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Obstétrique

Publié le 29 jan 2013Lecture 6 min

Dystocie dynamique : où en sommes-nous ?

D. GALLOT, Pôle Gynéco-Obstétrique Reproduction Humaine, CHU Clermont-Ferrand
La dystocie dynamique représente plus de 50 % des causes d’accouchement dystocique. Il n’est pourtant pas aisé d’en donner une définition utile pour le clinicien. Exiger une dilatation d’au moins 1 cm/heure est trop sévère. De même, une stagnation de 2 heures avant 6 cm n’est pas définitive, tandis qu’une stagnation de plus de 4 heures après 6 cm est clairement dystocique.
  Hypo- ou hypercinésie   La dystocie dynamique est le motif invoqué dans plus de la moitié des accouchements dystociques. Elle se définit comme des anomalies de l’activité utérine conduisant à une viciation de la contraction utérine, qui n’a pas un aspect normal, ou à une inefficacité sur la dilatation de contractions utérines apparemment correctes. Le plus souvent, c’est le versant hypocinétique qui est observé. Il est classique de décrire des hypocinésies d’intensité (< 30 mmHg), de durée (< 70 s), de fréquence (< 3/10 min) ou globales, dont les principales étiologies sont la pose d’une analgésie péridurale, le déclenchement, la multiparité, la surdistension utérine ou une origine idiopathique. À l’inverse, l’hypercinésie d’intensité (> 80 mmHg), de durée (> 120 s), de fréquence (> 5/10 min) ou l’hypertonie (tonus de base > 20 mmHg) perturbent les échanges gazeux placentaires et exposent au risque imminent d’hypoxie/asphyxie. Leurs étiologies sont le mésusage de l’ocytocine, la disproportion foetopelvienne, l’hématome rétroplacentaire ou la chorioamniotite. En dehors de la détection des anomalies de fréquence ou d’hypertonie, l’identification de la dystocie dynamique par le clinicien est difficile surtout en tocographie externe. Le diagnostic sera évoqué devant une évolution de la dilatation non conforme à ce qui est attendu.   Quelle doit être l’évolution « physiologique » ? Depuis les années 1970, des partogrammes avec cervicographes ont considéré comme ligne d’alerte une dilatation de 1 cm/h (figure)(1), ce qui revient à considérer que toute dilatation inférieure à cette vitesse s’éloigne de la physiologie. Figure. Cervicographe (d’après Philpott et Castle(1)). Une ligne d’action parallèle à la ligne d’alerte est proposée avec un décalage de 2 à 4 heures. Ceci a sans doute participé à générer des interprétations erronées par les cliniciens qui considèrent souvent que tout franchissement de la ligne d’alerte impose le recours à l’ocytocine (prévu historiquement pour le franchissement de la ligne d’action) et que toute stagnation de plus de 2 heures est définitive, justifiant le recours à une césarienne. Il apparaît qu’en fait la ligne d’alerte est franchie par 20 %, voire 30 % des primipares, tandis qu’environ 10 % d’entre elles vont franchir la ligne d’action(2). Considérer le franchissement de la ligne d’alerte comme une situation justifiant un recours thérapeutique nous place donc dans une situation trop exigeante pour près de 30 % des primipares. Ceci est d’autant plus vrai que la patiente est à une dilatation encore faible. Ceci appelle quelques commentaires en lien avec les travaux d’Emanuel Friedman réalisés à partir du milieu des années 1950(3). Ils ont conduit à distinguer une phase de latence et une phase active, elle-même séparée en 3 phases selon une courbe sigmoïde (phase d’accélération de 2,5 à 4 cm dont la durée représente la moitié de la phase active, phase de pente maximale de 4 à 9 cm, puis phase de décélération de 9 cm à dilatation complète). Si la durée moyenne de cette phase active permet d’estimer la vitesse moyenne de dilatation à 1,6 cm/h, l’écart de 2 déviations-standard met cette vitesse à 0,6 cm/h. De ce fait, le dogme du 1 cm/h est trop optimiste et ne devrait s’appliquer qu’à la phase de pente maximale. Or, il apparaît que cette phase débute plus tardivement qu’on ne le pensait. En 2007, suite à une étude réalisée chez 2 397 nullipares à bas risque en travail spontané sans ocytocine, l’OMS a recommandé de définir la phase active à partir de 4 cm au lieu de 3 cm. L’étude de Zhang à partir des données du National Collaborative Perinatal Project a même montré que, chez la nullipare, la distinction entre phase de latence et phase active est moins marquée, rendant plus aléatoire l’exigence d’une vitesse de dilatation accélérée(4). Il est fréquent que la multipare ne rentre en phase active qu’audelà de 5 cm. Une stagnation de 2 heures avant 6 cm est banale, tandis qu’une stagnation de plus de 4 heures après 6 cm est clairement dystocique(2).   Retour sur les pratiques Ceci conduit à se réinterroger sur nos pratiques et notamment sur la direction du travail. Les travaux de l’école de Dublin à partir des années 1970 avaient conduit à proposer l’amniotomie de routine et le recours à l’ocytocine pour toute dilatation < 1 cm/h. Ceci revenait à utiliser l’ocytocine pour 50 %, voire 60 % des patientes. Les pratiques ont parfois évolué vers le recours quasi systématique à l’ocytocine. Au cours des 20 dernières années, de nombreuses études ont suggéré de ne recourir à l’ocytocine chez la nullipare que pour une dilatation < 0,5 cm/h. Un essai prospectif randomisé a comparé l’amniotomie précoce versus l’amniotomie en cas de stagnation > 2 h ou de progression < 0,5 cm/h pendant 4 heures(5). L’essai a montré que l’amniotomie précoce raccourcit la durée du travail d’environ 2 heures, mais n’influe ni sur le taux de césariennes, ni sur l’état néonatal (NP1). De plus, l’amniotomie précoce ne permet pas de réduire le taux d’extractions instrumentales, tandis qu’elle induit plus fréquemment des anomalies du rythme cardiaque foetal (RCF) à type de ralentissements variables et tardifs (NP1). Il faut donc se réinterroger sur la pertinence d’une pratique qui n’améliore pas le devenir obstétrical ou néonatal, mais conduit à inquiéter l’obstétricien en induisant des troubles du RCF favorisant le recours à la césarienne. De plus, les recommandations de la HAS de 2008 ont bien établi les modalités d’usage de l’ocytocine pour le déclenchement du travail et stipulent que la perfusion peut être diminuée, voire arrêtée, quand la dynamique apparaît satisfaisante(6). Cette pratique n’est pas forcément habituelle dans les salles de naissance et l’arrêt est plus volontiers décidé à l’occasion d’un trouble de la contractilité ou d’un trouble sévère du RCF type ralentissement prolongé.   En pratique Les critères habituels de la dystocie dynamique (vitesse de dilatation < 1 cm/h et/ou stagnation de 2 h) sont trop sévères. Il conviendrait de ne pas imposer une dilatation de 1 cm/h avant 5 cm et de considérer la dystocie lorsque la vitesse est < 0,5 cm/h sur une période de 4 heures. Une stagnation de 2 heures n’est pas définitive lorsqu’elle survient avant 6 cm, tandis qu’une stagnation de 4 h au-delà de 6 cm est clairement dystocique. Vouloir diriger systématiquement le travail raccourcit sa durée, mais ne réduit ni les césariennes ni les extractions et expose à plus de troubles du RCF ou d’hypertonie-hypercinésie.

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