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Cancérologie

Publié le 06 juin 2011Lecture 10 min

Cancer du sein T1 N0 M0 : chimiothérapie ou abstention ? Facteurs décisionnels ou… d’aide à la décision ?

C. CUVIER, Hôpital Saint-Louis, Paris

Les cancers du sein T1 N0 M0 sont des tumeurs de bon pronostic quant au facteur « taille tumorale ». Ce pronostic est néanmoins très hétérogène ; d’autres paramètres, cliniques, histologiques, immunohistochimiques permettent de préciser ce pronostic. L’expression des récepteurs hormonaux et de Her2 est, par ailleurs, prédictive de la réponse à l’hormonothérapie et au trastuzumab, respectivement. Les indications ou non-indications de chimiothérapie sont formelles pour certains sous-groupes, discutables et discutées pour d’autres, en particulier pour les tumeurs RH+ Her2-. 

 
À l’heure du dépistage, les tumeurs du sein de petit volume, voire infracliniques, représentent un pourcentage croissant de l’ensemble des cancers du sein. Les décisions thérapeutiques sont moins univoques que pour les tumeurs plus avancées et les tumeurs T1 N0 M0 occupent actuellement une grande partie des discussions de RCP (résumé des caractéristiques du produit). Définition La classification TNM (figure 1) est d’abord une classification clinique et radiologique, les tumeurs classées T1 ayant un plus grand diamètre ≤ 2 cm. N0 correspond à l’absence de ganglion palpable suspect et M0 à l’absence de métastase à distance. Si cette classification TNM clinique guide les indications chirurgicales, le traitement adjuvant est décidé au vu de la classification postopératoire, dite pTNM, où pT1 correspond, là encore, à des tumeurs < 2 cm de plus grand diamètre histologique et N- répond aux tumeurs sans atteinte ganglionnaire axillaire. Néanmoins, la marge est importante entre les tumeurs de quel ques millimètres et les tumeurs de 2 cm, toutes classées T1 ; des sous-catégories ont donc été définies : T1a = 0 à 5 mm ; T1b = 5 à 10 mm ; T1c = 1 à 2 cm. Cette classification est corrélée au pronostic ; on associe des taux de survie sans récidive à 10 ans de 97 % et 91 % pour les tumeurs < 10 mm et de 10 à 19 mm respectivement (Tabar 1999). Par ailleurs, les cellules tumorales isolées (foyers < 0,2 mm au niveau axillaire) sont considérées N-. Les classifications TNM/pTNM sont donc des classifications pronostiques exprimant l’extension anatomique. Les tumeurs T1 N0 M0 répondent au stade I de l’UICC pour lesquelles on observe un taux de survie global autour de 90 %. Cependant, il s’agit d’un groupe pronostique hétérogène et un certain nombre de paramètres cliniques (l’âge) et anatomopathologiques (taille tumorale, grade, emboles vasculaires), ou immunohistochimiques (récepteurs hormonaux, Her2) permettent de préciser le pronostic. Le site AdjuvantOnLine permet de façon rapide d’appréhender le risque de récidive ou de décès à 10 ans en fonction de ces différents paramètres, les emboles vasculaires et Her2 n’étant cependant pas pris en compte par le logiciel (qui, par ailleurs, n’est pas validé pour les patientes âgées).   Figure 1. Classification TNM du cancer du sein. On observera, ainsi, un taux de mortalité à 10 ans de 1 % pour une patiente âgée de 70 ans, RE+ grade I, avec une taille tumorale entre 0,1 et 1 cm et N-, et un taux de mortalité à 10 ans de 17 % pour une femme de 30 ans, RH-, grade III, avec une taille tumorale comprise entre 1,1 et 2 cm, toujours N- (figure 2).   Figure 2. AdjuvantOnLine (exemple) AdjuvantOnLine est un logiciel d’aide à la décision de traitement adjuvant qui indique les risques de récidives et de décès à 10 ans en fonction des comorbidités et de facteurs pronostiques usuels, et fournit des bénéfices à espérer avec la chimiothérapie et/ou l’hormonothérapie.   Traitements adjuvants Si le groupe des tumeurs T1 N0 M0 est un groupe hétérogène au niveau pronostique, la sensibilité aux traitements est également variable. Actuellement, nous disposons de deux grands types de facteurs prédictifs : la présence de récepteurs aux hormones et la surexpression ou l’amplification d’Her2. Les indications des traitements adjuvants sont donc actuellement fondées sur le risque de récidive et de décès, mais également sur la notion de bénéfice escompté, donc sur la sensibilité présumée aux différents traitements. Ainsi, les tumeurs RH+ sont considérées comme des tumeurs hormonosensibles, et les tumeurs surexprimant Her2 comme des tumeurs sensibles au trastuzumab. Les tumeurs n’exprimant ni les récepteurs hormonaux, ni Her2, dites « triples négatives », sont donc à la fois hormonorésistantes et résistantes au trastuzumab. Il n’y a pas de facteur validé de sensibilité à la chimiothérapie. Cependant, certaines caractéristiques sont en faveur d’une chimiosensibilité : absence d’expression des récepteurs hormonaux, caractère triple négatif, index de prolifération élevé. Néanmoins, en l’absence de critère formel de chimiosensibilité, les facteurs pronostiques ont donc un rôle plus important dans les indications de chimiothérapie que dans celles d’hormonothérapie ou de trastuzumab où la notion de sensibilité suffit, dans la plupart des cas, à poser l’indication de traitement. Cependant, la métaanalyse de Peto conclut que la chimiothérapie adjuvante augmente la survie sans récidive et la survie dans tous les sous-groupes ; il s’agit, néanmoins, d’une conclusion statistique basée sur la méthodologie de la métaanalyse. Des conférences de consensus, dont les plus connues sont celles de Saint-Gallen, Nice-Saint-Paul-de-Vence, NCCN, fournissent régulièrement des recommandations sur la prise en charge adjuvante des cancers du sein. Les experts de Nice-Saint-Paul-de- Vence se sont accordés pour recommander la chimiothérapie si elle permet une amélioration de la survie sans rechute à 10 ans d’au moins 5 % en valeur absolue.   Le logiciel AdjuvantOnline Il indique, en fonction des différents facteurs pronostiques et des comorbidités, le bénéfice attendu avec la chimiothérapie et/ou l’hormonothérapie. Ainsi : – pour une femme de 30 ans, avec une tumeur de 1,1 à 2 cm, RH-, grade III et N-, le risque de rechute à 10 ans est de 30 % et le bénéfice attendu avec la chimiothérapie en termes de survie sans récidive est de 9,9 % ; – pour une patiente de 60 ans, avec une tumeur toujours T1N0 de 1,1 à 2 cm, RH+, grade II, le risque de récidive à 10 ans est de 25 % et le bénéfice attendu par la chimiothérapie, sur la survie sans récidive à 10 ans, est de 2,4 %. Rappelons qu’AdjuvantOnline ne considère pas les emboles vasculaires, non plus qu’Her2 dont la surexpression est, d’une part, un facteur de mauvais pronostic et, d’autre part, prédictive de la réponse au trastuzumab dont la prescription est très liée à celle de la chimiothérapie. On peut remarquer qu’AdjuvantOnline fait recommander la chimiothérapie de façon quasi systématique lorsque deux facteurs pronostiques péjoratifs sont réunis, d’une part, et pour les patientes jeunes de moins de 40 ans, ceci quels que soient les autres facteurs, d’autre part. Par ailleurs, les tumeurs infracentimétriques, RH+ avant 50 ans, ne requièrent pas, selon AdjuvantOnline, de chimiothérapie en addition à l’hormonothérapie.   Les recommandations de Saint-Paul-de-Vence et Saint-Gallen La notion de risque semble jouer un rôle plus important dans les recommandations de Saint-Paul-de-Vence que dans celles de Saint-Gallen où les facteurs prédictifs sont prépondérants et/ou la chimiothérapie est un peu moins souvent recommandée lors de l’expression des récepteurs hormonaux. On notera, à ce niveau, alors qu’il s’agit d’un facteur pronostique unanimement reconnu à l’heure actuelle, que l’âge n’est pas un facteur décisionnel selon la conférence de Saint-Gallen 2009. Pour les tumeurs RE+ et Her2-, les experts de Saint-Gallen suggèrent d’utiliser un ensemble de facteurs d’aide à la décision pour l’indication de chimiothérapie en association à l’hormonothérapie. Sont des facteurs relatifs d’indication à la chimiothérapie en association à l’hormonothérapie : un faible taux d’expression des RE ou des RP, un grade III, une prolifération élevée, la présence d’emboles, une taille tumorale ≥ 5 cm, la demande de la patiente pour une utilisation de tous les traitements disponibles et, s’ils sont accessibles, les tests de signature génomique. À l’opposé, une tumeur exprimant de façon importante les récepteurs hormonaux, de grade I, avec une prolifération faible, sans embole, chez une patiente désireuse d’éviter les effets secondaires de la chimiothérapie ou, enfin, un score génomique faible si le test est disponible, ne nécessiterait pas l’adjonction de la chimiothérapie à l’hormonothérapie. Si l’on suit à la lettre les recommandations ainsi exprimées par les deux conférences de consensus, avec les réserves liées à la nonconsidération des mêmes paramètres et un abord de la problématique un peu différent (facteur prédictifs essentiels à Saint-Gallen), on peut trouver des discordances entre les conclusions des deux groupes pour des cas cliniques donnés.     Figure 3. Traitement adjuvant systémique : HR- HR2-. Ainsi : – une patiente de 40 ans, avec une tumeur RE+, grade II, T1c recevra une chimiothérapie si l’on observe la conclusion d’AdjuvantOnline et les recommandations de Nice-Saint-Paulde- Vence, alors que la chimiothérapie sera non recommandée à Saint-Gallen (tumeurs non grade III et < 5 cm) ; – pour une femme de 60 ans, avec une tumeur T1c, RH+, grade III, il n’y aurait pas d’indication de chimiothérapie selon AdjuvantOnline (bénéfice escompté = 3,1 %) alors que Saint- Gallen, du fait d’un grade III, recommanderait plutôt la chimiothérapie. Ce ne sont bien sûr que des discordances théoriques car la décision de traitement adjuvant dans ces cas intermédiaires dépend d’un ensemble plus complet de facteurs prédictifs et pronostiques. Les experts de Nice-Saint-Paul recommandent la chimiothérapie adjuvante si elle permet une amélioration de la survie sans rechute à 10 ans d’au moins 5 % en valeur absolue.   Le NCCN Il tient compte à la fois de la sensibilité à l’hormonothérapie et au trastuzumab, et des facteurs de risque, mais, là encore, l’âge n’est pas pris en compte dans les algorithmes décisionnels. L’arbre décisionnel est particulièrement compliqué pour les tumeurs RH+, Her2- (figure 3) : – les experts du NCCN ne recommandent pas la chimiothérapie pour les tumeurs classées T1a, N- ou les T1b, grade I, sans facteur de mauvais pronostic, tels les emboles ou un index de prolifération élevée ; – en revanche, pour les tumeurs T1b, grade II ou III, ou avec des facteurs de mauvais pronostic, ou les T1c, il est suggéré d’utiliser le score génomique Oncotype Dx et alors de proposer la chimiothérapie pour les scores intermédiaires ou élevés. Si l’on ne dispose pas de ces scores génomiques, la chimiothérapie peut, dans certains cas, être envisagée ; – pour les tumeurs triples négatives (RH- et Her2-), la chimiothérapie doit être considérée dès que la taille tumorale dépasse 0,5 cm (soit pour les T1b et les T1c). Les tumeurs surexprimant Her2 sont plus consensuelles en ce qui concerne, du moins, les T1b et T1c avec une association chimiothérapie-trastuzumab systématique (et hormonothérapie en cas de RH+). Pour ces tumeurs surexprimant Her2, il n’y a pas d’indication à la chimiothérapie ni au trastuzumab pour le sous-groupe des T1a, N-, mais l’association est systématique pour les T1c et est envisageable en fonction des autres facteurs de risque pour les T1b. Des données rétrospectives font, en effet, apparaître le moins bon pronostic des tumeurs T1b, N-, Her2+ (Norris 2006, Milan JCO, décembre 2009, MD Anderson, JCO décembre 2009).  

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