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Cancérologie

Publié le 01 aoû 2010Lecture 10 min

Désir de grossesse et contraception après cancer du sein

P. THIS, Institut Curie
Une grossesse est souvent possible après un cancer du sein, mais ce projet doit être accompagné par l’équipe médicale, en tenant compte de l’âge de la patiente, de ses facteurs de risque de récidives, de sa fonction ovarienne, d’une éventuelle hormonothérapie, de la possibilité d’une prédisposition familiale. Les questions de la contraception, d’un délai de sécurité avant la mise en route de la grossesse et du bilan avant la grossesse doivent être explicitement abordées avec le couple.
Les problématiques spécifiques aux femmes jeunes En France, 50 000 femmes ont eu un cancer du sein en 2005. Environ 2 500 d’entre elles avaient moins de 40 ans au moment du diagnostic. Ce sont ces femmes qui vont poser à leurs médecins des questions diversement intriquées : – Quels seront les effets des traitements sur ma fertilité ? – Suis-je déjà ménopausée (en cas d’aménorrhée postchimiothérapie) ? – Ai-je besoin d’une contraception ? Si oui, laquelle ? – Pourrai-je être enceinte après le traitement de ce cancer ? Au bout de combien de temps ? La survenue d’un cancer du sein chez une femme jeune doit inciter les médecins à s’interroger sur l’existence d’une prédisposition familiale. Ainsi, actuellement, certaines équipes proposent de rechercher une mutation du gène BRCA1/2 dès lors que la patiente a 35 ans ou moins au moment du diagnostic. La recherche de mutation doit également être proposée en cas d’antécédents familiaux de cancers du sein et/ou de l’ovaire. Dans ces situations, on pourra être amené à discuter d’une mammectomie prophylactique controlatérale, voire d’une annexectomie prophylactique après le projet familial (1). L’âge auquel celle-ci peut être recommandée dépend du type de mutation et de l’histoire familiale. Ainsi, chez une jeune femme ayant un désir de grossesse, il faudra donc également intégrer à la discussion une éventuelle recommandation à moyen terme d’annexectomie prophylactique.   La fonction ovarienne après le traitement d’un cancer du sein En l’absence de traitement adjuvant, la patiente conservera le profil des cycles qu’elle avait avant le traitement. Si elle reçoit une chimiothérapie, les conséquences de celle-ci sur la fonction ovarienne varieront en fonction de l’âge au moment du traitement et du type de chimiothérapie (composés, doses totales)(2).  Si les femmes de moins de 35 ans gardent souvent des cycles plus ou moins réguliers et ovulatoires, les femmes de plus de 45 ans voient leurs règles s’espacer, voire s’arrêter. Tout peut se voir, de l’aménorrhée transitoire à la ménopause précoce. Comme ce dernier état ne peut être affirmé que rétrospectivement, il est indispensable de prévoir une contraception efficace chez les jeunes femmes en aménorrhée postchimiothérapie. Nous n’avons pas encore de données suffisantes permettant de chiffrer de façon précise la probabilité pour une femme d’un âge donné de garder des cycles ovulatoires après le traitement d’un cancer du sein (3). En cas de positivité des récepteurs hormonaux, si une hormonothérapie adjuvante est indiquée, le tamoxifène est le traitement de référence. Il s’agit d’un inhibiteur compétitif de la liaison des estrogènes sur leurs récepteurs. Ce composé est tératogène et inducteur de l’ovulation. Sa prescription de ce fait nécessite obligatoirement d’être assortie d’une discussion sur la contraception, même si la patiente est en aménorrhée postchimiothérapie. Le tamoxifène peut perturber les cycles menstruels, et même induire une aménorrhée sans hypoestrogénie, en raison de ses effets sur l’axe hypothalamohypophysaire. Il est prudent d’effectuer, avant sa prescription, une échographie pelvienne qui servira de référence, afin de rechercher notamment des fibromes ou des polypes utérins préexistants. Notons également que le tamoxifène est contre-indiqué en cas d’antécédents thromboemboliques veineux ou de susceptibilité aux thromboses. C’est dans ces situations que sont parfois proposés, hors AMM, les agonistes de la LHRH, soit isolément, soit en association avec des inhibiteurs de l’aromatase ; dans ces situations de suppression ovarienne « chimio-induite », une contraception n’est pas nécessaire puisque l’ovulation est inhibée. Effet de la grossesse sur l’évolution d’un cancer du sein De nombreuses publications ont étudié l’effet de la grossesse sur l’évolution d’un cancer du sein. Il s’agit soit d’études castémoins, soit d’études de populations obtenues par croisement de registres. En général, les patientes sont appariées sur l’âge, l’année du diagnostic, le stade du cancer du sein. Il faut également que chaque témoin ait un intervalle libre, sans récidive depuis le diagnostic, au moins égal à l’intervalle entre le diagnostic et la grossesse du cas apparié. Globalement, la plupart des auteurs montrent que la grossesse n’a pas d’effet défavorable sur la maladie mammaire (4). Quelques études retrouvent même un effet favorable, avec une réduction du risque de décès chez les femmes ayant eu une grossesse après cancer du sein. Il faut cependant émettre des réserves d’ordre méthodologique. En effet, certaines études sont de petites séries ou sont rétrospectives. Certains facteurs manquent parfois, comme le statut des récepteurs hormonaux, les antécédents familiaux, la parité. La définition de l’intervalle libre sans récidive varie selon les auteurs (jusqu’à la conception, ou jusqu’à la naissance). On peut suspecter des biais d’enregistrement car toutes les grossesses après cancer du sein ne sont pas enregistrées systématiquement. Enfin, certains auteurs ont individualisé un biais, le Healthy Mother Effect ou effet « mère bien portante » : ce seraient les femmes se sentant bien portantes, qui s’autoriseraient, plus que les autres, à mener des grossesses après un cancer du sein. Par ailleurs, il convient de garder en mémoire que le jeune âge est, en soi, un facteur de mauvais pronostic, et que le risque de récidive après cancer du sein est augmenté dans les 4 à 5 ans qui suivent le diagnostic, comme l’a récemment confirmé une étude française (5). Ainsi, après un cancer du sein débutant, la plupart des équipes conseillent aux jeunes femmes de respecter un délai de sécurité d’environ 6 mois à 1 an (après un carcinome intracanalaire), 2 à 3 ans (en l’absence de facteurs de risque de récidive péjoratifs), et de 3 à 4 ans en cas de facteurs péjoratifs (voire 5 ans pour certains). En cas de récidive ou de maladie métastatique, la grossesse est clairement déconseillée. En cas d’indication d’hormonothérapie adjuvante par tamoxifène, la durée recommandée du traitement est de 5 ans, ce qui pose évidemment un problème chez les jeunes femmes qui ne souhaitent pas attendre trop longtemps avant de mettre en route une grossesse. On peut anticiper que la réduction du risque de rechute sous tamoxifène sera d’amplitude moindre si la durée du traitement est réduite à 2 ou 3 ans. Il s’agit là donc bien d’un réel dilemme, puisque la fertilité décline au cours du temps, notamment dès 37-38 ans. En pratique, il est important de donner des informations claires au couple. La décision d’arrêter le tamoxifène plus tôt que prévu leur appartient, mais doit être encadrée.   Quelle contraception après cancer du sein ? La question de la contraception doit être explicitement discutée avec la patiente, et ce, qu’elle soit ou non en hypo-estrogénie, qu’elle soit ou non en aménorrhée postchimiothérapie, qu’elle reçoive ou non du tamoxifène. C’est seulement en cas de prescription d’agoniste de la LH-RH qu’une contraception n’est pas nécessaire (mais elle devra être à nouveau discutée si ce traitement était arrêté). Les seules contraceptions acceptables après cancer du sein sont les contraceptions non hormonales (6).  Soit les méthodes dites « locales » (préservatifs et spermicides), qui sont rapidement utilisables, mais probablement insuffisantes chez les jeunes femmes qui ovulent bien. Ces méthodes ont également l’inconvénient de la contrainte (pour les préservatifs) et de leur coût (pour les spermicides).  Le dispositif intra-utérin au cuivre est la contraception de choix, en l’absence de contre indications. Il est aujourd’hui tout à fait envisageable, quand sa pose est techniquement possible, chez les jeunes femmes nullipares. Le dispositif intra-utérin au lévonorgestrel (DIU LNG ou Mirena®) ne peut, en revanche, être proposé après le traitement d’un cancer du sein. En effet, le lévonorgestrel libéré dans la cavité utérine présente un passage systémique, avec des taux plasmatiques d’environ 150 à 200 pg/ml, ce qui soulève à la fois la question de l’effet sur le tissu mammaire de ce composé, mais aussi de son interaction avec le tamoxifène. De fait, une étude rétrospective récente(7) a suspecté un éventuel effet délétère du DIULNG sur le risque de récidive mammaire. En pratique, les mentions légales recommandent aujourd’hui de ne pas poser de DIU-LNG en cas de cancer hormonodépendant et de le retirer, en cas de diagnostic de cancer du sein.  La stérilisation tubaire peut être proposée chez les femmes qui ne souhaitent plus de grossesse, avec une information complète, une discussion sur les alternatives possibles, un délai de réflexion de 4 mois, un consentement écrit. Le recours à la méthode ESSURE, lors d’une hystéroscopie ambulatoire, en facilite encore l’acceptabilité.   En pratique, avant la mise en route d’une grossesse  Le projet de grossesse doit être abordé de façon loyale par l’équipe médicale avec la femme et son conjoint, en tenant compte du risque de récidive de la maladie mammaire et en évoquant l’absence d’effet délétère de la grossesse sur le pronostic de la maladie, de même que les risques de récidives inhérents au jeune âge de la patiente.  Les conséquences de l’arrêt éventuel d’une hormonothérapie adjuvante plus tôt que prévu doivent être également abordées.  Après l’arrêt du tamoxifène, une contraception efficace non hormonale doit être maintenue au moins 2 mois, pour que la conception se fasse à distance de la prise de tamoxifène. Il sera prudent de conseiller, avant la mise en route de la grossesse, un bilan : – mammaire (mammographie, échographie, voire IRM en cas de prédisposition familiale) ; – général, en fonction du risque de récidive (scintigraphie osseuse, CA 15 3, radio du thorax, etc.) ; – et une échographie cardiaque chez les femmes qui ont reçu une chimiothérapie. Après l’accouchement, l’allaitement sera possible, si la femme le souhaite, du côté non traité.   EN PRATIQUE  Informer loyalement le couple sur les données concernant la grossesse après cancer du sein, et sur le cancer du sein chez la femme jeune.  Se poser la question d’une prédisposition familiale ou génétique, qui modifierait les modalités de la surveillance (adjonction de l’IRM) ou orienterait vers une annexectomie prophylactique à moyen terme.  Réfléchir avec le couple à un délai de sécurité acceptable, et compatible avec le projet de grossesse.  Se mettre d’accord sur une contraception efficace et non hormonale pendant ce délai, et/ou se mettre en contact avec le gynécologue de la patiente.  Faire un bilan mammaire, général, et éventuellement cardiaque avant la grossesse.  Demander à la patiente de garder sa contraception au moins 2 mois après l’arrêt du tamoxifène.  Prévoir un bilan mammaire complet 3 mois après la fin d’un éventuel allaitement.

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