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Sénologie

Publié le 13 fév 2011Lecture 9 min

Adénome lactant géant. A propos d’un cas

J. KOUACH, A. BABAHABIB, M. ELHASSANI, R. HAFIDI, A. DARBI, R. MOUSSAOUI DRISS, M. DEHAYNI Hôpital Militaire Mohamed V, Rabat Maroc
L’adénome lactant est une tumeur bénigne rare, qui se rencontre chez la femme jeune en âge de procréer. Il est découvert le plus souvent durant le 3e trimestre de la grossesse, plus rarement pendant l’allaitement. Il se présente souvent comme une masse unique, mobile et de petite taille, < 3 cm, parfois sous forme d’une grande masse pouvant évoquer une tumeur maligne.
Observation Madame M.A., âgée de 28 ans, deuxième geste, primipare, sans antécédent pathologique personnel ou familial notable, a consulté à 38 semaines d’aménorrhée (SA) pour asymétrie mammaire. La patiente a constaté une augmentation progressive de volume du sein droit, sans douleur ni écoulement mamelonnaire anormal, depuis la 35e SA. L’examen clinique montre une volumineuse masse des quadrants externes du sein droit, de 9 cm de diamètre, bien limitée, mobile par rapport au deux plans, de consistance molle, légèrement sensible. La peau en regard est normale (figure 1). Il n’existe pas d’adénopathie axillaire palpable. La mammographie montre une opacité dense, hétérogène, diffuse, mal limitée, sans calcification ni rétraction mamelonnaire (figure 2). L’échographie montre une formation hypoéchogène homogène très bien limitée occupant les quadrants latéraux du sein droit (figure 3). Les aires ganglionnaires sont libres. L’IRM montre une masse de 10 cm de grand axe de contours réguliers, avec un signal hétérogène sous forme de logettes de signal hyperintense en T1 et hyperintense en T2 qui se rehaussent de façon progressive et assez intense après injection, avec des interfaces entre les logettes ne semblant pas se rehausser pas plus que la cloison périphérique (figures 4 et 5, page 8). Figure 1. Sein droit augmenté de taille. La cytoponction de la masse n’est pas concluante. Des microbiopsies ont été pratiquées au niveau de la tumeur sous anesthésie locale. L’examen histologique a conclu à un adénome lactant. Le diagnostic étant établi, la montée laiteuse a été bloquée par bromocriptine et nous avons décidé une surveillance clinique et échographique tous les 6 mois. Après 17 mois, la tumeur ne mesurait plus que 3 cm.   Discussion L’adénome lactant est une tumeur bénigne du sein qui se voit chez la femme enceinte ou allaitante (1). Il constitue moins de 10 % des lésions bénignes(2,3). Il est découvert le plus souvent durant le 3e trimestre de la grossesse (1,4). La majorité des patientes sont des primipares sans antécédent personnel ou familial notable (2). La prise de contraceptif a été rarement retrouvée (4,5). La plupart des adénomes lactants mesurent entre 1 et 3 cm (1). Rarement l’adénome est géant atteignant plus de 5 cm de diamètre (1,3) ; à notre connaissance, le plus grand diamètre décrit est de 21 cm (6). La lésion est souvent unique ; de rares cas d’adénomes lactants multiples ont été rapportés, et durant la même grossesse (4). Il se présente souvent sous forme d’une masse bien limitée, mobile par rapport aux structures adjacentes, sans écoulement mamelonnaire anormal (2,4,5). La peau en regard de la tumeur peut être tendue et amincie, pouvant même conduire à une ulcération cutanée ; l’exagération du réseau veineux sous-cutané a aussi été décrite (5,7). Dans notre cas, l’adénome occupait les quadrants externes, la peau en regard était normale et sans écoulement mamelonnaire pathologique. Des localisations ectopiques sont décrites, dont deux sont vulvaires, trois axillaires et deux au niveau de la paroi thoracique (2,8).    Figure 2. Mammographie : sein de type 4, siège dʼune opacité dense, diffuse, hétérogène à limite imprécise, pas de calcification ni de rétraction mamelonnaire. L’adénome lactant ne récidive habituellement pas et n’augmente pas le risque de cancer (1,4). La coexistence d’adénome lactant et cancer du sein a été décrite dans la littérature (9). Les adénomes vrais se définissent par une prolifération épithéliale bénigne prédominante à stroma conjonctif minime. Hertel en individualise 4 classes, parmi lesquelles l’adénome lactant, l’adénome tubuleux, l’adénome mixte tubuleux combiné au fibroadénome et la tumeur bénigne écrine provenant des glandes sudoripares (11). Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer la genèse de l’adénome lactant. Certains suggèrent que la lésion est simplement une variante de l’adénofibrome, de l’adénome tubulaire ou de l’hyperplasie tubulaire qui a subi des changements morphologiques en raison de l’état physiologique de la grossesse, d’autres pensent que c’est une lésion de novo qui survient sur glande mammaire stimulée par des hormones(2,8,10). En dépit d’une telle ambiguïté étiologique, il est généralement accepté que l’adénome lactant soit une tumeur qui est affectée considérablement par le cours évolutif de la grossesse, vraisemblablement due à la stimulation estrogénique (5,6,8). Bilan d’imagerie • L’échographie Avec des sondes de haute fréquence, l’échographie est l’examen de première intention chez une femme enceinte (4,5,6,8,10). Typiquement, l’adénome lactant présente les critères habituels de bénignité des adénofibromes sous forme de lacune hypoéchogène homogène, à grand axe parallèle à la peau, à bords réguliers ou discrètement lobulés. Au cours de la grossesse, l’échostructure peut devenir hétérogène avec des zones anéchogènes de nature liquidienne. Ces multiples zones liquidiennes centrales et périphériques semblent correspondre aux alvéoles dilatées et remplies de lait donnant cet aspect multikystique.   Figure 3. Échographie : formation hypoéchogène homogène très bien limitée occupant les quadrants latéraux du sein droit. Certaines études concernant la caractérisation de la tumeur en écho-Doppler ont montré qu’elle est hypervascularisée (2,5,10). Chez notre patiente, la tumeur est d’échostructure hypoéchogène homogène très bien limitée. • La mammographie Elle présente plusieurs inconvénients qui limitent son utilisation chez la femme enceinte : elle est irradiante, délicate à pratiquer en raison de la sensibilité de la glande à la compression, et difficile à lire car la glande est très dense en raison de l’imprégnation hydrique (4,6). La mammographie, si elle est réalisée, va montrer un syndrome tumoral bénin non spécifique qui se présente en général comme une opacité ronde bien circonscrite de contours nets et de tonalité homogène (4-6). • L’aspect scanographique, décrit dans la littérature dans un cas, a montré une masse tissulaire, se rehaussant de manière importante et homogène, témoignant du caractère vascularisée de la tumeur (2,6). • En IRM, l’adénome lactant a été décrit comme bien limité avec des septa internes qui sont évocateurs de bénignité. Il est hypo-intense en T1, se rehaussant de manière précoce et intense après injection de gadolinium (4,6,10). Il est difficile de poser un diagnostic sur les données de l’échographie en raison de l’absence de signes pathognomoniques. Ainsi, un adénome lactant géant peut faire discuter un adénofibrome géant en poussée évolutive, dont l’hétérogénéité à l’échographie est fréquente avec des zones liquidiennes de nécrose spontanée (9,12). On peut également discuter une tumeur phyllode, qu’aucun signe clinique ou radiologique ne permet de distinguer d’un adénofibrome géant, même si, à l’IRM, la présence de septa intratumoraux est plutôt en faveur d’adénofibrome (5,10,12,13). L’hypothèse d’un sarcome doit être soulevée. Parmi les sarcomes, le sarcome phyllode est le moins rare. L’angiosarcome s’accompagne d’un thrill à la palpation et d’un aspect pourpre, voire violacé, de la peau avec à l’échographie une masse hypoéchogène, plus ou moins bien limitée et un flux veineux continu (14).   Histologie La microbiopsie permet de poser le diagnostic histologique et d’éliminer un carcinome mammaire ou un sarcome d’évolution rapide.   Figure 4. a : IRM pondéré en SET1 processus en isosignal au  muscle, hétérogène,  très bien limité, occupant les quadrants  latéraux du sein droit, contenant des septa centraux en hyposignal. b : IRM après injection : rehaussement hétérogène du processus du sein droit, les septa ne sont pas rehaussés. Même si la masse est palpable, le guidage sous échographie est préférable afin de cibler les portions solides et éviter les zones liquidiennes (1,2,6).  Histologiquement, l’adénome lactant correspond à une prolifération lobulée bien circonscrite, non encapsulée, constituée de tubes glandulaires tassés, bordés par une double assise cellulaire, correspondant à une couche épithéliale active pouvant comporter quelques mitoses entourées d’une couche myoépithéliale plus ou moins continue (celle-ci est mise en évidence en immunohistochimie par les anticorps antiprotéine S100 et antiactine musculaire lisse) ; la présence de cette assise myoépithéliale sensible aux stimuli hormonaux permet la distinction entre lésions bénignes et lésions malignes carcinomateuses( 6,9,10). Dans l’adénome lactant, les structures tubuleuses sont dilatées et forment des alvéoles. Elles sont centrées par un matériel spumeux riche en lipides et sont bordées par des vacuoles sécrétantes. L’adénome lactant peut subir des remaniements inflammatoires et nécrotiques (10,15).   Conduite à tenir La bénignité de la masse justifie une simple surveillance clinique et échographique en espérant une régression spontanée ( 2,5,6,11). Il est décrit une augmentation de la taille tumorale après l’accouchement, due à une nécrose tumorale (10), nécessitant une exérèse chirurgicale. Certains auteurs suggèrent l’arrêt de l’allaitement par la bromocriptine et une surveillance de la patiente par échographie tous les 6 mois (1,5). Les indications opératoires sont réservées aux problèmes esthétiques secondaires à la taille de ces adénomes et aux formes compliquées (2,7). Comme pour tout geste interventionnel, il faudra avertir la patiente des complications possibles, en particulier d’une rare mais éventuelle fistule cutanée, complication spécifique au sein lactant (7,11).   Conclusion L’adénome lactant est une pathologie bénigne de la grossesse et de la lactation. L’échographie reste le premier outil diagnostique. La confirmation diagnostique est histologique. La surveillance clinique et échographique est suffisante. La chirurgie, précédée ou non par un traitement médical, est réservée aux problèmes esthétiques liés à la taille des adénomes.

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