précis en mode B : contenu strictement anéchogène, contours bien limités, paroi fine, renforcement postérieur des ultrasons. En pratique quotidienne, on détecte souvent des kystes compliqués se traduisant par des lésions hypoéchogènes de nature indéterminée en rapport avec un contenu épais ou hémorragique. Le diagnostic est alors établi, soit par une cytoponction, soit lors d’un suivi rapproché. L’élastographie pourrait caractériser ces kystes compliqués évitant ainsi un geste interventionnel ou une surveillance. En effet, la sémiologie élastographique est très spécifique : aspect dit en « trois couches » ou en « oeil de boeuf » (élastographie statique) ou se traduisant par un « vide » de signal en élastographie par ondes de cisaillement (figure 2).   Masses solides indéterminées Ces lésions sont classées, soit en catégorie BI-RADS 3 (aspect probablement bénin, suivi rapproché recommandé), soit en BI-RADS 4 (valeurs prédictives positives de cancer allant de 3 à 95 %, biopsie recommandée), selon la classification de l’American College of Radiology (ACR). En élastographie statique, une lésion codée en vert ou de taille inférieure ou égale à la taille mesurée en mode B est considérée comme bénigne. En revan-che, une lésion codée en bleu, de taille supérieure à la taille notée en mode B est considérée comme suspecte (figure 3)(2-3). En élastographie par ondes de cisaillement, une lésion codée en bleu homogène, avec des faibles valeurs quantitatives en kPa (< 60-80 kPa) est considérée comme bénigne, alors qu’une lésion codée en rouge avec des valeurs élevées en kPa (> 80 kPa) est considérée comme suspecte (figure 4) (4,5). En prenant en compte la triade « examen clinique, morphologie en mode B et élastographie », on pourrait ainsi surseoir à l’indication de prélèvements pour un certain nombre de ces lésions (une surveillance rapprochée) ou alléger la surveillance (1 an au lieu de 6 mois). Figure 2. Kystes compliqués en élastographie. a. Aspect en « 3 couches » en élastographie statique, codage couleur. b. Aspect en « oeil-de-boeuf » en élastographie statique, codage échelle de gris. c. « Vide » de signal en mode par ondes de cisaillement. À l’inverse, l’élastographie peut augmenter le degré de suspicion de lésions classées en mode B comme probablement bénignes (catégorie BI-RADS 3) en détectant des critères suspects d’élasticité, indiquant alors la réalisation de biopsies à visée diagnostique. Les faux positifs rapportés en élastographie concernent principalement des lésions bénignes de consistance dure (lésions fibreuses ou partiellement calcifiées). Les faux négatifs concernent des cancers in situ ou lobulaires infiltrants de bas grade (absence de réaction desmoplastique), ainsi que certaines formes de cancers « mous » (médullaire ou mucineux).   Amélioration de la détection des lésions La détection lésionnelle en mode B peut être rendue difficile, soit par le milieu environnant, soit par un aspect lésionnel inhabituel (lésions iso- ou hyperéchogènes/graisse). Figure 3. Nodules solides en élastographie statique (classification de Ueno). a. Le codage lésionnel en vert est évocateur de lésion bénigne (fibroadénome). b. Le codage en bleu évoque une lésion maligne (cancer lobulaire infiltrant). L’élastographie en montrant une différence d’élasticité peut aider à leur détection et faciliter le ciblage lors de la réalisation de prélèvements (figure 5). Une autre application potentielle de cette technique concerne les lésions palpables sans traduction mammographique (cancers lobulaires).   Amélioration de l’estimation de la taille tumorale L’échographie en mode B est susceptible de sous-estimer la taille tumorale, notamment dans les cancers mal limités (cancers lobulaires). Il a été démontré que l’élastographie pourrait être une aide complémentaire pour une estimation plus précise de l’extension tumorale lors du bilan préopératoire.   Caractérisation des ganglions axillaires Les études sont peu nombreuses, mais les résultats préliminaires apparaissent très prometteurs. En effet, la signature d’élasticité des ganglions métastatiques s’avère différente de celle des ganglions réactionnels en raison de la consistance plus dure du cortex ganglionnaire envahi. Figure 4. Nodules solides en élastographie par ondes de cisaillement. a. Les lésions codées en bleu homogène sont considérées comme bénignes. b. Les lésions présentant une carte d’élasticité hétérogène majoritairement codée en rouge sont considérées comme suspectes de malignité (c). L’élastographie pourrait donc être utile pour sélectionner les ganglions nécessitant une cytoponction avant chirurgie.   Conclusion L’élastographie, en tant qu’examen complémentaire dumode B, a été évaluée par de nombreuses études prospectives. Elle ne montre pas de gain en sensibilité comparativement au mode B (78- 87 %), mais son ajout améliore significativement la spécificité du mode B (85- 98,5%)(2-5). L’utilité de l’élastographie réside principalement dans la caractérisation des masses solides d’allure probablement bénigne (catégorie 3) ou peu suspecte (catégorie 4a), et surtout des kystes de caractérisation difficile en mode B – kystes infracentimétriques de topographie profonde, kystes compliqués. Figure 5. Intérêt de lMélastographie (lésion palpable, mal visualisée en mode B). LMélastographie a permis la détection dMune zone plus dure, orientant ainsi les prélèvements percutanés. Histologie : cancer lobulaire infiltrant. Ainsi, l’élastographie se conçoit actuellement comme une technique complémentaire au mode B, permettant d’éviter des prélèvements inutiles ou de conforter une recommandation de suivi rapproché. D’autres applications sont en cours d’évaluation : bilan d’extension locorégionale d’un cancer du sein (seins, creux axillaire), évaluation de la réponse tumorale à un traitement néoadjuvant, échographie ciblée après un examen IRM suspect, suspicion de récidive locale dans un sein traité.  

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème